Ces dernières décennies ont été marquées par une forte volatilité des taux de change et par l’essor des mouvements internationaux de capitaux, contribuant à accroître la fréquence des crises de change et des sorties de capitaux, en particulier dans les pays en développement. Pour faire face aux répercussions de la volatilité des taux de change et préserver leur stabilité financière, les pays ont dû ressortir de nombreuses mesures, notamment les mesures macroprudentielles, les contrôles des capitaux et l’intervention sur le marché des changes. Pourtant, l’efficacité de chacun de ces instruments reste toujours sujette à débat.
La littérature a identifié deux canaux à travers lesquels les interventions sur le marché des changes sont susceptibles d’influencer les taux de change, en l’occurrence le canal du signalement et le canal de rééquilibrage des portefeuilles. Selon la théorie du canal du signalement (signaling channel), les interventions stérilisées sur le marché des changes peuvent influencer le taux de change en révélant des informations quant aux intentions de la banque centrale. Selon la théorie du canal du rééquilibrage des portefeuilles (portfolio balance channel), les interventions sur le marché des changes peuvent influencer le taux de change dans la mesure où les actifs domestiques et étrangers sont d’imparfaits substituts. Les interventions stérilisées accroissent alors l’offre relative d’actifs domestiques, ce qui pousse le taux de change à la baisse.
Durant les années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix, plusieurs études se sont focalisées sur interventions des pays avancés sur le marché des changes. Elles sont difficilement parvenues à conclure quant à leur efficacité à influencer le taux de change, si ce n’est lors des interventions menées de façon coordonnée par les principales banques centrales. Par la suite, les études se sont surtout focalisées sur les interventions des pays en développement sur le marché des changes. Celles-ci ont offert des résultats plus encourageants, quoique nuancés, sur l’efficacité des interventions à affecter les taux de change. La plupart de ces études portent toutefois sur des pays en particulier, si bien que leurs résultats sont difficilement généralisables. En fait, les études qui concluent à l’efficacité des interventions sur le marché des changes ne portent que sur certains cas spécifiques, sûrement en raison de l’endogénéité des décisions d’interventions de change. Même lorsque les auteurs parviennent à surmonter les problèmes d’endogénéité, les stratégies empiriques qu’ils utilisent échouent souvent à conclure sur l’efficacité des interventions de change. La plupart de ces études ont utilisé des données à haute fréquence, notamment intrajournalières, afin d’atténuer la causalité inverse, en partant du principe que les interventions de change sont prises à une plus faible fréquence que les variations du taux de change. En général, les études qui ont suivi cette approche ont conclu à l’efficacité à court terme des interventions de change sur le taux de change, mais elles ne sont pas concluantes quant à leurs effets au-delà de quelques jours. Ces études ont également pour défaut de ne porter que sur des pays en particulier à un moment donné, ce qui complique la généralisation de leurs résultats.
A partir des données mensuelles sur la période 1996-2013 relatives à 52 pays, Gustavo Adler, Noemie Lisack et Rui Mano étudient l’impact d’une intervention sur le marché des changes sur le taux de change. Ils constatent que l’intervention affecte le niveau du taux de change d’une manière significative. L’achat d’une devise étrangère d’un point de pourcentage du PIB entraîne une dépréciation du taux de change nominal comprise entre 1,7 et 2 % et une dépréciation du taux de change réel comprise entre 1,4 et 1,7 %. Ces effets sont en outre assez durables : ils disparaissent de moitié entre 12 à 23 mois. Adler et ses coauteurs poursuivent leur analyse en s’interrogeant sur une possible asymétrie dans les répercussions des interventions sur le marché des chances : ils constatent que ces dernières sont aussi efficaces à combattre les appréciations que les dépréciations du taux de change.
Références