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30 octobre 2012 2 30 /10 /octobre /2012 17:32

Les prix du pétrole ont subi de très fortes hausses au cours de la dernière décennie. Celles-ci peuvent s’expliquer par la croissance rapide des pays émergents, mais aussi par la stagnation de l’offre, voire pour certains par la spéculation sur les marchés des matières premières. Alors que la croissance de la production de pétrole s’établissait à un taux annuel moyen de 1,8 % entre 1981 et 2005, la production s’est depuis maintenue à un plateau. A l’avenir, en raison de la nature épuisable de cette ressource naturelle, l’économie mondiale risque non seulement de connaître des hausses persistantes de prix, mais elle peut aussi être sévèrement rationnée dans la quantité disponible de pétrole. Les limites imposées à la disponibilité de cette ressource, en particulier pour les générations futures, contraignent donc toujours fortement la croissance mondiale. Une large littérature empirique a tenté d’établir le lien empirique entre les prix du pétrole et la croissance économique et très tôt les analyses ont décelé une relation significativement négative. Parmi toutes les récessions que les Etats-Unis ont connues depuis la Seconde Guerre mondiale, seule celle survenue en 1960 n’a pas été précédée par un pic dans le prix du pétrole. Selon Hamilton (2012), si les niveaux historiques atteints par le prix du pétrole en 2007 et 2008 n’ont pas été à l’origine de la Grande Récession, ils ont toutefois participé à rendre les économies plus vulnérables à l’instabilité financière.

Paul Cashin, Kamiar Mohaddes, Maziar Raissi et Mehdi Raissi (2012) ont récemment étudié 38 pays, développés et en développement, sur la période s’étalant entre 1979 et 2012 pour observer comment les économies réagissent aux chocs pétroliers. Ils utilisent une modélisation VAR de l’économie mondiale pour discriminer les hausses des prix pétroliers selon qu’ils trouvent leur origine du côté de l’offre ou bien de la demande, ce qui permet d’identifier plus précisément la réponse des variables macroéconomiques. La nature sous-jacente d’un choc pétrolier apparaît effectivement cruciale dans le façonnement des répercussions macroéconomiques, aussi bien pour les pays importateurs que pour les exportateurs.

Faire la distinction entre un importateur net et un exportateur net n’est utile que pour étudier l’impact d’un choc pétrolier tiré par l’offre. En réponse à une hausse des prix pétroliers qui serait générée du côté de l’offre, les importateurs de pétrole (en particulier les Etats-Unis et la zone euro) subissent une chute permanente de leur activité économique et de fortes pressions inflationnistes, tandis que les effets d’un tel choc sont bénéfiques pour les pays exportateurs d’énergie. Un choc d’offre accroît de manière permanente la production des exportateurs qui possèdent des montants significatifs de réserves prouvées. Il n’a en revanche que peu d’effets sur les pays qui ne disposent que de réserves limitées. Ce résultat contraste avec certains résultats obtenus par la littérature antérieure, notamment l’idée d’une malédiction des ressources naturelles ou syndrome hollandais (dutch desease), selon laquelle la découverte de nouveaux gisements de ressources naturelles se traduit à court terme par des répercussions néfastes sur l’économie domestique. Les pays exportateurs ne subissent en outre quant à eux aucune tension inflationniste, en raison peut-être de l’ajustement à la hausse de leur taux de change : le taux de change s’apprécie, ce qui réduit les l’impact que les prix plus élevés du pétrole peuvent avoir sur les prix et marchés domestiques. De son côté, la Chine, qui s’avère un importateur net de pétrole, réagit pourtant positivement à la hausse de son prix. Cette anomalie pourrait s’expliquer par la plus grande dépendance de la Chine au charbon, qui satisfait plus des deux tiers de ses besoins en énergie primaire. 

Qu’ils soient importateurs ou exportateurs nets de pétrole, les économies réagissent de manière similaire à un choc affectant la demande sur le marché du pétrole et les effets observés diffèrent sensiblement de ceux observés lors d’un déséquilibre de l’offre : les pays expérimentent généralement une hausse de leur production réelle à court terme et subissent des pressions inflationnistes. Ce résultat n’est pas surprenant. Comme le rappellent Cashin et alii, ils supposent ici que le choc pétrolier est déterminé de manière endogène par un déplacement de l’activité économique au niveau mondial. La production domestique augmente car l’économie elle-même connaît un boom ou parce qu’elle profite du boom dans l’activité de ses partenaires commerciaux.

