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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 11:33

La faiblesse persistante de la demande globale et la chute des prix du pétrole ont poussé les prix à la baisse. Or la faiblesse de l’inflation (lowflation) observée suite à la Grande Récession et le récent basculement de la zone euro, puis du Royaume-Uni, dans la déflation ont nourri les craintes que l’actuelle reprise s’en trouve avortée. La déflation est en effet susceptible de dégrader l’activité économique, en particulier si elle découle d’une insuffisance de la demande globale. D’une part, lorsqu’ils anticipent une poursuite de la baisse des prix, les agents retardent leurs achats de biens durables, ce qui comprime davantage la demande globale et incite les entreprises à réduire effectivement leurs prix. D’autre part, la chute des prix est susceptible de générer des dynamiques de déflation par la dette (debt deflation) : comme l’a noté Irving Fischer (1933), si les entreprises réduisent leurs prix lors d’une récession pour gagner en liquidité et se désendetter, leurs recettes ont tendance à se réduire, or elles doivent généralement verser un montant fixe d’intérêts, si bien que le poids réel de leur dette a tendance à augmenter. En d’autres termes, si les prix diminuent alors même que les taux d’intérêt nominaux ne varient pas, alors les taux d’intérêt réels sont poussés à la hausse. Non seulement les emprunteurs ont plus de chances de faire faillite, mais les banques également. Ces dernières ont alors tendance à resserrer leurs prêts, ce qui aggrave les difficultés des entreprises et comprime davantage la demande. Or, la banque centrale n’a qu’une marge de manœuvre limitée pour combattre déflation, car il lui est difficile de réduire ses taux directeurs en-deçà de zéro. La sévérité de la Grande Dépression s’expliquerait précisément par le fait que la contraction de l’activité ait été synchrone avec une déflation.

Le secteur privé n’est pas le seul à désirer se désendetter. L’une des craintes aujourd’hui est que la déflation aggrave l’endettement public, alors même que ce dernier atteint déjà des niveaux historiquement élevés. Le risque est que cette nouvelle détérioration des finances publiques, provoquée par la baisse des prix, incite les gouvernements à chercher à se désendetter plus rapidement en adoptant des mesures supplémentaires d'austérité budgétaire, ce qui détériorerait davantage l’activité économique (donc pousserait à nouveau les prix à la baisse) et accroîtrait par là en définitive le ratio d’endettement public (ce qui augmenterait le risque de défaut de paiement souverain).

La déflation impacte les finances publiques via plusieurs canaux. Premièrement, elle est susceptible d’influencer le solde primaire en affectant les recettes publiques [FMI, 2014 ; End et alii, 2015]. L’Etat capte tout d’abord moins de ressources réelles via la création monétaire (il reçoit moins de recettes du seigneuriage). En outre, la déflation n’affecterait pas le ratio recettes sur PIB si le système fiscal était entièrement proportionnel. Dans la réalité toutefois, dans la mesure où la fiscalité est (relativement) progressive et où les tranches d’imposition sont imparfaitement ou aucunement indexées sur l’inflation, un ralentissement de l’inflation va réduire les ratios de recettes, puisque la plus lente croissance des revenus nominaux ralentit le passage des contribuables aux tranches supérieures. Par contre, les délais dans la perception des impôts peuvent accroître le ratio impôts sur PIB à court terme, puisque le montant des impôts sur le revenu est déterminé à partir du montant des revenus de l’année précédente, si bien la valeur nominale des perceptions d’impôts sur le revenu peut temporairement augmenter plus rapidement que les prix courants.

Deuxièmement, la déflation influence également le solde primaire en affectant les dépenses publiques. Ces dernières sont caractérisées par des rigidités nominales : pour de multiples raisons, les baisses de prix ne se traduisent pas immédiatement par une baisse des dépenses publiques. Par exemple, il peut être politiquement difficile (et économiquement désastreux) de réduire les salaires et les transferts sociaux lorsque les prix chutent. Le montant de certaines dépenses récurrentes (comme les dépenses de maintenance) est spécifié dans des contrats pluriannuels, qui ne sont pas fréquemment renégociés. Plus largement, les dépenses publiques sont (en principe) décidées lors de l’élaboration du Budget, mais réalisées bien après, si bien qu'elles ne prennent pas forcément en compte les baisses de prix. 

