15 mars 2012
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Marianne Bertrand et Adair Morse, de l’Université de Chicago, ont étudié d’une manière détaillée les effets adverses des inégalités de revenu sur le comportement des ménages en mettant en évidence l’existence d’un effet de démonstration à la Duesenberry. Leur article (déniché par Raghuram Rajan), montre qu’avant la crise, dans les zones géographiques où les ménages à hauts revenus avaient un niveau élevé de dépenses de consommation, les ménages aux revenus inférieurs avaient également un niveau élevé de consommation. Beaucoup de ménages à revenus faibles et intermédiaires ont réduit leurs flux d'épargne et ont très souvent emprunté pour soutenir leur niveau de dépenses, si bien que les zones où les ménages les plus aisés gagnent et dépensent le plus sont également celles où la proportion des ménages en situation de détresse financière ou de défaut de paiement est la plus élevée. Après avoir testé nombre d’explications possibles à ces comportements, Bertrand et Morse en privilégient une éminemment sociologique : ils concluent en effet que les ménages à revenus faibles ou intermédiaires cherchent à reproduire la consommation des plus aisés. La croissance des inégalités de revenus aux Etats-Unis depuis les années quatre-vingt expliquerait en partie, via ce « canal » de la consommation imitative, la baisse du taux d’épargne sur la même période.
Bertrand et Morse étudient également le lien entre les inégalités et les politiques économiques menées avant la crise. Les législateurs des zones caractérisées par de fortes inégalités de revenu se sont montrés les plus enclins à voter en faveur de politiques facilitant l’accès au crédit ou réduisant le coût du crédit. Le crédit immobilier a permis aux ménages modestes et aux classes moyennes d’entretenir leur surconsommation d'émulation. Ces choix politiques ne semblent pas soumis aux intérêts des institutions financières. Notamment suite à la crise, les législateurs républicains des districts particulièrement touchés par les inégalités se mobilisèrent contre le secteur financier pour protéger leur électorat, et notamment les électeurs surendettés. Les comportements « altruistes » des législateurs, en visant à faciliter l’accès des ménages au crédit, se sont toutefois révélés désastreux au niveau « agrégé », puisqu’ils participèrent ainsi à la formation de la bulle immobilière.
14 mars 2012
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Source : The Economist
Brad DeLong s’est essayé à une petite réflexion sur la conduite de la politique monétaire lorsque l’économie se situe dans une « trappe à liquidité ».
Quand les taux d’intérêt buttent sur leur limite inférieure de zéro (zero lower bound), les agents deviennent indifférents à détenir de la liquidité ou des obligations d'Etat de court terme. Les opérations d’open market cessent d’avoir tout effet. Dans une telle situation, la politique monétaire ne peut stabiliser efficacement l’activité que de deux manières. D’une part, la banque centrale peut faciliter l’accès au crédit des emprunteurs en prenant dans son bilan les risques de taux et de défaut. Cela dépend de la volonté et du pouvoir des autorités monétaires à faire supporter des montants importants de risque de défaut aux contribuables. D’autre part, les autorités monétaires peuvent promettre de maintenir les taux directeurs et les taux d’inflation à des niveaux respectivement supérieur et inférieur à ceux que justifierait une fonction de réaction standard. Or rien ne certifie qu’une fois la reprise de l’activité économique assurée, les banquiers centraux ne reviennent sur leurs promesses passées. En outre, laisser filer l’inflation au-dessus de son niveau cible détériore la crédibilité des autorités monétaires dans leur lutte future contre l’inflation.
Une politique budgétaire expansionniste peut résoudre les problèmes rencontrés par la politique monétaire. Plus la dette publique s’accroît, plus large sera le montant absolu de dette qu’une banque centrale va amortir à travers le seigneuriage, plus les futurs taux d’inflation seront élevés. Une stratégie de « dominance fiscale » peut donner une redoutable efficacité à la politique budgétaire : les autorités publiques fixent les niveaux d’emprunt et d’excédent primaire, tandis que la politique monétaire crée de la monnaie pour combler le reste. Un financement de l'expansion budgétaire par la création monétaire rend crédible une poursuite de l’assouplissement monétaire. DeLong en conclut que la mise en œuvre d’une politique monétaire expansionniste n’exclut donc pas l’usage simultané d’une politique budgétaire de relance, en particulier dans une situation de trappe à liquidité.
