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16 avril 2023 7 16 /04 /avril /2023 15:39

L’ère de l’« hypermondialisation » [Subramanian et Kessler, 2013] semble bel et bien être révolue. La croissance des échanges s’était particulièrement accélérée à partir des années 1980, poussant les échanges internationaux, rapportées au PIB mondial, à des niveaux qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais atteints (cf. graphique). Interrompu par la crise financière mondiale, cet épisode n’aura en définitive duré que deux décennies. Les tensions protectionnistes se sont accentuées tout au long de la dernière décennie ; elles se notamment concrétisées avec le Brexit et la guerre commerciale lancée par l’administration Trump. Les appels à une relocalisation des activités les plus essentielles au nom de la « résilience » se sont multipliés avec la pandémie de Covid-19 et les perturbations subséquentes des chaînes de valeur internationales. Enfin, l’invasion russe de l’Ukraine a renforcé les tensions géopolitiques, amenant certains à promouvoir une « amicalisation » (friend-shoring) des échanges. Il n’est pas encore clair qu’une véritable « démondialisation » soit à l’œuvre : la part des exportations mondiales dans le PIB mondial n’a que légèrement diminué depuis la crise financière mondiale [Goldberg et Reed, 2023]. Il serait plus juste de dire que nous connaissons depuis une quinzaine d’année une « slowbalization » [Bensidoun, 2022 ; Chavagneux et Martin, 2022].

GRAPHIQUE  Echanges internationaux (en % du PIB mondial)

Le progrès technique pousse-t-il les pays à commercer toujours plus ?

Ce n’est pas la première vague de mondialisation que le monde ait connue. Dans les décennies qui ont précédé la Première Guerre mondiale, les échanges ont augmenté bien plus vite que la production mondiale, en particulier à partir de 1870 [Berger, 2003]. La Première Guerre mondiale a mis un terme à cette « première mondialisation » en entraînant un retrait durable des échanges. La paix de l’entre-deux-guerres n’a pas stimulé le commerce international ; la Grande Dépression et ses guerres commerciales l’ont davantage déprimé. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que les échanges ont rebondi et il fallut attendre les années 1980 pour les exportations mondiales, relativement à la production mondiale, retrouvent le pic qu’elles avaient atteint à la veille de la Première Guerre mondiale. 

Au début des années 2000, avant que la crise financière mondiale n’éclate, beaucoup croyaient que l’hypermondialisation venait à peine de s’amorcer [Friedman, 2005 ; Blinder, 2006]. Ils n’étaient pas seulement convaincus à l’idée que le protectionnisme ne serait plus à l’ordre du jour ; ils estimaient que le progrès technique, d’une façon ou d’une autre, ne pouvait que pousser toujours plus loin la mondialisation, par exemple en réduisant toujours plus amplement les coûts à l’échange ou en permettant de délocaliser une part croissante des tâches de production. 

La question que Paul Krugman (2023) s’est posée est de savoir si le progrès technique pousse en soi inexorablement aux échanges (même si cette tendance peut être contrariée par des contrecoups politiques) ou bien si ce n’est qu’un certain biais du progrès qui pousse à échanger, un biais susceptible de s’inverser. Selon lui, le progrès technique affecte le commerce international de trois façons : via la convergence ou divergence des niveaux technologiques des différents pays, via le rythme relatif des avancées technologiques en matière de production et de transport et via le progrès technique différentiel qui affecte la part non échangée de la production. Il estime que les deux premiers canaux ont habituellement opéré par le passé de façon à approfondir la mondialisation, mais que cela n’était pas nécessairement le cas ; quant au troisième canal, il opère dans le sens opposé.

