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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 22:59

Certains pays en développement semblent piéger dans une véritable « trappe à pauvreté », notamment en raison d’une faible épargne domestique, qui empêche les résidents d’accumuler du capital et d’amorcer un véritable décollage (take-off) dans la croissance économique. Certains ont alors suggéré qu’une intervention extérieure, prenant notamment la forme de l’aide internationale, était nécessaire pour briser le cercle vicieux du sous-développement et amorcer un processus vertueux de croissance.

Pourtant il n’y a pas de consensus sur les répercussions de l’aide au développement sur la croissance économique de ses bénéficiaires. Paul Mosley remarquait en 1987 que l’aide semblait efficace au niveau microéconomique, mais qu’il était difficile de déceler un impact positif au niveau agrégé : il parlait d’un « paradoxe micro-macro » [Arndt et alii, 2010]. Les études menées les décennies suivantes ne sont pas parvenues à un consensus. Certains auteurs comme Burnside et Dollar (2000) croient déceler une relation positive, mais celle-ci n’apparaît selon eux que si les pays adoptent des politiques budgétaires, monétaires et commerciales adaptées. Plusieurs études ont par la suite rejeté ces résultats en observant un plus large échantillon que celui-utilisé par Craig Burnside et David Dollar. Certains, comme William Easterly ou Raghuram Rajan et Arvind Subramanian (2008) ne trouvent aucun effet systématique (positif ou négatif) de l’aide sur la croissance, si bien qu’il n’apparaît pas nécessaire d’accroître les flux d’aides vers les pays à faible revenu. A l’opposé, d’autres études, comme celle réalisée par Channing Arndt, Sam Jones et Finn Tarp (2010), décèlent un lien causal significatif de l’aide sur la croissance à long terme, ce qui suggère que le montant d’aide devrait être accru.

Il existe beaucoup de difficultés pour estimer l’impact de l’aide sur la croissance : des variables cachées peuvent influencer simultanément l’aide et la croissance, il peut y avoir un délai entre l’instant où l’aide est attribuée et l’instant où la croissance accélère, la croissance peut affecter en retour l’afflux d’aide… Il ne faut pas oublier que si des pays sont pauvres et reçoivent de l’aide, c’est précisément parce que leur croissance est faible.

Pour surmonter ces difficultés, Sebastian Galiani, Stephen Knack, Lixin Colin Xu et Ben Zou (2014) se sont appuyés sur une « quasi-expérience » naturelle. La Banque Mondiale accorde des aides et prêts conditionnels à travers le programme de l’l’Association internationale de développement (IDA). Les bénéficiaires sont des pays à faible revenu, financièrement contraints et ayant de faibles niveaux de capital. Depuis 1987, l’IDA se base sur un seuil de revenu par habitant pour accepter d’accorder une aide aux pays en développement. Ce seuil est ajusté chaque année en fonction de l’inflation. Il est déterminé de façon arbitraire, sans être lié d’une manière ou d’une autre à un changement structurel dans la croissance économique. C’est cette variable instrumentale que les auteurs utilisent pour déterminer s’il existe une quelconque relation entre l’aide et la croissance économique. 

Galiani et ses coauteurs constatent qu’une fois le seuil dépassé, les autres donneurs ne se substituent pas à l’aide fournie par l’IDA, mais tendent à réduire également leur aide. En l’occurrence, le flux d’aide diminue en moyenne de 59 % lorsque le seuil est dépassé. En analysant 35 pays qui ont dépassé le seuil de revenu entre 1987 et 2010, les auteurs mettent en évidence un effet positif, statistiquement significatif et économiquement important de l’aide sur la croissance économique. En l’occurrence, une hausse d’un point de pourcentage du ratio aide sur RNB tend à se traduire par une hausse de 0,35 point de pourcentage du taux de croissance annuel par tête.

L’analyse de Galiani et alii suggère que le principal canal via lequel l’aide stimule la croissance est l’investissement physique. La hausse d’un point de pourcentage du ratio aide sur RNB accroît le ratio investissement sur PIB d’environ 0,54 point de pourcentage. En l’occurrence, le dépassement du seuil de revenu et la privation subséquente à l’aide de l’IDA se traduisent par une chute significative de l’investissement.

 

Références

ARNDT, Channing, Sam JONES & Finn TARP (2010), « Aid, growth and development: Have we come full circle? », in Journal of Globalization and Development, vol. 1, n° 2.

