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26 août 2015 3 26 /08 /août /2015 19:32

Le dollar a connu ces dernières décennies des cycles d’appréciation et de dépréciation ; en moyenne, les appréciations ont duré 6 ans et les dépréciations environ 9 ans. Le dollar semble par exemple avoir amorcé un nouveau cycle d’appréciation depuis le milieu de l’année 2014, avec la poursuite de la reprise et la perspective d'un resserrement de la politique monétaire américaine. Or les variations de son taux de change pourraient directement affecter la croissance économique des pays émergents.

Lorsque Pablo Druck, Nicolas Magud et Rodrigo Mariscal (2015) prennent l’exemple le continent sud-américain, grand exportateur de matières premières, ils notent que son rythme de croissance semble dépendre des conditions monétaires prévalant aux Etats-Unis, du taux de change du dollar et du prix des matières premières. En effet, les années soixante-dix ont été marquées par la dépréciation du dollar, par une politique monétaire américaine expansionniste et par une hausse des prix des matières premières, notamment deux chocs pétroliers. Au cours de cette décennie, la croissance était médiocre aux Etats-Unis, mais particulièrement forte en Amérique du Sud, puisqu’elle y atteignait en moyenne plus de 6 %. Les années quatre-vingt ont été marquée par la désinflation Volcker. La Fed a fortement resserré sa politique monétaire au début de la décennie. Le dollar s’est alors apprécié et les prix des matières premières ont chuté. La croissance sud-américaine fut au mieux médiocre, atteignant en moyenne 2,5 %. En fait, les années quatre-vingt ont été qualifiées de « décennie perdue » pour l’Amérique latine. Dans les années quatre-vingt-dix et plus particulièrement après la récession américaine de 1993, les Etats-Unis ont connu l’une de leurs plus longues périodes de croissance. Les prix des matières premières étaient faibles, tandis que les taux d’intérêt réels étaient certes plus élevés que durant les années soixante-dix, mais ils demeuraient néanmoins plus faibles que durant les années quatre-vingt. Au cours de cette période, la croissance sud-américaine atteignait elle-même une valeur intermédiaire en tournant en moyenne autour de 3 %. Les années deux mille ont été marquées par de faibles taux d’intérêt réels, par une dépréciation du dollar et par un puissant essor des prix des matières premières. La croissance sud-américaine s’est accélérée, atteignant en moyenne 4,25 %.

Druck et ses coauteurs ont procédé à une analyse rigoureuse du lien entre taux de change du dollar et croissance des pays émergents à partir de données relatives à la période 1970-2014. Historiquement, il semble qu’une accélération de la croissance américaine tend en soi à s’accompagner d’une accélération de la croissance dans les pays émergents, dans la mesure où elle stimule la demande extérieure pour ces derniers. Pour autant, les cycles d’appréciation du dollar tendent à réduire la croissance du PIB réel des pays émergents, alors que les cycles de dépréciation tendent à la stimuler. Les auteurs estiment que les prix des matières premières constituent le principal canal de transmission : comme le dollar d’apprécie, les prix des matières premières chutent ; la chute des prix d’actifs déprime la demande domestique en réduisant le revenu réel. Cet effet de revenu associé à l’appréciation du dollar compense tout effet bénéfique associé à la dépréciation de la devise domestique. Inversement, lorsque le dollar se déprécie, le prix des matières premières tend à augmenter, ce qui augmente le revenu réel, la demande domestique et par conséquent la croissance réelle au sein des pays émergents. Indépendamment des variations du taux de change, une hausse des taux d’intérêt américaine contribue à réduire la croissance dans les pays émergents. Tous ces effets sont amplifiés dans les pays ayant adopté un régime de change rigide. Bien que les exportateurs nets de matières premières soient les pays les plus affectés par un dollar fort, les pays qui dépendent de l’importation de capital ou d’intrants pour la production domestique ne sont pas épargnés. 