Troisièmement, si elle n’est pas pleinement anticipée, la déflation tend à détériorer les ratios d’endettement. Cet effet s’opère via le stock de dette initial et l’effet combiné des taux d’intérêt réels et du solde primaire. Tout d’abord, pour tout stock et tous taux de croissance réels donnés, la déflation diminue le PIB nominal, si bien qu’elle accroît mécaniquement le ratio dette publique sur PIB. Ensuite, le solde primaire peut se détériorer de façon non anticipée dans un environnement déflationniste, entraînant par là une nouvelle hausse du fardeau d’endettement. Enfin, pour tous niveaux donnés de taux d’intérêt et de croissance réels, la déflation accroît la valeur des intérêts. En effet, les paiements d’intérêts se basent généralement sur des taux d’intérêt fixes qui ne s’ajustent pas aux prix domestiques à court terme. L’impact de ce canal dépend de la structure de maturité et de la devise dans laquelle est libellée la dette souveraine, aussi bien que de la part des obligations indexées sur les prix dans l’ensemble de la dette publique.

Le FMI (2014) s’est penché sur l’impact de la faible inflation sur les ratios d’endettement public. Au cours des 100 dernières années, dans les pays avancés, il n’y a eu que quatre cas où l’inflation est passée de l'intervalle 1-4 % à l'intervalle 0-1 % d’une manière persistante (c’est-à-dire pour une période supérieure à trois ans) : il s’agit des cas de l’Italie (en 1912), de la Suisse (en 1996 et en 2011) et du Japon (en 1986). Durant ces épisodes, les ratios d’endettement public se sont accrus en moyenne de 1,25 point de pourcentage du PIB par an, en raison d’une détérioration du solde primaire et des différentiels intérêt-croissance. Le FMI (2014) a simulé l’impact que la faible inflation est susceptible d’exercer sur le ratio d’endettement public de la zone euro via ses répercussions sur les recettes du seigneuriage et le fardeau d’endettement. Si l’on suppose que les taux d’intérêt des titres nouvellement émis s’ajustent au même rythme que l’inflation (c’est-à-dire si l’on suppose que l’effet Fisher joue à plein), un ralentissement de l’inflation va retarder la baisse de la dette publique d’une année par rapport aux prévisions de base, en raison de l’alourdissement du fardeau de la dette. En 2019, le ratio dette publique brute sur PIB moyen sera supérieur d’environ 4,75 points de pourcentage au niveau qu’il aurait sinon atteint. L’impact sur les recettes de seigneuriage est plus modeste : une hausse du ratio d’endettement d’environ 1 point de pourcentage en 2019. En outre, si la faible inflation était associée à une stagnation de la croissance économique, les soldes primaires se détérioreraient davantage avec le tassement des recettes et le gonflement des dépenses, ce qui aggraverait le fardeau de la dette. Dans un scénario combinant faible inflation et stagnation économique, le FMI (2014) estime que la hausse du ratio dette publique sur PIB moyen va s’accroître de 9 points de pourcentage par rapport au scénario de base.

Nicolas End, Sampawende Tapsoba, Gilbert Terrier et Renaud Duplay (2015) ont complété cette analyse en étudiant l’impact de la déflation sur les agrégats budgétaires. Ils ont utilisé un ensemble de données relatives à 21 pays avancés et couvrant 150 années. Leur analyse empirique suggère que la déflation affecte les finances publiques principalement en accroissant les ratios dette publique sur PIB, ce qui reflète un écartement des différentiels entre le taux d’intérêt et le taux de croissance. Elle affecte également les variables nominales du Budget, en l’occurrence les recettes du gouvernement et ses dépenses. En moyenne, une légère déflation accroît les ratios d’endettement public de presque 2 % de PIB par an. Cet impact est amplifié lors des épisodes de déflation survenant lors des récessions. Pour les pays européens, un choc déflationniste de 2 points de pourcentage en 2015 et 2016 entraînerait une détérioration du solde primaire de 1 % du PIB en 2019. En outre, la déflation est plus dommageable aux finances publiques lorsqu’elle trouve son origine dans un choc de demande plutôt qu’un choc d’offre. Nicolas End et ses coauteurs concluent leur étude en confirmant qu’un basculement dans la déflation contribue à saper les efforts de consolidation des finances publiques et menace la soutenabilité de la dette publique. Même de faibles taux d’inflation sont susceptibles d’entraîner les ratios d’endettement sur une trajectoire insoutenable.

