Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 19:58

L’investissement joue un rôle essentiel dans l’économie. Non seulement l’accumulation du capital mène à une plus forte croissance, mais les larges fluctuations de l’investissement contribuent également à générer les fluctuations de la production agrégée. Les sources de cette volatilité macroéconomique restent encore largement sujettes à débat. Toute une littérature néoclassique, développée autour de la théorie des cycles d’affaires réels, privilégie les chocs technologiques pour expliquer les fluctuations conjoncturelles. Robert King et Sergio Rebelo (1999) ont simulé des « chocs » de productivité agrégée à partir d’un modèle de cycles d’affaires réels ; les dynamiques qu’ils génèrent répliquent alors assez fidèlement l’évolution des agrégats macroéconomiques aux Etats-Unis et notamment les dynamiques de l’investissement. L'interprétation technologique des fluctuations conjoncturelles ne fait toutefois pas l’unanimité et plusieurs nouveaux keynésiens l’ont notamment rejetée au terme de leurs travaux empiriques. Les monétaristes, les postkeynésiens et l’école autrichienne expliquent également les cycles d’affaires en mettant l’accent sur des variables autres que technologiques. 

Rüdiger Bachmann et Peter Zorn (2013) ont utilisé des données d’enquête pour déterminer quels facteurs gouvernent les dynamiques de l’investissement à court terme et ainsi évaluer l’hypothèse des chocs technologiques. Les enquêtes ont été réalisées dans l'industrie manufacturière à l’ouest de l’Allemagne et visent à révéler des déterminants subjectifs de l’investissement. Les entreprises interrogées ont indiqué si leur activité d’investissement au cours d’une année donnée a été influencée, par exemple, par des considérations d’ordre technologique et, si c’est effectivement le cas, à quelle ampleur. L’enquête interroge également les firmes allemandes à propos des déterminants non technologiques de leurs dépenses d’investissement, notamment la finance et la demande. 

Certes, les chocs technologiques expliquent une part significative des fluctuations de l’investissement agrégé, puisqu’ils contribuent à 19 % de celles-ci, mais la plus large part de cette volatilité est toutefois attribuée aux facteurs non technologiques. Les deux sources majeures de chocs non technologiques sont les chocs de demande et les chocs financiers. L’étude ne peut toutefois déterminer laquelle des deux tire l’essentiel de la croissance de l’investissement agrégé. Les chocs financiers expliquent 9 à 46 % de la croissance de l’investissement, tandis que les chocs de demande globale expliquent 23 à 61 % de cette dernière. Si, comme le suggèrent les travaux de King et Rebelo, les fluctuations de l’investissement trouvent leur source dans des chocs de productivité, Bachmann et Zorn en concluent que ces derniers doivent être recherchés en dehors du champ technologique. 

 

Références 

BACHMANN, Rüdiger, & Peter ZORN (2013), « What drives aggregate investment? », NBER working paper, n° 18990, avril. 

KING, Robert G., & Sergio T. REBELO (1999), « Resuscitating real business cycles », in J. B. Taylor & M. Woodford (dir.), Handbook of Macroeconomics, vol. 1.

 

Partager cet article
Repost0
30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 18:07

Avant la crise mondiale, la littérature macroéconomique se focalisait essentiellement sur la politique monétaire lorsqu’il s’agissait de la question de la stabilisation de l’activité. Les banques centrales apparaissaient alors comme les mieux placées pour éviter aux économies de plonger en récession ou en surchauffe. La Grande Récession est venue rappeler que la politique budgétaire joue un rôle crucial dans la stabilisation de l'activité. Elle doit être expansionniste lorsque la demande globale est faible et restrictive lorsque cette dernière devient excessivement forte et s’accompagne de tensions inflationnistes. Or, les mesures budgétaires discrétionnaires risquent de connaître des retards dans leur mise en œuvre : elles sont décidées au terme d’un processus de prise de décision qui implique de nombreux acteurs et une multitude de considérations, parfois contradictoires. De plus, la politique discrétionnaire n’est pas forcément renversée lorsque les conditions économiques changent. 

Les stabilisateurs automatiques apportent une réponse budgétaire plus rapide et auto-correctrice aux chocs de demande. Ces dispositifs ajustent spontanément et de façon endogène les recettes et certains postes de dépenses publiques au cours du cycle. Par exemple, lorsque l’activité ralentit et le chômage s’élève, l’économie génère moins de revenus, donc moins de recettes fiscales, tandis que davantage d’allocations chômage sont versées aux ménages. La chute du revenu disponible s’en trouve alors amortie, si bien que les agents privés sont incités à maintenir leurs dépenses. Inversement, lorsque l’économie se rapproche du plein emploi, la hausse de la pression fiscale et la baisse des prestations sociales vont freiner l’accroissement de la demande globale. Dans les deux cas, les stabilisateurs automatiques tendent à amortir les effets des chocs de demande en stabilisant le revenu disponible. Les stabilisateurs automatiques opèrent également à travers le canal de la redistribution : si les ménages qui reçoivent les fonds ont une plus haute propension à consommer que les ménages supportant les transferts, la redistribution va accroître la consommation et la demande au niveau agrégé. 

