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15 novembre 2014 6 15 /11 /novembre /2014 17:08

La croissance économique des pays émergents a été particulièrement forte entre 2000 et 2012. Elle atteignait environ 3,25 % dans les années quatre-vingt-dix, puis elle s’éleva à 4,25 % entre 2000 et 2012 (cf. graphique 1). Cette accélération s’explique notamment par la hausse des prix des matières premières, par des conditions financières accommodantes au niveau mondial, par l’adoption de politiques macroéconomiques contracycliques ou encore par l’essor des échanges internationaux. En l’occurrence, la hausse des prix des matières premières et l’essor du commerce mondial ont été à la fois cause et résultat de la forte croissance des pays en développement : par exemple, la forte croissance des grands émergents, en particulier de la Chine, a contribué à la hausse des prix des matières premières, ce qui favorisait en retour l’activité économique dans les pays qui les exportaient.

GRAPHIQUE 1  Taux de croissance annuel moyen du PIB réel (en %) 

Evridiki-Tsounta--Taux-de-croissance-annuel-moyen-PIB-reel.png

Toutefois, la croissance des pays émergents a sensiblement ralenti en 2013 et en 2014, puisqu’elle a atteint en moyenne 3,25 % au cours de ces deux années. Les ralentissements les plus significatifs ont été observés parmi les grands émergents constituant les BRICS : l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie. Par exemple, par rapport à sa moyenne sur la période 2000-2012, la croissance économique a diminué de 2,25 points de pourcentage au Brésil et de 1,5 point de pourcentage en Inde. Après avoir atteint deux chiffres durant une période exceptionnellement longue, la croissance chinoise n’est plus qu’à un chiffre, mais elle reste toutefois encore très élevée, surtout au regard des performances des pays développés.

GRAPHIQUE 2  Contributions à la croissance du PIB en volume (en points de pourcentage) 

Evridiki Tsounta, Contributions à la croissance du PIB en

Loin de se concentrer sur une poignée de pays émergents comme ont pu le faire par exemple Rahul Anand et alii (2014) qui s'étaient concentrés sur les seuls émergents d'Asie quelques mois plus tôt, Evridiki Tsounta (2014) a cherché à identifier du côté de l’offre les facteurs qui expliquent, d’une part, la bonne performance de 63 pays en développement et, d’autre part, le récent ralentissement de leur croissance afin de déterminer si ce dernier est temporaire ou permanent. Afin de déterminer la trajectoire passée du taux de croissance potentielle et prévoir sa trajectoire future, elle a décomposé les sources de la croissance de la production en distinguant entre la contribution de l’accumulation des facteurs travail et capital et la contribution de la productivité globale des facteurs (PGF). Ce faisant, elle a pu déterminer à quelle ampleur le récent ralentissement est d’origine structurel. 

GRAPHIQUE 3  Comparaison entre la croissance de la PGF observée en 2000-12 et celle observée en 1990-1999 (en %)

Evridiki Tsounta, croissance de la PGF (Martin Anota)

note : les carrés jaunes se réfèrent aux émergents d’Amérique latine et des Caraïbes : les carrés bleus se réfèrent aux émergents asiatiques ; les carrés oranges se réfèrent aux émergents du Moyen-Orient, d’Amérique du Nord, du Caucase et d’Asie centrale ; les carrés verts se réfèrent aux émergents européens.    

En analysant plus finement les contributions à la croissance, Tsounta confirme ce que de précédentes études du FMI avaient conclu : depuis les années quatre-vingt-dix, la croissance des pays en développement repose avant tout sur l’accumulation des facteurs. Mais son accélération proprement dite à partir de 2000 s’explique par l’accélération de la croissance de la PGF : cette dernière explique à elle seule un point de pourcentage de l’accélération de la croissance du PIB. L’accumulation du capital physique a certes davantage contribué à la croissance au cours de cette période (quoique de façon plus limitée), sauf en Asie émergente.  La croissance économique est restée plus forte en Asie qu’ailleurs, en raison d’une croissance plus forte de la PGF. Les écarts de croissance que les autres pays en développement accusaient vis-à-vis de l’Asie émergente se sont réduits depuis les années quatre-vingt-dix grâce à une accumulation plus rapide du capital fixe. La PGF s’est globalement améliorée, mais il demeure de fortes différences entre pays : entre 2000 et 2012, la Chine a connu la plus forte croissance de la PGF en Asie ; plusieurs émergents européens ont connu une contraction de leur PGF depuis 2009 ; les pays qui ont connu les plus fortes accélérations de leur PGF entre les deux périodes se situent en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale, mais celle-ci était initialement très faible (cf. graphique 3).

