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4 mai 2016 3 04 /05 /mai /2016 18:26

Selon la théorie économique standard, un approfondissement de l’intégration financière facilite l’endettement et le prêt au niveau international, si bien qu'elle atténue l’impact des fluctuations du revenu sur la croissance de la consommation. Par exemple, si les ménages possèdent un portefeuille diversifié, comprenant des titres étrangers, ils pourront continuer de consommer lorsque l’économie domestique bascule en récession, car ils continueront de percevoir des revenus financiers de leurs titres financiers.

Ergys Islamaj et Ayhan Kose (2016) ont cherché à tester au niveau empirique la validité de cette prédiction théorique. Pour cela, ils ont observé comment la sensibilité de la consommation au revenu a changé au cours du temps en utilisant divers indicateurs d’intégration financière pour un échantillon de 88 pays développés et en développement au cours de la période entre 1960 et 2011. Ils tirent deux principaux constats de leur analyse. D’une part, la consommation a eu tendance à être de moins en moins sensible au revenu, à mesure que l’intégration financière s’approfondissait. En effet, la sensibilité de la croissance de la consommation à la croissance du revenu a diminué au cours des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille. En l’occurrence, elle a davantage diminué dans les pays développés que dans les pays en développement. D’autre part, leurs régressions indiquent qu’un degré élevé d’intégration financière est associé à une faible sensibilité de la consommation au revenu. Ces constats sont robustes à l’usage d’une large gamme de spécifications empiriques, de caractéristiques spécifiques aux pays et à la prise en compte d’autres variables comme les taux d’intérêt.

Islamaj et Kose testent en effet trois autres hypothèses susceptibles d’expliquer la moindre sensibilité de la consommation aux variations du revenu. Toit d’abord, celle-ci pourrait s’expliquer par un changement dans la persistance des chocs de revenu au cours du temps. En l’occurrence, si les chocs de revenu sont moins persistants, alors les agents auraient alors moins à ajuster leurs dépenses de consommation en réaction à de tels chocs. Les constats d’Islamaj et Kose pourraient être attribués à la réaction optimale des agents à une chute de la persistance si cette dernière à l’instant même où l’élasticité de la consommation au revenu diminue. Les deux auteurs constatent toutefois que la persistance des chocs a légèrement diminué depuis la fin des années quatre-vingt.

Selon une deuxième hypothèse alternative, la moindre sensibilité de la consommation aux fluctuations du revenu pourrait s’expliquer par des changements dans la corrélation des chocs de revenu. L’élasticité de la consommation au revenu dépend des corrélations des chocs de revenu qui se produisent dans l’ensemble des pays. D’une part, si les chocs de revenu sont plus fortement corrélés, alors cela réduirait les incitations à partager les risques avec le reste du monde et la sensibilité de la consommation au revenu domestique peut alors s’accroître. D’un autre côté, si la plus forte corrélation des chocs de revenus se produisant dans l’ensemble des pays s’explique par une baisse de l’incertitude mondiale, alors l’emprunt et le prêt transfrontaliers s’en trouvent facilités, ce qui réduit la sensibilité de la consommation au revenu. Or, Islamaj et Kose constatent que les corrélations entre les productivités totales des facteurs de l’ensemble des pays sont restées assez constantes pour l’ensemble de la période observée.

Enfin, une convergence des taux d’intérêt est également susceptible d’expliquer la moindre sensibilité de la consommation aux variations du revenu. Dans chaque pays, tous les résidents n’ont pas accès aux marchés financiers internationaux et ne peuvent pas forcément emprunter au taux d’intérêt mondial. Mais, à mesure que l’économie s’ouvre de plus en plus financière, de plus en plus de résidents accèdent aux marchés financiers internationaux et peuvent s’endetter au taux d’intérêt mondial. Lorsque l’ensemble des économies s’ouvrent financièrement, alors les taux d’intérêt nationaux tendent à converger vers le taux d’intérêt mondial, si bien que les différents pays sont de plus en plus confrontés aux mêmes chocs de taux d’intérêt. Si le taux d’intérêt mondial est moins volatil que les taux d’intérêt nationaux, alors la croissance de la consommation devient également moins volatile et les corrélations de la consommation pour l’ensemble des pays deviennent plus fortes. Le degré de co-variation de la consommation avec le revenu domestique aurait alors tendance à diminuer, si bien qu’il deviendrait de plus en plus difficile de distinguer dans les analyses empiriques l’impact des taux d’intérêt de l’impact de l’intégration financière sur la sensibilité de la consommation sur le revenu. Or, Islamaj et Kose constatent que la forte relation entre l’intégration financière et la sensibilité de la consommation au revenu demande même après la prise en compte des taux d’intérêt.