Pour évoquer le rôle des différences de niveaux technologiques, Krugman se tourne vers Robert Torrens, un auteur classique dont le nom est aujourd’hui peu cité, mais qui a pourtant été très prolifique sur le thème du commerce international et qui a su notamment, selon lui, élaborer le concept d’avantage comparatif indépendamment de Ricardo. Le concept de Torrens qui intéresse Krugman est celui de la « loi du commerce décroissant » (law of diminishing trade) : à mesure que les pays se développent, il leur est de moins en moins en moins nécessaire de commercer entre eux. Selon Krugman, l’idée de Torrens est que les pays commercent entre eux car ils ne disposent pas du même degré d’avancement technologique ; mais à mesure que le temps passe, les technologies se diffusent et les niveaux technologiques des différents pays tendent à s’égaliser, ce qui pousse les pays à moins échanger. A terme, les pays finissent par se contenter d’importer les produits qu’ils ne peuvent produire par eux-mêmes parce qu’ils ne disposent pas du climat pour ce faire.

Pour Krugman, la logique sous-jacente et le destin du concept de Torrens ne sont pas sans rappeler ceux de la loi de la population de Malthus. Si ses prédictions ne se sont ultérieurement pas vérifiées, ce n’est pas parce que le raisonnement est fondamentalement faux, mais c’est parce que les avancées technologiques réalisées depuis ont été plus importantes qu’il ne l’imaginait et que les écarts technologiques entre pays ont continué de se creuser, du moins jusqu’aux années 1990. Or, rien ne certifie que les avancées technologiques se poursuivent à l’avenir à un rythme soutenue et que les écarts de niveaux technologiques ne se referment pas. Autrement dit, on ne peut exclure un scénario à la Torrens où les pays cessent de commercer entre eux car ils disposent de la technologie pour tout produire. 

La divergence des niveaux technologiques n’est en tout cas pas le seul facteur à avoir contribué à la mondialisation des échanges ; celle-ci a également tenu aux changements dans les coûts de transport. De la maîtrise de l’énergie à vapeur à l’invention des porte-conteneurs, en passant par la création des canaux transocéaniques, les avancées technologiques ont contribué à fortement réduire les coûts de transport par le passé et l’on peut raisonnablement penser qu’elles continueront à le faire à l’avenir.

Cela dit, Krugman note aussi que les avancées technologiques ont en parallèle aussi permis de réduire les coûts de production dans un lieu donné. En fait, il y aurait une « course » entre les technologies de transport et les technologies de production : les pays tendent à échanger davantage entre eux quand les coûts de transport diminuent plus vite que les coûts de production. Jusqu’à présent, les technologies de transport ont certainement eu tendance à gagner par rapport aux technologies de production, mais ce n’était pas nécessairement le cas et cela ne sera pas nécessairement le cas à l’avenir. Certaines périodes passées ont même été marquées par une hausse des coûts de transport ; Antoni Estevadeordal et alii (2003) estiment par exemple que l’effondrement des échanges durant l’entre-deux-guerres s’explique notamment par la hausse des coûts réels du transport. On ne peut exclure que ces derniers augmentent de nouveau.

Certes, il est difficile de toujours distinguer clairement entre biens et services, et ce d’autant plus que certains services peuvent être produits dans un autre pays que celui où se situent leurs consommateurs finaux ; et des biens peuvent difficilement transportés. Mais, contrairement à ce que prévoyait Blinder (2005), l’essentiel des services ne peuvent toujours pas faire d’un échange international. Or, la part de la production de biens dans la production totale a diminué, tandis que la part des services a augmenté. Ce phénomène de tertiarisation s’explique notamment par la loi d’Engel : à mesure que le revenu des ménages augmente, ceux-ci consacrent une part plus petite de leur budget à l’achat d’aliments et une part plus grande aux services comme les loisirs. Elle s’explique aussi par le progrès technique : la productivité a augmenté plus vite dans la production de biens que dans la production de services. Dans tous les cas, la tertiarisation joue contre la mondialisation et, à mesure qu’elle se poursuivra, elle continuera de jouer contre celle-ci.

En définitive, Krugman estime que le progrès technique n’entraîne pas nécessairement une hausse de la part des échanges dans la production mondiale ; il peut même agir de façon à réduire les échanges. Même en l’absence de mesures protectionnistes, il apparaît tout à fait concevable d’imaginer un futur où les pays n’ont plus guère intérêt à échanger entre eux.

