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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 20:05

L’offshoring, c’est-à-dire le transfert à l’étranger de l’ensemble des activités  d’une production donnée ou bien de certaines d’entre elles, tient une place importante parmi les débats publics et académiques au sein des pays développés. Les interrogations entourant ses répercussions sur l’économie domestique rejoignent plus largement celles concernant l’impact de la mondialisation sur l’emploi et les revenus. Si par exemple les préoccupations aux Etats-Unis tournent avant tout autour de l’impact de l’offshoring sur le niveau domestique des salaires, les Européens s’inquiètent plutôt de ses effets sur l’emploi. La présence d’une information codifiable plutôt que tacite, l’importance des tâches de routine ou encore l’exigence d’un contact physique et d’une proximité géographique jouent sur le caractère potentiellement transférable d’une activité productive à l'étranger. En prenant en compte ces caractéristiques, Blinder et Krueger (2009) estiment par exemple qu’un quart des emplois aux Etats-Unis sont délocalisables.

Gene M. Grossman et Esteban Rossi-Hansberg (2008) ont cherché à fournir un cadre théorique cohérent pour étudier la plus fine division du travail à l’œuvre à travers la fragmentation internationale du processus productif (qu’ils désignent sous le terme de « commerce de tâches) et son impact sur les prix, l’emploi et les revenus. En modélisant une économie à deux secteurs et incorporant deux types de travailleurs aux niveaux de qualifications différents, Grossman et Rossi-Hansberg montrent que l’offshoring est propre à générer un effet productivité qui bénéficie au facteur dont les tâches sont transférées à l’étranger. En d’autres termes, même si les emplois à faibles qualifications sont plus facilement transférables à l’étranger que les emplois à hautes qualifications, les travailleurs peu qualifiés peuvent finalement tirer profit des délocalisations. L’offshoring diminue en effet les coûts de production dans les secteurs employant intensivement du travail faiblement qualifié. La productivité des travailleurs peu qualifiés restants va alors augmenter et leurs salaires tendre également à s’accroître. De tels enchaînements sont contraires aux effets distributifs que les théories traditionnelles du commerce international associent habituellement à une diminution des coûts d’échange.

Deux effets vont toutefois contrarier cette dynamique de hausses salariales. D’une part, s’exerce en parallèle un effet Stolper-Samuelson : une diminution des prix relatifs des biens intensifs en travail faiblement qualifié, consécutive à l’accroissement de leur offre mondiale, va réduire les salaires relatifs des travailleurs peu qualifiés (les travailleurs qualifiés voient donc les leurs s’accroître). D’autre part, l’offshoring va libérer de la main-d’œuvre faiblement qualifiée dans l’économie domestique et l’offre excessive en travail peu qualifié qui en résulte va également tendre à diminuer les salaires relatifs de cette catégorie de travailleurs. Au final, si l’offshoring d’activités intensives en travail peu qualifié profite aux plus qualifiés, son impact sur les travailleurs les moins qualifiés apparaît ambigu et dépend de la puissance relative des forces à l’œuvre.

Hugo Rojas-Romagosa (2011) considère que les résultats obtenus par Grossman et Rossi-Hansberg constituent un cas particulier et ne tiennent pas sous des hypothèses moins restrictives en ce qui concerne les dotations factorielles ou la taille de l’économie. A partir d’un modèle d’équilibre général de commerce des tâches, il conclut que l’offshoring est susceptible de mener à de plus fortes inégalités dans les économies avancées, en particulier lorsque ces dernières sont larges, et éventuellement à une réduction des inégalités salariales dans les pays pauvres. Les dynamiques à l’œuvre seraient ainsi contraires à celles attendues dans les théories traditionnelles de commerce des biens finals.

Les études empiriques trouvent que les effets de l’offshoring sur l’emploi domestique sont soit négatifs, mais faibles, soit positifs. Si l’impact sur l’emploi est ambivalent, l’impact sur les salaires est plus précis. Les études s’accordent en effet pour montrer que l’offshoring a participé à l'accroissement des inégalités salariales entre les travailleurs qualifiés et les non qualifiés. L’externalisation des tâches productives à l’étranger se traduit généralement par une plus forte demande de travail qualifié et donc une hausse des salaires pour les plus qualifiés. Sascha O Becker, Karolina Ekholm et Marc Muendler (2009), en observant les multinationales allemandes, constatent en l’occurrence une corrélation positive entre la pratique de l’offshoring et la proportion de travailleurs hautement diplômés dans les entreprises.