 

Référence

ISLAMAJ, Ergys, & M. Ayhan KOSE (2016), « How does the sensitivity of consumption to income vary over time? International evidence », Banque mondiale, policy research working paper, n° 7659, mai.

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25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 18:07

Après un siècle où le ratio crédit bancaire sur PIB a été relativement stable, les pays développés ont connu une financiarisation croissante et une hausse du levier d’endettement, ce que Oscar Jordà, Moritz Schularick et Alan Taylor ont pu qualifier de « crosse de hockey financière » : le ratio crédit bancaire sur PIB a fortement augmenté à partir des années soixante-dix (cf. graphique). Entre 1980 et 2009, le prêt bancaire au secteur privé non financier a doublé en passant de 62 % à 118 % du PIB. En fait, la seconde moitié du vingtième siècle a été marquée par une forte hausse de la dette des ménages, principalement sous la forme d’emprunt hypothécaire [Jordà et alii, 2015, 2016a]. La dette des entreprises a certes également augmenté, mais plus lentement. Les taux d’accession à la propriété et, par conséquent, les prix de l’immobilier ont fortement augmenté dans la quasi-totalité des pays développés. La dette a augmenté plus rapidement que le revenu. Même si les ménages sont plus riches, la dette a augmenté plus rapidement que le patrimoine sous-jacent. Au final, les ménages sont bien plus endettés qu’à n’importe quel autre moment au cours de l’histoire.

GRAPHIQUE  La « crosse de hockey financière » : prêts bancaires au secteur privé non financier et M3 (en % du PIB)

Les caractéristiques des cycles d’affaires dans nos économies financiarisées

source : Schularick et alii (2016b)

Cette dynamique, qu’ils considèrent comme un fait stylisé central de l’histoire macroéconomique moderne, a certes contribué à fragiliser les économies et à accroître le risque de crise [Schularick et Taylor, 2012 ; Jordà et alii, 2013]. La croissance économique s’est certes poursuivie de façon plus stable après la Seconde Guerre mondiale, mais la fréquence des crises financières après la chute du système de Bretton Woods retrouve le niveau qu’elle atteignait avant la Seconde Guerre mondiale. L’endettement privé a également modifié d’autres relations macroéconomiques fondamentales. Ce sont ces changements que Schularick et alii (2016b) ont cherché à identifier dans une nouvelle étude en observant une large base de données relative à 17 pays développés au cours des 150 dernières années. 

Les auteurs observent alors les aspects des cycles d’affaires modernes. La durée des expansions de la production a presque triplé depuis la Seconde Guerre mondiale, en passant en moyenne de 3,1 à 8,6 ans, tandis que les expansions du crédit ont pratiquement doublé, en passant en moyenne de 4,2 à 8,3 ans. Les récessions tendent quant à elles à être légèrement plus courtes. L’allongement des expansions de la production après la Seconde Guerre mondiale coïncide avec une réduction du taux de croissance (qui est passé de 4,1 à 3 % par an), accompagnée d’une réduction de la volatilité. Autrement dit, les expansions sont plus graduelles et moins volatiles. Le rythme de déclin du PIB lors des récessions a été divisé par deux depuis la Seconde guerre mondiale.

