Ces derniers mois ont été caractérisés par le ralentissement de la croissance chinoise et par une hausse de la volatilité sur les marchés financiers mondiaux. La Chine est actuellement en train de réorienter son modèle de croissance, précédemment tiré par les exportations et l’investissement, pour adopter un modèle de croissance davantage fondé sur la consommation domestique ; ce rééquilibrage est d’autant plus nécessaire pour la Chine que la faiblesse de la croissance mondiale et du commerce international pèse sur ses exportations. En outre, les perspectives médiocres autour de la croissance de l’économie mondiale et plus particulièrement des pays émergents ont directement contribué à accroître la volatilité sur les marchés financiers, mais aussi indirectement, notamment en déprimant les prix des matières premières, donc les recettes des pays qui les exportent. En outre, le resserrement de la politique monétaire américaine, qui a commencé par une baisse des achats d’actifs par la Fed, puis par le relèvement de son taux directeur en décembre dernier, a contribué à entretenir cette volatilité financière et à freiner les entrées de capitaux dans les pays émergents, accroissant les risques de récession et d’instabilité financière dans ces derniers.
Ces chocs découlent pour partie de la faiblesse de la croissance mondiale, or ils pourraient davantage dégrader cette dernière. D’un côté, le ralentissement de la croissance mondiale et du commerce freine la croissance chinoise en déprimant les exportations chinoises, mais le ralentissement subséquent de la croissance chinoise déprime en retour les échanges internationaux et la croissance mondiale. Par exemple, si les entreprises chinoises réduisent leurs importations en provenance des pays exportateurs de matières premières, ces derniers vont réagir à la baisse de leurs exportations en réduisant leur production domestique, leurs dépenses et notamment leurs importations de produits chinois, ce qui incite à nouveau les entreprises chinoises à réduire leur production et donc leurs importations de matières premières. De tels effets directs et de second tour sont susceptibles d’être particulièrement importants pour les pays de l’ASEAN, avec lesquels l’économie chinoise a tissé des liens commerciaux étroits. Ludovic Gauvin et Cyril Rebillard (2015) et, encore plus récemment, Alexei Kireyev et Andrei Leonidov (2016) ont déjà cherché à identifier les répercussions sur la croissance mondiale d’une hypothétique chute des importations chinoises.
Le récent surcroît de volatilité financière peut notamment s’expliquer par les déceptions autour des chiffres de la croissance chinoise et, plus largement, de la croissance mondiale ; mais si la volatilité financière freine l’activité mondiale, le ralentissement subséquent de la croissance entretiendra en retour cette volatilité. Au final, l’économie mondiale risque de glisser dans un véritable cercle vicieux, au risque de connaître une crise financière et une récession mondiale.
Paul Cashin, Kamiar Mohaddes et Mehdi Raissi (2016) ont cherché à quantifier les répercussions macroéconomiques de ces deux chocs mondiaux en utilisant un modèle VAR mondial et en observant un échantillon de 26 économies au cours de la période s’étalant entre le premier trimestre de l’année 1981 et le premier trimestre de l’année 2013. La sensibilité de l’activité mondiale à un ralentissement de la croissance chinoise a bien sûr fortement varié au cours des trois dernières décennies, au fur et à mesure que l’économie chinoise contribuait à une part toujours plus importante de la production mondiale. Si l’économie mondiale serait restée insensible à un ralentissement de la croissance chinoise au cours des années quatre-vingt, ce n’est plus le cas trois décennies plus tard. Les résultats obtenus par Cashin et ses coauteurs suggèrent en effet qu’une baisse permanente du taux de croissance chinois d’un point de pourcentage est susceptible de freiner la croissance mondiale de 0,23 points de pourcentage à court terme. D’autre part, l’apparition d’une forte volatilité sur les marchés financiers mondiaux est susceptible d’amputer la croissance économique mondiale d’environ 0,3 points de pourcentage. Le taux d’inflation mondial serait naturellement poussé à la baisse.
L’impact ne sera bien sûr pas le même d’un pays à l’autre. Au niveau régional, ce sont les pays de l’ASEAN qui seront les plus affectés par le ralentissement chinoise et la plus grande volatilité financière. Leurs élasticités de croissance sont comprises entre -0,35 et -0,23 points de pourcentage. Les répercussions sur la croissance des autres pays de l’Asie et du Pacifique seront également significatives, à l’exception de l’Inde ; leurs élasticités de croissance sont comprises entre -0,17 et -0,06 points de pourcentage. Les répercussions sur les autres économies d’importance systémique sont moindres, mais pas négligeables ; en effet, les élasticités moyennes pour la zone euro, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont respectivement égales à -0,12, -0,04 et -0,07 points de pourcentage.
Références