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7 août 2016 7 07 /08 /août /2016 22:59

La première université, dans le sens moderne du terme, a été fondée en 1088 à Bologne, en Italie. En l’occurrence, il s’agissait d’une communauté administrativement autonome, qui proposait des cours, délivrait des diplômes reconnus publiquement, poursuivait des objectifs de recherche et cherchait à s’émanciper des institutions religieuses. Depuis, de nombreuses universités ont été créées à travers le monde. En 1900, seulement un jeune sur cent dans le monde était passé par les bancs de l’université ; un siècle plus tard, cette part s'élève à un jeune sur cinq [Valero et Van Reenen, 2016]. L’expansion des universités a été particulièrement rapide à partir de 1950. En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup craignaient une qualification excessive de la population. Ce n’est qu'après les années quarante que prédomine l’opinion selon laquelle l’éducation joue un rôle essentiel dans la croissance économique et les avancées sociales. Pour autant, les craintes demeurent aujourd’hui, certains continuant de développer la thèse d’une « inflation scolaire » contribuant au déclassement d’une part de la population, notamment dans un pays développé comme la France.

Les historiens économiques ont suggéré que les universités avaient pu jouer un rôle déterminant durant la Révolution commerciale qui bouleversa l’Europe à partir du treizième siècle à travers le développement d’institutions légales, puis durant la Révolution industrielle qui débuta à la fin du dix-huitième siècle grâce à leur rôle dans la création et la diffusion du savoir. Selon Anna Valero et John Van Reenen (2016), il y a en effet plusieurs canaux à travers lesquels les universités sont susceptibles de stimuler la croissance économique. En l'occurrence, les universités « produisent » du capital humain, c’est-à-dire à doter les travailleurs de nouvelles qualifications. Or les travailleurs qualifiés tendent non seulement à être plus productifs que les autres, mais aussi plus innovants. Ainsi, les études tendent à confirmer que la croissance est positivement corrélée avec le volume de capital humain (mesuré par le nombre d’années d’études) ou, tout du moins, avec la qualité de l’éducation (mesurée par les performances aux tests PISA), comme l’ont notamment étudié Alan Krueger et Mikael Lindahl (2001) ou encore Eric Hanushek et Ludger Woessmann (2008). Les universités n’ont pas qu’un impact indirect sur l’innovation : elles constituent également elles-mêmes un lieu d’innovation. Elles peuvent aussi stimuler l’activité économique plus indirectement en favorisant les institutions propices à la croissance. En effet, non seulement elles fournissent une plateforme pour le débat démocratique et l’échange d’idées, mais elles dotent aussi les citoyens de compétences utiles pour la participation politique. Enfin, plus simplement, d’un point de vue que l'on peut qualifier de « keynésien », les universités peuvent stimuler la croissance en alimentant la demande globale : non seulement le personnel et les étudiants consomment, mais les universités elles-mêmes doivent acheter des biens et services pour fonctionner.

Adoptant un strict point de vue économique, Valero et Van Reenen ont alors cherché à identifier l'impact agrégé de l'expansion universitaire. Pour cela, ils ont développé une nouvelle base de données en utilisant les données de l’UNESCO à propos de la localisation de près de 15.000 universités dans environ 1.500 régions, appartenant à 78 pays, puis ils ont analysé ces données pour la période comprise entre 1950 et 2010 en prenant en compte le possible impact des facteurs démographiques et géographiques. Ils constatent que la hausse du nombre d’universités est positivement corrélée avec la croissance future du PIB par tête. En outre, des effets de débordement positifs associés aux universités sont à l’œuvre : ces dernières stimulent non seulement la croissance locale, mais également l’activité dans les régions voisines. En l’occurrence, leurs estimations suggèrent qu’un doublement du nombre d’universités dans une région donnée est susceptible d’accroître le PIB par tête de la région de 4 % et celui de l’ensemble du pays de 0,5 % dans les cinq années suivantes. Bien sûr, les universités ne sont pas égales, en termes de taille ou de qualité. Par exemple, Valero et Van Reenen observent que les universités orientées vers la recherche dans les économies technologiquement avancées semblent davantage importer pour la croissance.

En creusant davantage, Valero et Van Reenen en concluent que la relation entre la croissance économique et les universités ne s’explique pas par une causalité inverse. Elle ne s’explique pas non plus par les seules dépenses directes de l’université, de son personnel ou de ses étudiants. Une partie des effets bénéfiques des universités sur la croissance économique passe par l’accroissement de l’offre de capital humain et la stimulation de l’innovation, mais ces deux canaux sont faibles en termes de magnitude. Enfin, ils constatent qu’au sein les pays, une plus forte présence historique des universités est associée à des attitudes plus propices à la démocratie.

 

Références

HANUSHEK, Eric A., & Ludger WOESSMANN (2008), « The role of cognitive skills in economic development », in Journal of Economic Literature, vol. 46, n° 3.

KRUEGER, Alan B., & Mikael LINDAHL (2001), « Education for growth: Why and for whom? », in Journal of Economic Literature, vol. 39, n° 4.

VALERO, Anna, & John VAN REENEN (2016), « The economic impact of universities: Evidence from across the globe », CEP, discussion paper, n° 1444, août.

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