Ensuite, il n’est pas justifié de faire de la politique monétaire l’unique instrument de stabilisation au motif qu’elle ne produirait pas de distorsions dans le processus d’allocation. L’assouplissement monétaire stimule l’activité économique en modifiant les offres et demandes d’actifs, donc par conséquent les prix d’actifs, or l’allocation subséquente des ressources n’est pas optimale. Lorsque le taux d’intérêt annulant l’écart de production (output gap) est négatif, la politique monétaire conduit à une surproduction des actifs de longue duration au détriment des actifs de courte duration. Les institutions financières, dans leur quête de rendement, risquent en outre de mal juger le risque et le rendement de long terme lorsque les taux d’intérêt sur le marché sont bas, ce qui mène à des prises de décision inadéquates. De faibles taux d’intérêt conduisent à une sous-évaluation des innovations financières et à leur diffusion excessive parmi les acteurs financiers. Lorsque le coût de financement est faible, les acteurs financiers ne sont pas incités à vérifier et contrôler régulièrement la comptabilisation des actifs à leur juste valeur (fair value). Il s’ensuit au final une prise de risque excessive et l’apparition de bulles.
publié par Martin Anota
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dans
Politique monétaire
13 mars 2012
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Lars Calmfors tire quatre leçons de l’expérience suédoise de consolidation budgétaire lors des années quatre-vingt-dix.
« Première leçon : une profonde crise budgétaire peut créer un consensus sur la discipline budgétaire. » La Suède entre en crise en 1991 et le niveau d’output diminuera trois années de suite. La dette publique augmente de 32 points de PIB entre 1990 et 1996. La crise fiscale entraîne un assez large consensus politique autour de la consolidation budgétaire. L’équilibre budgétaire devient prioritaire sur toute autre considération macroéconomique. Cela se traduit par une remarquable performance fiscale pour la Suède. Le ratio dette publique sur PIB diminue sensiblement pour s’établir en 2007 à un niveau inférieur à celui d’avant-crise et les conditions de financement de la dette publique s’en trouvent durablement assouplies.
« Deuxième leçon : les réformes fiscales d’ensemble accroissent les chances de succès. » Le consensus politique autour de la discipline budgétaire s’est traduit par l’adoption d’un cadre fiscal strict reposant sur cinq piliers : un processus budgétaire top-down (détermination du montant global des dépenses publiques, puis répartition de ce montant entre 27 postes de dépenses), une cible d’excédent primaire établie à 1 % du PIB au cours d’un cycle d’affaires (ce qui permet l’usage du budget comme instrument conjoncturel), un plafonnement des dépenses du gouvernement central, l’obligation d’équilibrer les budgets locaux et enfin un système de retraite fonctionnant par contributions déterminées.
« Troisième leçon : la transparence budgétaire importe davantage que l’imposition formelle. » L’excellente performance budgétaire de la Suède repose, non pas sur des règles budgétaires (telles que les règles européennes adoptées fin 2011 pour renforcer le PSC), mais sur une extrême transparence des finances publiques permettant d’informer au mieux le débat politique. Le gouvernement procède notamment à un suivi régulier des performances budgétaire et de l’évolution de la soutenabilité de l’endettement. Des agences indépendantes vérifient l’information et évaluent la robustesse des prévisions.
« Quatrième leçon : la croissance de l’output est cruciale. » La dépréciation du taux de change dans les années quatre-vingt-dix a stimulé les exportations et accéléré la croissance économique. Non seulement la demande globale a pu ainsi augmenter malgré la consolidation fiscale, mais cette dernière s’en trouva en retour grandement facilitée. Ensuite, des réformes structurelles (refondation du système fiscal, dérégulations des marchés et réformes du système de négociations salariales) ont accru le potentiel de croissance à long terme. Cette dernière se traduisit, d’une part, par une baisse du ratio de la dette publique sur le PIB et, d’autre part, par une plus grande marge de manœuvre pour procéder à d’éventuelles hausses des dépenses ou réductions fiscales sans déséquilibrer le Budget. Par contraste, l’existence d’une devise commune empêche les Etats-membres en crise de la zone euro de procéder rapidement à une dépréciation du taux de change pour rendre moins douloureuse la consolidation fiscale.