 

Références

BENSIDOUN, Isabelle (2022), « La mondialisation ne peut plus être guidée par la réduction des coûts », in Alternatives économiques, 21 mai.

BERGER, Suzanne (2003), Notre Première Mondialisation, Le Seuil. 

BLINDER, Alan (2006), « Offshoring: The next industrial revolution? », in Foreign Affairs.

CHAVAGNEUX, Christian, & Aude MARTIN (2022), « Vers une petite "mondialisation entre amis" ? », in Alternatives économiques, 5 mai.

FRIEDMAN, Thomas (2005), The World is Flat. A Brief History of the Twenty-first Century

GOLDBERG, Pinelopi K., & Tristan REED (2023), « Is the global economy deglobalizing? And if so, why? And what is next? », Banque mondiale, policy research working paper, n° 10392.

ESTEVADEORDAL, Antoni, Brian FRANTZ & Alan M. TAYLOR (2003), « The rise and fall of world trade, 1870-1939 », in The Quarterly Journal of Economics, vol. 118, n° 2.

KRUGMAN, Paul (2023), « Technology and globalization in the very long run », Stone Center on Socio-Economic Inequality, working paper, n° 63.

SUBRAMANIAN, Arvind, & Martin KESSLER (2013), « The hyperglobalization of trade and its future », PIIE, worling paper, n° 13-6

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13 février 2023 1 13 /02 /février /2023 17:10
La politique monétaire accommodante alimente-t-elle l’instabilité financière ?

Lors d’une crise financière, le risque de faillites des institutions financières, notamment des banques, augmente, tandis que certains prix d'actifs, par exemple les cours boursiers et le prix des logements, chutent. En conséquence, les crises financières tendent à déprimer l’activité réelle : les entreprises réduisent leurs investissements  dans la mesure où l’accès au financement bon marché se retreint ; les ménages consomment moins et réduisent leur investissement immobilier, dans la mesure où les banques sont plus frileuses pour prêter et où la chute des prix des actifs entraîne des effets de richesse négatifs, etc. Et, en l’occurrence, le coût d’une crise financière à moyen terme est particulièrement élevé [Cerra et Saxena, 2008 ; FMI, 2009 ; Reinhart et Rogoff, 2009 ; Reinhart et Rogoff, 2014 ; Barnichon et alii, 2018].

Par conséquent, lorsqu’une crise financière éclate, les banques centrales tendent à réagir en assouplissant leur politique monétaire et en baissant notamment leurs taux directeurs, non seulement pour stabiliser le système financier, mais aussi pour contenir les effets sur l’activité réelle. C’est notamment ce qu’a fait la Réserve fédérale en 2000, lorsque la « bulle internet » éclata sur les marchés boursiers, puis de nouveau en 2007, quand la bulle immobilière éclata à son tour, plongeant l’économie américaine dans la Grande Récession.

Malheureusement, il est possible que l’assouplissement monétaire tende en retour à favoriser l’occurrence de crises financières. Certains, comme John Taylor (2011), ont accusé la Réserve fédérale d’avoir incité les institutions financières à prendre des risques excessifs et d’avoir laissé la bulle immobilière croître démesurément en laissant ses taux directeurs « trop longtemps trop bas » suite à l'éclatement de la bulle internet. Dans le sillage de la Grande Récession, beaucoup ont également craint que le maintien prolongé d’une politique monétaire exceptionnellement accommodante alimente de nouveau l’instabilité financière. Ils ont ainsi appelé les banques centrales à normaliser au plus vite leur politique monétaire, quitte à freiner la reprise. 

Plusieurs études empiriques ont pu montrer que les périodes de politique monétaire accommodante augmentaient effectivement la prise de risque de la part des agents financiers, par exemple en nourrissant la « chasse au rendement » [Altunbas et alii, 2014 ; Dell’Ariccia et alii, 2017], mais elles n’ont pas vraiment montré qu’elles se traduisaient au niveau agrégé par des crises financières plus fréquentes ou plus sévères.

