La crise financière mondiale a fortement stimulé la recherche sur les liens entre facteurs financiers et variables macroéconomiques. Ces études ont mis en évidence des liens robustes entre les booms du crédit et des phénomènes macroéconomiques comme les crises financières et la croissance de la production. Focalisés sur les causes et conséquences de la crise financière de 2007 aux Etats-Unis, Atif Mian et Amir Sufi (2009) ont par exemple souligné l’importance de l’expansion rapide des prêts immobiliers dans l’appréciation des prix de l’immobilier et les défauts subséquents sur les prêts immobiliers, puis Atif Mian, Kamalesh Rao et Amir Sufi (2013) ont montré que la consommation a d’autant plus chuté dans une zone géographique que le patrimoine immobilier s’y est détérioré et que les ménages y étaient initialement endettés.
Barry Eichengreen et Kris Michener (2003) avaient qualifié la crise de 1929 de « boom du crédit qui a mal tourné ». Les récentes études ont montré que ce constat s'applique en fait à la plupart des crises financières. Par exemple, à partir d’un large échantillon de données relatives à 14 pays développés et s’étendant sur plus d’un siècle, Moritz Schularick et Alan Taylor (2012) ont constaté que la croissance du crédit constitue un puissant indicateur avancé des crises financières, puis, toujours à partir de ce même échantillon, Òscar Jordà, Moritz Schularick et Alan Taylor (2013) ont montré non seulement que les récessions synchrones à une crise financière nuisent davantage à la production que les récessions normales, mais aussi qu’une récession, qu’elle soit ou non synchrone à une crise financière, tend à être plus sévère et à être suivie par une plus lente reprise lorsqu’elle a été précédée par une expansion du crédit. En étudiant les données relatives à une trentaine de pays entre 1960 et 2012, Atif Mian, Amir Sufi et Emil Verner (2017) ont mis en évidence qu’une hausse du ratio dette des ménages sur PIB à moyen terme tend à prédire pour la période subséquente une moindre croissance du PIB, un chômage plus élevé et de plus amples révisions à la baisse des perspectives de croissance.
Dans la mesure où l’endettement présent un fort pouvoir prédictif pour ces divers phénomènes macroéconomiques, Josh Davis et Alan Taylor (2019) se sont demandé s’il en présentait également un pour les prix des actifs financiers ; il serait en effet surprenant que les cycles d’endettement influencent le cycle d’affaires, mais non les marchés financiers. Pour cela, Davis et Taylor ont étudié un large échantillon de données historiques concernant de nombreux pays développés. Leur analyse confirme l’un des constats obtenus par Mian et alii (2017) en suggérant que les performances de la croissance du crédit au niveau agrégé constituent un bon indicateur avancé de la croissance future du PIB.
Mais elle va plus loin en montrant que la dynamique du crédit constitue également un indicateur avancé des rendements futurs des grands classes d’actifs, les actions et les obligations : en l’occurrence, les périodes de boom du crédit tendent à être suivies par des rendements inhabituellement faibles des actions, que ce soit en termes absolus ou relativement aux obligations. Autrement dit, quand un boom du crédit arrive à maturité, les investisseurs financiers qui sont exposés aux actions feraient face à une probabilité accrue de chute, mais pas ceux qui sont exposés aux obligations.
Ces divers résultats ont d’importantes implications pour la modélisation en macroéconomie. En effet, comme le notaient Mian et alii (2017), un modèle néoclassique standard associe normalement un surcroît d’endettement dans la période courante à de meilleures perspectives de croissance dans le futur. Or, Davis et Taylor notent qu’après les booms du crédit, les détenteurs d’actions tendent à faire pire à l’avenir, pas mieux.
Ces constats posent également problème à la théorie financière et aux modèles d’évaluation des actifs financiers. Si les marchés étaient efficients, la croissance passée du crédit, une information à la disposition des investisseurs financiers, ne devrait pas prédire les rendements futurs des actifs. Or, Davis et Taylor montrent qu’un tel pouvoir explicatif existe et qu’il est robuste. En définitive, ni les macroéconomistes, ni les stratégistes financiers ne devraient ignorer le rôle des booms et effondrements du crédit.
Références