Les stabilisateurs automatiques ne souffrent pas des inconvénients associés aux mesures discrétionnaires. Lorsque les stabilisateurs automatiques sont larges, leur mise en œuvre est rapide, dans la mesure où les impôts et les dépenses publiques vont réagir mécaniquement et de façon anticyclique aux évolutions de l'activité. Ils ne nécessitent aucune décision politique particulière, aucune rédaction de textes supplémentaires, si bien que les délais de mise en œuvre sont réduits au minimum. En ce qui concerne l’impact des stabilisateurs automatiques sur les finances publiques, cet impact est certes procyclique, mais ces dispositifs ont toutefois l’avantage d’être auto-correcteurs. D'une part, les stabilisateurs automatiques détériorent le solde budgétaire lorsque l’économie s’éloigne du plein emploi et, inversement, l’améliorent lorsqu’elle s’en rapproche. D'autre part, l’assouplissement budgétaire en période de récession est mécaniquement suivi par un resserrement de la politique budgétaire lorsque la reprise s'amorce.

L’impact des stabilisateurs automatiques dépendra de la taille du gouvernement et de la sensibilité des impôts et dépenses publiques aux variations conjoncturelles. En l’occurrence, les impôts seront d’autant plus sensibles à l’évolution de l’activité que le système fiscal est proportionnel. La taille du gouvernement et la conception du système fiscal dépendent de multiples considérations entourant le rôle de l’Etat, donc des valeurs en vigueur dans la société et des rapports de force qui y à l’œuvre. Les mécanismes opérant comme stabilisateurs automatiques n’ont ainsi pas été conçus en vu de stabiliser l’activité, mais répondent à d’autres objectifs, comme par exemple celui de la justice sociale.  

Si, depuis la crise mondiale, les multiplicateurs budgétaires ont été l'objet d'un vaste intérêt de la part des économistes afin d'évaluer l'opportunité des plans de rigueur et de relance, les stabilisateurs automatiques ont en revanche reçu peu d'attention. Alisdair McKay et Ricardo Reis (2013) se sont récemment penchés sur les Etats-Unis pour évaluer l’efficacité des stabilisateurs automatiques au cours du cycle d’affaires. Leur analyse suggère que si le canal du revenu disponible y est quantitativement faible, l’assurance et l’assistance sociales jouent par contre un rôle plus important. Les politiques de redistribution qui opèrent des transferts des ménages les plus riches vers les ménages les plus pauvres, c’est-à-dire vers les ménages ayant une plus forte propension à consommer, sont susceptibles d’atténuer l’amplitude des fluctuations conjoncturelles. S’il est possible d’utiliser certains stabilisateurs pour amortir le cycle d’affaires aux Etats-Unis, ce potentiel est pour l’heure peu exploité. Les auteurs proposent alors d’étendre le filet de protection sociale, par exemple en développant le programme des coupons alimentaires, pour accroître la puissance des stabilisateurs automatiques aux Etats-Unis.

Déplaçant la focale sur l’ensemble des économies avancées, Antonio Fatás et Ilian Mihov (2012) ont observé la relation entre les stabilisateurs automatiques et les mesures discrétionnaires, ainsi que leur efficacité respective. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les stabilisateurs automatiques jouent un plus grand rôle que les mesures discrétionnaires dans la stabilisation de la production. Les différences en termes de politique budgétaire observées d’un pays à l’autre tiennent essentiellement aux différences observées dans la taille du gouvernement, c’est-à-dire dans le ratio rapportant les dépenses publiques sur le PIB. Les pays disposant de faibles stabilisateurs automatiques, notamment les Etats-Unis, tendent à utiliser plus agressivement les mesures contracycliques. Fatás et Mihov constatent enfin que les gouvernements des pays avancés ont fait un usage de plus en plus agressif des mesures discrétionnaires au cours des dernières décennies. Même si les stabilisateurs automatiques ne suffisent pas pour relancer ou freiner l'activité, leur développement permettrait de réduire l'ampleur des mesures discrétionnaires que les gouvernements doivent mettre en œuvre au cours du cycle.

 

Références

BAUNSGAARD, Thomas, & Steven A. SYMANSKY (2009), « Automatic fiscal stabilizers: How can they be enhanced without increasing the size of government? », FMI, staff position note, septembre.

FATÁS, Antonio, & Ilian MIHOV (2012), « Fiscal policy as a stabilization tool », CEPR.