GRAPHIQUE 4 Taux de croissance potentielle (en %)

Evridiki-Tsounta--croissance-potentielle-pays-emergents--M.png

La forte croissance que l’on a pu observer entre 2000 et 2012 est toutefois peu susceptible d’être soutenable, car l’accumulation du capital risque de ralentir et, surtout, le travail de moins contribuer à la croissance : certains pays vont connaître un vieillissement démographique ; les taux d’activité sont déjà élevés dans plusieurs pays, notamment pour les femmes ; certains pays ont des taux d’emploi élevés grâce à une baisse significative du taux de chômage au cours des dernières années, etc. Si le taux de croissance potentielle s’est élevé en moyenne à 4,25 % sur la période 2000-2012 pour l’ensemble des pays émergents, il sera compris entre 3 et 4 % sur la période 2013-2017 (cf. graphique 4). En moyenne, ce sont l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord qui connaîtront les plus forts taux de croissance potentielle.

GRAPHIQUE 5  Décomposition du ralentissement de la croissance (en points de pourcentage) 

Evridiki-Tsounta--Decomposition-du-ralentissement-de-la-cr.png

Tsounta constate qu’en moyenne le récent ralentissement observé dans les pays émergents s’explique pour moitié par des facteurs structurels et donc pour moitié également par des facteurs conjoncturels. En l’occurrence, ces derniers incluent le retrait des mesures de relance monétaire et budgétaire qui avaient été adoptées lors de la Grande Récession, le resserrement des conditions financières, le ralentissement de la demande mondial et l’affaiblissement des prix des matières premières. Les résultats diffèrent toutefois d’une région à l'autre et d'un pays à l’autre (cf. graphique 5). En l’occurrence, les facteurs conjoncturels semblent avoir davantage joué en Asie, tandis que les facteurs structurels semblent avoir joué un rôle plus important au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, dans le Caucase, en Asie centrale et dans certains pays émergents d’Europe et d’Amérique latine. Concernant le ralentissement de la croissance économique dans les BRICS, il semble essentiellement structurel en Chine, en Russie et en Afrique du Sud, alors qu’il semble avant tout conjoncturel au Brésil et en Inde. Le taux de croissance potentielle a tout de même diminué respectivement de 0,75 et de 1,5 point de pourcentage au Brésil et en Inde, ce qui suggère que ces derniers ne parviendront pas non plus à renouer avec une aussi forte croissance qu’entre 2000 et 2012.

 

Références

ANAND, Rahul, Kevin C. CHENG, Sidra REHMAN & Longmei ZHANG (2014), « Potential growth in Emerging Asia », FMI, working paper, n° 14/02.

CUBEDDU, Luis M., Alexander CULIUC, Ghada FAYAD, Yuan GAO, Kalpana KOCHHAR, Annette KYOBE, Ceyda ONER, Roberto PERRELLI, Sarah SANYA, Evridiki TSOUNTA & Zhongxia ZHANG (2014), « Emerging markets in transition: Growth prospects and challenges », FMI, staff discussion note, n° 14/06.

FAYAD, Ghada, & Roberto PERRELLI (2014), « Growth surprises and synchronized slowdown in emerging markets—An empirical investigation », FMI, working paper, n° 14/173.

TSOUNTA, Evridiki (2014), « Slowdown in emerging markets: Sign of a bumpy road ahead? », FMI, working paper, n° 14/205, novembre.

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