Ces résultats sont cohérents avec ceux obtenus par la littérature existante. Par exemple, Jeffrey Frankel (1986) a observé que l’assouplissement de la politique monétaire américaine (habituellement associé à une dépréciation du dollar) se traduit par une hausse des prix des matières premières. Rudiger Dornbusch (1985), Eduardo Borensztein et Carmen Reinhart (1994), et Farook Akram (2008) ont montré que les prix nominaux et réels des matières premières varient dans le sens inverse du taux de change réel américain. De leur côté, Zhang et alii (2008) montrent qu’un dollar fort pousse à la baisse les prix du pétrole.

L’étude réalisée par Druck et alii éclaire les perspectives de croissance des pays émergents à moyen terme. Les pays émergents connaissent un ralentissement de leur croissance depuis quelques années. La perspective d’un resserrement de la politique monétaire américaine, la fin du supercycle des prix des matières premières et l’appréciation du dollar américain ont pu contribuer à ce ralentissement, tout du moins ces derniers mois. Si la Fed s’engage dans un cycle de hausses de son taux directeur, ce resserrement monétaire entretiendra l’appréciation du dollar. Dans tout les cas, si le dollar reste fort à moyen terme, les prix des matières premières demeureront durablement faibles, ce qui devrait freiner davantage la demande domestique et la croissance du PIB réel dans les pays émergents.

 

Références

AKRAM, Q. Farooq (2008), « Commodity prices, interest rates, and the dollar », Banque centrale de Norvège, working paper, n° 2008/12, août.

BORENSZTEIN, Eduardo, & Carmen REINHART (1994), « The macroeconomic determinants of commodity prices », FMI, staff paper, vol. 41, n° 2, juin.

DORNBUSCH, Rudiger (1985), « Inflation, exchange rates and stabilization », NBER, working paper, n° 1739, octobre.

DRUCK, Pablo, Nicolas E. MAGUD & Rodrigo MARISCAL (2015a), « Collateral damage: Dollar strength and emerging markets’ growth », FMI, working paper, n° 15/179, juillet.

DRUCK, Pablo, Nicolas E. MAGUD & Rodrigo MARISCAL (2015b), « Collateral damage: Dollar strength and emerging markets’ growth », in VoxEU.org, 16 août.

FRANKEL, Jeffrey (1986), « Expectations and commodity price dynamics: the overshooting model », in Journal of Agricultural Economics, vol. 68, n° 2, mai.

ZHANG, Yue-Jun, Ying FAN, Hsien-Tang TSAI & Yi-Ming WEI (2008), « Spillover effect of U.S. dollar exchange rate on oil policies », in Journal of Policy Modeling, vol. 30.

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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 15:45

Le taux de chômage américain semble présenter une forte volatilité conjoncturelle, en augmentant fortement et rapidement à chaque récession, mais avec une tendance à revenir vers un niveau initial presque invariant (cf. graphique 1). A l’inverse, le taux de chômage de la zone euro semble suivre une tendance haussière. Ses variations sont plus lisses, mais plus persistantes, que celles du chômage américain. A chaque nouvelle récession, il semble atteindre un nouveau plateau, dont il peut certes finir par s’éloigner, mais pas pour revenir vers une valeur d’équilibre qui soit constante à long terme. Ainsi, pour Jordi Galí (2015), le taux de chômage américain semble présenter des fluctuations propres à un processus stochastique stationnaire, tandis que le taux de chômage de la zone euro semble suivre un processus stochastique avec une racine unitaire, c’est un processus non stationnaire avec une composante permanente de type marche aléatoire. Cette composante non stationnaire suggère que certains chocs ont des effets permanents sur le taux de chômage de la zone euro.

GRAPHIQUE 1  Taux de chômage des Etats-Unis et de la zone euro (en %)

Les effets d’hystérèse contribuent-ils au chômage de la zone euro ?