MCKAY, Alisdair, & Ricardo REIS (2013), « The role of automatic stabilizers in the U.S. business cycle », NBER working paper, n° 19000, avril.

SOLOW, Robert M. (2002), « Peut-on recourir à la politique budgétaire ? Est-ce souhaitable ? », in Revue de l’OFCE, n° 83, octobre.

Partager cet article
Repost0
28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 22:57

Si le compte courant de la zone euro est relativement équilibré, cet équilibre dissimule de forts déséquilibres internes. A partir de la fin des années quatre-vingt-dix, les pays « périphériques » de la zone euro, en l’occurrence l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie et le Portugal, ont connu d’importants déficits de leur compte courant. Parallèlement, l’Allemagne a su générer de puissants excédents courants depuis le début des années deux mille, peu après avoir mis en place un ensemble de réformes structurelles visant à comprimer les coûts salariaux et accroître sa compétitivité.  La crise mondiale a fait brutalement basculer la périphérie dans un processus de rééquilibrage extérieur. Puisque l’option d’une sortie de la zone euro est pour l’heure écartée, les pays périphériques procèdent à une dévaluation interne afin d’accroître leur compétitivité et d’éliminer leurs déficits courants. Les coûts économiques et sociaux de cet ajustement sont particulièrement lourds : la consommation et l’investissement, pourtant nécessaire pour la compétitivité structurelle, se contractent dans les pays périphériques, tandis que le taux de chômage y atteint des niveaux records. 

Alexandr Hobza et Stefan Zeugner (2013) s’appuient sur une étude de la Commission européenne dont ils sont deux coauteurs pour rappeler que les déséquilibres courants n'ont pas seulement tenus à une divergence entre les coûts salariaux et la productivité. Pour les pays périphérique, l’intégration européenne a facilité leur accès aux financements et ces derniers ont stimulé leur demande intérieure et par là leurs importations, tandis que le processus de rattrapage, fortement inflationniste, a détérioré leur compétitivité. Les déficits courants qui en résultèrent ont été largement financés par l’épargne des pays excédentaires. Ce financement a pris la forme d’une dette et celle-ci a notamment transité par l’intermédiaire des banques allemandes et françaises. Dans les pays excédentaires, la faible offre de crédit a dissimulé d’importantes prises de risque à l’étranger et celles-ci se sont soldées par des pertes élevées pour les créanciers. Les défaillances dans la supervision financière ont donc amplifié les risques associés aux mouvements transfrontaliers de capitaux. 

Hobza et Zeugner soulignent en outre le rôle joué par les hausses exogènes de l'épargne privée au sein des pays excédentaires dans l’apparition des déséquilibres courants. Dans le cœur de la zone euro et en particulier en Allemagne, les faiblesses structurelles des marchés des biens et services ont eu tendance à contenir la demande intérieure. Au lieu d’accorder davantage de prêts aux résidents, les banques allemandes ont préféré exporter l’épargne domestique. Ainsi, même si l’épargne a été importante, peu d’investissements ont été réalisés dans les secteurs domestiques produisant des produits non exportables, notamment la finance, les services et surtout la construction. En revanche, la périphérie a absorbé l’épargne des pays excédentaires pour accroître ses propres dépenses de consommation et d’investissement.

Non seulement les pays excédentaires bénéficieraient d’une réduction de leurs excédents en éliminant les obstacles comprimant leur demande interne, en particulier les contraintes pesant sur la progression salariale, mais cet ajustement serait également bénéfique pour le reste de la zone euro. Jusqu’à présent, les pays déficitaires ont supporté l’essentiel du rééquilibrage au sein de l’union européenne. Puisque les pays excédentaires de la zone euro sont les principaux partenaires commerciaux des pays périphériques, un accroissement de la demande au sein des premiers améliorerait la balance commerciale des seconds en stimulant leurs exportations. En revanche, le maintien de taux d’épargne élevés en Allemagne ne peut être que la source d’un effet dépressif pour la zone euro. Non seulement une telle situation pourrait amener les pays périphériques à opter pour une sortie de la zone euro, mais l’Allemagne serait alors elle-même susceptible de connaître une envolée de son propre taux de chômage. 

 

Références

HOBZA, Alexandr, & Stefan ZEUGNER (2013), « Current-account surpluses in the Eurozone: Should they be reduced? », in VoxEU.org, 26 avril.

PETTIS, Michael (2013), « The saver’s dilemma », in Project Syndicate, 19 février. Tranduction française, « Le dilemme du sauveur ».

SINN, Hans-Werner, & Akos VALENTINYI (2013), « European imbalances », in VoxEU.org, 9 mars.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : D'un champ l'autre
  • : Méta-manuel en working progress
  • Contact

Twitter

Rechercher