Alors que les économies étaient financièrement fermées au sortir de la Seconde Guerre mondiale, elles se sont de plus en plus ouvertes ces dernières décennies. Même si la Grande Récession a freiné cette tendance, les pays développés et en développement détiennent des montants toujours plus larges d’actifs étrangers. Pourtant, la littérature ne s’accorde pas sur les gains associés à l’intégration financière, alors même que la crise financière mondiale de 2007 en a clairement rendus visibles les coûts. Evgenia Passari et Hélène Rey (2015) ont alors passé en revue les coûts et bénéfices associés à l’intégration financière.
Tout d’abord, Passari et Rey identifient les sources de gains potentiels de l’intégration financière et évaluent leur ampleur dans le contexte d’un modèle de croissance néoclassique. Selon la théorie, l’intégration financière facilite l’allocation des capitaux vers leur usage le plus productif, c’est-à-dire vers les économies les moins abondantes en capitaux. En outre, elle est censée conduire à un meilleur partage des risques, à condition que ces derniers ne soient pas parfaitement corrélés entre eux. Pourtant les études parviennent difficilement à conclure que ces gains soient substantiels : l’intégration financière ne semble accroître la consommation que de quelques dixièmes de pourcentage. Il y a d’autres canaux à travers lesquels l’intégration financière peut se révéler bénéfique : en théorie, elle stimule la productivité totale des facteurs via le développement des marchés financiers et les changements institutionnels ; elle discipline les politiques macroéconomiques. Les preuves empiriques de ces divers canaux restent toutefois limitées.
Ensuite, Passari et Rey discutent des coûts de l’intégration financière en se penchant tout particulièrement sur le risque de perte d’autonomie pour la politique monétaire. La littérature développée autour du trilemme de Mundell suggère que, dans un monde de libre mobilité des capitaux, les taux de change fixes exportent la politique monétaire du pays dominant vers la périphérie ; les pays peuvent alors retrouver l’autonomie de leur politique monétaire en laissant flotter leur monnaie. En suggérant l’existence d’un cycle financier mondial étroitement associé aux changements de politique monétaire de la Fed, Hélène Rey (2013) estime que les conditions monétaires des Etats-Unis sont exportées vers les autres économies, même si celles-ci laissent flotter leur monnaie. Passari et Rey compilent les faits stylisés associés au cycle financier mondial. Premièrement, il y a une covariation entre les flux de capitaux, le levier d’endettement du secteur bancaire, la création de crédit et la valeur des actifs risqués entre les différents pays. Deuxièmement, il y a une corrélation négative entre les flux transfrontaliers bruts et les indices de peur des marchés (notamment l’indice VIX) : lorsque l’aversion au risque et la volatilité des valeurs financières s’accentuent, les transactions transfrontalières déclinent. Troisièmement, il y a une corrélation négative entre les indices de peur des marchés et la croissance du crédit et de l’endettement. Quatrièmement, les valeurs des actifs risqués varient à travers le monde en fonction d’un facteur de nature proprement mondiale et ce facteur varie dans le sens inverse de l’indice VIX.
Passari et Rey observent alors en détails si le régime de taux de change influence la transmission des conditions de financement et des chocs de politique monétaire. Ils cherchent à déterminer si les cours boursiers et la croissance du crédit ne sont pas corrélés avec l’indice VIX si les pays ont un taux de change flexible. Plusieurs études ont suggéré que les taux de court terme sont moins corrélés avec ceux de l’économie dominante lorsque le pays dispose d’un taux de change flexible. Certaines ont suggéré que les corrélations entre les taux d’intérêt de long terme ne sont pas affectées par les régimes de taux de change. Passari et Rey constatent que les covariations des afflux de capitaux ne semblent pas être affectées par le régime de change. Les régimes de change les plus rigides ne semblent pas être associés à une plus grande sensibilité des cours boursiers d’un pays donné au cycle financier mondial ou au taux directeur de la Fed. Ils ne semblent pas non plus associés à une plus grande sensibilité de la croissance du crédit d’un pays donné au cycle financier mondial ou à l’indice VIX.
Passari et Rey analysent enfin les moteurs du cycle financier mondial. Vue l’importance du dollar américain sur les marchés financiers internationaux, il semble logique que la politique monétaire de la Fed en soit l’un des plus importants. Passari et Rey analysent alors les répercussions de la politique monétaire américaine sur le cycle financier mondial. Leurs résultats confirment l’existence d’un effet significatif du resserrement de la politique monétaire américaine sur la création de crédit, les flux de capitaux, le levier d’endettement des banques internationales, la prime de financement externe et les prix d’actifs mondiaux. Passari et Rey étudient ensuite les effets de la politique monétaire américaine sur une économie ayant un taux de change flottant, en l’occurrence le Royaume-Uni. Ils constatent que les conditions financières au Royaume-Uni répondent rapidement aux chocs de politique monétaire américaine, ce qui les amène à conclure que les propriétés isolantes du flottement ont été surestimées.
Références