 

Références

END, Nicolas, Sampawende J.-A. TAPSOBA, Gilbert TERRIER & Renaud DUPLAY (2015), « Deflation and public finances: Evidence from the historical records », FMI, working paper, n° 15/176, juillet.

FMI (2014), « Lowflation and debt in euro area », in Fiscal Monitor - Back to Work: How Fiscal Policy Can Help, octobre.

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2 août 2015 7 02 /08 /août /2015 17:20

Face au ralentissement de l'inflation, la BCE a adopté toute une série de mesures d’assouplissement depuis le milieu de l’année 2014, notamment en poussant son taux de facilité de dépôts en territoire négatif et en ciblant de nouvelles opérations de refinancement de long terme (LTRO). En septembre 2014, la BCE annonça un programme d’achats d’actifs privés, comprenant des titres adossés sur actifs (ABS) et des obligations sécurisées, qu’elle mit en œuvre à partir du quatrième trimestre. Ces mesures ne sont toutefois pas parvenues à mettre un terme à la contraction du bilan de la BCE et au déclin des anticipations d’inflation. Incitée à approfondir davantage sa politique monétaire avec le basculement de la zone euro dans la déflation en décembre 2014, la BCE a annoncé en janvier 2015 un programme d’achat de titres publics. Le montant des achats de titres publics, s’élevant à 840 milliards d’euros, promet un accroissement substantiel du bilan de la BCE. Il signale l’engagement de cette dernière à relever les anticipations d’inflation afin d’honorer son mandat de stabilité des prix. Entre le début des achats de titres souverains en mars et fin juin, son bilan s’est déjà accru de 19 %.

Deux économistes du FMI, Pelin Berkmen et Andreas Jobst (2015), ont cherché à évaluer l’efficacité de l’assouplissement quantitatif de la BCE. Ils notent que celui-ci a d’ores et déjà eu des effets positifs sur les conditions de financement et les anticipations d’inflation, mais que son impact sur l’économie réelle prendra plus de temps avant de se matérialiser pleinement. En effet, l’expérience des autres pays avec l’assouplissement quantitatif suggère que la stimulation de la croissance atteint son maximum après 2 à 8 trimestres et que la stimulation de l’inflation atteint son maximum après 3 à 16 trimestres. Par exemple, dans le cas des Etats-Unis, Engen et ses coauteurs (2015) estiment que les réponses du chômage et de l’inflation aux différents programmes d’assouplissement quantitatif menés par la Fed depuis le début de l’année 2009 vont atteindre leur pic respectivement en 2015 et 2016.

L’assouplissement quantitatif de la BCE est susceptible d’influencer l’activité via plusieurs canaux de transmission. Le premier canal est celui du rééquilibrage et du signalement. Le programme d’assouplissement quantitatif, tel qu’il a été annoncé, a été plus large que ne l’attendaient les marchés. En signalant la volonté de la BCE de maintenir les conditions monétaires aussi accommodantes que possible tant que l'inflation n'est pas revenue à sa cible, il a poussé davantage les taux d’intérêt à la baisse. Le deuxième canal est celui des prix d’actifs. Suite à l’annonce de l’assouplissement quantitatif, les cours boursiers européens ont grimpé. La hausse initiale des valeurs boursières, impulsée par la chute des primes de risque et par la dépréciation de l’euro, a été en partir inversée depuis. Les cours boursiers pourraient s’accroître davantage si l’assouplissement quantitatif alimentait l’inflation, nourrissait la confiance et stimulait la croissance. Dans la mesure où les ménages ne détiennent qu’une faible part des actions, les effets de richesse seront toutefois initialement faibles. Une hausse des prix immobiliers peut également générer des effets de richesse, mais la demande reste encore faible et plusieurs pays souffrent encore de surcapacités. Le troisième canal est celui du taux de change. L’euro s’est fortement déprécié depuis le milieu de l’année 2014. L’affaiblissement de l’euro va soutenir les exportations et l’inflation. Ce soutien sera plus ou moins fort selon les pays et dépendra du degré d’ouverture et des élasticités des échanges. Par exemple, l’Allemagne est plus ouverte que la France ou l’Espagne. Par contre, ce sont les pays avec des positions extérieures négatives comme le Portugal, l’Italie et l’Espagne qui présenteront les plus fortes élasticités des échanges. Le quatrième canal est celui des anticipations d’inflation et de la confiance. Avec l’assouplissement quantitatif, le déclin des anticipations d’inflation a été inversé. L’amélioration de la confiance peut inciter les résidents à avancer leurs dépenses (en particulier de biens durables) et générer ainsi un véritable cercle vertueux. Elle peut notamment participer à la hausse des prix d’actifs et à la baisse de la prime de risque. Le cinquième canal est celui du crédit. L’assouplissement quantitatif a réduit les coûts de financement de marché. Les banques ont réduit leurs taux d’intérêt prêteurs et emprunteurs. En outre, la fragmentation s’est réduite : les différentiels de taux d’intérêt se sont réduits entre les pays du cœur de la zone euro et les pays périphériques. La demande de crédit a augmenté. Dans la mesure où le financement dans la zone euro repose essentiellement sur le prêt bancaire, le canal du crédit a été le principal canal de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle.  Malheureusement, comme le suggère l’expérience des autres pays, la reprise du crédit après un assouplissement quantitatif prend du temps.