Dans une nouvelle étude du NBER, Maximilian Grimm, Òscar Jordà, Moritz Schularick et Alan Taylor (2023) ont précisément cherché à savoir si une orientation accommodante de la politique monétaire alimentait l’instabilité financière. Pour cela, ils ont utilisé les données relatives à plusieurs pays sur une période s’étendant sur un siècle et demi. Pour identifier les périodes au cours desquelles les taux d’intérêt peuvent être considérés comme « excessivement faibles », ils se sont appuyés sur les estimations du taux d’intérêt « d’équilibre » (ou « naturel »), c’est-à-dire du taux d’intérêt qui serait en vigueur si l’économie était au plein emploi sans connaître de tensions inflationnistes (cf. graphique 1). Les périodes qu’ils identifient comme étant marquées par une politique monétaire excessivement accommodante sont alors celles pour lesquelles les taux d’intérêt sont inférieurs au taux d’intérêt d’équilibre.

GRAPHIQUE 1  Taux d’intérêt d’équilibre mondial (en %)

La politique monétaire accommodante alimente-t-elle l’instabilité financière ?

Au terme de leur analyse des données, Grimm et ses coauteurs concluent qu’une politique monétaire accommodante a de significatives implications pour la stabilité financière à moyen terme. En effet, lorsque le taux d’intérêt est en moyenne inférieur d’un point de pourcentage au taux d’intérêt d’équilibre sur une fenêtre de cinq ans, alors la probabilité qu’éclate une crise financière au cours des cinq à sept années suivantes augmente de 5,5 points de pourcentage et la probabilité d’une crise financière au cours des sept à neuf années suivantes augmente de 15,5 points de pourcentage. Ces effets sont significatifs, dans la mesure où la probabilité inconditionnelle qu’une crise financière éclate au cours d’une fenêtre de trois ans est de 10,5 %. En suggérant que les assouplissements monétaires tendent à alimenter l'instabilité financière, ces premiers résultats font écho à ceux obtenus dans la récente étude de Niall Ferguson et alii (2023) : ces derniers ont noté que les expansions des bilans des banques centrales étaient suivies par un risque accru de crises financières. 

Grimm et ses coauteurs ont ensuite cherché à déterminer comment une politique monétaire accommodante peut alimenter l’instabilité financière. Ils ont tout d’abord procédé à une étude d’événement. D’une part, ils ont déterminé l’orientation de la politique monétaire avant les crises financières relativement à celle observée en temps normal (cf. graphique 2, gauche). Il apparaît qu’au cours des cinq années précédant une crise financière l’indicateur d’orientation de la politique monétaire diminue à moyen terme, puis augmente immédiatement avant la crise. En l’occurrence, il est en moyenne 3,5 points de pourcentage inférieur cinq ans avant une crise relativement à ce qu’il est à l’instant même où éclate la crise. D’autre part, Grimm et alii ont déterminé l’évolution du ratio crédit sur PIB avant une crise financière relativement à celle observée en temps normal (cf. graphique 2, droite). Ils constatent qu’au cours des cinq années qui précèdent une crise le ratio crédit sur PIB augmente chaque année 1,7 point de pourcentage plus vite qu’en temps normal. En définitive, ces premiers éléments empiriques suggèrent que la politique monétaire est relativement plus accommodante qu’en temps normal dans les années qui précèdent une crise financière et que cette période s’accompagne d’un boom du crédit. Ce fut notamment le cas au début des années deux mille aux Etats-Unis avant qu’éclate la bulle immobilière.

GRAPHIQUE 2  Orientation de la politique monétaire et croissance du crédit avant une crise financière

La politique monétaire accommodante alimente-t-elle l’instabilité financière ?

Cette corrélation semble bien sous-tendre une causalité : lorsque les taux d’intérêt sont inférieurs au taux naturel pour une période de temps prolongée, la croissance des prix d’actifs et du crédit tend à s’accélérer. Or, plusieurs travaux empiriques, notamment auxquels certains d’entre eux ont participé, ont montré qu’une forte croissance du crédit [Schularick et Taylor, 2012 ; Jordà et alii, 2016], le boom des prix de l’immobilier [Jordà et alii, 2015a] et leur interaction [Jordà et alii, 2015b ; Greenwood et alii, 2022] constituent des indicateurs avancés robustes des crises financières. Autrement dit, ces travaux ont donné raison aux intuitions de Kindleberger et de Minsky. 

