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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 21:57

Avant de connaître une transition démographique, les pays présentent de forts taux de natalité et de mortalité, si bien que leur population croît lentement. La transition démographique s’amorce lorsque les taux de mortalité commencent à diminuer, ce qui accélère la croissance démographique. Ce n’est que dans un deuxième temps que les taux de natalité amorcent également leur chute. Une telle dynamique est susceptible d’être particulièrement bénéfique à la croissance économique. En l’occurrence, avec l’accroissement de la population en âge de travailler, la population active tend à s’accroître, puis par voir sa productivité augmenter, ce qui accroît la contribution du facteur travail à la croissance économique ; l’accroissement de la main-d’œuvre employée incite les entreprises à davantage investir pour équiper les travailleurs. Avec la diminution des taux de natalité, la taille des fratries tend à diminuer, si bien que les parents disposent de plus de ressources pour offrir une meilleure éducation, une meilleure santé et une meilleure situation (matérielle, affective…) à chacun de leurs enfants ; par conséquent, la deuxième étape de la transition démographique devrait se traduire par une plus forte accumulation du capital et par là même par une croissance plus rapide de la productivité. D’un point de vue plus keynésien, la croissance de la population stimule la croissance économique, précisément parce que la demande globale s’en trouve stimulée : l’accroissement de la population, donc de ses besoins, stimule la consommation ; la hausse de la l’investissement en vue d’équiper les nouveaux effectifs de travailleurs se traduit immédiatement par une hausse des débouchés pour les entreprises produisant des biens d’équipement, etc. Beaucoup qualifient ces gains économiques de « dividende démographique » et estiment qu’ils ne peuvent être exploités que sur une période de deux à trois décennies.

Si les pays développés ont achevé leur transition démographique et sont désormais aux prises avec le vieillissement démographique, plusieurs pays en développement sont en pleine transition démographique. C’est notamment le cas des pays africains : leur transition démographique n’a véritablement commencé qu’il y a trois décennies. Après avoir connu une stagnation de leurs niveaux de vie durant les années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, ils connaissent une forte croissance depuis le tournant du siècle, notamment grâce au boom des matières premières, qui leur permit ainsi d’amorcer leur rattrapage sur les pays développés. La poursuite de la transition démographique pourrait permettre à ce décollage de se poursuivre ces prochaines décennies.

Selon Paulo Drummond, Vimal Thakoor et Shu Yu (2014), la population mondiale s’accroîtra de 4 milliards d’individus d’ici 2100. Cette croissance de la population mondiale s’expliquera essentiellement par la croissance de la population africaine, car cette dernière devrait augmenter de près de 3,2 milliards d’individus. En Afrique, même si les taux de fertilité et les ratios de dépendance (rapportant le nombre de jeunes et de personnes âgées sur la population en âge de travailler) restent élevés, ils ont commencé à décliner. Selon les prévisions des Nations Unies, ils vont continuer de décliner, si bien que le ratio population en âge de travailler sur population dépendante sera plus élevé qu’en Asie, en Europe et en Amérique du Nord [Bloom et alii, 2016]. Cette prévision suggère que l’Afrique dispose d’un énorme potentiel pour jouir du dividende démographique. Selon Drummond et alii (2014), la population en âge de travailler s’accroîtra de 2,1 milliards d’individus d’ici 2100, contre 2 milliards d’individus au niveau mondial. Autrement dit, si la population en âge de travailler n’augmente pas en Afrique, elle risque de décliner dans le monde. En outre, les Africains constitueront 64 % de la population mondiale en âge de travailler en 2090, contre 54 % en 2010.

Selon les estimations réalisées par Amer Ahmed, Marcio Cruz, Delfin Go, Maryla Maliszewska et Israel Osorio-Rodarte (2016), le dividende démographique pourrait expliquer 0,42 point de pourcentage de la croissance annuelle moyenne du PIB par tête entre 2010 et 2030, soit 11 % de la croissance du PIB au cours de la période, si la région parvient à maintenir la forte croissance de son PIB par tête qu’il a connu entre 2000 et 2009. Par contre, il pourrait expliquer 0,37 point de pourcentage de la croissance annuelle moyenne du PIB par tête entre 2010 et 2030, soit 15 % de la croissance du PIB au cours de la période, si la croissance africaine revient au niveau qu’elle atteignait entre 1980 et 1999. En outre, le dividende démographique permettrait de faire sortir de la pauvreté de 40 à 60 individus d’ici 2030. Les gains seraient tout particulièrement élevés pour les pays d’Afrique subsaharienne. 

