En novembre 2014, le Parlement européen a adopté le « plan Juncker » afin de combler le déficit d’investissement hérité de la récession. Il passe par la création d’un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), alimenté par la Commission européenne et par la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Le Fonds compte mobiliser des financements pour des projets d’investissement à hauteur de 315 milliards d’euros entre 2015 et 2017, soit environ 2 % du PIB de l’UE. Pour être exact, les apports de la Commission européenne et de la BEI s’élèvent à 21 milliards d’euros : en fait, l’UE compte jouer sur l’effet de levier [Saussay, 2015]. Avec la garantie de 21 milliards d’euros, le FEIS est chargé d’emprunter sur les marchés financiers un total de 63 milliards d’euros en émettant des obligations à de faibles taux d’intérêt. Le reste est censé être apporté par des institutions privées.
La situation actuelle a plusieurs caractéristiques qui rendent non seulement un plan de relance par l’investissement public à la fois opportun et efficace. Premièrement, L’investissement européen demeure toujours bien inférieur aux niveaux qu’il atteignait avant la crise. En 2014, il était inférieur de 12,6 % et de 16 % par rapport au niveau qu’il atteignait respectivement en Union européenne et dans la zone euro. La lenteur de la reprise explique certainement la faiblesse de l’investissement, mais cette dernière contribue sûrement en retour à entretenir la faiblesse de l’activité. Outre leurs difficultés conjoncturelles, les pays européens sont également marqués par des problèmes de compétitivité et la faiblesse de l’investissement risque d’accroître ces derniers. De plus, les dépenses d’infrastructure ont diminué dans la zone euro au cours des trois dernières décennies, dans le sillage de la réduction de l’investissement public, ce qui a eu pour tendance de réduire l’efficacité des infrastructures.
Par conséquent, en raison de la complémentarité entre le capital public et le capital privé, une hausse de l’investissement public peut relancer l’activité à court terme en stimulant l’investissement privé, mais aussi favoriser la croissance potentielle à long terme. L’impact même d’une relance par l’investissement public est susceptible d’être tout particulièrement important dans le contexte actuel : avec faiblesse de l’activité et le maintien d’un chômage élevé, dans un contexte de trappe à liquidité, le multiplicateur budgétaire est susceptible d’être supérieur à l’unité. En outre, les taux d’intérêt, aussi bien réels que nominaux, sont historiquement faibles, ce qui facilite le financement des projets et accroît leur profitabilité (comme le taux interne de rendement est supérieur au taux d’intérêt). Le FMI (2014) a notamment pu suggérer que les projets d’investissement étaient susceptibles de s’autofinancer, en contribuant à réduire les ratios dette publique sur PIB.
Mathilde Le Moigne, Francesco Saraceno et Sébastien Villemot (2016) ont cherché à quantifier les répercussions du plan Juncker afin de déterminer sa capacité à soutenir l’économie et à la soutenir de la trappe à liquidité. Ils comparent notamment ses effets avec l’American Recovery and Reinvestment Act (ARRA) mis en œuvre aux Etats-Unis en 2009, un plan de relance qui reposait sur des investissements publics et surtout des réductions d’impôts pour un montant de 787 milliards de dollars, soit l’équivalent à 5,5 % du PIB américain. Ils constatent que si le plan Juncker avait mis en œuvre plus tôt, il aurait contribué à significativement écourter la récession. Si, en outre, il avait été plus large, par exemple s’il avait été de la même ampleur que le l'ARRA mis en œuvre aux Etats-Unis en 2009, l’impact même été encore plus important. Pour autant, il n’en demeure pas moins que le plan Juncker, dans sa forme actuelle, aurait fortement stimulé l’activité s’il avait été adopté plus tôt. Dans la mesure où l’intervention a été retardée, les autorités de l’Union européenne auraient dû adopter un plan plus ambitieux. Tel qu’il est, le plan Juncker est susceptible de ne pas être efficace du tout. Au final, les auteurs confirment que l’un des principaux défauts de la gouvernance économique européenne est son incapacité à répondre rapidement aux chocs touchant à l’économie.
Références
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