Enfin, Grimm et ses coauteurs ont observé les effets de la fragilité financière sur l’activité économique réelle. Il apparaît que les conditions financières souples peuvent stimuler la croissance à court terme ; par exemple, il est possible qu’elles stimulent la consommation et l’investissement des entreprises en relâchant les contraintes financières et en alimentant les effets de richesse. Cela dit, Grimm et ses coauteurs constatent que ces bénéfices sont obtenus à un coût considérable : une politique monétaire excessivement accommodante est associée à un risque significativement accru que l’économie connaisse un désastre à moyen terme. Ce résultat fait notamment écho à celui obtenu par Atif Mian et alii (2017) : ces derniers avaient constaté que les booms de l’endettement des ménages sont accompagnés d’une stimulation de l’activité réelle, mais que cette stimulation est temporaire et qu’elle finit par s’inverser.

De tels résultats n'amènent pas à exclure l'usage de l'assouplissement monétaire, ne serait-ce que pour stabiliser le système financier, lors d'une crise financière : les coûts macrofinanciers d'une inaction des banques centrales pourraient être bien supérieurs à ceux d'un assouplissement monétaire. Par contre, ils confirment que la gestion des crises financières ne peut reposer sur la seule politique monétaire : des mesures macroprudentielles sont certainement nécessaires pour réduire la fréquence et la sévérité des crises financières. Alors que, dans les décennies qui ont précédé la Grande Récession, la stabilisation de la demande globale avait tendance à reposer sur la seule politique monétaire, de tels résultats confortent l'idée qu'elle ne peut pas reposer uniquement sur celle-ci et que la politique budgétaire a un rôle à jouer.

 

Références

ALTUNBAS, Yener, Leonardo GAMBACORTA & David MARQUES-IBANEZ (2014), « Does monetary policy affect bank risk? », in International Journal of Central Banking, vol. 10, n° 1.

BARNICHON, Regis, Christian MATTHES & Alexander ZIEGENBEIN (2018), « The financial crisis at 10: Will we ever recover? », Federal Reserve Bank of San Francisco, FRBSF Economic Letter, n° 2018-19.

CERRA, Valerie, & Sweta C. SAXENA (2008), « Growth dynamics: The myth of economic recovery », in American Economic Review, vol. 98, n° 1.

DELL’ARICCIA, Giovanni, Luc LAEVEN & Gustavo A. SUAREZ (2017), « Bank leverage and monetary policy’s risk-taking channel: Evidence from the United States », in Journal of Finance, vol. 72, n° 2.

FERGUSON, Niall, Martin KORNEJEW, Paul SCHMELZING & Moritz SCHULARICK (2023), « The safety net: Central bank balance sheets and financial crises, 1587-2020 », CEPR, discussion paper, n° 17858.

FMI (2009), « What’s the damage? Medium-term output dynamics after financial crises », World Economic Outlook: Sustaining the Recovery, chapitre 4.

GREENWOOD, Robin, Samuel G. HANSON, Andrei SHLEIFER & Jakob Ahm SØRENSEN (2022), « Predictable financial crises », in Journal of Finance, vol. 77, n° 2.

GRIMM, Maximilian, Òscar JORDÀ, Moritz SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2023), « Loose monetary policy and financial instability », NBER, working paper, n° 30958.

JORDÀ, Oscar, Moritz SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2013), « When credit bites back », in Journal of Money, Credit and Banking, vol. 45, n° 2.

JORDÀ, Oscar, Moritz SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2015a), « Betting the house », 37th Annual NBER International Seminar on Macroeconomics.

JORDÀ, Oscar, Moritz SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2015b), « Leveraged bubbles », in Journal of Monetary Economics, vol. 76.

JORDÀ, Oscar, Moritz SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2016), « The great mortgaging: Housing finance, crises and business cycles », in Economic Policy, vol. 31, n° 85.