A partir du système souple de modèles mondiaux du FMI, Berkmen et Jobst estiment que la poursuite de la dépréciation de l’euro va stimuler la croissance économique dans la zone euro en stimulant tout d’abord les exportations, puis la demande domestique à partir de 2016. En effet, les recettes tirées des exportations finiront par alimenter la demande domestique, tandis que l’accélération de l’inflation poussera les taux d’intérêt réels à la baisse. Les économies les plus ouvertes (comme l’Allemagne) bénéficieront le plus de la dépréciation. Parallèlement, une amélioration du fonctionnement du canal du crédit et un relèvement des anticipations d’inflation devraient la croissance en stimulant plus directement la demande domestique. La baisse des taux d’intérêt prêteurs et la hausse des anticipations d’inflation vont réduire les taux d’intérêt réels, stimulant la consommation et l’investissement. La hausse de l’investissement se traduira par un accroissement du stock de capital, ce qui augmentera la demande de travail et les salaires réels. La hausse des revenus et richesses incitera les ménages à consommer plus. Ce sont les pays rencontrant les plus fortes contraintes de crédit (comme l’Italie) qui bénéficieront le plus d’une amélioration du canal du crédit et qui connaîtront la plus forte baisse des taux d’intérêt réels. L’inflation devrait quant à elle s’accélérer fortement dans tous les pays.

Berkmen et Jobst concluent enfin que les répercussions de l’assouplissement quantitatif de la BCE sur le reste du monde seront positives, dans la mesure où ce dernier bénéficiera d’une plus forte demande. Par contre, la poursuite de la dépréciation de l’euro aura initialement tendance à nuire aux voisins immédiats de la zone euro et aux autres économies avancées, mais ces effets pervers seront ensuite compensés par l’accroissement de la demande. 

 

Références

BERKMEN, S. Pelin, & Andreas JOBST (2015), « An early assessment of quantitative easing », in FMI, country report, n° 15/205, juillet.

ENGEN, Eric, Thomas LAUBACH & Dave REIFSCHNEIDER (2015), « The macroeconomic effects of the Federal Reserve’s unconventional monetary policies », Réserve fédérale, finance and economics discussion, n° 2015-005, 14 janvier.

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30 juillet 2015 4 30 /07 /juillet /2015 11:24

De nombreuses études se sont penchées sur l’« énigme de la productivité britannique », à propos du ralentissement durable de la croissance de la productivité que l’on a pu observer depuis la Grande Récession au Royaume-Uni. Mais l’énigme de la productivité française, désignant un phénomène assez similaire observé simultanément de l’autre côté de la Manche, a reçu beaucoup moins d’attention.