Plus spécifiquement, les études se sont ces dernières années portées sur l’impact sur l’emploi et les salaires de l’offshoring de services : si celle-ci demeure encore relativement réduite, elle tend toutefois à rapidement se développer. En observant le comportement des firmes du Royaume-Uni sur la période s’étalant entre 1992 et 2004, Ingo Geishecker, Holger Görg et Christiane Krieger-Boden (2011) ont par exemple constaté que la délocalisation des activités de services affecte négativement le salaire réel des travailleurs faiblement et moyennement qualifiés, tandis qu’elle bénéficie aux travailleurs très qualifiés au travers de plus hauts salaires réels, ce qui contribue à accroître les inégalités salariales. L’impact sur l’emploi demeure également ambigu dans le domaine des services.

Dans un travail récent basé sur un panel de 1511 petites et moyennes entreprises japonaises, Yasuyuki Todo (2012) observe que les transferts d’activités réalisés par les PME nipponnes vers le reste du monde ne réduisent pas forcément l’emploi domestique. Les données révèlent une corrélation positive entre l’offshoring et les variations du nombre de travailleurs, mais celle-ci est due à la causalité allant de l’emploi à l’offshoring et non du dernier au premier. Les effets des délocalisations sur l’emploi au Japon apparaissent au final statistiquement peu significatifs. En outre, les entreprises transférant tout ou partie de leurs activités à l’étranger emploient une part croissante de travailleurs diplômés. Enfin, Todo (2012) décèle une légère amélioration du niveau de productivité des PME ; les gains de productivité ne constituent pas une source d’effet négatif de l’offshoring sur l’emploi.

 

Références Martin ANOTA

BECKER, Sascha O, Karolina EKHOLM & Marc MUENDLER (2009), « Offshoring and home employment », in VoxEU.org, 9 novembre.

BLINDER, Alan S., & Alan B. KRUEGER (2009), « Alternative Measures of Offshorability: A Survey Approach », CEPS working paper, n° 190.

GEISHECKER, Ingo, Holger GÖRG & Christiane KRIEGER-BODEN (2011), « Services offshoring increases wage inequality », in VoxEU.org, 24 décembre.

GROSSMAN, Gene M., & Esteban ROSSI-HANSBERG (2008), « Trading Tasks: A Simple Theory of Offshoring », in American Economic Review, n° 98.

ROJAS-ROMAGOSA, Hugo (2011), « Wage inequality in trade-in-tasks models ».

TODO, Yasuyuki (2012), « Effects of offshoring on home employment and skill upgrading », in VoxEU.org, 15 juillet.

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 18:11

Si la littérature mainstream ne considère pas la politique monétaire comme une source potentielle d’inégalités, les économistes hétérodoxes ont régulièrement suggéré l’existence d’un tel lien. Mais si ces derniers s’accordent sur le sens de la causalité, ils ne s’accordent aucunement sur les mécanismes à l’œuvre, ni même sur le sens exact de la réponse des inégalités, c’est-à-dire à la hausse ou à la baisse, aux chocs monétaires. Pour l’école autrichienne et le républicain Ron Paul, les assouplissements monétaires opérés par la Fed diminuent les salaires réels et augmentent par conséquent les profits, ce qui se traduit par une réallocation des revenus des travailleurs aux capitalistes. Les post-keynésiens considèrent au contraire que les politiques désinflationnistes ont joué un rôle majeur dans la hausse des inégalités depuis le début des années quatre-vingt via leurs répercussions disproportionnées sur l’emploi et les bas salaires [Galbraith, 1998]. Afin d’éclaircir cette question, Olivier Coibion, Yuriy Gorodnichenko, Lorenz Kueng et John Silvia (2012) ont cherché à évaluer les répercussions des chocs de politique monétaire sur les inégalités de consommation et de revenu aux Etats-Unis depuis 1980.

En résonance avec les réflexions de l’école autrichienne, les quatre économistes relèvent ainsi deux canaux par lesquels un assouplissement monétaire est susceptible d’accroître les inégalités.