La géologie pourrait fortement contraindre la production mondiale de pétrole dans un avenir relativement proche. L’économie mondiale ferait alors face à des chocs pétroliers permanents trouvant leur origine du côté de l’offre. Les réserves les plus faciles d’accès sont tout d’abord exploitées, puis l’extraction devient de plus en plus difficile et coûteuse. La hausse des prix pétroliers rend rentable une poursuite de l’extraction. La stagnation qui a été récemment observée dans la production de pétrole alors même que les prix atteignaient des niveaux historiques démontre selon certains que la pénurie de pétrole est déjà d’actualité ou du moins imminente, auquel cas des prix élevés ne pourraient plus stimuler l’extraction de pétrole. Il n’existe en outre pas actuellement de substituts réels au pétrole à l’échelle et à l’horizon désirés. Les technologies destinées à améliorer l’extraction du pétrole des champs existants ou à économiser l’usage de pétrole ne peuvent que buter sur les lois de la thermodynamique, notamment celle de l’entropie. 

Dans ce cadre, Michael Kumhof et Dirk Muir (2012) ont utilisé une modélisation DSGE de l’économie mondiale, formée de six régions, pour évaluer comment le PIB et le compte courant d’une économie réagissent aux chocs d’offre pétroliers permanents. Le pétrole apparait dans leur modèle comme un facteur de production distinct du capital et du travail, présentant en outre un caractère épuisable. Les auteurs développent ensuite un certain nombre de scénarii. Ils montrent que la manière par laquelle la rareté croissante du pétrole contraint la croissance économique mondiale et les déséquilibres courants dépend finalement d’un nombre limité de facteurs clés.

Leur modèle montre que si le taux de croissance de la production pétrolière décline de manière permanente d’un point de pourcentage par rapport à sa tendance historique, la production mondiale en sera négativement affectée, mais l’effet peut ne pas être dramatique. En raison de la moindre disponibilité du pétrole et de son prix plus élevé, les pays importateurs subissent une réduction de leur niveau de PIB et une large dégradation de leurs déficits courants. Les exportateurs connaissent une hausse soutenue de leurs revenus et richesse. Si la substituabilité entre le pétrole et les autres facteurs de production est croissante avec le prix du pétrole, la rareté du pétrole peut ne pas fortement contraindre la croissance mondiale, ni même sévèrement aggraver les déséquilibres des comptes courants. En l’occurrence, si le les élasticités-prix de long terme de la demande de pétrole sont des fonctions croissantes du prix du pétrole, en particulier si elles doublent ou triplent lorsque le prix réel du pétrole double de manière permanente, alors les répercussions du choc pétrolier sur la croissance économique et les déséquilibres courants sont des plus réduites.

A partir de ce scénario de base, Kumhof et Muir envisagent trois possibilités.

Dans le scénario de la frontière entropique (entropy boundary) et de l’élasticité décroissante (falling elasticity), l’élasticité-prix de la demande de pétrole diminue au fur et à mesure que le pétrole devient plus rare. La substituabilité entre le pétrole et les autres facteurs de production est toutefois limitée par la nécessité d’utiliser un minimum de pétrole par unité de production. Dans ce contexte, plus les importateurs sont proches de cette frontière entropique lorsque se produit un choc pétrolier, plus la contraction du PIB sera forte et les déficits courants importants.

Dans le scénario de l’externalité technologique (technology externality), la contribution du pétrole à la production est plus élevée que celle indiquée par sa part dans le coût total. Le pétrole est un élément essentiel pour la viabilité de plusieurs technologies clés qui contiennent des matières ou carburants dérivés du pétrole. Une fois encore, les répercussions d’un choc pétrolier sur l’activité économique des pays importateurs sont bien plus importantes que celles relevées dans le scénario de base. La plus grande contribution du pétrole à la production domestique se traduit également par un creusement plus dramatique du déficit courant.

Dans le scénario du plus large choc (larger shock), la réduction du taux de croissance de la production mondiale de pétrole (de 3,8 points de pourcentage) est beaucoup plus forte que dans le scénario de base. Selon Kumhof et Muir, cette chute s’avère plus compatible avec les plus récentes prévisions scientifiques. Elle se traduirait dans leurs simulations par une contraction du PIB des pays importateur et un accroissement de leur déficit courant quatre fois supérieurs à ceux observés dans le scénario de base.

