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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 13:04

Les événements ayant fait basculer l’économie mondiale dans la Grande Récession rappellent les divers enchaînements consécutifs à l’effondrement de la bulle immobilière au Japon au cours des années quatre-vingt ; la crise de l’économie insulaire apparaît définitivement comme le véritable prototype d’une nouvelle génération de crises. Nombreux désormais sont ceux annonçant pour la zone euro une « décennie perdue » semblable à celle expérimentée par le Japon au cours des années quatre-vingt-dix. Dans un Flash économie de la banque Natixis, Sylvain Broyer, Kohei Iwahara et Peter Kaidusch se sont évertués à comparer les deux épisodes critiques affrontés hier et aujourd’hui par les économies nippone et européennes pour juger la pertinence d’une telle éventualité.

japan lost decade

Les auteurs rappellent tout d’abord les facteurs à l’origine de la décennie perdue au Japon. Du côté de la demande, la chute de l’investissement privé consécutive au surinvestissement des années quatre-vingt, la dévalorisation du patrimoine des ménages (en raison de la chute des prix immobiliers) et la diminution des exportations nettes (due à l’appréciation du yen) sont les principaux facteurs de crise. Les auteurs rejettent l’idée d’une insuffisance de la consommation des ménages, cette dernière variable ayant au contraire contribué positivement à la croissance économique. En revanche, l’insuffisance de la demande globale est entretenue par une politique économique inadéquate, l’investissement public baissant davantage que l’investissement privé. De nombreux facteurs du côté de l’offre ont aussi puissamment pesé sur la dynamique de croissance nipponne. Tout d’abord, les autorités ont pris de peu judicieuses mesures pour résoudre la crise bancaire, notamment une recapitalisation tardive du système bancaire. La réaction de la Banque du Japon fut également tardive et d'une ampleur insuffisante, conduisant notamment à l’appréciation du yen. L’introduction des normes Bâle I ont entraîné un resserrement des conditions de crédit. L’effondrement subséquent du crédit bancaire s’est traduit par une diminution de l’investissement privé et une multiplication des faillites. L’accumulation des déséquilibres macroéconomiques, puis le retard dans l’adoption de mesures adéquates pour résoudre la crise s’expliquent par la trop grande confiance des autorités publiques dans la soutenabilité du modèle de croissance japonais. La déflation des prix d’actifs fut un premier temps considérée comme temporaire.

Il existe donc de nombreuses similarités entre la situation actuelle de la zone euro et la situation japonaise au cours des années quatre-vingt-dix. Toutes deux sont associées à une profonde crise bancaire : l’économie japonaise fut le lieu d’éclatement d’une bulle immobilière domestique et elle subit en 1997 et 1998les répercussions des crises asiatique et russe, tandis que la crise en zone euro fut initialement déclenchée par l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis ; la réaction des autorités européennes à la crise mondiale aboutit à une crise de la dette publique et une crise bancaire. La crise bancaire se traduit en zone euro par une contraction des bilans depuis le milieu de l’année 2010 et se caractérise par une réduction du crédit bancaire et par un resserrement des conditions de crédit comparables à celles observées au Japon. En outre, les banques ont subi le renforcement des règles prudentielles avec l’introduction des normes Bâle I en 1993 au Japon, puis actuellement Bâle III en Europe. Le relèvement des ratios de fonds propres et de liquidités, dans un contexte de dégradation des conditions de marché, impacte négativement le crédit bancaire en compliquant la capacité des banques européennes à lever des fonds. A l’instar des autorités japonaises hier, les gouvernements européens adoptent aujourd’hui des mesures d’austérité ; nombreux sont ceux ayant relevé leur taux de TVA. Les plans d’austérité adoptés par les gouvernements espagnol, italien et portugais dans un contexte de récession sont compromis par l’accroissement du poids de la dette publique. Comme au Japon, plusieurs mesures adoptées par les autorités publiques ont conduit à une aggravation de la crise. En outre, les multiples relèvements des taux directeurs opérés en juillet 2008, puis en avril et juillet 2011 apparaissent aberrants dans un contexte d’aggravation ou stagnation de la crise et d’inflation sous-jacente maîtrisée.

Les économies européennes présentent toutefois certains atouts par rapport au Japon des années quatre-vingt-dix. La zone euro profite tout d’abord d’un surcroît de compétitivité avec la dépréciation du taux de change réel favorable aux exportations. De plus, si les prix immobiliers diminuent en Espagne et Irlande, cette baisse n’est pas généralisée à l’ensemble de la zone euro, épargnant aux ménages européens une dévalorisation de leur patrimoine. Ensuite, les autorités publiques européennes ont rapidement procédé aux recapitalisations des établissements et garanti les crédits bancaires. La BCE s’est de son côté attelée à l’achat de covered bonds, puis de dette souveraine, tout en facilitant l’alimentation des banques en liquidité à travers l’assouplissement des opérations d’open market. Enfin, la crise étant mondiale, la zone euro n’est pas la seule à l’affronter. Les négociations menées à travers le G20 ont notamment permis d’adapter et accompagner la réaction des autorités européennes à la crise.

europe lost decade

D’autres aspects laissent au contraire envisager une plus grande gravité de la crise européenne en comparaison de l’épisode japonais. 94 % de la dette publique japonaise étant détenue par des agents résidents, l’économie insulaire n’a pas connu de crise de dette souveraine. La dette publique des pays européens est au contraire majoritairement financée par une épargne étrangère, plus volatile que l’épargne domestique. Ensuite, si le Japon présentait une unité fiscale, la zone euro présente en revanche une multiplicité de systèmes fiscaux, ce qui compromet d’éventuels transferts des pays les plus riches de la zone vers la périphérie.