MIAN, Atif, Amir SUFI & Emil VERNER (2017), « Household debt and business cycles worldwide », in Quarterly Journal of Economics, vol. 132, n° 4.

REINHART, Carmen, & Kenneth ROGOFF (2009), « The aftermath of financial crises », in American Economic Review, n° 99.

REINHART, Carmen, & Kenneth ROGOFF (2014), « Recovery from financial crises: Evidence from 100 episodes », in American Economic Review, vol. 104.

SCHULARICK, Moritz, & Alan M. TAYLOR (2012), « Credit booms gone bust: Monetary policy, leverage cycles, and financial crises, 1870–2008 », in American Economic Review, vol. 102, n° 2.

TAYLOR, John B. (2011), « Macroeconomic Lessons from the Great Deviation », in NBER Macroeconomics Annual, vol. 25.

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11 février 2023 6 11 /02 /février /2023 09:00
La Fed a-t-elle souvent réussi à faire atterrir en douceur l'économie américaine ?

L’inflation a régulièrement augmenté depuis le début de l’année 2021. Dans les pays développés, elle a retrouvé des niveaux qu’elle n’avait plus atteints depuis quatre décennies. Pour ramener l’inflation à sa cible, les banques centrales ont entamé un cycle de resserrement monétaire. C’est le cas de la Réserve fédérale depuis mars dernier. La question qui se pose est de savoir si elle est capable de ramener l’inflation à des niveaux plus raisonnables sans provoquer de récession, ni une forte hausse du chômage ; autrement dit, sans provoquer un atterrissage brutal de l’économie. Après tout, l'essentiel des effets de la politique monétaire sur l'inflation transite via ses effets sur l'activité économique : c'est précisément parce qu'il déprime l'activité qu'un resserrement freine les prix [Choi et alii, 2022].

Les responsables de la Fed espèrent faire atterrir en douceur l'économie, mais cette tâche n’est a priori pas évidente. En effet, comme le soulignait Milton Friedman (1961), la transmission de la politique monétaire sur l’activité économique souffre de « délais longs et variables » : ses effets ne se manifestent pas immédiatement. Par conséquent, lorsqu’une banque centrale resserre sa politique monétaire pour réduire l’inflation, cette dernière risque de ne pas réagir rapidement et de continuer à augmenter. En fait, le temps que les effets du resserrement monétaire se manifestent, l’inflation peut entamer une décrue indépendamment de celle-ci. Surtout, si la banque centrale augmente ses taux davantage que nécessaire pour ramener l’inflation à sa cible, l’activité risque de tellement ralentir que l’économie se retrouve en récession. Or, l’assouplissement monétaire souffre également de délais de transmission, si bien que si le resserrement monétaire se révèle excessif, la banque centrale risque de ne pas pouvoir assouplir assez vite sa politique monétaire pour empêcher l’économie de basculer dans la récession ou pour l’en sortir rapidement (1). C’est pour cette raison que Friedman craignait que l’usage de la politique monétaire pour stabiliser l’activité ne conduise en fait qu’à amplifier les fluctuations de celle-ci.

En outre, l’activité économique ne fluctue pas sous le seul effet de la politique monétaire : l’économie subit régulièrement des chocs externes. Les effets négatifs d’un resserrement monétaire sur l’activité sont atténués si l’économie connaît des chocs positifs. Par contre, ils seront amplifiés si l’économie connaît des chocs négatifs, comme une hausse du prix des produits de base, auquel cas les tentatives d’une banque centrale tenant de procéder à un atterrissage en douceur risquent de se solder par un atterrissage brutal. 

Alan Blinder (2023) a étudié les resserrements monétaires auxquels la Fed a procédés par le passé afin de déterminer dans quelle mesure la banque centrale a pu faire refluer l’inflation sans provoquer d’atterrissage brutal de l’économie. Il a en a repéré onze entre 1965 et 2022 (cf. graphique). 

GRAPHIQUE Taux des fonds fédéraux effectif (en %)

La Fed a-t-elle souvent réussi à faire atterrir en douceur l'économie américaine ?