La persistance du chômage à un niveau élevé en Europe depuis les années quatre-vingt a alimenté l’idée qu’il serait de nature structurelle. Beaucoup ont accepté l’idée d’une composante naturelle du chômage, qui resterait par définition insensible aux politiques conjoncturelles. Selon les monétaristes et les nouveaux classiques, le chômage reviendrait mécaniquement à son niveau naturel, si bien que toute politique de relance cherchant à réduire le chômage en-deçà de son niveau naturel serait vaine, du moins à long terme. Dans cette optique, seules des politiques structurelles sont susceptibles de conduire à une baisse durable du chômage, d’où les appels répétés à ce que les pays européens accélèrent les réformes. Pour les (nouveaux) keynésiens, ce n’est pas parce qu’il existe une composante naturelle que le chômage va spontanément revenir à celle-ci : les politiques conjoncturelles ont un rôle à jouer, ne serait-ce que pour éliminer la composante conjoncturelle du chômage. En outre, certains suggèrent que la composante naturelle du chômage n’est pas totalement insensible aux évolutions du taux de chômage courant en raison d’effets d’hystérèse (ou d’hystérésis). Autrement dit, si le taux de chômage demeure durablement au-dessus de son niveau naturel, c’est-à-dire si le taux de chômage conjoncturel reste important, alors le chômage naturel est susceptible de s’aggraver. Par conséquent, plus les autorités publiques tardent à relancer l’activité pour éliminer le chômage conjoncturel, plus ce dernier est susceptible de « s’enkyster » et de devenir structurel. C'est précisément la thèse que développaient Olivier Blanchard et Lawrence Summers (1986) pour expliquer le haut niveau de chômage en Europe au milieu des années quatre-vingt.

Plusieurs raisons ont été avancées pour justifier l’existence d’effets d’hystérèse contribuant à freiner le reflux du chômage lorsqu’une économie sort de récession. Premièrement, plus un travailleur reste longtemps au chômage, plus il perd en compétences et en motivation, plus il devient inemployable. Deuxièmement, les salariés (insiders) profitent de la hausse du chômage pour réclamer des hausses salariales, mais celles-ci réduisent les chances que les chômeurs (outsiders) soient embauchés. Pour être exact, c’est en compliquant l’embauche des outsiders que les insiders se retrouvent en position de force pour réclamer des hausses de salaire. Troisièmement, les entreprises réduisent fortement leurs investissements en période de récession, si bien qu’elles ne peuvent pas rapidement accroître leurs capacités de production lors des phases de reprise, ce qui les désincite à embaucher au cours de ces dernières. Quatrièmement, la générosité du système d’indemnisation du chômage amène les chômeurs à réviser à la hausse leur salaire de réservation, c’est-à-dire les incite à allonger leur période de recherche d’emploi. Les mêmes facteurs qui conduisent à une persistance du chômage peuvent eux-mêmes contribuer à freiner les reprises de l’activité. La contraction de la population active, la détérioration des compétences des travailleurs et l'atonie de l’investissement détériorent les perspectives de croissance à long terme, donc la capacité de l’économie à créer de nouveaux emplois. Ainsi, un chômage élevé et la faiblesse de l’activité sont susceptibles de s’entretenir mutuellement.  

Jordi Galí a désiré davantage éclairer la nature et les sources de la non-stationarité du taux de chômage de la zone euro en analysant le comportement du chômage et de l’inflation salariale dans la zone euro au cours de la période 1970-2014. Il note tout d’abord que l’inflation salariale a eu tendance à fortement ralentir entre 1970 et 1993. Ce ralentissement a été synchrone avec une forte hausse du taux de chômage. L’inflation salariale s’est stabilisée après 1993, tournant en moyenne autour de 2,2 % par an. Sur la même période, le taux de chômage semble avoir persisté dans son comportement non stationnaire, ce qui suggère que les deux variables se sont découplées l’une de l’autre. Ainsi, si la courbe de Phillips salariale avoir une pente décroissante au cours de la première période, elle semble s’être aplatie au cours de la seconde (cf. graphique 2).