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 20:58

China

Yao Yang, chercheur à l’Université de Pékin, identifie dans une contribution au Project Syndicate les diverses menaces qui pèseront ces prochaines décennies sur la croissance chinoise. Il rappelle ainsi tout d’abord que les exportations vers le continent européen ont expliqué environ un neuvième de celle-ci lors de la dernière décennie. La multiplication des plans d’austérité et le ralentissement (en partie subséquent) de l’activité en Europe affecteront ainsi les exportations chinoises. Mais plus important, le resserrement monétaire opéré par les autorités chinoises, notamment afin de contrôler la surchauffe sur le marché domestique du logement, ont des conséquences immédiates sur l’économie. La déflation des prix immobiliers observée depuis peu sur l’ensemble du territoire tend à confirmer l’hypothèse d’un ralentissement généralisé de l’activité.

Plus structurellement, la Chine souffre d’insuffisantes réformes des entreprises publiques et, plus largement, de la forte implication de l’Etat dans l’économie. Ce dernier draine une forte partie du crédit bancaire pour financer les infrastructures et participe amplement au surinvestissement domestique, une situation rappelant la situation nippone au cours des années quatre-vingt. Si les politiques publiques et le versement de subventions par l’Etat ont su maintenir de hauts taux de croissance, ils sont également sources de perturbations pour l’activité économique et en particulier pour la consommation domestique. Cette dernière est passée de 67 % du PIB au milieu des années quatre-vingt-dix à 50 % ces dernières années, un déclin qui pèsera lui-même à moyen terme sur la dynamique de la croissance.

Enfin, les inégalités de revenu se sont accrues entre les différentes catégories sociales et entre les zones géographiques, une évolution préjudiciable à l’hypothétique recentrage du modèle de croissance chinois sur la demande domestique. Les disparités entre les villes et les campagnes s’observent également dans l’accès à l’éducation. La qualité de l’enseignement en zones rurales se dégrade et les dépenses éducatives pèsent sensiblement plus dans le budget des ménages ruraux que dans celui des ménages citadins, ce qui complique l’entrée des enfants d’origine rurale sur le marché du travail. 80 % des 140 millions de travailleurs migrants sont restés scolarisés moins de neuf années.

Afin que la dynamique de la croissance ne soit pas compromise, Yao Yang espère un approfondissement radical des réformes aux niveaux des gouvernements national et locaux, un renforcement des droits politiques, notamment leur diffusion aux migrants.

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 18:51

Un article récemment publié dans l’American Economic Journal et cosigné par dix-sept économistes (Günter Coenen et alii) questionne l’opportunité de l’instrument budgétaire pour soutenir l’activité. Ses conclusions balaient nombre de jugements hâtivement émis par certains... D’après les auteurs, l’environnement macroéconomique actuel, marqué par une récession persistante et un assouplissement prolongé de la politique monétaire, se révèle particulièrement favorable aux politiques budgétaires de relance ; ces dernières, si elles étaient effectivement mises en place, stimuleraient puissamment l’activité économique.
  
Selon les différents modèles utilisés dans l’article, l’ensemble des mesures de relance, qu’elles prennent la forme de réductions fiscales ou d’accroissements de la dépense publique, entraîne à court terme une élévation du niveau d’activité. L’ampleur de cette élévation est croissante avec le degré d’assouplissement de la politique monétaire. Parmi l’ensemble des mesures testées, les dépenses publiques et les transferts de revenu vers les ménages les plus contraints financièrement apparaissent comme les plus efficaces, en particulier si les agents anticipent une poursuite de la détente monétaire. 

Dans l’hypothèse d’un assouplissement monétaire poursuivi sur deux années, l’impulsion budgétaire se révèle particulièrement puissante environ trois ans ; au-delà, l’ampleur de la stimulation se réduit, les agents anticipant une plus forte inflation malgré le relèvement des taux directeurs. Plus l’impulsion budgétaire est prolongée dans le temps, moins les effets multiplicateurs observés à court terme se révèlent importants, mais ils demeurent toutefois positifs. En outre, cette atténuation de l’effet multiplicateur est davantage marquée dans l’économie étasunienne que dans la zone euro. Les auteurs notent toutefois le risque d’une contraction du PIB que pourraient entraîner à long terme un perpétuel accroissement des dépenses publiques et l’augmentation subséquente de la dette publique. Ils privilégient au final le recours aux transferts de revenu pour neutraliser les pressions récessives et ramener l’économie vers le plein emploi. 

Comme le suggère Jérôme Creel, (dont les travaux aboutissent aux mêmes conclusions que celles de Coenen et alii) cet article offre une nouvelle matière de réflexion pour les choix de politique économique de sortie de crise. N’est-il pas optimal d’adopter aujourd’hui au niveau européen une politique budgétaire expansionniste ? Les mesures d’austérité adoptées collectivement et simultanément au sein de la zone euro ne fragilisent pas seulement son activité économique, mais compliquent également la résorption des déséquilibres budgétaires qu’elles prétendent rechercher. Les économies européennes présentant une forte interdépendance, les effets récessifs ne pourront que s’agréger les uns aux autres et retarder tant la reprise de l’activité que la consolidation budgétaire des administrations publiques. Les effets stimulateurs d’une politique budgétaire expansionniste seraient au contraire maximaux au sein de la zone.

Martin Anota

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