Le rythme de croissance du crédit lors des expansions est relativement le même avant et après la Seconde Guerre mondiale (il atteignait respectivement 4,7 et 4,5 %). Autrement dit, s’il augmentait à peu près au même rythme que le PIB avant la Seconde Guerre mondiale, il croît presque 1,5 point de pourcentage plus rapidement que le PIB après celle-ci. Les cycles du crédit ne sont pas exactement alignés avec les cycles d’affaires, toutefois la production s’est davantage synchronisée avec le cycle d’affaires après la Seconde Guerre mondiale. Avec l’essor de l’endettement privé, les moments clés du cycle d’affaires se sont davantage corrélés avec les variables financières. Les expansions du crédit duraient en moyenne une année de plus que les expansions du PIB avant la Seconde guerre mondiale ; après cette dernière, elles tendent à être de même durée. Les effondrements du crédit ne sont que légèrement plus longues que les contractions du PIB. Durant les expansions d’avant-guerre, le crédit augmentait en moyenne de 8 % par an, tandis que la production augmentait de seulement 1,6 % par an. Durant les expansions observées après la Seconde guerre mondiale, la croissance du crédit a certes diminué de 2 points de pourcentage, mais la croissance de la production a presque doublé. En moyenne, il y a une plus étroite connexion entre la croissance de la production et la croissance du crédit après la Seconde guerre mondiale.

Jordà et alii (2013) avaient observé qu’une rapide expansion du crédit durant l’expansion économique est souvent associée à des récessions plus longues et plus profondes. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’expansion rapide du crédit est associée à des expansions plus longues (d’environ 3 ans), mais pas par de plus hauts taux de croissance ; par contre, lorsque la récession éclate, la contraction de l’activité est plus profonde. Jordà et alii (2016b) se demandent à présent si les désendettements rapides au cours des récessions tendent à être suivis par des reprises plus rapides et plus robustes. Après la Seconde Guerre mondiale, une faible croissance du crédit au cours de la récession est associée à une récession légèrement plus profonde (moins violente, mais plus longue), mais avec une expansion plus robuste après. Bien qu’une croissance rapide du crédit au cours de l’expansion est associée à une expansion plus longue, à une récession plus profonde, mais à un gain total net, c’est une faible croissance du crédit lors de la récession qui se traduit par une plus forte croissance durant l’expansion, et ce même au coût d’une plus profonde récession à court terme. 

En cohérence avec l’idée d’une Grande Modération (Great Moderation), la volatilité des variables réelles a décliné au cours du temps, en particulier depuis le milieu des années quatre-vingt. La corrélation de la croissance de la production, de la consommation et de l’investissement avec le crédit a fortement augmenté au cours du temps. Le crédit (plus que les agrégats monétaires) semble aujourd’hui davantage corrélé avec les variations du PIB, de l’investissement et de la consommation qu’à l’époque où les économies étaient moins endettées. Ensuite, la corrélation entre les variations du niveau général des prix (l’inflation) et le crédit a aussi fortement augmenté et est désormais proche de celle entre agrégats monétaires et crédit.

Les données de long terme montrent que les économies les plus financiarisées et endettés présentent certes une moindre volatilité de leur croissance, mais aussi que cette dernière est en moyenne plus faible, les risques extrêmes sont plus importants et les corrélations plus fortes. En d’autres termes, le crédit contribue peut-être à lisser le cycle d’affaires lorsque les chocs sont de faible ampleur, mais il expose le système économique à des chocs de plus grande ampleur. Les auteurs retrouvent les conclusions d’auteurs comme Stephen Cecchetti et Enisse Kharroubi (2012) ou encore Jean-Louis Arcand, Enrico Berkes et Ugo Panizza (2012) selon lesquelles il existerait en fait une relation en forme de U inversé entre la croissance du PIB par tête et le ratio crédit sur PIB. Autrement dit, à partir d’un certain volume de crédit, toute expansion supplémentaire du crédit se traduit par une plus faible croissance économique : il peut y avoir « trop de finance » (too much finance).

 

Références

ARCAND, Jean-Louis, Enrico BERKES & Ugo PANIZZA (2012), « Too much finance? », FMI, working paper, n° 12/61.

CECCHETTI, Stephen G., & Enisse KHARROUBI (2012), « Reassessing the impact of finance on growth », BRI, working paper, n° 381.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2013), « When credit bites back », in Journal of Money, Credit and Banking, vol. 45, n° 2.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2015), « Betting the house », in Journal of International Economics, vol. 96, n° S1.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2016a), « The Great Mortgaging: Housing finance, crises, and business cycles », in Economic Policy, vol. 31, n° 85.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2016b), « Macrofinancial history and the new business cycle facts », document de travail.

SCHULARICK, Moritz H.P., & Alan M TAYLOR (2012), « Credit booms gone bust: monetary policy, leverage cycles, and financial crises: 1870–2008 », in American Economic Review, vol. 102, n° 2, avril.