BURNSIDE, Craig, & David DOLLAR (2000), « Aid, policies, and growth », in American Economic Review vol. 90, n° 4.

GALIANI, Sebastian, Stephen KNACK, Lixin Colin XU & Ben ZOU (2014), « The effect of aid on growth: Evidence from a quasi-experiment », Banque mondiale, policy research working paper, n° 6865.

RAJAN, Raghuram, & Arvind SUBRAMANIAN (2008), « Aid and growth: What does the cross-country evidence really show? », in Review of Economics and Statistics, vol. 90, n° 4.

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31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 22:55

Avant la Grande Récession, les banquiers centraux et macroéconomistes considéraient la stabilité des prix comme tout à fait compatible avec le plein emploi. Si la production opère en-deçà de son potentiel, l’économie connaît des tensions déflationnistes et elle tend à s’éloigner du plein emploi, auquel cas la banque centrale tendrait mécaniquement à assouplir sa politique monétaire. Selon l’hypothèse de la « divine coïncidence », la stabilité des prix conduirait même mécaniquement à la stabilité macroéconomique, si bien qu’il suffisait aux autorités monétaires de faire varier le taux d’intérêt nominal de court terme pour stabiliser l’inflation et préserver par là même la stabilité macroéconomique. Réciproquement, de nombreux auteurs ont suggéré que si les banques centrales laissaient filer l’inflation pour réduire le chômage, la réduction du chômage ne serait que temporaire, tandis que la hausse des prix serait persistante. Par conséquent, les banques centrales ont eu tendance à embrasser le ciblage d’inflation (inflation targeting) : une banque centrale indépendant qui se contenterait de répondre aux écarts à un taux d’inflation prédéterminé gagnerait en crédibilité et ancrerait plus facilement les anticipations d’inflation à ce niveau. 

La récente crise financière mondiale a fait voler en éclats l’idée d’une divine coïncidence et compromis la stratégie du ciblage d’inflation. Non seulement cette focalisation sur la seule stabilité des prix a pu contribuer à l’accumulation des déséquilibres macrofinanciers qui ont conduit à la Grande Récession, mais elle a pu également contribuer à ce que les banques centrales n’agissent pas de façon appropriée une fois la crise amorcée. La récente publication des minutes de la Fed révèle que durant toute l’année 2008 le scénario d’une accélération significative de l’inflation a empêché la Fed d’assouplir agressivement sa politique monétaire, alors même que les conditions macroéconomiques se dégradaient sévèrement. Durant l’été 2008, la BCE faisait également face à une accélération de l’inflation (avec la hausse des prix des matières premières) et à une déstabilisation des marchés financiers ; son mandat l’a amenée à ne répondre qu’à la première et à augmenter son taux directeur. Un tel resserrement de la politique monétaire a pu contribuer à aggraver le ralentissement de l’activité en zone euro. 

La question qui se pose alors est s’il est nécessaire de modifier le mandat des banques centrales. Doivent-elles chercher à assurer la stabilité financière en ciblant les prix d’actifs ? Doivent-elles étendre leur mandat pour y intégrer le maintien du plein emploi et la stabilité de la production ? Si la BCE n’a que pour seul objectif d’assurer un taux d’inflation inférieure mais proche à 2 %, la Fed dispose quant à elle d’un double mandat : en plus de la stabilité des prix, la banque centrale américaine doit assurer le plein emploi. En ce qui la concerne, la question est de savoir si elle doit donner une plus grande place à l’objectif de plein emploi.

Avec la contraction brutale de la production et l’envolée des taux de chômage, beaucoup s’attendaient à ce que les pays avancés tombent en déflation lors de la Grande Récession et lors de la subséquente reprise. Pourtant le niveau général des prix est resté remarquablement stable. La relation entre inflation et chômage conjoncturel (appelée plus communément courbe de Phillips dans la littérature) semble s’être affaiblie au cours des dernières décennies. 

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le maintien de l’inflation à un niveau faible et stable (FMI, 2013 ; Tamim Bayoumi et alii, 2014). Avec la mondialisation, l’inflation domestique dépend peut-être de moins en moins des conditions domestiques et de plus en plus des conditions mondiales, or l’intégration des pays émergents (comme la Chine et l’Inde) sur les marchés internationaux a pu contenir les hausses de prix en accroissant l’offre de produits manufacturés bon marché. Ensuite, la remarquable stabilité des prix s’explique peut-être au niveau microéconomique : une faible inflation rend peut-être les rigidités nominales à la baisse encore plus contraignantes. Par exemple, la présence de coûts d’ajustement désincite les entreprises à modifier leurs prix lorsque l’inflation est faible. En outre, les anticipations d’inflation sont peut-être devenues moins sensibles aux variations de l’inflation, si bien que tout écart par rapport au niveau ciblé par la banque centrale ne serait pas amplifié par une révision des anticipations. Bref, selon ces deux dernières explications, la stabilité de l’inflation stabiliserait l’inflation. Certains suggèrent alors que la « crédibilité » acquise par les banques centrales aurait permis à ces dernières de stabiliser efficacement l’inflation. 

