Le tissu de petites et moyennes entreprises est considéré comme une source essentielle de croissance économique ; l’innovation, processus fondamental au soubassement du développement économique de long terme, dépendrait en l’occurrence fortement du petit entrepreneuriat. Les autorités publiques doivent optimiser leur politique fiscale de manière à générer suffisamment de recettes tout en réduisant l’effet négatif sur l’entrepreneuriat productif, c’est-à-dire finalement en limitant les répercussions sur la compétitivité du territoire national et sur sa capacité à innover. Réciproquement, elles peuvent directement utiliser l’outil fiscal pour stimuler la croissance économique en ciblant les PME. L’activité même des propriétaires constitue un important canal à travers lequel la politique économique peut influencer la production des petites entreprises. Les modifications apportées au cadre institutionnel, notamment au système fiscal, peuvent stimuler ou bien réfréner cette activité. Théoriquement, un relèvement de l’imposition réduit les opportunités de profit, ce qui réduit l’entrepreneuriat productif et affecte en définitive la croissance économique. Inversement, une réduction d’impôt peut amener l’entrepreneur à épargner davantage dans son entreprise. Peu d’études empiriques ont été réalisées pour préciser l’impact des incitations fiscales sur l’activité économique des entrepreneurs. En l'occurrence, la littérature existante offre des résultats ambigus.
Jarkko Harju et Tuomas Kosonen (2012) ont cherché à déterminer comment les variations de la fiscalité des propriétaires de petites entreprises influent sur leur activité économique. Ils analysent deux réformes finlandaises, menées respectivement en 1997 et 1998, qui se traduisirent par une réduction de l’impôt sur le revenu pour les seuls entrepreneurs individuels, sans modifier le système fiscal auquel sont soumises les sociétés. Les auteurs ont alors comparé la destinée des entreprises individuelles avant et après les réformes avec la destinée des sociétés, groupe de contrôle dans cette véritable expérience naturelle. Il apparaît au final que les deux groupes se développent de la même manière au cours du temps, excepté lors des réformes.
Les deux économistes ont compilé les données fiscales des entreprises et celles-ci incluent leur chiffre d’affaire, qu’ils considèrent comme un indicateur de leur niveau d’activité économique. Les résultats de l’étude révèlent que la baisse du taux marginal d’imposition d’un entrepreneur accroît le chiffre d’affaires de son entreprise. Une réduction du taux marginal d’imposition de 10 entraîne typiquement une hausse de 1,7 % du chiffre d’affaires. En outre, plus les incitations fiscales sont fortes, plus la réponse du chiffre d’affaires sera importante.
Dans une petite entreprise, le surcroît de production peut provenir d’un relèvement des efforts fournis par l’entrepreneur et/ou du plus grand usage de facteurs de production, notamment du travail et du capital fixe. Le traitement des données révèle que l’usage d’intrants ne semble pas varier en réponse aux réformes. Les salaires s’élèvent, mais les données n’indiquent pas que davantage de personnes ont été embauchées, donc les réformes fiscales ne semblent pas avoir stimulé la demande de travail. Les auteurs ne trouvent en outre aucune hausse significative de l’investissement. La progression du chiffre d’affaires semble donc essentiellement due à l’accentuation des efforts délivrés par les entrepreneurs : la réduction du fardeau fiscal semble donc effectivement stimuler l’activité entrepreneuriale. Toutefois, la réduction du fardeau fiscal constitue un moyen relativement coûteux pour accroître la production des entreprises. L’article est également intéressant dans le cadre de la politique de l’emploi : la modulation de la fiscalité entrepreneuriale n’a eu qu’un impact limité sur l’emploi lors des deux réformes finlandaises.
Outre la production, les entrepreneurs peuvent également répondre aux réformes par l’optimisation fiscale. En l’occurrence, la refondation fiscale opérée en Finlande rendait plus rentable de déclarer davantage de revenus sous forme de salaires que sous forme de profits. D’après les données, le revenu tiré de l’entreprise s’accroît suite aux réformes, mais d'une moindre ampleur que la production. La hausse des salaires laisse finalement suggérer que les entrepreneurs se sont davantage versé des salaires à eux-mêmes. Les entreprises individuelles ont également étendu leur détention d’actifs, ce qui réduit leur taux marginal d’imposition à l’avenir. Harju et Kosonen se penchent également sur les changements de formes légales d’entreprises, de tels changements pouvant dénoter des stratégies d’optimisation fiscale. Les entreprises tendent effectivement à choisir les formes légales les plus avantageuses en termes de fiscalité. La forme sociétaire est devenue relativement plus imposée avec les réformes, or les changements de statut juridique des entreprises au profit de la forme sociétaire se sont significativement réduits.
Référence Martin ANOTA
HARJU, Jarkko, & Tuomas KOSONEN (2012), « The Impact of Tax Incentives on the Economic Activity of Entrepreneurs », NBER working paper, n° 18442, octobre.