Immédiatement suite au choc financier de 2007, les Etats-Unis et l’Europe ont tous deux observé les performances macroéconomiques des diverses régions qui les composent diverger les unes des autres. Le choc initial sur les marchés immobiliers et la réaction immédiate des économies à celui-ci furent relativement similaires des deux côtés de l’Atlantique. A partir de 2009, toutefois, les différents Etats fédérés des Etats-Unis sont entrés dans un mouvement de convergence, tandis que les performances économiques des Etats européens continuèrent de diverger les unes des autres. Charles A.E. Goodhart et D. James Lee (2012) estiment ainsi que les mécanismes d’ajustement aux chocs doivent donc être améliorés en Union européenne. Afin de déterminer quelles refontes institutionnelles doivent être opérées en Europe pour renforcer sa résilience aux chocs, les deux économistes observent comment les mécanismes d’ajustement ont effectivement agi lors de la crise dans trois Etats, en l’occurrence en Arizona, en Espagne et en Lettonie. Arizona et Espagne sont tous les deux membres d’une union monétaire ; la Lettonie n’appartient pas à la zone euro, mais sa devise est toutefois ancrée à l’euro. Sur le continent européen, si l’Espagne peine toujours aujourd’hui à achever un ajustement satisfaisant, la Lettonie a de son côté ajusté son économie via une dévaluation interne, mais au prix de coûts macroéconomiques particulièrement élevés.
Si l’économie américaine s’ajuste plus facilement aux chocs macroéconomiques, ce n’est pas en raison d’une plus grande flexibilité des salaires. Les salaires américains sont légèrement moins flexibles que les salaires espagnols et beaucoup moins flexibles que les salaires lettons. En revanche, les travailleurs sont plus mobiles aux Etats-Unis : si les emplois sont massivement détruits dans un Etat américain, les travailleurs et leurs familles vont se déplacer vers les régions où les opportunités d’emplois restent nombreuses. L’Europe souffre d’une plus grande inertie de la main-d’œuvre : si les opportunités d’emplois se réduisent dans une région, les taux d’activité vont baisser après une période temporaire de chômage élevé. Toutefois, les auteurs concluent de leur analyse que la mobilité du travail n’est pas le facteur permettant à un ajustement plus flexible des Etats-Unis aux chocs par rapport à l’Europe.
Goodhart et Lee se tournent ensuite vers les mécanismes budgétaires. Selon une conception assez répandue, une union monétaire ne peut durablement subsister sans qu’existe en parallèle une union budgétaire. Cette dernière pourrait se concrétiser par l’instauration de mécanismes automatiques de transferts budgétaires contracyliques du niveau fédéral vers les Etats en difficulté afin d’amortir les fluctuations conjoncturelles : par exemple, un ralentissement de l’activité se traduirait automatiquement par une hausse des allocations chômage et de moindres prélèvements obligatoires, ce qui devrait ralentir la contraction de l'activité. Les auteurs ont donc observé comment de tels transferts budgétaires ont effectivement agi comme amortisseurs contracyliques. Leur analyse fait apparaître que les flux budgétaires automatiques du centre fédéral vers l’Arizona ne sont pas aussi importants qu’attendu. En revanche, l’Arizona et la Lettonie furent particulièrement soutenus lorsque les répercussions de la crise se révélèrent profondes pour leur économie. Les auteurs en concluent que la volonté politique d’aider les Etats voisins en difficulté importe bien davantage que l’existence de mécanismes de transferts automatiques.
Goodhart et Lee se penchent enfin sur l’impact des différences entre les secteurs bancaires deux côtés de l’Atlantique sur la résilience des économies aux chocs. L’un des facteurs aggravateurs de la crise européenne fut l’interaction entre le risque souverain et le risque bancaire. De tels cercles vicieux furent moins visibles aux Etats-Unis, d’une part, parce que la dette des Etats fédérés occupe une moindre place dans l’encours total de la dette publique et, d’autre part, parce que les principales banques américaines sont aujourd’hui des entités évoluant au niveau fédéral. Il existe toutefois des interactions entre l’activité économique d’un Etat fédéré et l’activité des banques locales. Lorsque les prêts bancaires locaux sont concentrés sur l’immobilier, un effondrement du marché immobilier local va sévèrement endommager la santé du système bancaire local. Les banques sont alors moins désireuses et capables d’accorder de nouveaux prêts, ce qui entretient un cercle vicieux. L’analyse réalisée par Goodhart et Lee suggère que, si le système bancaire local est principalement focalisé sur la dette publique et l’économie locales, les chocs macroéconomiques s’en trouvent amplifiés, en particulier lorsque l’Etat est le membre d’une union monétaire et ne dispose ni d’une devise, ni d’une politique monétaire qui lui soient propres. Selon eux, il serait en définitive bien plus urgent d’instaurer une union bancaire en Europe avant de procéder à une union budgétaire.
Référence Martin ANOTA