Beaucoup d’études suggèrent toutefois que les économies africaines ne pourront toutefois tirer pleinement profit de leur dividende démographique que si les politique adéquates sont mises en œuvres, notamment dans le domaine éducatif. Par exemple, Ahmed et ses coauteurs estiment que si le développement de la scolarité permet à la part de la main-d’œuvre qui est éduquée de doubler en passant de 25 % à 50 % entre 2011 et 2030, alors le dividende démographique pourrait contribuer à accroître l’économie régionale de 22 % supplémentaires par rapport aux prévisions de base et permettre à plus de 51 millions d’Africains supplémentaires de sortir de la pauvreté.

 

Références

AHMED, S. Amer, Marcio CRUZ, Delfin S. GO, Maryla MALISZEWSKA & Israel OSORIO-RODARTE (2016), « How significant is Africa’s demographic dividend for its future growth and poverty reduction? », Banque mondiale, policy research working paper, n° 7134. 

BLOOM, David E., Michael KUHN & Klaus PRETTNER (2016), « Africa’s prospects for enjoying a demographic dividend », IZA, discussion paper, n° 10161, août.

DRUMMOND, Paulo, Vimal THAKOOR & Shu YU (2014), « Africa rising: Harnessing the demographic dividend », FMI, working paper, n° 14/143, août.

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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 22:16

Durant les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, les pays avancés faisaient face à une forte inflation ; selon l’interprétation dominante, celle-ci s’expliquerait notamment par les erreurs commises par les banquiers centrales. Les autorités monétaires ont alors fait de la lutte contre l’inflation leur objectif premier et ils ont embrassé l’indépendance pour gagner en crédibilité et accroître ainsi l’efficacité de leur politique monétaire. Les pays avancés connaissent depuis les années quatre-vingt une désinflation, au point de connaître aujourd’hui une inflation excessivement faible (lowflation).

Certains banquiers centraux ont peu à peu avancé une autre explication en suggérant que le comportement de l’inflation dépendait (du moins en partie) du changement démographique. Masaaki Shirakawa (qui était à la tête de la Banque du Japon avant que Haruhiko Kuroda ne prenne sa place début 2013 avec l’arrivée de Shinzo Abe au pouvoir) a ainsi régulièrement affirmé que le vieillissement de la population pouvait générer des pressions déflationnistes amenant les agents à réviser à la baisse leurs anticipations de la croissance économique future. Les agents peuvent ignorer les implications du vieillissement pendant un temps, mais ils révisent ensuite leurs anticipations lorsqu’ils prennent conscience de son impact économique et réduisent alors leurs dépenses, notamment leurs dépenses d’investissement. Les autorités monétaires peuvent alors avoir des difficultés à compenser cette chute de la demande globale, en particulier si l’inflation était initialement faible et si les taux d’intérêt nominaux butent déjà sur leur borne inférieure zéro. Le Japon en offre une belle illustration : depuis les années quatre-vingt-dix, l’économie insulaire connaît simultanément un vieillissement rapide de sa population, une stagnation de son activité économique et des périodes de déflation. De son côté, James Bullard, le président de la Réserve fédérale de Saint-Louis, a affirmé que les personnes âgées (détenant un patrimoine financier) préféraient un plus faible niveau d’inflation que les jeunes (emprunteurs), en raison des effets redistributifs de l’inflation (amenant à des transferts de revenus des épargnants vers les emprunteurs).

Les études empiriques se sont ainsi multipliées ces dernières années pour explorer le lien entre la démographie et l’inflation, notamment au sein du FMI. En se focalisant sur le Japon, Derek Anderson, Dennis Botman et Ben Hunt (2014) ont ainsi constaté que le vieillissement démographique générait des pressions déflationnistes en freinant la croissance économique. Ils suggèrent toutefois que ce risque déflationniste n’est pas inéluctable, à condition que la politique monétaire parvienne à le compenser. Or Patrick Imam (2013) avait précédemment montré que le vieillissement démographique affaiblissait l’efficacité de la politique monétaire ; cette dernière doit être de plus en plus agressive pour espérer autant influencer l’économie qu’auparavant. L’intérêt des macroéconomistes pour les liens qu’entretiennent la démographie avec la croissance économique et l’inflation s’est encore récemment accentué lorsque Larry Summers a avancé l’hypothèse que les pays avancés connaissaient actuellement une stagnation séculaire ; le vieillissement démographique conduirait à une insuffisance chronique de la demande globale.

