Pusieurs études ont cherché à évaluer le lien existant entre le climat et le développement économique. Elles font notamment apparaître que le revenu national diminue en moyenne de 8,5 % par degré Celsius ou encore le revenu par tête s’élève avec la distance avec l’équateur. La rigueur des conditions climatique contribuerait donc à appauvrir les nations et les activités productives tendraient à s’agglomérer dans les régions tempérées. Evaluer plus finement la relation entre température et croissance économique permet non seulement de saisir davantage les mécanismes du développement des nations, mais aussi d’apprécier une partie des dommages économiques associés au changement climatique. Une telle évaluation, bien qu’elle se focalise que sur la dimension économique des problèmes environnementaux, s’avère toutefois cruciale pour leur gestion au niveau mondial. Si les gouvernements ont une idée des coûts de mise en œuvre des politiques climatiques, notamment de leur impact immédiat sur la croissance de court terme, l’imprécision entourant les répercussions du réchauffement climatique les incite justement à différer l’adoption des mesures nécessaires à la réduction des émissions polluantes. Or, un tel retard pourrait ne pas seulement contribuer à accroître les dommages environnementaux, mais alourdirait aussi les coûts monétaires associés aux politiques climatiques.
En tentant d’identifier les effets des hausses de température sur les performances macroéconomiques des pays, les travaux de Melissa Dell, Benjamin Jones et Benjamin Olken (2012), s’inscrivent, d’une part, dans le débat entourant le rôle de la température dans le développement économique et, d’autre part, dans le débat autour des répercussions du réchauffement climatique. Leur étude identifie un important lien causal de la température sur le processus de développement en mettant en évidence qu’elle n’affecte pas seulement diverses composantes dans une économie, mais influence aussi fortement la production nationale. Les auteurs ont pour cela compilé les données de températures et précipitations pour chaque pays sur la période s’étalant de 1950 à 2003. Ils examinent alors la relation entre les variations annuelles des températures et précipitations dans un pays donné et les variations dans sa performance macroéconomique. Trois principaux résultats apparaissent alors de l’observation des fluctuations à court terme de la température et des précipitations au cours de ce demi-siècle.
Tout d’abord, les hausses de température ont de puissants et négatifs effets sur la croissance économique, dans le seul cas des pays en développement. Au sein de ces derniers, une hausse de la température d’un degré Celsius au cours d’une année donnée entraîne en moyenne une diminution du taux de croissance économique de 1,3 point de pourcentage. Les variations de température n’ont par contre pas d’effets significatifs sur la croissance économique des pays développés. En ce qui concerne les changements observés dans les précipitations, ceux-ci n’ont que des effets négligeables sur la croissance économique, autant pour les pays avancés que pour les pays en développement.
Ensuite, les hausses de température influencent potentiellement l’activité économique de deux manières, d’une part en influençant le niveau de production, notamment en affectant les rendements agricoles, et d’autre part en influençant le potentiel de croissance de l’économie, notamment en affectant le processus d’investissement et les institutions déterminantes dans la croissance de la productivité. Les chocs de température apparaissent avoir des effets persistants sur l’activité économique. Dans le cas des pays pauvres, l’élévation de la température n’impacte pas seulement leur niveau de production, mais elle diminue également leur taux de croissance. Le réchauffement apparaît avoir de larges répercussions, dans la mesure où même de faibles différences de rythmes de croissance ont de larges conséquences au cours du temps si elles persistent à moyen terme.
Tandis que les études antérieures se penchent essentiellement sur l’impact du réchauffement climatique sur le seul secteur agricole, Dell et alii élargissent la focale. Il apparaît alors que, si les hausses de température entraînent effectivement une contraction de la production agricole, elles tendent également à déprimer l’activité industrielle. Elles contribuent en outre à accroître l’instabilité politique dans les pays pauvres et par ce biais à réduire leur taux de croissance. Le ralentissement de la croissance et l’instabilité politique tendraient alors à se renforcer mutuellement.
Les répercussions de long terme du changement climatique diffèrent quelque peu. D’un côté, les impacts économiques observés à court terme peuvent être atténués sur le long terme dans la mesure où les pays tendent à s’adapter aux nouvelles températures. De l’autre, le changement climatique exerce des effets supplémentaires de long terme, notamment en affectant les nappes phréatiques, la qualité de l’eau ou encore la santé, et avoir ainsi de plus larges impacts.
Au final, si l’étude ne parvient peut-être pas à capter certains effets non linéaires et phénomènes irréversibles qui se manifesteraient si la température franchit certains seuils, les schémas qu’elle met à jour s’avèrent robustes et déterminants pour l’architecture des politiques climatiques. Elle suggère notamment que la poursuite du réchauffement climatique va contribuer à élargir les écarts de revenu entre les pays développés et les pays en développement.
DELL, Melissa, Benjamin F. JONES & Benjamin A. OLKEN (2012), « Temperature Shocks and Economic Growth: Evidence from the Last Half Century », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 4, n° 3, juillet.