Certes la productivité du travail est relativement élevée en France lorsqu’on la compara avec celle des autres pays européens. En effet, en 2014, la productivité française était plus élevée que la moyenne de l’OCDE et notamment plus forte que la productivité allemande. La croissance de la productivité du travail est restée assez forte entre 2001 et 2007. Elle était proche de celle observée en Allemagne, mais légèrement inférieure à la moyenne de l’OCDE. La Grande Récession a mis un terme à cette tendance : depuis 2008, la croissance de la productivité horaire et de la productivité totale des facteurs est particulièrement décevante. Le taux de croissance annuel moyen de la valeur ajouté par tête a été de - 0,4 % entre 2008 et 2009 ; elle n’a connu par la suite qu’une timide reprise, puisqu’elle ne s’est établie qu’à 1,3 % entre 2010 et 2011, avant de ralentir à nouveau en atteignant 0,8 % entre 2012 et 2014. Le ralentissement de la productivité observé après 2008 a pu occasionner des pertes cumulées s’élevant jusqu’à 8 %.

Ce ralentissement de la croissance de la productivité en France est « énigmatique », notamment parce qu’elle diffère avec ce qui a été observé lors des précédentes récessions ; la productivité avait notamment augmenté durant la précédente crise des années quatre-vingt-dix. Le récent ralentissement de la productivité se caractérise également par le fait qu’il ait été observé dans l’ensemble des secteurs. Enfin il s’agit surtout d’une énigme liée à la productivité totale des facteurs. En effet, l’approfondissement du capital et la productivité totale des facteurs sont les deux déterminants de la productivité du travail, or la crise n’a que légèrement altéré le niveau des investissements.

Philippe Askenazy et Christine Erhel (2015) tentent d’expliquer ce ralentissement énigmatique de la croissance française. Ils mettent particulièrement l’accent sur les transformations de l’emploi et de la main-d’œuvre. En effet, le niveau d’éducation s’est accru, ce qui aurait dû entraîner une hausse de la productivité via un effet de composition. Cependant les entreprises ont eu tendance à retenir les travailleurs éduqués. Comme le nombre de travailleurs employés hautement éduqué est acyclique, le cycle économique s’est transformé en un cycle de la productivité apparente, dans la mesure où, durant une crise, nous observons un déclin transitoire de la productivité. Ce phénomène de rétention de la main-d’œuvre qualifiée peut expliquer plus de la moitié la baisse de la productivité observée au cours des dernières années.

De plus, l’essor de nouveaux emplois indépendants à faible productivité, favorisé par la création du statut d’auto-entrepreneur, a également déprimé la productivité du travail ; il pourrait expliquer plus d’un cinquième du ralentissement de la productivité agrégée. La politique de l’emploi a notamment stimulé la création d’emplois faiblement productifs avec le développement de contrats de travail temporaires. Ces derniers auraient pu stimuler la croissance de la productivité si les entreprises les avaient utilisés pour ajuster leur main-d’œuvre ; en fait, les entreprises ont utilisé ces contrats en raison de leurs faibles coûts, si bien que la quête de profit s’est alors traduite par une baisse de la productivité. La création du statut d’auto-entrepreneur et le développement des contrats temporaires peuvent expliquer environ 2 points de pourcentage de la baisse de la productivité agrégée, soit un quart des pertes totales en productivité.

Lorsque les entreprises font face à une faible croissance plate de la productivité dans un contexte de crise économique, elles devraient réagir en réduisant leur masse salariale ou en réduisant le montant des dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires. Pourtant, les salaires ont continué de s’accroître, du moins dans le secteur privé, et les dividendes restent à un niveau élevé, comparé avec une décennie plus tôt. En fait, les entreprises ont bénéficié de faibles taux d’intérêt et de fortes réductions d’impôts qui leur ont permis de compenser la hausse des salaires réels et finalement de rester dans une bonne situation financière. Cela aurait pu freiner directement la croissance de la productivité en accroissant l’inefficacité de l’allocation du capital, mais l’analyse des données amènent Askenazy et Erhel à douter qu’un tel mécanisme ait été à l’œuvre. Par contre, il a permis de freiner indirectement la croissance de la productivité en soutenant la rétention de la main-d’œuvre très éduquée.

En outre, la diffusion de certains mécanismes incitatifs de gestion des ressources humaines (par exemple l’actionnariat salarial), visant à impliquer davantage les salariés à l’effort, semble avoir rendu la productivité plus sensible au cycle d’affaires (en particulier aux chutes des cours boursiers).

 

Référence

ASKENAZY, Philippe, & Christine ERHEL (2015), « The French productivity puzzle », IZA, discussion paper, n° 9188, juillet.

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