(Petit clin d'oeil à l'épreuve de spécialité des terminales ES de ce matin...)
Les théories classiques du commerce international apparaissent tout d’abord comme une généralisation du principe de la division du travail au niveau international. Chez Adam Smith, les échanges internationaux s’expliquent par les différences dans les coûts de production entre les différentes économies. Un pays va se spécialiser dans la production pour laquelle il présente les coûts de production absolus les plus faibles, comparativement aux autres pays, et échanger avec ces derniers les biens qu’il aura produits. Cette théorie laisse en suspens le comportement d’un pays ne disposant d’aucun avantage absolu. Pessimiste quant à la poursuite de la croissance à long terme, David Ricardo va concevoir le libre-échange comme un moyen de retarder la convergence de l’économie vers son état stationnaire. Développant une analyse plus riche que celle de Smith, il va démontrer que chaque pays a intérêt à s’ouvrir au commerce international, même s’il ne dispose d’aucun avantage absolu. Dans le septième chapitre de ses Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), il va ainsi introduire la notion d’avantage comparatif et démontrer sa pertience à travers l’exemple fictif du commerce de l’Angleterre et du Portugal dans les secteurs viticole et textile.
En Angleterre, la production d’une unité de drap nécessite 100 travailleurs, tandis que celle d’une unité de vin 120 travailleurs. Au Portugal, la production d’une unité de drap nécessite 90 travailleurs et celle d’une unité de vin 80 travailleurs. Dans cet exemple, l’Angleterre ne dispose d’aucun avantage absolu, donc elle n’aurait d’utilité à se spécialiser dans aucune activité selon l’optique smithienne. Ricardo s’écarte de Smith en considérant, non pas les coûts absolus, mais les coûts relatifs. Les coûts unitaires relatifs de la production de drap par rapport à celle de vin sont de 100/120 en Angleterre et de 90/80 au Portugal. Chaque pays va alors se spécialiser dans la production dans laquelle il détient un avantage comparatif. En l’occurrence, l’Angleterre va se spécialiser dans la production de drap et le Portugal dans celle du vin. Chacun va retirer un gain à l’échange en exportant le bien pour lequel il dispose d’un avantage comparatif et en important le bien pour lequel il n’en dispose aucun. La spécialisation et l’intégration des pays au commerce international accroissent la production mondiale et le bien-être collectif par rapport à une situation autarcique.
La réflexion est limitée par ses hypothèses : Ricardo suppose la pleine mobilité des produits au niveau international et l’absence de coûts de transport, mais également l’immobilité des facteurs de production entre les pays. A l’intérieur des pays, les facteurs sont toutefois supposés pleinement mobiles entre les secteurs. Malgré ses hypothèses restrictives, la théorie ricardienne a fait l’objet de multiples développements théoriques, mais aussi de plusieurs tentatives de vérifications empiriques. Celles-ci se heurtent toutefois sur une sérieuse difficulté : la productivité relative, qui constitue la variable clé dans la théorie ricardienne, n’est pas directement observable. Le problème n’est qu’implicite dans le modèle car ce dernier implique à l’équilibre une complète spécialisation des économies. Dans la mesure où les biens importés ne sont pas produits dans le pays importateur, les différences dans les besoins en main-d’œuvre sont alors inobservables. Si l’Angleterre ne fabrique pas de vin et le Portugal ne produit pas de draps, il apparaît compliqué d’évaluer l’efficacité avec laquelle ils pourraient les produire.
Pour résoudre ce problème d’indentification, Arnaud Costinot et Dave Donaldson (2012) se sont focalisés sur le secteur agricole, un secteur pour lequel l’influence des inputs (par exemple l’eau, la terre et les conditions climatiques) sur le niveau de production est pleinement appréhendée scientifiquement. Les agronomes sont en effet capables de prévoir quelle sera la productivité d’une parcelle donnée de terre (un « champ ») selon la nature de la culture mise en œuvre. Les économétriciens peuvent alors déterminer la productivité d’un champ dans toutes les activités économiques.
Dans leur étude, Costinot et Donaldson ont tout d’abord déterminé comment le niveau total de production devrait théoriquement varier entre les pays en fonction, d’une part, du vecteur de productivités des champs dont les pays sont dotés et, d’autre part, des prix de production déterminant l’allocation des différentes cultures entre les champs. Ils ont utilisé les données de productivité et de prix relatives à 17 cultures agricoles et 55 pays fournies par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA). Une fois les niveaux théoriques de production déterminés, les deux économistes les ont comparés avec les niveaux de production effectivement constatés. Selon leurs résultats empiriques, les niveaux de production impliqués par la théorie ricardienne s’accordent raisonnablement avec les données sur la production agricole mondiale. La théorie des avantages comparatifs démontrerait ainsi un véritable pouvoir explicatif.
Références Martin Anota
RAINELLI, Michel (2009), Le Commerce international, dixième édition, Repères, La Découverte.