Le premier est le canal de la composition des revenus (income composition channel) qui met l’accent sur l’hétérogénéité des ménages en termes de sources de revenus primaires. En l’occurrence, les hauts revenus détiennent relativement plus de titres de propriété que les autres ménages ; les ménages à bas revenus reçoivent essentiellement des salaires. Par conséquent, si la politique monétaire expansionniste élève plus rapidement les profits que les salaires, les actionnaires en bénéficieront relativement davantage et les inégalités s’en trouveront accrues.

Le second est le canal de la segmentation financière (financial segmentation channel) : si certains agents économiques effectuent de plus fréquentes transactions sur les marchés financiers et sont plus rapidement affectés par les variations dans l’offre de monnaie que les autres agents, alors un accroissement de l’offre de monnaie redistribue la richesse vers ces agents fortement présents sur les marchés financiers. Puisque les ménages à hauts revenus participent plus activement aux transactions financières, les chocs expansionnistes de politique monétaire entraînent alors de plus fortes inégalités de consommation. Le canal du portefeuille (portfolio channel) agit de manière similaire : si les ménages à faibles revenus détiennent relativement plus de monnaie que les hauts revenus, un laxisme des autorités monétaires dans la lutte contre l’inflation se traduit par un transfert de richesse des ménages à faibles revenus vers ceux à hauts revenus et donc par un accroissement des inégalités  de consommation.

Deux autres canaux, identifiés par la littérature post-keynésienne, tendent au contraire à accroître les inégalités lorsque la banque centrale procède à un resserrement de la politique monétaire.

Le premier est le canal de la redistribution de l’épargne (savings redistribution channel), selon lequel une hausse non anticipée des taux d’intérêt ou un ralentissement de l’inflation bénéficient aux débiteurs au détriment des emprunteurs. Les ménages à faibles revenus étant relativement plus endettés que les ménages à hauts revenus, il s’ensuit un accroissement des inégalités de consommation.

Le second est le canal de l’hétérogénéité des gains (earnings heterogeneity channel). Les rémunérations salariales constituent une source essentielle des revenus pour les ménages et elles répondent différemment aux chocs monétaires selon la position des ménages dans la distribution des revenus. Comme le suggère notamment Galbraith (1998), cela peut notamment être le cas si le chômage touche proportionnellement plus les ménages à faibles revenus que ceux à hauts revenus. De tels effets peuvent également apparaître selon le degré de substituabilité du travail qualifié et non qualifié avec le capital, le taux d’intérêt affectant le prix relatif du capital et du travail. Le canal de composition du revenu peut également contribuer à une diminution des inégalités suite à un assouplissement monétaire, contrairement à ce que laisse suggérer l’école autrichienne : puisque les ménages reçoivent relativement plus de revenus de transfert et que ces derniers s’avèrent contracycliques, alors une politique monétaire expansionniste participe à une réduction des inégalités.

D’après le travail empirique réalisé par Coibion et alii, les chocs monétaires apparaissent avoir des effets statiquement significatifs sur les inégalités. Un resserrement de la politique monétaire accentue les inégalités de revenus, de rémunérations du travail, de consommation et de dépenses totales. La politique monétaire semble en outre avoir joué un rôle non négligeable dans les fluctuations cycliques des inégalités au cours de la période étudiée. Sa contribution aux inégalités est par exemple de même ampleur que sa contribution aux évolutions de l’inflation ou du PIB. La politique monétaire explique en outre une part importante des évolutions historiques des inégalités de revenu et de consommation, en particulier depuis la moitié des années quatre-vingt dix.

Afin d’approfondir leurs résultats, Coibion et alii utilisent les données détaillées au niveau microéconomique pour déterminer les différents canaux via lesquels les chocs monétaires affectent les inégalités. Les rémunérations du travail répondent d’une manière fortement hétérogène aux chocs. Il apparaît en effet qu’un resserrement de la politique monétaire est suivi par de plus hauts gains salariaux pour les ménages au sommet de la distribution des revenus et un amoindrissement des gains salariaux pour les ménages à faibles revenus, même ceux travaillant à plein temps. Le canal de composition du revenu joue un rôle important dans la transmission de la politique monétaire. Au niveau agrégé, si les rémunérations du travail répondent peu en moyenne aux chocs monétaires, le revenu financier s’élève quant à lui brutalement suite à un resserrement monétaire. Les revenus financiers se concentrant très fortement dans le haut de la distribution des revenus, ce sont les ménages à hauts revenus qui captent l’essentiel de ces gains financiers. Les revenus de transfert jouent un rôle clé dans l’amortissement des impacts de la politique monétaire sur les inégalités. Suite à un resserrement monétaire, les ménages à plus faibles revenus reçoivent en effet une plus large part de leurs revenus sous forme de prestations sociales et celles-ci compensent les pertes salariales. Si les quatre économistes disposent insuffisamment de données pour Enfin, les canaux du portefeuille et de la segmentation des marchés financiers, ces derniers ne peuvent immanquablement  être que d’une ampleur réduite comparés aux autres canaux.

