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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 18:11

A partir du début du dix-neuvième siècle, les pays qui constituent aujourd’hui le monde avancé ont bénéficié d’un rythme de croissance de la productivité et des revenus beaucoup plus rapide que le reste du monde. Cette Grande Divergence a suscité de nombreuses interprétations. Peter Klenow et Andrés Rodríguez-Clare (1997), puis Gregory Clark et Robert Feenstra (2003), estiment que l’accumulation du capital physique et humain n’explique qu’un dixième des différences observées d’un pays à l’autre dans la croissance de la productivité au cours des deux derniers siècles. Ils suggèrent alors avec William Easterly et Ross Levine (2000) que la technologie contribue substantiellement à la croissance de la productivité et pourrait finalement expliquer l'épisode de la Grande Divergence. Or, les durées de temps nécessaires pour que les nouvelles technologies pénètrent les pays ont chuté de façon spectaculaire au cours des deux derniers siècles. Au dix-neuvième siècle, des innovations comme le télégramme et les voies ferrées mettaient nécessairement plusieurs décennies pour se diffuser à l'ensemble des pays. Aujourd’hui, la diffusion des nouvelles technologies comme les ordinateurs, les téléphones portables et internet s’opère parfois en moins d’une décennie. Les délais d’adoption auraient donc eu tendance à converger au niveau international. 

S'il y a eu convergence dans les rythmes d'adoption technologique, Diego A. Comin et Martí Mestieri Ferrer (2013) se demandent alors pourquoi le revenu a divergé au cours des deux derniers siècles. Les deux auteurs rappellent tout d’abord que la contribution de la technologie à la croissance de la productivité peut être décomposée en deux parties. La première est liée à l’éventail des technologies disponibles dans un pays, soit au rythme auquel celles-ci sont adoptées. Puisque les nouvelles technologies sont sources de gains de productivité, une accélération de leur adoption dans un pays donné devrait entraîner une accélération de la croissance de la productivité agrégée. La productivité est également influencée par le taux de pénétration des nouvelles technologies dans le pays : plus les travailleurs sont nombreux à utiliser les nouvelles technologies, plus ils seront productifs. Une diffusion plus rapide de la technologie au sein d’une économie devrait par conséquent stimuler également la croissance de la productivité agrégée. 

Comin et Ferrer ont alors étudié les délais avec lesquels les nouvelles technologies sont adoptées d’un pays à l’autre et leur taux de pénétration au sein de chaque économie une fois qu’elles sont adoptées. Ils déterminent alors les taux d’adoption et les taux de pénétration de 25 technologies pour 132 pays au cours des deux derniers siècles. Leur analyse met en évidence deux faits. Tout d’abord, les délais d’adoption ont effectivement eu tendance à converger au cours de la période, puisqu’ils ont plus rapidement décliné dans les pays pauvres que dans les pays riches. Ensuite, l’écart dans les taux de pénétration entre les pays riches et pauvres s’est élargi ces deux derniers siècles.  

Ces changements dans le profil de la diffusion des technologies sont susceptibles d’expliquer en grande partie la grande divergence des revenus qui s’est produite entre les pays avancés et le reste du monde depuis 1820. Il fallut exactement un siècle aux pays développés pour atteindre le taux de croissance actuel de la productivité à long terme, en l’occurrence 2 %, tandis qu’il fallut deux fois plus de temps, si ce n’est plus, pour que les pays en développement atteignent ce rythme de croissance. L’écart de revenu entre les pays riches et les économies en développement a été multiplié par 4 au cours des deux siècles. Les auteurs élaborent alors un modèle pour simuler l’évolution du revenu pour chaque pays à partir des évolutions dans la diffusion technologique. Leur modélisation parvient à générer une multiplication par 3,2 de l’écart de revenu entre les pays riches et les pays en développement, ce qui représente les quatre cinquièmes du creusement qui a été effectivement observé.  

 

Références

CLARK, Gregory & Robert C. FEENSTRA (2003), « Technology in the great divergence », in Globalization in Historical Perspective, NBER Chapters.

COMIN, Diego A., & Martí Mestieri FERRER (2013), « If technology has arrived everywhere, why has income diverged? », NBER, working paper, n° 19010, mai. 

EASTERLY, William, & Ross LEVINE (2000), « It’s not factor accumulation: Stylized facts and growth models », Banque centrale du Chili, working paper, n° 164, juin.

KLENOW, Peter, & Andrés RODRÍGUEZ-CLARE (1997), « The neoclassical revival in growth economics: Has it gone too far? », in NBER Macroeconomics Annual 1997, vol. 12.

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