GRAPHIQUE 2  La courbe de Phillips de la zone euro

Les effets d’hystérèse contribuent-ils au chômage de la zone euro ?

Galí teste alors trois hypothèses (non exclusives) susceptibles d’expliquer la persistance du chômage en zone euro. Selon l’hypothèse du taux de chômage naturel, la hausse du chômage correspond à la hausse même du taux de chômage naturel. Selon l’hypothèse de l’hystérèse, la hausse du chômage courant a entraîné une détérioration du chômage structurel via les effets d’hystérèse. Enfin, selon l’hypothèse de l’arbitrage à long terme, inspirée de la courbe de Phillips, il existe un arbitrage entre inflation et chômage, si bien qu’une baisse du taux d’inflation coïncide avec une hausse du taux de chômage.

L’analyse de Galí suggère qu’aucune des trois hypothèses ne peut expliquer à elle seule les données du chômage et de l’inflation salariale entre 1970 et 2014. Par contre, l’hypothèse d’arbitrage à long terme et l’hypothèse d’hystérèse, prises conjointement, suffisent à interpréter le comportement du taux de chômage et de l’inflation salariale au cours de la période. L’analyse suggère que les variations exogènes permanentes du taux naturel ne sont pas susceptibles d’être à l’origine de la racine unitaire du chômage de la zone euro, dans la mesure où le comportement de l’écart de chômage impliqué par cette hypothèse est difficilement conciliable avec les dynamiques observées de l’inflation salariale. L’hypothèse d’arbitrage à long terme pourrait en principe expliquer la hausse tendancielle du chômage durant les années soixante-dix et quatre-vingt, dans la mesure où les économies connurent effectivement une désinflation au cours de ces décennies. Les politiques désinflationnistes, contribuant à réduire la demande globale, auraient ainsi directement contribué à accroître le chômage européen au cours de ces deux décennies. Pourtant, le modèle ne peut expliquer simultanément l’ampleur du déclin du chômage qui accompagna cette désinflation et la volatilité observée du chômage. Par contre, l’hypothèse de l’hystérèse ne semble pas vraiment entrer en conflit avec les données. Elle peut expliquer pourquoi l’inflation salariale ait été remarquablement stable après 1994, malgré les variations non stationnaires du taux de chômage. 

Au terme de ses résultats, Galí note que la faible sensibilité de l’inflation salariale au taux de chômage depuis 1994 a plusieurs implications pour la conduite de la politique monétaire au sein de la zone euro. D’une part, elle implique que les chocs de demande globale ont un moindre impact sur l’inflation salariale et par conséquent sur l’inflation des prix que par le passé. Il est donc davantage aisé pour la BCE d’atteindre ses objectifs de stabilité des prix (en l’occurrence, maintenir l’inflation au plus proche de 2 %). D’autre part, la BCE doit davantage se focaliser sur la stabilisation du chômage, puisqu’une politique monétaire qui ne répondrait qu’aux seuls écarts de l’inflation par rapport à sa cible entraînerait des fluctuations excessives du chômage et de l’activité économique en raison de l’aplatissement de la courbe de Phillips. Si la faible sensibilité de l’inflation au chômage trouve son explication dans l’hystérèse, alors deux raisons justifient que la BCE donne plus d’importance à la stabilisation du chômage. Tout d’abord, en l’absence d’une politique contracyclique, il n’y a pas d’ancre qui garantisse que le chômage reviendra à un quelconque niveau que l’on puisse qualifier de naturel, si bien que l’économie pourrait se retrouver avec un faible niveau d’activité économique pendant une période prolongée. En outre, tout resserrement de la politique monétaire en réponse à un écart de l’inflation par rapport à sa cible entraînerait une hausse bien plus large et persistante du chômage. La politique optimale est susceptible d’impliquer une plus grande stabilité du taux de chômage que ne le suggèrent habituellement les modèles.

