Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 17:32

En 2011, le PIB réel des Etats-Unis n’augmenta que de 1,6 %, mais le chômage connut une forte décrue en passant de 9,1 % à 8,3 %. La faible croissance du PIB amène certains analystes à douter que le reflux du chômage soit durable puisqu’il semble contredire les prédictions de la loi d’Okun ; pour d’autres, cette soudaine création d’emplois démontrerait tout simplement l’invalidité de cette loi. Les évolutions du chômage constatées lors de la fragile reprise de l'activité aux Etats-Unis ne sont pourtant pas forcément incohérentes avec cet outil fort apprécié des macroéconomistes dans leurs prévisions conjoncturelles...

En utilisant les données de l’économie américaine couvrant la période 1947-1960, Arthur Okun (1962) avait décelé à court-moyen terme une relation stable entre l’évolution du taux de chômage et la croissance du PIB réel (c’est-à-dire corrigé de l’inflation) aux Etats-Unis. Cette relation empirique, qualifiée par la suite de « loi d'Okun », se formulait initialement par l'équation suivante :

variation du taux de chômage = -0,3*(croissance réelle du PIB – 4)

Le coefficient multipliant la différence entre la croissance du PIB et la constante (cette dernière pouvant être interprétée comme le taux de croissance potentielle à l'époque) est qualifié de « constante d’Okun ». Ainsi décrite, cette équation établissait que la croissance du PIB devait s’établir à 7,3 % au cours d’une année pour que le taux de chômage baisse parallèlement d’un point de pourcentage. Il ne suffit donc pas que la croissance soit positive pour que le chômage se résorbe, elle doit en outre franchir un seuil minimal (en l’occurrence, dépasser 4 % dans l’analyse originelle d’Okun). Aujourd’hui la loi d’Okun est souvent reformulée comme une relation inverse entre la variation du taux de chômage et celle de l’output gap : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l’économie s’éloigne du plein emploi.

Le coefficient d’Okun et le niveau de croissance potentielle varient toutefois d’une époque à l’autre et d’une économie à l’autre, si bien qu’un même taux de croissance du PIB ne crée pas forcément le même volume d’emplois. Les caractéristiques mêmes du marché du travail, de la main-d’œuvre et plus fondamentalement de l’économie ne sont aujourd’hui plus équivalentes à celles prévalant durant l’étude pionnière d’Okun. Selon les estimations de Tim Duy (2012), le coefficient d’Okun (la pente de la droite de régression sur les graphiques suivants) s’établirait à –0,41 pour l'économie américaine sur la période 1970-2011. Autrement dit, si la croissance effective est supérieure d'un point de pourcentage à son niveau potentiel, le chômage baisse d'environ 0,4 point de pourcentage.

variation du taux de chômage = -0,41*output gap

La Grande Récession et l'actuelle reprise aux Etats-Unis ont particulièrement malmené les conjecturistes [Burgen et alii, 2012]. Au regard de la période 1948-2011, et en particulier la période 1990-2011, les années 2009 et 2011 apparaissent en effet assez aberrantes (cf. graphique 1). En 2009, le PIB réel déclina de 0,5 % ; alors que la loi d’Okun aurait prédit une hausse du chômage de 1,2 point de pourcentage celui-ci s’accrut en réalité de 3 points de pourcentage. En 2011, le PIB augmenta de 1,6 % ; selon la loi d’Okun, le chômage aurait dû connaître une hausse modérée ; il diminua en fait de 0,9 point de pourcentage.

        GRAPHIQUE 1  La loi d'Okun pour l'économie américaine (1990-2011)

okungraph1.jpgsource : Burgen et alii (2012)       

Il existe toutefois un décalage temporel entre les variations de l’activité économique et les variations subséquentes de l’emploi, ne serait-ce qu’en raison du cycle de productivité : les entreprises n’envisagent de réduire leurs effectifs que si le ralentissement de l’activité se confirme ; inversement, lors d’une reprise de l’activité, elles répondent au surcroît d’activité en maintenant leurs effectifs inchangés tant que la reprise n’est pas confirmée. Les entreprises auraient surréagi en 2009 aux perspectives pessimistes pour l’activité future en se débarrassant davantage de salariés que nécessaire [Burgen et alii, 2012]. Durant les 22 mois consécutifs à la reprise de l’activité, le taux de chômage demeura à un niveau élevé, supérieur à 9 %. Une fois que les perspectives futures parurent effectivement plus encourageantes, les entreprises ramenèrent leur niveau d’emploi en phase avec la croissance attendue. 2011 aurait alors été en définitive une année de « rattrapage » (catch-up). La loi d’Okun est ainsi respectée si nous considérons l’évolution des variables économiques, non pas à très court terme, sur l’échelle d’une année, mais bien à moyen terme, par exemple sur l’ensemble de la période 2009-2011.