Enfin, certains suggèrent que la hausse du chômage lors de la Grande Récession correspondrait essentiellement à du chômage structurel, or celui-ci ne génère pas de pression à la baisse sur les prix et salaires. Selon cette explication, il n’y a pas eu de réelles pressions déflationnistes, tout simplement parce qu’il n’y a pas eu de réelle détérioration du chômage conjoncturel. En effet, la littérature économique a depuis longtemps suggéré que les chômeurs de long terme sont moins attachés au marché du travail que les chômeurs de court terme, si bien que les premiers auraient moins d’influence que les seconds sur la détermination des prix et salaires. De récentes études tendent à suggérer que les Etats-Unis connaissent le même phénomène [Krueger et alii, 2014]

D’une part, avec l’aplatissement structurel de la courbe de Phillips, la stabilisation de l’inflation nécessite une plus grande volatilité de la production et du chômage. Si dans ce contexte les banques centrales continuent de cibler l’inflation, Dora Iakova (2007) suggère que les banques centrales doivent attendre plus longuement pour déterminer si les variations de l’inflation sont temporaires ou non avant de réagir à celles-ci. D’autre part, si l’inflation domestique dépend de moins en moins à la demande domestique, l’inflation dépend alors de plus en plus du taux de change et des prix des matières premières, auquel cas il devient difficile de justifier que les banques centrales ciblent l’inflation. Si les autorités monétaires cherchent tout de même à préserver la stabilité des prix, cela accroîtrait inutilement la volatilité de la production et du chômage, comme l’a démontré la réaction inopportune de la BCE face à la hausse des prix du pétrole au milieu de l’année 2008. Glenn Rudebusch et John Williams (2014) montrent qu’en présence d’un chômage élevé et ayant une forte composante de long terme, la politique monétaire optimale consiste à laisser l’inflation dépasser sa cible.

Bien sûr, les partisans du ciblage d’inflation avancent plusieurs arguments contre l’idée de modifier le mandat des banques centrales, notamment si l’aplatissement de la courbe de Phillips s’explique par la politique monétaire elle-même : si les autorités monétaires relevaient leur cible d’inflation (à 4 % par exemple) ou si elles donnaient plus de poids à d’autres variables (comme les prix d’actifs, le taux de chômage ou la production) dans leur fonction de réaction, alors les agents réviseraient leurs anticipations d’inflation à la hausse et celles-ci deviendraient plus volatiles, ce qui compromettrait la stabilité des prix et mettrait un terme à l’aplatissement de la courbe de Phillips. Bref, en voulant combattre sur d’autres fronts, les banques centrales verraient leur précédente victoire contre l’inflation être sérieusement compromise. Dans le même ordre d’idées, certains craignent qu’en étant plus attentifs aux recommandations des responsables politiques (désirant un assouplissement monétaire pour soutenir la croissance en période électorale), les banquiers centraux perdent en indépendance, ce qui effriterait leur crédibilité et rendrait leur politique monétaire moins efficace [Jacome et Mancini-Griffoli, 2014]. Si le mandat des banques centrales était élargi, il serait plus difficile pour le public d’évaluer les actions des autorités monétaires ; il est par exemple plus difficile d’évaluer la stabilité financière. En outre, si la banque centrale embrassait davantage d’objectifs, elle aurait moins de chances de tous les atteindre, ce qui égratignerait une nouvelle fois sa crédibilité. 

Références

BAYOUMI, Tamim, Giovanni DELL'ARICCIA, Karl HABERMEIER, Tommaso MANCINI-GRIFFOLI & Fabián VALENCIA (2014), Monetary Policy in the New Normal, FMI, avril 2014.

FMI (2013), « The dog that didn’t bark: Has inflation been muzzled or was it just sleeping? », in World Economic Outlook: Hopes, Realities, Risks, chapitre 3, avril.