Mikael Juselius et Előd Takáts (2015) ont entrepris une analyse empirique systématique du lien entre démographie et inflation. Ils ont cherché à déceler un tel lien à partir d’un échantillon de 22 pays avancés sur la période s’étalant entre 1955 et 2010. Ils constatent une relation stable statistiquement et économiquement significative entre la structure en âge de la population et l’inflation. Ainsi, la démographie serait liée l’inflation, tant directement qu’indirectement via son impact sur les anticipations d’inflation. Selon les estimations de Juselius et Takáts, la démographie pourrait expliquer environ un tiers de la variation du taux d’inflation et l’essentiel de la désinflation entre la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt-dix. Leurs estimations suggèrent en outre l’existence d’une relation en forme de U : la part des dépendants (c’est-à-dire de jeunes et de personnes âgées) dans la population est positivement corrélée avec le taux d’inflation, tandis que la part des cohortes en âge de travailler dans la population est négativement corrélée avec le taux d’inflation.

Pour tenter de comprendre pourquoi les autorités monétaires ne parviennent à compenser l’impact déflationniste du changement démographique, Juselius et Takáts ont alors étendu leur analyse à la politique monétaire. Ils ont alors décelé une relation significative entre la démographie et la politique monétaire, mais cette relation n’est cette fois-ci pas stable dans le temps. Avant le milieu des années quatre-vingt, la politique monétaire amplifiait l’impact inflationniste de la dynamique démographique ; les taux d’intérêt réels étaient faibles précisément parce que les pressions inflationnistes associées à la démographie étaient fortes. Cette dynamique s’est inversée au milieu des années quatre-vingt, lorsque la politique monétaire atténua les pressions associées à la démographie, sans toutefois parvenir à les faire disparaître. Au cours de cette seconde période, les taux d’intérêt ont été faibles lorsque les pressions inflationnistes associées à la démographie étaient également faibles. Dans la mesure où les pressions associées à la démographie étaient inflationnistes au cours de la première période étudiée, puis déflationnistes lors de la seconde, les taux d’intérêt réels ont été relativement faibles tout au long de ces deux périodes. En fait, les banques centrales n’ont su atténuer les pressions associées à la démographie que lorsque cela n’exigeait pas des taux d’intérêt réels élevés.

 

Références

ANDERSON, Derek, Dennis BOTMAN & Ben HUNT (2014), « Is Japan’s population aging deflationary? », FMI, working paper, n° 14/139, août.

IMAM, Patrick (2013), « Shock from graying: Is the demographic shift weakening monetary policy effectiveness », FMI, working paper, n° 13/191, septembre. Traduction française disponible sur Annotations.

JUSELIUS, Mikael, & Előd TAKÁTS (2015), « Can demography affect inflation and monetary policy? », BRI, working paper, n° 485, février.

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18 novembre 2014 2 18 /11 /novembre /2014 23:59

Avant qu’il n’amorce sa transition démographique, un pays connaît des taux de natalité et de mortalité élevés, si bien que sa population ne croît que lentement. La transition démographique débute lorsque les taux de mortalité déclinent, si bien que la croissance démographique s’accélère et la part des jeunes dans la population augmente ; ce n’est que dans un deuxième temps que les taux de natalité déclinent. Au cours de ce processus, la part de la population en âge de travailler va tout d’abord s’accroître, avant de diminuer avec le ralentissement de la natalité et l’allongement de l’espérance de vie : le pays amorce alors un vieillissement démographique [Lee, 2014].

Avant 1900, la croissance de la population mondiale était faible, puis elle s’accéléra dans la première moitié du vingtième siècle, pour ensuite commencer à ralentir dans sa seconde moitié avec l’allongement de l’espérance de vie, entraînant un vieillissement de la population mondiale [Batini et alii, 2006]. A chaque instant, les pays ne se situent toutefois pas au même stade de la dynamique démographique. En l’occurrence, les pays avancés ont commencé leur transition démographique avant les pays en développement ; parmi ces derniers, certains l’ont à peine amorcé, tandis que d’autres arrivent à son terme. Ces dernières décennies, les taux de fertilité ont chuté partout dans le monde, mais ils restent toujours plus élevés dans les pays en développement que dans les pays avancés. Dans plusieurs pays européens et au Japon, ils ont tendance à être inférieurs au taux de remplacement, si bien que ces pays sont susceptibles de connaître une contraction et un vieillissement rapide de leur population en l’absence d’immigration.