McCarthy et alii (2012) montrent que la loi d’Okun n’a pas été strictement respectée dans le court terme durant les récentes reprises (cf. tableau 1). Les auteurs analysent les différentes expansions ayant duré plus de six ans suite à la Seconde Guerre mondiale et observent pour chacune d’entre elle l’évolution du chômage entre la troisième année et la cinquième année consécutives à la reprise. Ils comparent alors l’évolution effective du chômage avec l’évolution théorique qu’induirait la loi d’Okun si le coefficient d’Okun était compris entre -0,3 (l’estimation initiale d’Okun) et -0,5 (la valeur généralement utilisée par les conjoncturistes de nos jours). Pour définir la croissance potentielle, les auteurs utilisent les estimations du Congressional Budget Office (CBO).

TABLEAU 1  La loi d'Okun durant les longues expansions

okuntab1.jpg

source : MacCarthy et alii (2012)

Le reflux du chômage durant l’expansion des années soixante respecte la loi d’Okun : il diminue de 1,9 point de pourcentage entre la troisième et la cinquième année, alors que la loi d’Okun implique de son côté une baisse comprise entre 1,7 et 2,9 points de pourcentage selon que le coefficient d’Okun varie entre -0,3 et -0,5. En revanche, pour les trois longues expansions les plus récentes, le reflux du chômage entre la troisième et cinquième année est amplement plus important que celui conjecturé par la loi d’Okun ; ce décalage est particulièrement frappant en ce qui concerne les expansions des décennies quatre-vingt-dix et deux mille. L’une des explications, en plus de celle relative au cycle de productivité, pourrait être que le CBO ait sous-estimé la croissance potentielle, ce qui ne serait pas incohérent avec l’idée selon laquelle une crise économique tend à réduire le niveau potentiel de croissance de l'économie.

        GRAPHIQUE 2  PIB et chômage lors des reprises américaines

okungraph2.jpg

note : la taille de la bulle représente le déclin du PIB lors de la récession        
 source : Burgen et alii (2012)        

Il n’en demeure pas moins que le taux de chômage a reflué plus lentement durant les dernières reprises que lors des précédentes longues expansions. Burgen et alii (2012) ont calculé le taux de croissance du PIB durant les dix premiers mois lors des diverses reprises que connurent les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale (cf. graphique 2). La reprise actuelle (current recovery) s’inscrit dans la continuité de la ligne de régression. Ainsi, une amélioration relativement modeste du taux de chômage apparaît cohérente avec une reprise de l’activité. En outre, les reprises observées ces dernières décennies aux Etats-Unis se singularisent par leur faible croissance du PIB et partant leur faible création d’emplois.

TABLEAU 2  Evolution du chômage durant les longues expansions

okuntab2.jpg

source : MacCarthy et alii (2012)

L’étude de MCarthy et alii (2012) révèle enfin une forte similarité dans le déroulement des longues expansions. Le déclin du chômage (mesuré ici non pas en points de pourcentage mais tout simplement en pourcentage) observé entre le début de la troisième année et la fin de la cinquième année a été relativement similaire lors des trois dernières longues expansions (le taux de chômage décline en effet à chaque fois de 21-23 %). Le taux de chômage devrait atteindre environ 7 % en juin 2014 si l’actuelle reprise se conforme aux trois dernières longues expansions, c’est-à-dire si l’économie américaine ne subit entre-temps aucun choc…

 

Références Martin Anota

BURGEN, Emily, Brent MEYER & Murat TASCI (2012), « An Elusive Relation between Unemployment and GDP Growth: Okun’s Law », Federal Reserve Bank of Cleveland.

DUY, Tim (2012), « Thoughts on Okun’s Law », 13 mars.