 

Références

BLANCHARD, Olivier, & Lawrence SUMMERS (1986), « Hysteresis in unemployment », in NBER Macroeconomics Annual, vol. 1.

GALÍ, Jordi (2015)« Hysteresis and the European unemployment problem revisited », NBER, working paper, n° 21430, juillet.

SUMMERS, Lawrence (2015), « Comments from ECB Conference », 22 mai.

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20 août 2015 4 20 /08 /août /2015 20:13

La poursuite de l’intégration européenne ces dernières décennies n’a pas eu pour seul objectif affiché de stimuler la croissance de ses pays-membres, mais également d’assurer la convergence de leurs niveaux de vie. La création d’une zone de libre-échange et l’adoption d’une monnaie unique visaient notamment à stimuler les échanges, à faciliter la circulation des facteurs de production et à accélérer leur transfert vers leur usage le plus productif. Afin qu’il y ait une convergence des niveaux de vie, la croissance doit être d’autant plus forte que le pays est pauvre, ce qui peut nécessiter un transfert d’épargne vers les pays les plus pauvres, donc une dégradation de leurs soldes extérieurs. Pour que cette convergence soit soutenable, l’offre et la demande globales doivent croître de concert.

Dans son dernier Economic Bulletin, la BCE (2015) s’est interrogée sur la réalité de la convergence au sein de l’Union européenne et en particulier de la zone euro. En l’occurrence, elle appréhende la convergence réelle à travers deux concepts complémentaires, en l’occurrence la convergence β et la convergence σ. La convergence β s’opère lorsque les économies à faible revenu connaissent une plus forte croissance que les pays à haut revenu, c’est-à-dire lorsqu’il y a un rattrapage des premières sur les secondes. Cette convergence est mesurée en termes de PIB par tête relatif en standards de pouvoir d’achat. La convergence σ désigne la réduction de la dispersion des niveaux de revenu entre les pays. Ainsi, la convergence réelle fait avant tout allusion à la convergence β, la convergence σ apparaissant comme un sous-produit de cette dernière.

GRAPHIQUE 1  Le PIB par tête (en standards de pouvoir d’achat, base 100 = moyenne de l’UE à 28)

Les écueils de la convergence européenne selon la BCE

source : BCE (2015)

L'analyse de la BCE ne parvient pas à mettre en évidence une relation significative entre les niveaux relatifs du PIB par tête en 1999 et leur croissance relative sur la période comprise entre 1999 et 2014 (cf. graphique 1). Certes les pays de l’UE qui n’appartiennent pas la zone euro et les pays-membres qui n’ont adopté l’euro qu’après 2002 ont réalisés de meilleures performances que les 12 pays-membres originels de la zone euro. En outre, la dispersion des niveaux de revenu par tête semble s’être réduite au niveau de l’UE à 28, grâce au rattrapage des pays d’Europe centrale et orientale, en notant que cette réduction est plus lente depuis 2008 (cf. graphique 2). 

GRAPHIQUE 2  Ecarts-types des PIB par tête (en standards de pouvoir d’achat)

Les écueils de la convergence européenne selon la BCE

source : BCE (2015)

Cependant les premiers pays qui ont adopté l’euro (en 1999 et 2001) semblent au contraire avoir connu une divergence si l’on observe l’ensemble de la période. Une convergence semble avoir été temporairement à l’œuvre parmi les 12 premiers pays-membres de la zone euro. Durant la période qui précède la crise financière mondiale, la Grèce et l’Espagne ont connu la plus forte croissance parmi l’union monétaire. Ce processus de rattrapage s’est rapidement inversé sur la période 2008-2013 lorsque ces deux pays subirent une sévère récession. Au final, l’Espagne et le Portugal ont maintenu l’écart de revenu qu’ils accusaient avec la moyenne de la zone euro, tandis que la Grèce l’a aggravé. Parmi les pays à haut revenu, l’Italie a été marquée par une croissance particulièrement faible, aussi bien avant qu’après la crise financière mondiale, si bien qu’elle a connu au final une divergence (cf. graphique 3).