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21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 17:42

Les chocs macroéconomiques se propagent d’un pays à l’autre essentiellement via deux canaux, en l’occurrence via le commerce international et via le système financier. En effet, lorsqu’une économie connaît une récession, les résidents réduisent leurs dépenses (les ménages réduisent leurs dépenses de consommation finale, les entreprises réduisent leurs dépenses de consommation finale et d’investissement…), si bien que les importations tendent à diminuer. Par définition, les autres pays voient leur demande extérieure décliner, ce qui les expose également à une récession. D’autre part, Par exemple, les banques ont généralement des activités dans plusieurs pays. Par conséquent, lorsque dans un pays soumis à une récession, les résidents ont davantage de difficultés à rembourser leur crédit, les banques sont susceptibles de resserrer le crédit non seulement dans ce pays, mais également dans les autres pays. Ces derniers voient alors leur propre activité domestique qui n’étaient initialement pas touchés par une récession, mais qui risquent d’en connaître une avec le resserrement du crédit auxquelles leurs banques procèdent. De plus, lorsque les consommateurs de plusieurs pays ont placé une partie de leur épargne dans les actions d’un pays donné, ils réduiront leur consommation si ce dernier connaît un krach boursier. En outre, lorsqu’un pays connaît une crise financière, cette dernière risque de se transmettre aux autres pays par voie de contagion et d’accroître le niveau mondial d’aversion au risque.

Plusieurs études ont effectivement mis en évidence l’existence d’un véritable cycle d’affaires mondial. C’est notamment le cas de Robin Lumsdaine et Eswar Prasad (2003), qui ont examiné les corrélations entre les fluctuations de la production industrielle de 17 pays développés afin d’en extraire une composante commune. A partir d’un échantillon de 60 pays, Ayhan Kose, Christopher Otrok et Charles Whiteman (2003) concluent de leur côté qu’un facteur mondial commun constitue une source importante de volatilité de la production agrégée de la plupart des pays, ce qui tend à confirmer l’existence d’un cycle d’affaires mondial. Ils constatent que les facteurs spécifiques à la région ne jouent qu’un rôle mineur pour expliquer les fluctuations de l’activité économique.

A partir des années quatre-vingt, les pays ont connu une mondialisation commerciale et une globalisation financière, ce qui amène beaucoup à penser que les cycles d’affaires nationaux ont eu tendance à davantage se synchroniser. D’une part, les échanges internationaux de biens et services se sont accrus plus rapidement que la production mondiale. Par conséquent, chaque économie devrait être plus sensible aux évolutions de la demande mondiale, tout comme le reste du monde devrait être davantage sensible aux évolutions de sa demande domestique. D’autre part, les restrictions aux mouvements des capitaux ont reculé et les systèmes financiers sont de plus en plus interconnectés, en particulier depuis la fin du système de Bretton Woods.

Toutefois, plusieurs raisons amènent à douter que la mondialisation, que ce soit sous sa forme commerciale ou bien financière, ait davantage synchronisé les cycles d’affaires nationaux. Par exemple, si la mondialisation commerciale s’est traduite par une plus forte spécialisation sectorielle des pays et si les chocs sectoriels dominent, alors le degré de covariation des cycles d’affaires pourrait au contraire décliner. D’une part, si un pays connaît un choc, il risque de subir une fuite de capitaux, qui aggrave certes sa situation, mais améliore la conjoncture dans les pays qui les reçoivent désormais.

En parvenant à des conclusions divergentes, les études empiriques ne parviennent pas à trancher le désaccord théorique. Par exemple, en observant un ensemble de pays développés et en développement, Ayhan Kose, Eswar Prasad et Marco Terrones (2003) estiment que peu d’éléments empiriques démontrent que la mondialisation ait accru le degré de synchronisation des cycles d’affaires pour l’ensemble des pays. En moyenne, la corrélation entre les consommations nationales ne s’est pas accrue à partir des années quatre-vingt-dix, alors même que cette décennie marquait un nouvel approfondissement de l’intégration financière, en particulier dans les pays en développement. 