Les dynamiques observées dans les inégalités de revenus reflètent donc avant tout les fluctuations des revenus des ménages les plus aisés, ces dernières étant elles-mêmes fortement influencées par l’évolution des rémunérations du travail. La politique monétaire semble ainsi avoir joué un rôle significatif dans le creusement des inégalités aux Etats-Unis. Cet ensemble de faits stylisés est d’autant plus important pour la conduite de la politique monétaire que les inégalités sont susceptibles de constituer une source d’instabilité macroéconomique et semblent en l’occurrence avoir joué un rôle majeur dans l’accumulation de déséquilibres ayant conduit à la Grande Récession. Les résultats obtenus par Coibion et alii amènent également à réévaluer les coûts économiques associés aux épisodes de trappe à liquidité. Si les taux nominaux restent durablement accolés à leur niveau plancher (zero lower bound) alors que les conditions économiques appellent à des taux négatifs, la situation s’apparente à une période prolongée de resserrement de politique monétaire. Une économie confrontée à une trappe à liquidité est alors susceptible de connaître un accroissement des inégalités de revenu et de consommation.

 

Références  Martin ANOTA

COIBION, Olivier, Yuriy GORODNICHENKO, Lorenz KUENG & John SILVIA (2012), « Innocent Bystanders? Monetary Policy and Inequality in the U.S. », IZA discussion paper, n° 6633, juin.

GALBRAITH, James K. (1998), « With economic inequality for all », in The Nation.

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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 17:09

Les économies abondamment dotées en ressources naturelles tendent à connaître une croissance relativement plus faible par rapport aux économies qui en sont dépourvues. A partir d’un échantillon de 95 pays, Jeffrey Sachs et Andrew Warner (1995) ont ainsi montré que les économies présentant de hauts ratios d’exportations de ressources naturelles sur PIB en 1971 tendent à avoir de plus faibles taux de croissance sur la période s’étalant de 1971 à 1989. Cette relation négative entre dotations en ressources naturelles et croissance demeurait une fois que Sachs et Warner aient contrôlé les variables traditionnellement considérées comme importantes pour la croissance économique, telles que le revenu par tête initial, l’ouverture commerciale, l’efficacité des institutions gouvernementales ou encore le taux d’investissement.

Le syndrome hollandais (dutch disease) décrit un ensemble de mécanismes par lesquels une forte dotation en ressources naturelles peut influencer négativement la croissance à long terme d’une économie. Le terme a été introduit par The Economist pour expliquer la stagnation de l’activité aux Pays-Bas durant les années soixante-dix comme le résultat de la découverte d’un large gisement de gaz naturel. L’exploitation de ressources naturelles génère habituellement de larges profits qui vont conduire au développement de l’activité minière au détriment des autres secteurs de l’économie. L’accroissement du revenu national et de la demande entraînent des pressions inflationnistes, tandis que l’afflux de capitaux se traduit par un excédent commercial et s’accompagne d’une appréciation du taux de change réel. La surévaluation du taux de change par rapport à ce qu’induiraient autrement les performances du pays va réduire la compétitivité des autres entreprises exportatrices. Celles-ci voient alors leurs profits diminuer, ce qui renforce les incitations à développer l’activité extractrice. Au cours du boom de ressources premières, les agents démontrent une forte préférence pour le présent qui les conduit à délaisser la question de la croissance à long terme de l'économie et à faire preuve de laxisme dans la gestion privée et publique. Une fois les ressources naturelles épuisées, l’atrophie de la base productive et la surévaluation du taux de change conduisent à une stagnation durable de l’activité économique.