GRAPHIQUE 3  PIB réel par tête parmi les 12 pays-membres originels de la zone euro

Les écueils de la convergence européenne selon la BCE

source : BCE (2015)

Selon la BCE, l’insoutenabilité de la convergence observée dans les années qui ont précédé la crise résulte de la combinaison de trois facteurs. Premièrement, la croissance du revenu par tête pourrait avoir été entravée par la mauvaise qualité des institutions et de la gouvernance. En effet, les pays les mieux classés en termes de gouvernance tendent à présenter les plus hauts niveaux de revenu. Par contre, la Grèce, l’Espagne, l’Italie et le Portugal sont mal notés en termes de gouvernance. Or de mauvaises institutions peuvent éroder la confiance et le capital social essentiels pour les échanges et l’innovation.

Deuxièmement, les pays présentant les plus fortes rigidités structurelles ont été particulièrement affectés par la crise financière. A long terme, les rigidités sur le marché du travail et sur les marchés des biens et services contribuent à la mauvaise allocation des facteurs de production, ce qui empêche d’accroître de façon soutenable le potentiel d’offre. A court terme, elles empêchent une réallocation des facteurs en dehors des secteurs touchés par la crise, ce qui contribue à la persistance du chômage.

Troisièmement, dans les années qui ont précédé la crise, la faiblesse de la croissance potentielle dans plusieurs pays-membres a été dissimulée par un boom de la demande domestique alimenté par le crédit. L’Irlande, l’Espagne et, dans une moindre mesure, la Grèce et le Portugal ont enregistré une forte hausse de l’endettement du secteur privé. En effet, suite à l’adoption de la monnaie unique et la convergence des taux d’intérêt nominaux, les taux d’intérêt réels ont fortement chuté, en particulier dans les pays périphériques. Cette baisse des taux d’intérêt réels a entraîné une expansion du crédit et de la demande, mais celle-ci a entretenu en retour la baisse des taux d’intérêt réels en alimentant l’inflation. Dans la mesure où les autorités budgétaires ont surestimé la croissance potentielle, c’est-à-dire finalement la soutenabilité de la croissance, elles ont eu tendance à adopter une politique budgétaire excessivement accommodante, ce qui alimenta le boom et réduisit la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour faire face à une crise. En outre, la forte demande domestique s’est traduite par un creusement des déficits extérieurs. Un tel processus est tout à fait normal dans des économies en rattrapage, mais les entrées de capitaux ont financé l’activité dans des secteurs peu productifs, peu exportateurs, mais présentant de fortes rentes.

Par conséquent, les entrées de capitaux dans les pays à faible revenu n’ont pas toujours impulsé une convergence de la productivité avant la crise. Les pays-membres les plus pauvres de l’UE à 28 ont dans l’ensemble présenté la plus forte croissance de la productivité totale des facteurs, ce qui suggère qu’un processus de convergence est à l’œuvre, mais ce résultat repose surtout sur les performances des pays d’Europe centrale et orientale. Parmi les 12 pays-membres originels de la zone euro, les plus riches ont eu tendance à connaître une plus forte croissance de la productivité totale des facteurs que les plus pauvres. La croissance de la productivité du travail a été décevante en Grèce, en Espagne et au Portugal. Malgré son statut de pays riche, l’Italie se singularise par une faible croissance de la productivité totale des facteurs.

 

Référence

BCE (2015), « Real convergence in the euro area: evidence, theory and policy implications », Economic Bulletin, n° 5.

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