GAUTIE, Jérôme (2009), Le Chômage, La Découverte, Paris.

McCARTHY, Jonathan, Simon POTTER & Ging Cee NG (2012), « Okun’s Law and Long Expansions », in Liberty Street Economics, Federal Reserve Bank of New York, 27 mars.

OKUN, Arthur (1962), « Potential GNP: Its Measurement and Significance », American Statistical Association, Proceedings of the Business and Economics Statistics Section, pp. 98–104.

Partager cet article
Repost0
7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 18:15

Si le volume du commerce mondial tripla entre 1990 et 2007, les exportations chinoises furent multipliées par 12 sur la même période. L’intégration croissante de la Chine dans le commerce international suscite naturellement une inquiétude des pays développés concernant les secteurs industriels dans lesquels ils possèdent un avantage comparatif. Reprenant la théorie de Ricardo pour l’appliquer aux relations sino-américain, Paul Samuelson (2004) avait affirmé que les économies développées peuvent souffrir d’un accroissement de productivité de la Chine dans les secteurs où celle-ci ne possède initialement pas d’avantages comparatifs. Aujourd’hui, Giovanni, Levchenko et Zhang (2012) proposent un modèle alternatif et concluent de leur côté qu’une amélioration technique de la Chine dans les secteurs où elle possède un désavantage comparatif favorise l’économie mondiale et notamment les économies avancées.

Dans le modèle que présente Samuelson (2004), l’économie mondiale ne se compose que de deux pays : la Chine et les Etats-Unis. La première se compose de 1 000 travailleurs tandis que 100 travailleurs sont présents sur le sol américain. Seuls deux biens sont produits, en l’occurrence le bien 1 et le bien 2. En l’absence de spécialisation, les travailleurs dans chaque pays se répartissent également entre les deux secteurs industriels. Les productivités étasuniennes sont respectivement Π1 = 2 et Π2 = 1/2 pour la production du bien 1 et celle du bien 2 ; les productivités chinoises sont respectivement égales à π1 = 1/20 et π2 = 1/5 pour la production du bien 1 et celle du bien 2. Par conséquent, selon la loi des avantages comparatifs, les Etats-Unis se spécialisent dans la production de bien 1 et en produisent 200 unités ; la Chine se spécialise dans la production de bien 2 et en produit 200 unités. Les deux pays procèdent à des échanges internationaux et chacun dispose d’un revenu par tête plus élevé qu’il ne l’aurait été en situation autarcique. Les consommateurs disposent ainsi d'un plus grand pouvoir d'achat. Si les ajustements sectoriels peuvent être douloureux à court terme, les bénéfices à long terme font plus que les compenser. A ce point de l’exposé, la simple application de la théorie ricardienne tend à soutenir la thèse du libre-échange puisque chacune des deux économies trouve un gain net à l’échange.

Samuelson fait alors intervenir le progrès technique et développe deux scénarii :

1. Il suppose tout d’abord que la productivité chinoise quadruple dans la production du bien 2, c’est-à-dire le bien exporté vers les Etats-unis, et passe de π2 = 1/5 à π2 = 8/10. Les Etats-Unis restent spécialisés dans la production de bien 1 et la Chine dans celle du bien 2. Les travailleurs étasuniens produisent toujours 200 unités de bien 1, mais désormais la Chine produit 800 unités de bien 2. Les Etats-Unis conservent une part du gain lié à l’augmentation de la production mondiale. La Chine peut quant à elle connaître un processus d'auto-appauvrissement (self-immiseration) : si les demandes sont peu élastiques, les gains de productivité entraînent une détérioration de ses termes de l'échange et par là une baisse de son revenu par tête ;

2. Samuelson suppose ensuite que la Chine voit au contraire sa productivité quadrupler dans la production du bien 1, c'est-à-dire celui pour lequel les Etats-Unis disposaient initialement d’un avantage comparatif ; la productivité chinoise passe en l'occurrence de π1 = 1/20 à π’1 = 8/10. La Chine devient alors plus productive que les Etats-Unis dans ce secteur manufacturier. La production potentielle s’accroît, mais les avantages comparatifs disparaissent, si bien que les deux pays n’ont plus intérêt à se spécialiser et échanger. Les Etats-Unis produisent 100 unités du bien 1 et 25 unités du bien 2. Le revenu par tête étasunien chute alors fortement.