La malédiction (curse) entourant les ressources naturelles n’est toutefois pas systématique et semble dépendre amplement du capital institutionnel de l’économie et de son degré de démocratie. L’Australie, le Botswana, le Canada et la Norvège ont par exemple su efficacement exploiter les abondantes ressources naturelles de leurs territoires pour se développer. Les économistes du FMI Rabah Arezki, Thorvaldur Gylfason et Amadou Sy (2012) se sont ainsi penchés sur ces expériences réussies pour identifier les réponses politiques et institutionnelles possibles qui s’offrent aux pays en développement pour répondre aux défis que leur pose la présence de ressources naturelles.

Le syndrome hollandais pose notamment la question de la stabilisation des taux de change et de la stérilisation des entrées de capitaux, en particulier lors des périodes de prix élevés des matières premières. Les coûts de stérilisation s’avèrent significatifs pour les pays en développement puisque les taux d’intérêts domestiques d’équilibre sont généralement supérieurs à ceux des pays avancés. Une politique budgétaire contracyclique peut toutefois fournir un degré automatique de stérilisation dans la mesure où les périodes de prix élevés des matières premières coïncident avec celles d’excédents budgétaires.

L’abondance en ressources naturelles complique toutefois la conduite de la politique budgétaire. En effet, les revenus du gouvernement dépendent alors largement des prix des matières premières, or ces derniers sont volatiles et imprévisibles. Les gouvernements doivent alors découpler à court terme leurs dépenses courantes des revenus et planifier à plus long terme des dépenses assurant l’équité intergénérationnelle. Certains instruments financiers peuvent couvrir contre la volatilité des prix des matières premières. L’accumulation d’épargne dans les fonds souverains ou l’investissement public sont deux moyens, éventuellement complémentaires, par lesquels le gouvernement peut gérer efficacement les revenus issus des ressources naturelles. Les pays en développement, notamment africains, éprouvent d’immenses besoins en biens publics, mais ils sont contraints par la capacité d’absorption limitée de leur économie, ce qui plaide dans leur cas pour la constitution d’une épargne (éventuellement au sein d’un fonds souverain) en parallèle à l’accumulation de capital public.

La croissance économique à long terme dépend du développement d’entreprises suffisamment nombreuses et diversifiées pour prendre le relais une fois que les ressources naturelles sont épuisées. Si les pouvoirs publics ont un rôle définitivement essentiel dans une telle diversification, les politiques industrielles à travers lesquelles l’Etat s’implique directement peuvent être capturées par les élites locales et susciter des comportements de corruption. Selon Arezki et alii, il serait alors plus judicieux pour les gouvernements d’impulser une diversification économique tirée par l’activité privée en mettant en place des règles incitatives. La diversification peut également être encouragée en allégeant l’imposition sur l’activité entrepreneuriale et l'innovation. Les recettes issues des matières premières peuvent être utilisées pour financer de nouvelles infrastructures propres à accroître les rendements et encourager l’investissement privé. Le développement du secteur financier peut également jouer un rôle dans ce processus de diversification.

En définitive, les auteurs soulignent la place centrale de la question institutionnelle. Les pays abondamment dotés en ressources naturelles voient leurs institutions sapées par les comportements de recherche de rentes et le clientélisme, or le capital institutionnel s'avère déterminant dans la trajectoire de croissance à long terme. Les travailleurs qualifiés tendent à se diriger vers les secteurs improductifs et la capture de rentes. Le cadre institutionnel doit ainsi être refondu pour orienter la main-d’œuvre qualifiée vers l’activité entrepreneuriale privée. Le développement du secteur financier nécessite quant à lui l’instauration de droits de propriété afin de jouer un plus grand rôle dans l’allocation de ressources vers les petites et moyennes entreprises. Une gestion plus transparente des revenus issus des ressources naturelles permet notamment une meilleure allocation des travailleurs qualifiés vers les secteurs productifs.

 

Références  Martin ANOTA

AREZKI, Rabah, Thorvaldur GYLFASON, Amadou SY (2012), « Beyond the curse: Policies to harness the power of natural resources », in VoxEU.org, 8 juillet.

CABRALES, Antonio, & Esther Hauk (2011), « Political institutions and the curse of natural resources », in VoxEU.org, 17 juin.

PRAGER, Jean-Claude, & Jacques-François THISSE (2010), Economie géographique du développement, La Découverte.

SACHS, Jeffrey D., & Andrew M. WARNER (1995), « Natural resource abundance and economic growth », working paper, Harvard Institute for International Development.

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