Selon la théorie économique standard, un approfondissement de l’intégration financière facilite l’endettement et le prêt au niveau international, si bien qu'elle atténue l’impact des fluctuations du revenu sur la croissance de la consommation. Par exemple, si les ménages possèdent un portefeuille diversifié, comprenant des titres étrangers, ils pourront continuer de consommer lorsque l’économie domestique bascule en récession, car ils continueront de percevoir des revenus financiers de leurs titres financiers.
Ergys Islamaj et Ayhan Kose (2016) ont cherché à tester au niveau empirique la validité de cette prédiction théorique. Pour cela, ils ont observé comment la sensibilité de la consommation au revenu a changé au cours du temps en utilisant divers indicateurs d’intégration financière pour un échantillon de 88 pays développés et en développement au cours de la période entre 1960 et 2011. Ils tirent deux principaux constats de leur analyse. D’une part, la consommation a eu tendance à être de moins en moins sensible au revenu, à mesure que l’intégration financière s’approfondissait. En effet, la sensibilité de la croissance de la consommation à la croissance du revenu a diminué au cours des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille. En l’occurrence, elle a davantage diminué dans les pays développés que dans les pays en développement. D’autre part, leurs régressions indiquent qu’un degré élevé d’intégration financière est associé à une faible sensibilité de la consommation au revenu. Ces constats sont robustes à l’usage d’une large gamme de spécifications empiriques, de caractéristiques spécifiques aux pays et à la prise en compte d’autres variables comme les taux d’intérêt.
Islamaj et Kose testent en effet trois autres hypothèses susceptibles d’expliquer la moindre sensibilité de la consommation aux variations du revenu. Toit d’abord, celle-ci pourrait s’expliquer par un changement dans la persistance des chocs de revenu au cours du temps. En l’occurrence, si les chocs de revenu sont moins persistants, alors les agents auraient alors moins à ajuster leurs dépenses de consommation en réaction à de tels chocs. Les constats d’Islamaj et Kose pourraient être attribués à la réaction optimale des agents à une chute de la persistance si cette dernière à l’instant même où l’élasticité de la consommation au revenu diminue. Les deux auteurs constatent toutefois que la persistance des chocs a légèrement diminué depuis la fin des années quatre-vingt.
Selon une deuxième hypothèse alternative, la moindre sensibilité de la consommation aux fluctuations du revenu pourrait s’expliquer par des changements dans la corrélation des chocs de revenu. L’élasticité de la consommation au revenu dépend des corrélations des chocs de revenu qui se produisent dans l’ensemble des pays. D’une part, si les chocs de revenu sont plus fortement corrélés, alors cela réduirait les incitations à partager les risques avec le reste du monde et la sensibilité de la consommation au revenu domestique peut alors s’accroître. D’un autre côté, si la plus forte corrélation des chocs de revenus se produisant dans l’ensemble des pays s’explique par une baisse de l’incertitude mondiale, alors l’emprunt et le prêt transfrontaliers s’en trouvent facilités, ce qui réduit la sensibilité de la consommation au revenu. Or, Islamaj et Kose constatent que les corrélations entre les productivités totales des facteurs de l’ensemble des pays sont restées assez constantes pour l’ensemble de la période observée.
Enfin, une convergence des taux d’intérêt est également susceptible d’expliquer la moindre sensibilité de la consommation aux variations du revenu. Dans chaque pays, tous les résidents n’ont pas accès aux marchés financiers internationaux et ne peuvent pas forcément emprunter au taux d’intérêt mondial. Mais, à mesure que l’économie s’ouvre de plus en plus financière, de plus en plus de résidents accèdent aux marchés financiers internationaux et peuvent s’endetter au taux d’intérêt mondial. Lorsque l’ensemble des économies s’ouvrent financièrement, alors les taux d’intérêt nationaux tendent à converger vers le taux d’intérêt mondial, si bien que les différents pays sont de plus en plus confrontés aux mêmes chocs de taux d’intérêt. Si le taux d’intérêt mondial est moins volatil que les taux d’intérêt nationaux, alors la croissance de la consommation devient également moins volatile et les corrélations de la consommation pour l’ensemble des pays deviennent plus fortes. Le degré de co-variation de la consommation avec le revenu domestique aurait alors tendance à diminuer, si bien qu’il deviendrait de plus en plus difficile de distinguer dans les analyses empiriques l’impact des taux d’intérêt de l’impact de l’intégration financière sur la sensibilité de la consommation sur le revenu. Or, Islamaj et Kose constatent que la forte relation entre l’intégration financière et la sensibilité de la consommation au revenu demande même après la prise en compte des taux d’intérêt.
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