Selon le secteur concerné, soit un gain de productivité profite à l’ensemble des pays échangistes (premier scénario), soit il ne profite qu’au seul pays au sein duquel il apparaît, les pays étrangers connaissant alors des pertes durables de bien-être (second scénario). En définitive, si Samuelson ne recommande pas pour autant l’adoption de mesures protectionnistes, son propos vise toutefois à fortement nuancer l’image idyllique que les partisans du libre-échange (notamment Bhagwati) peuvent donner de l’intégration chinoise.

Import Trade Services

Julian di Giovanni, Andrei Levchenko et Jing Shang (2012a) présentent un modèle multifactoriel multi-pays pour réévaluer les résultats de Samuelson. Ils utilisent des données issues de 19 secteurs industriels et de 75 pays. Les auteurs mettent alors en scène deux scénarii :

1. Dans le scénario d’une croissance « équilibrée », le taux de croissance de la Chine dans chaque secteur est identique et égal au taux moyen observé entre les années quatre-vingt-dix et deux mille (1,32 % annuellement), si bien que les avantages comparatifs dont dispose la Chine perdurent ;

2. Dans le scénario d’une croissance « déséquilibrée », le taux de croissance de la Chine est plus élevé dans les secteurs où elle présente un désavantage comparatif, si bien que les différences de la productivité relative de la Chine par rapport aux pays les plus performants dans chaque secteur s’atténuent.

La productivité moyenne de la Chine est la même dans les deux scenarii, mais ces derniers diffèrent selon les productivités relatives des secteurs. Selon Giovanni et alii, les gains moyens sont dix fois supérieurs dans le scénario déséquilibré que dans le scénario équilibré. La croissance déséquilibrée de la Chine bénéficie particulièrement aux pays devenant similaires à la Chine. Les résultats obtenus par Samuelson disparaissent donc dans un modèle avec plus de deux pays et plus de deux biens. Le bien-être étasunien ne diminue pas forcément lorsque la technologie sectorielle de la Chine se calque sur celle des Etats-Unis.

La Chine connaît une forte productivité relative dans des secteurs tels que le textile que les auteurs qualifient de « communs », dans le sens où plusieurs pays ont eux-mêmes également une productivité élevée dans ces secteurs ; elle connaît au contraire des désavantages comparatifs dans des secteurs tels que la comptabilité ou l’informatique, qualifiés de « rares » dans le sens où seuls peu de pays connaissent une forte productivité dans ces secteurs. Selon les résultats empiriques obtenus par Giovanni et alii, le reste du monde profiterait effectivement d’une forte croissance de la productivité chinoise dans les « rares » secteurs. Le progrès technique, bien qu’atténuant les désavantages comparatifs de la Chine, ne serait pas aussi nocif pour les économies avancées que ne le pensait Samuelson.

 

Références Martin Anota

GIOVANNI, Julian di, Andrei LEVCHENKO & Jing ZHANG (2012a), « The Global Welfare Impact of China: Trade Integration and Technological Change », IMF working paper, mars.

GIOVANNI, Julian di, Andrei LEVCHENKO & Jing ZHANG (2012b), « Can China’s growth lower welfare in developed countries? A refutation of the Samuelson conjecture », in VoxEu.org, 2 avril.

SAMUELSON, Paul (2004), « Where Ricardo and Mill Rebut and Confirm Arguments of Mainstream Economists Supporting Globalization », in Journal of Economic Perspectives, vol. 18, n° 3, été, pp. 135–146.

Partager cet article
Repost0
6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 00:02