GRAPHIQUE  Part de la population en âge de travailler (en % de la population totale)

source : The Economist (2014)

Jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, les différentes analyses qui ont cherché à estimer l’impact de la dynamique démographique sur la production se sont focalisées sur le « dividende démographique » : avec la chute des taux de natalité, la taille de la population en âge de travailler s’accroit plus rapidement que la population totale, ce qui stimule certes temporairement les taux de croissance par tête, mais génère des gains permanents en termes de PIB par tête [Gomez et Hernandez de Cos, 2008]. En fait, c’est comme si l’on ajoutait davantage de facteur travail dans une fonction de production agrégée. Puisqu’ils ont connu leur transition démographique bien après les pays avancés, de nombreux pays en développement devraient continuer à profiter du dividende démographique au cours des prochaines décennies. 

Le vieillissement démographique affecterait directement la croissance économique en freinant l’« accumulation » du facteur travail, voire même en réduisant la quantité de facteur travail, mais aussi indirectement, notamment via ses effets sur la productivité du travail, sur l’épargne et sur l’accumulation du capital. Or, ces divers effets sont loin d’être clairs.

Le vieillissement démographique est considéré comme problématique, car les personnes âgées continuent de consommer, mais leur consommation doit nécessairement être financée autrement que par le salaire car elles ne travaillent plus [Lee, 2012]. Lors de la transition démographique, le déclin de la mortalité, puis de la fertilité accroît pendant plusieurs décennies les ratios de soutien démographique (rapportant le nombre de personnes en âge de travailler sur le nombre de personnes de plus de 65 ans), ce qui accroît la consommation par tête toutes choses égales par ailleurs. Une forte fertilité et une croissance démographique rapide réduisent la proportion de personnes âgées dans la population, ce qui allège le fardeau financier de la population active. Avec le vieillissement démographique, les ratios de soutien se détériorent, ce qui signifie que la consommation par tête devrait diminuer toutes choses égales par ailleurs, tandis que les systèmes de retraite et de santé connaissent des difficultés croissantes de financement.

L'impact net du vieillissement démographique sur l'épargne agrégée reste imprécis. Théoriquement, dans un modèle de cycle de vie standard, les agents lissent leur consommation au cours de leur existence, mais ils ne reçoivent pas de salaire initialement. Par conséquent, ils empruntent lorsqu’ils sont jeunes, puis se désendettent pour ensuite commencer à se constituer un patrimoine. Les retraités puisent dans leur patrimoine pour financer leurs dépenses : ils désépargnent. La transition démographique devrait donc se traduire par une hausse de l’épargne agrégée, puisque la part croissante de la population est d'âge intermédiaire. En réduisant la part des travailleurs d'âge intermédiaire dans la population active, le vieillissement démographique tendrait au contraire à réduire l’épargne agrégée si les agents ne changent pas de comportement. Or, l’allongement de l’espérance de vie pourrait justement inciter les agents à changer de comportement, notamment à rester plus longtemps sur le marché du travail et donc finalement à davantage épargner durant leur vie active. Si ce n’est pas le cas, les autorités publiques sont susceptibles d’imposer de tels changements de comportements. En outre, la plus grande incertitude entourant le système de retraite devrait d'autant plus inciter les agents à épargner durant la vie active. Ainsi, il n'y a pas consensus sur le sens dans lequel variera au final l'épargne agrégée, mais les économistes ne s'accordent pas non plus sur le rôle exact que joue l'épargne dans la croissance économique.

Dans un cadre néoclassique, l'épargne est un préalable à l'investissement. Donc, si le vieillissement démographique conduit effectivement à une baisse de l'épargne agrégée, celle-ci nuira à la croissance économique. En réduisant le nombre de travailleurs et leur productivité, il réduit la contribution du facteur travail à la production potentielle. Il risque notamment de pénaliser la croissance à long terme en freinant l’entrepreneuriat et l'innovation. Selon David Bloom, David Canning et Günther Fink (2011), le vieillissement de la population dans les pays avancés devrait contribuer à réduire l’épargne et l’offre de travail par tête, mais leur analyse des pays de l’OCDE suggère que, loin d’être catastrophique, le ralentissement de leur croissance économique devrait être modeste.