Eric Monnet et Damien Puy (2016) ont cherché à évaluer le degré de synchronisation des cycles d’affaires entre 1950 et 2014 à partir d’un échantillon de 21 pays en utilisant une nouvelle base de données trimestrielles du FMI. Ils constatent que, durant les périodes de chocs communs (notamment la période entre 1972 et 1983 ou encore entre 2007 et 2014), l’importance de la composante mondiale dans la dynamique de production mondiale tend à fortement augmenter lors des chocs communs. Par exemple, entre 2007 et 2014, 65 % de la variance de la croissance de la production s’expliquait par la composante mondiale, ce qui suggère qu’aucun pays n’évoluait alors selon ses seules dynamiques domestiques. Contrairement à l’idée communément admise, ils constatent que la période de la mondialisation n’est pas associée à une hausse du degré de synchronisation entre les productions nationales. En fait, le cycle d’affaires mondial était aussi fort entre 1950 et 1971, c’est-à-dire durant l’ère de Bretton Woods, qu’entre 1984 et 2006, une période de mondialisation. En moyenne, la dynamique mondiale explique 20 % de la volatilité de la production au cours des deux périodes.

Bien que la covariation moyenne au cours des deux périodes identifiées ne change pas, le degré auquel la production de chaque pays co-varie avec celle du reste du monde a fortement changé au cours du temps. La production de certains pays, comme le Royaume-Uni, la Belgique ou la Suède, co-variait fortement avec celle du reste du monde durant l’ère de Bretton Woods, mais elle s’est déconnectée de la dynamique mondiale au cours de la période de mondialisation. A l’inverse, des pays comme la France, l’Italie et les Etats-Unis étaient dominés par des dynamiques idiosyncratiques, c’est-à-dire propres à leur économie, pendant l’ère de Bretton Woods, puis ils se sont davantage synchronisés avec le cycle mondial.

Monnet et Puy cherchent alors à expliquer pourquoi les pays se synchronisent ou se désynchronisent du cycle mondial. Ils constatent que le degré de synchronisation varie en fonction des dynamiques d’intégration financière et d’intégration commerciale. En l’occurrence, l’intégration financière conduit à désynchroniser les productions nationales au cycle mondial, tandis que l’intégration commerciale tend à les synchroniser. En temps normal, l’effet désynchronisateur compense l’impact synchronisateur de d’autres forces, notamment de l’intégration commerciale. Son amplitude dépend toutefois du type de chocs frappant l’économie mondiale. Par exemple, il s’efface durant les périodes de crises financières, au cours desquelles les productions des économies intégrées tendent à davantage co-varier que les productions des autres pays. Enfin, Monnet et Puy estiment que des variables souvent mises en avant par la littérature, notamment le degré de spécialisation de l’économie et le régime de taux de change, ne semblent pas jouer un rôle déterminant dans la synchronisation de la production d’un pays avec la dynamique mondiale.

Ces résultats amènent Monnet et Puy à conclure qu’un faible niveau d’intégration n’implique pas un faible degré de covariation des cycles d’affaires. Contrairement à ce que certains auteurs comme Dani Rodrik (2002) ont pu suggérer, ils ne constatent pas de preuves empiriques robustes suggérant qu’un recul de l’intégration financière et commerciale ait davantage protégé les pays des chocs étrangers ou laissé davantage de marge de manœuvre aux politiques conjoncturelles au cours des années cinquante et soixante que durant la période 1984-2006. Un recul de l’intégration financière ne diminuerait le degré de covariation que durant les chocs financiers mondiaux, mais accroîtrait probablement le degré de covariation en temps normal, lorsque le monde est dominé par des chocs idiosyncratiques.

 

Références

KOSE, Ayhan, OTROK, Christopher, Charles H. WHITEMAN (2003), « International business cycles: world, region, and country-specific factors », in American Economic Review, vol. 93, n° 4.

KOSE, M. Ayhan, Eswar S. PRASAD & Marco TERRONES (2003), « How does globalization affect the synchronization of business cycles? », FMI, working paper, n° 03/27.

LUMSDAINE, Robin L., & Eswar S. PRASAD (2003), « Identifying the common component of international economic fluctuations: A new approach », in Economic Journal.

MONNET, Eric, & Damien PUY (2016), « Has globalization really increased business cycle synchronization? » (« La mondialisation a-t-elle vraiment augmenté la synchronisation des cycles économiques ? »), Banque de France, working paper, n° 592, avril. 

RODRIK, Dani (2002), « Feasible globalizations », NBER, working paper, n° 9129.

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