IAKOVA, Dora (2007), « Flattening of the Phillips curve: Implications for monetary policy », FMI, working paper, n° WP/07/76.

JÁCOME, Luis, & Tommaso MANCINI-GRIFFOLI (2014), « A broader mandate », in Finance & Development, vol. 51, n° 2.

KRUEGER, Alan B., Judd CRAMER & David CHO, (2014), « Are the long-term unemployed on the margins of the labor market? », conférence Brookings Panel on Economic Activity.

RUDEBUSCH, Glenn D., & John C. WILLIAMS (2014), « A wedge in the dual mandate: Monetary policy and long-term unemployment », Federal Reserve Bank of San Francisco, working paper, n 2014-14, mai.

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29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 22:14

Lors de la récente récession, les économistes et les responsables politiques aux Etats-Unis ont considéré le système bancaire comme le principal canal de transmission des turbulences du marché du crédit subprime à l’ensemble de l’économie. Au fil de leurs travaux académiques, des pages de leur livre House of Debt et des billets de leur blog éponyme, Atif Mian et Amir Sufi ont de leur côté suggéré que l’accumulation de la dette des ménages a non seulement conduit à la Grande Récession, mais aussi à la Grande Dépression. Ces épisodes ont en effet tous deux été précédés par une hausse ample et rapide de la dette des ménages et ils furent suivis par une chute des prix d’actifs et de la consommation. Si l’on se focalise sur le dernier cycle immobilier, la dette des ménages américains a régulièrement augmenté depuis 1975 et sa hausse s’est accélérée à partir de 2002 pour doubler en à peine 5 ans. Le ratio dette sur revenus des ménages sur PIB a atteint en 2007 son plus haut niveau depuis le début de la Grande Dépression. 

Cette dynamique s’explique par la plus grande disponibilité du crédit pour les primo-accédants à la propriété. La forte appréciation des prix immobiliers entre 2002 a été alimentée par la disponibilité du crédit hypothécaire à un ensemble plus risqué de nouveaux acheteurs ; en l’occurrence, les zones qui concentrent les emprunteurs subprime ont connu une hausse sans précédents de l’endettement, alors même que leur revenu relatif (voire même absolu pour certains d’entre eux) diminuait [Mian et Sufi, 2009]. L’appréciation des prix immobiliers peut aussi avoir affecté rétroactivement l’endettement des propriétaires existants. Etant donné que 65 % des ménages américains possédaient déjà leur résidence principale avant l’accélération des prix immobiliers, l’effet rétroactif peut avoir fortement contribué à la hausse de l’endettement des ménages. 

Mian et Sufi (2014b) montrent comment la hausse des prix de l’immobilier aux Etats-Unis a eu de puissantes répercussions sur les dépenses des ménages entre 2002 et 2006 en facilitant l’emprunt. En l’occurrence, les ménages vivant dans les zones à faible revenu liquidèrent agressivement leur patrimoine immobilier en réponse à la hausse des prix immobiliers et en profitèrent pour accroître leurs dépenses. En effet, entre 2002 et 2006, les propriétaires empruntèrent en moyenne 0,19 dollar pour chaque dollar gagné en termes de valeur immobilière. Cette moyenne cache une forte hétérogénéité entre les ménages, puisque les ménages les moins liquides (ceux qui disposaient en 2002 d’un revenu moyen inférieur à 50 000 dollars) retiraient environ 0,25 dollar par dollar gagné dans la valeur immobilière, tandis que les ménages les plus liquides sont restés insensibles à la hausse des prix immobiliers. 

Les ménages vivant dans les zones à faible revenu dépensèrent ce supplément de liquidité. Par exemple, entre 2002 et 2006, une hausse de 1 dollar des valeurs immobilières entraîna une hausse moyenne de 0,04 dollar des achats automobiles. Cet effet a été hétérogène. Les ménages vivant dans les zones à haut revenu se montrèrent à nouveau complètement insensibles. L’essentiel de l’effet des prix immobiliers sur les dépenses s’explique par le canal de l’emprunt : la hausse des prix immobiliers importe pour les dépenses parce qu’ils facilitent l’emprunt pour les ménages à faible revenu. Les répercussions sur l'activité économique sont loin d'avoir été négligeables. La hausse des valeurs immobilières ajouta 0,08 % au PIB en 2003, 0,8 % en 2004 et 1,3 % en 2005 et en 2006. Si l'économie américaine avait basculé dans une stagnation séculaire avant même la Grande Récession, alors le boom immobilier a contribué à la dissimuler en stimulant l'activité.