Dans une perspective keynésienne, si le vieillissement de la population entraîne une hausse de l'épargne agrégée, celle-ci nuit à la croissance économique en déprimant la demande globale. Certains auteurs, notamment Larry Summers et Paul Krugman, identifient le vieillissement démographique comme l’une des causes de la stagnation séculaire à laquelle les pays avancés semblent aujourd'hui confrontés. Avec le ralentissement de la croissance de la population en âge de travailler, le taux d’investissement devrait diminuer, car il devient moins pressant d’équiper les travailleurs en capital physique ; or, avec la baisse de l’investissement, le taux d’intérêt naturel (celui qui maintient l'économie au plein emploi) est poussé à la baisse et la demande globale connaît une insuffisance chronique. Lorsqu'Alvin Hansen forgea le terme de « stagnation séculaire » dans les années trente, lors de la Grande Dépression, il faisait déjà référence aux dynamiques démographiques. En outre, si le vieillissement démographique conduit effectivement à une baisse de l'investissement et/ou un accroissement de l'épargne, il est susceptible de générer des pressions déflationnistes, déprimant par là davantage l'activité. La récente histoire du Japon donne crédit à une lecture pessimiste du vieillissement démographique : l'économie insulaire est tombée dans la stagnation économique précisément à l'instant même où sa population active commença à décliner, puis elle s'est enfoncée depuis dans la déflation.

Les diverses analyses étudiant le lien entre dynamique démographique et croissance oublient toutefois généralement le fait que les marchés du travail se composeront de travailleurs de plus en plus qualifiés au fur et à mesure que la population vieillit, car les travailleurs d’âge intermédiaire ont acquis davantage de capital humain que les jeunes grâce à l’apprentissage par la pratique ; leur productivité atteint un pic lorsqu’ils ont entre 35 et 54 ans. Ce processus est susceptible, en soi, d’améliorer la performance économique. Prenant en compte cet effet, Rafael Gómez et Pablo Hernández de Cos (2008) observent quatre décennies de données et ils mettent en évidence une relation positive entre, d’une part, le ratio population en âge de travailler sur population totale et, d’autre part, les niveaux de PIB par tête. Ils constatent qu’une hausse de 5 % du ratio de la population active peut expliquer pratiquement un quart des différences en termes de PIB par tête que l’on constate d’un pays à l’autre au cours d’une décennie. Il existerait en outre un ratio de population active optimal. Les auteurs constatent en effet que le ratio rapportant la population d'âge intermédiaire (35-54 ans) sur la population des jeunes travailleurs (15-34 ans) doit présenter des rendements positifs, mais décroissants au regard du PIB par tête. La croissance de la production par tête semble maximale lorsqu’il y a environ 0,95 travailleur âgé de 35 à 54 ans pour chacun travailleur âgé de 15 à 34 ans (c’est-à-dire pratiquement un mentor pour chaque travailleur encadré). En-deçà ou au-delà de ce ratio optimal, la croissance de la production tête est moindre.

Pour Ronald Lee et Andrew Mason (2010), le vieillissement démographique conduit en fait à une hausse de la productivité et du revenu par tête en accroissant l’investissement dans le capital physique et dans le capital humain. En effet, la baisse de la fertilité et de la mortalité est associée à un plus grand investissement dans le capital humain de chaque enfant. D’autre part, un allongement de l’espérance de vie, la baisse de la fertilité et le vieillissement démographique accroissent la demande de richesse nécessaire pour soutenir la consommation durant la vieillesse. Selon eux, cela conduit à un accroissement du capital par travailleur, et ce même si les taux d’épargne chutent. Cependant, cet accroissement sera limité si la plus grande demande de richesse est satisfaite par un accroissement des transferts de revenus à destination des plus âgés. Selon Lee et Mason, l’impact positif de cette plus grande accumulation de capital humain et physique sur la productivité devrait compenser les effets négatifs associés au déclin des ratios de soutien démographique.

 

Références

BATINI, Nicoletta, Tim CALLEN, & Warwick MCKIBBIN (2006), « The global impact of demographic change », FMI, working paper, n° 06/9, janvier.

BLOOM, David E., David CANNING, & Günther FINK (2011), « Implications of population aging for economic growth », NBER, working paper, n° 16705, janvier.

GÓMEZ, Rafael, & Pablo HERNÁNDEZ DE COS (2008), « Does population ageing promote faster economic growth? », in Review of Income and Wealth, vol. 54, n° 3.

GOODHART, Charles A.E., & Philipp ERFURTH (2014), « Demography and economics: Look past the past », in VoxEU.org, 4 novembre

LEE, Ronald (2012), « Macroeconomic implications of demographic changes: A global perspective », IMES, discussion paper, n° 12-E-11.

LEE, Ronald (2014), « How population aging affects the macroeconomy », document de travail présenté à la conférence de Jackson Hole.

LEE, Ronald, & Andrew MASON (2010), « Some macroeconomic aspects of global population aging », in Demography, vol. 47, n° 1.

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