Certains de ces événements peuvent être écartés de l’analyse. Par exemple, les resserrements de 2004-2006 et de 2015-2019 ont été suivis par une forte contraction de l’activité, mais ces dernières ne résultent pas des premières, du moins pas directement. La récession de 2007 a été provoquée par l’éclatement de la bulle immobilière, tandis que celle de 2020 a été provoquée par la pandémie et les mesures sanitaires adoptées en vue de la contenir. 

Les resserrements de 1972-1974, de 1977-1980 et de 1980-1981 ont été suivis par de fortes contractions de l’activité et les premières ont clairement contribué aux secondes. Autrement dit, il fallut trois atterrissages brutaux pour parvenir à juguler la Grande Inflation. Mais, dans le premier cas, Blinder estime que l’économie américaine aurait probablement basculé dans la récession même si la Fed n’avait pas resserré sa politique monétaire, dans la mesure où elle subissait des chocs d’offre négatifs particulièrement sévères. Et au cours des deux resserrements suivants, la banque centrale, sous les manettes de Volcker, ne cherchait absolument pas à procéder à un atterrissage en douceur : la Réserve fédérale affichait précisément son intention de provoquer une récession pour stabiliser les prix. 

Ainsi, si l’on fait abstraction de ces cinq épisodes, il reste six resserrements à l’examen. Suite à chacun d’entre eux, l’économie semble avoir connu un atterrissage en douceur : soit il n’y a pas eu de récession, soit celle-ci a été particulièrement limitée. Le resserrement de 1988-1989 s’apparente à une exception, mais Blinder estime que la Fed aurait parvenu à entreprendre un atterrissage en douceur s’il n’y avait pas eu la guerre du Golfe. 

D’un autre côté, les resserrements apparents de la politique monétaire n’en ont peut-être pas tous été de véritables. Par exemple, les hausses de taux ont été très limitées en 1965-1966 et en 1983-1984.  En outre, certains resserrements monétaires ont coïncidé avec des chocs positifs, qui en ont atténué les effets. Ce fut clairement le cas dans les années soixante, quand les dépenses publiques liées à la guerre du Vietnam soutenaient l’activité, et au milieu des années quatre-vingt, quand l’administration Reagan précéda à d’amples baisses d’impôts. Quant au resserrement monétaire du milieu des années quatre-vingt-dix, ses effets ont pu finir par être amortis par ceux de la naissante bulle internet. 

Blinder opte pour une conclusion plutôt optimiste : la Réserve fédérale s’est révélée capable par le passé de réduire l’inflation sans provoquer d’atterrissage brutal de l’économie. Mais à la condition que le besoin de lutter contre l’inflation ne soit pas trop pressant et que l’économie ne connaisse pas de chocs négatifs de grande ampleur.

A cet égard, la Fed ne semble pas aujourd’hui dans la situation la plus propice : l’économie américaine fait face à des niveaux d’inflation élevés et l’environnement extérieur ne s’est guère révélé être porteur ces derniers trimestres, notamment avec les perturbations persistantes des chaines de valeur internationales aux désordres provoqués par l’invasion russe de l’Ukraine. 

 

(1) Ce problème de délais dans la transmission de la politique monétaire est d’autant plus aigu que les effets de celle-ci sont asymétriques : les resserrements monétaires dépriment davantage l’activité économique que les assouplissements monétaires ne la stimulent [Choi et alii, 2022 ; Grigoli et Sandri, 2023].

 

Références

BLINDER, Alan S. (2023), « Landings, soft and hard: The Federal Reserve, 1965–2022 », in Journal of Economic Perspectives, vol. 37, n° 1.

CHOI, Sangyup, Tim WILLEMS & Seung Yong YOO (2022), « Revisiting the monetary transmission mechanism through an industry-level differential approach », FMI, working paper, n° 22/17.

FRIEDMAN, Milton (1961), « The lag in effect of monetary policy », in Journal of Political Economy, vol. 69, n° 5.

GRIGOLI, Francesco, & Damiano SANDRI (2023), « Monetary policy and credit card spending », BRI, working paper, n° 1064.

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