Avant de connaître une transition démographique, les pays présentent de forts taux de natalité et de mortalité, si bien que leur population croît lentement. La transition démographique s’amorce lorsque les taux de mortalité commencent à diminuer, ce qui accélère la croissance démographique. Ce n’est que dans un deuxième temps que les taux de natalité amorcent également leur chute. Une telle dynamique est susceptible d’être particulièrement bénéfique à la croissance économique. En l’occurrence, avec l’accroissement de la population en âge de travailler, la population active tend à s’accroître, puis par voir sa productivité augmenter, ce qui accroît la contribution du facteur travail à la croissance économique ; l’accroissement de la main-d’œuvre employée incite les entreprises à davantage investir pour équiper les travailleurs. Avec la diminution des taux de natalité, la taille des fratries tend à diminuer, si bien que les parents disposent de plus de ressources pour offrir une meilleure éducation, une meilleure santé et une meilleure situation (matérielle, affective…) à chacun de leurs enfants ; par conséquent, la deuxième étape de la transition démographique devrait se traduire par une plus forte accumulation du capital et par là même par une croissance plus rapide de la productivité. D’un point de vue plus keynésien, la croissance de la population stimule la croissance économique, précisément parce que la demande globale s’en trouve stimulée : l’accroissement de la population, donc de ses besoins, stimule la consommation ; la hausse de la l’investissement en vue d’équiper les nouveaux effectifs de travailleurs se traduit immédiatement par une hausse des débouchés pour les entreprises produisant des biens d’équipement, etc. Beaucoup qualifient ces gains économiques de « dividende démographique » et estiment qu’ils ne peuvent être exploités que sur une période de deux à trois décennies.
Si les pays développés ont achevé leur transition démographique et sont désormais aux prises avec le vieillissement démographique, plusieurs pays en développement sont en pleine transition démographique. C’est notamment le cas des pays africains : leur transition démographique n’a véritablement commencé qu’il y a trois décennies. Après avoir connu une stagnation de leurs niveaux de vie durant les années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, ils connaissent une forte croissance depuis le tournant du siècle, notamment grâce au boom des matières premières, qui leur permit ainsi d’amorcer leur rattrapage sur les pays développés. La poursuite de la transition démographique pourrait permettre à ce décollage de se poursuivre ces prochaines décennies.
Selon Paulo Drummond, Vimal Thakoor et Shu Yu (2014), la population mondiale s’accroîtra de 4 milliards d’individus d’ici 2100. Cette croissance de la population mondiale s’expliquera essentiellement par la croissance de la population africaine, car cette dernière devrait augmenter de près de 3,2 milliards d’individus. En Afrique, même si les taux de fertilité et les ratios de dépendance (rapportant le nombre de jeunes et de personnes âgées sur la population en âge de travailler) restent élevés, ils ont commencé à décliner. Selon les prévisions des Nations Unies, ils vont continuer de décliner, si bien que le ratio population en âge de travailler sur population dépendante sera plus élevé qu’en Asie, en Europe et en Amérique du Nord [Bloom et alii, 2016]. Cette prévision suggère que l’Afrique dispose d’un énorme potentiel pour jouir du dividende démographique. Selon Drummond et alii (2014), la population en âge de travailler s’accroîtra de 2,1 milliards d’individus d’ici 2100, contre 2 milliards d’individus au niveau mondial. Autrement dit, si la population en âge de travailler n’augmente pas en Afrique, elle risque de décliner dans le monde. En outre, les Africains constitueront 64 % de la population mondiale en âge de travailler en 2090, contre 54 % en 2010.
Selon les estimations réalisées par Amer Ahmed, Marcio Cruz, Delfin Go, Maryla Maliszewska et Israel Osorio-Rodarte (2016), le dividende démographique pourrait expliquer 0,42 point de pourcentage de la croissance annuelle moyenne du PIB par tête entre 2010 et 2030, soit 11 % de la croissance du PIB au cours de la période, si la région parvient à maintenir la forte croissance de son PIB par tête qu’il a connu entre 2000 et 2009. Par contre, il pourrait expliquer 0,37 point de pourcentage de la croissance annuelle moyenne du PIB par tête entre 2010 et 2030, soit 15 % de la croissance du PIB au cours de la période, si la croissance africaine revient au niveau qu’elle atteignait entre 1980 et 1999. En outre, le dividende démographique permettrait de faire sortir de la pauvreté de 40 à 60 individus d’ici 2030. Les gains seraient tout particulièrement élevés pour les pays d’Afrique subsaharienne.
Beaucoup d’études suggèrent toutefois que les économies africaines ne pourront toutefois tirer pleinement profit de leur dividende démographique que si les politique adéquates sont mises en œuvres, notamment dans le domaine éducatif. Par exemple, Ahmed et ses coauteurs estiment que si le développement de la scolarité permet à la part de la main-d’œuvre qui est éduquée de doubler en passant de 25 % à 50 % entre 2011 et 2030, alors le dividende démographique pourrait contribuer à accroître l’économie régionale de 22 % supplémentaires par rapport aux prévisions de base et permettre à plus de 51 millions d’Africains supplémentaires de sortir de la pauvreté.
Références
AHMED, S. Amer, Marcio CRUZ, Delfin S. GO, Maryla MALISZEWSKA & Israel OSORIO-RODARTE (2016), « How significant is Africa’s demographic dividend for its future growth and poverty reduction? », Banque mondiale, policy research working paper, n° 7134.
BLOOM, David E., Michael KUHN & Klaus PRETTNER (2016), « Africa’s prospects for enjoying a demographic dividend », IZA, discussion paper, n° 10161, août.
DRUMMOND, Paulo, Vimal THAKOOR & Shu YU (2014), « Africa rising: Harnessing the demographic dividend », FMI, working paper, n° 14/143, août.