Les premiers signes de difficultés économiques apparurent au deuxième trimestre 2006, avec la hausse des taux de défaut des ménages et un déclin des prix immobiliers [Mian et Sufi, 2010]. Les premières composantes du PIB américain qui se contractèrent en 2007 et début 2008 furent précisément l’investissement résidentiel fixe et la consommation de biens durables, deux composantes qui dépendent étroitement de la capacité et de la volonté des ménages à contracter un emprunt. Mian et Sufi (2010) montrent que l’endettement des ménages a constitué un puissant indicateur avancé de la récession entre 2007 et 2009. Les comtés américains où l’endettement des ménages s’accrut le plus entre 2002 et 2006 sont ceux où les ménages connurent par la suite les plus fortes chutes de leurs valeurs nettes et où les dépenses de consommation de biens durables chutèrent le plus à partir du troisième trimestre de l’année 2006. Les ménages les plus pauvres, qui sont aussi les plus dépendants de l’emprunt et des prix immobiliers, ont donc été contraints de se désendetter et donc de réduire leurs dépenses. Pendant une année entière, cette dynamique ne s’est pas traduite par une hausse du chômage, mais les conditions sur le marché du travail finirent par fortement se dégrader avec l'effondrement de la demande globale. Dans les zones où la valeur nette chuta le plus, les destructions d’emplois ne furent pas le fait des petites entreprises qui dépendent principalement des banques, mais des grandes entreprises en raison des chutes des ventes. 

L’effondrement du marché immobilier entre 2007 et 2009 fut similaire en termes d’amplitude avec l’effondrement boursier de 2001, mais les répercussions macroéconomiques de ces deux épisodes furent radicalement différentes. Mian et Sufi [2014b] avancent une explication simple : la majorité du patrimoine boursier est détenu par les ménages les plus aisés, or ceux-ci n’ont qu’une faible propension à consommer. De la même manière, si la hausse des prix immobiliers observée depuis 2011 n’a pas contribué à autant stimuler l’activité économique qu’ils le firent entre 2002 et 2006, c’est précisément parce que le canal de l’emprunt est fermé pour les ménages les plus sensibles aux variations des prix immobiliers, c’est-à-dire les plus pauvres. Bref, les facteurs qui ont stimulé la croissance économique avant 2007 ont également contribué à aggraver la contraction du PIB lors de la récession, puis à peser sur l'activité lors de la reprise subséquente.

Ces divers résultats viennent accréditer l’idée que la hausse des inégalités de revenu et de patrimoine aux Etats-Unis a joué un rôle moteur dans l’accumulation des déséquilibres qui ont mené à la plus grave crise économique depuis la Grande Dépression (une thèse sur laquelle je me suis penché ici et ). Si les conclusions de Mian et Sufi sont justes, les politiques économiques qui ont été menées lors de la crise du crédit subprime et lors de la Grande Récession ont excessivement privilégié la protection des créanciers, notamment avec le renflouement des banques. Au lieu de chercher à accroître l’offre de crédit, elles devraient au contraire viser à stimuler la demande de crédit. Pour cela, Mian et Sufi (2014a) estiment que l’effacement des dettes est une solution de court terme des plus efficaces lors des plus sévères ralentissements de l’activité. A plus long terme, ils proposent de remplacer les prêts par des contrats qui imposeraient un partage des pertes entre prêteurs et emprunteurs. 

 

Références

The Economist (2014), « The opposite of insurance », 17 mai.

MIAN, Atif, & Amir SUFI (2009), « The consequences of mortgage credit expansion: Evidence from the U.S. mortgage default crisis », in Quarterly Journal of Economics, vol. 124.

MIAN, Atif, & Amir SUFI (2010), « Household leverage and the Recession of 2007 to 2009 », IMF Economic Review, vol. 58.

MIAN, Atif, & Amir SUFI (2011), « House prices, home equity based borrowing, and the U.S. household Leverage crisis », in American Economic Review, vol. 101.

MIAN, Atif, Kamalesh RAO & Amir SUFI (2013), « Household balance sheets, consumption, and the economic slump », in Quarterly Journal of Economics, vol. 128.

MIAN, Atif, & Amir SUFI (2014a), House of Debt: How They (and You) caused the Great Recession, and How We Can Prevent It from Happening Again, University of Chicago Press.

MIAN, Atif, & Amir SUFI (2014b), « House price gains and U.S. household spending from 2002 to 2006 », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 20152, mai.

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