Patrick Artus (2012) raisonnait « à l’envers » pour savoir ce qu’il faudrait faire puisque l’euro n’explose pas ; Arnab Das et Nouriel Roubini (2012) anticipent de leur côté, dans un article du Financial Times, quelle stratégie adopter pour mener à bien l’éclatement de la zone euro et proposent l’ébauche d’un « divorce à l’amiable ». Un démantèlement partiel et coordonné de la zone euro peut être réalisé en minimisant les pertes, mais le retarder accroît ces dernières. Il apparaît même aux yeux des deux auteurs comme une issue moins dommageable que les tentatives de sauvetage de la configuration actuelle, incapable de résoudre ses profonds déséquilibres. L’idéal, selon Das et Roubini, serait que l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie et le Portugal sortent de la zone euro et adoptent un régime de croissance tiré par l’exportation ; la dévaluation de leurs nouvelles devises participerait en outre à leur donner un surcroît de compétitivité. Les membres restants de la zone euro rééquilibreront quant à eux leur croissance sur leur demande domestique. La transition consistera à renverser le processus ayant mené à l’euro. Les banques centrales sortantes cibleraient un taux de change ; les marges de fluctuation de ce taux seraient élargies au fur et à mesure que l’inflation et les primes de risque reviennent à des niveaux jugés normaux. La BCE participerait activement à l’ensemble du processus.

Après la transition, toutes les banques centrales adopteraient des cibles convergentes d’inflation pour réduire les risques de protectionnisme ou de dévaluation compétitive. Les pays sortants constitueront de petites économies ouvertes et seraient par conséquent réticents à mener de puissantes dévaluations, car les amples mouvements des taux de change peuvent facilement entraîner une forte inflation. La BCE achèterait les nouvelles devises lorsque le taux atteint son niveau plancher pour éviter leur effondrement. Les membres restants de la zone euro supporteront certes le fardeau de l’ajustement, mais une telle transition consolidera en définitive la cohésion de l’Union Européenne.

Les contrats auxquels s'applique la législation domestique seront libellés en nouvelles devises ; les contrats relevant de la législation étrangère seront libellés en euro. Les pays sortants devront accélérer la domestication des dettes externes avant même de sortir de la zone euro pour réduire les disparités de bilans, ainsi que les risques de crédit et de change. La BCE et les banques centrales sortantes négocieront ensemble pour dénouer les déséquilibres dans les systèmes de paiements. Nationaliser les banques, limiter les retraits de dépôts et restaurer un contrôler des capitaux seront diverses mesures temporaires qui s’avéreront nécessaires pour éviter une fuite des capitaux.

Antonio Fatás (2012) déplore quatre fortes incertitudes dans le scénario proposé par Das et Roubini :

1. Les deux auteurs estiment que les pays périphériques ont perdu leur compétitivité et qu’un rééquilibrage des prix relatifs s’avère nécessaire. Fatás se montre sceptique quant à une éventuelle surélévation de prix et salaires des pays périphériques. Selon lui, les données ne permettent pas de conclure de manière tranchée à une perte de compétitivité de l’Espagne, de la Grèce ou du Portugal vis-à-vis des autres pays de la zone euro depuis la création de cette dernière. En revanche, l’Allemagne constitue véritablement une anomalie : ses exportations augmentent bien plus rapidement que pour tout autre membre de l’Union européenne, tandis que les différences dans l’évolution des exportations pour les autres pays sont plus réduites. En outre, les performances de l’Espagne à l’exportation se sont davantage améliorées que celles de la France ou du Royaume-Uni ;

2. La détermination des nouveaux taux de change, suite à la conversion aux nouvelles devises, reste dans l’ombre. Das et Roubini suggèrent une dépréciation contrôlée, mais le pilotage de celle-ci demeure imprécis ;

3. Avec la dépréciation, les importations seront plus chères, ce qui impactera la consommation et l’investissement. Rien ne certifie que les exportations se gonfleront rapidement. En l’absence de croissance, les problèmes budgétaires que rencontrent les Etats espagnols ou italiens demeureront, voire empireront ;

4. Enfin, si l’ensemble de la dette publique italienne (par exemple) est converti à la nouvelle lire, les détenteurs étrangers subiront une perte dans leur placement, tandis que rien n’aura changé pour le gouvernement italien : le ratio dette sur PIB sera le même qu’auparavant. L’incertitude et le manque de confiance suite à la sortie de la zone euro risquent même de se traduire par des taux d’intérêts plus élevés. Rien ne certifie que les exportations permettront de compenser ces coûts supplémentaires.

 

Références Martin Anota

DAS, Arnab, & Nouriel ROUBINI (2012), « A divorce settlement for the eurozone », in Financial Times, 2 avril.

FATAS, Antonio (2012), « The Euro Divorce », 3 avril.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : D'un champ l'autre
  • : Méta-manuel en working progress
  • Contact

Twitter

Rechercher