Si deux ou plus de ces facteurs aggravants survenaient simultanément, les effets d’une pénurie du pétrole sur la croissance mondiale seraient des plus dramatiques. Les prix du pétrole peuvent devenir si élevés que l’ajustement en douceur suggéré par le scénario de base devient impossible.

 

Références

CASHIN, Paul, Kamiar MOHADDES, Maziar RAISSI & Mehdi RAISSI (2012), « The differential effects of oil demand and supply shocks on the global economy », IMF working paper, octobre.

HAMILTON, James D. (2012), « Oil prices, exhaustible resources, and economic growth », octobre.

KUMHOF, Michael, & Dirk MUIR (2012), « Oil and the world economy: Some possible futures », IMF working paper, octobre.

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9 août 2012 4 09 /08 /août /2012 16:48

Pusieurs études ont cherché à évaluer le lien existant entre le climat et le développement économique. Elles font notamment apparaître que le revenu national diminue en moyenne de 8,5 % par degré Celsius ou encore le revenu par tête s’élève avec la distance avec l’équateur. La rigueur des conditions climatique contribuerait donc à appauvrir les nations et les activités productives tendraient à s’agglomérer dans les régions tempérées. Evaluer plus finement la relation entre température et croissance économique permet non seulement de saisir davantage les mécanismes du développement des nations, mais aussi d’apprécier une partie des dommages économiques associés au changement climatique. Une telle évaluation, bien qu’elle se focalise que sur la dimension économique des problèmes environnementaux, s’avère toutefois cruciale pour leur gestion au niveau mondial. Si les gouvernements ont une idée des coûts de mise en œuvre des politiques climatiques, notamment de leur impact immédiat sur la croissance de court terme, l’imprécision entourant les répercussions du réchauffement climatique les incite justement à différer l’adoption des mesures nécessaires à la réduction des émissions polluantes. Or, un tel retard pourrait ne pas seulement contribuer à accroître les dommages environnementaux, mais alourdirait aussi les coûts monétaires associés aux politiques climatiques.

En tentant d’identifier les effets des hausses de température sur les performances macroéconomiques des pays, les travaux de Melissa Dell, Benjamin Jones et Benjamin Olken (2012), s’inscrivent, d’une part, dans le débat entourant le rôle de la température dans le développement économique et, d’autre part, dans le débat autour des répercussions du réchauffement climatique. Leur étude identifie un important lien causal de la température sur le processus de développement en mettant en évidence qu’elle n’affecte pas seulement diverses composantes dans une économie, mais influence aussi fortement la production nationale. Les auteurs ont pour cela compilé les données de températures et précipitations pour chaque pays sur la période s’étalant de 1950 à 2003. Ils examinent alors la relation entre les variations annuelles des températures et précipitations dans un pays donné et les variations dans sa performance macroéconomique. Trois principaux résultats apparaissent alors de l’observation des fluctuations à court terme de la température et des précipitations au cours de ce demi-siècle.

Tout d’abord, les hausses de température ont de puissants et négatifs effets sur la croissance économique, dans le seul cas des pays en développement. Au sein de ces derniers, une hausse de la température d’un degré Celsius au cours d’une année donnée entraîne en moyenne une diminution du taux de croissance économique de 1,3 point de pourcentage. Les variations de température n’ont par contre pas d’effets significatifs sur la croissance économique des pays développés. En ce qui concerne les changements observés dans les précipitations, ceux-ci n’ont que des effets négligeables sur la croissance économique, autant pour les pays avancés que pour les pays en développement.

Ensuite, les hausses de température influencent potentiellement l’activité économique de deux manières, d’une part en influençant le niveau de production, notamment en affectant les rendements agricoles, et d’autre part en influençant le potentiel de croissance de l’économie, notamment en affectant le processus d’investissement et les institutions déterminantes dans la croissance de la productivité. Les chocs de température apparaissent avoir des effets persistants sur l’activité économique. Dans le cas des pays pauvres, l’élévation de la température n’impacte pas seulement leur niveau de production, mais elle diminue également leur taux de croissance. Le réchauffement apparaît avoir de larges répercussions, dans la mesure où même de faibles différences de rythmes de croissance ont de larges conséquences au cours du temps si elles persistent à moyen terme.

Tandis que les études antérieures se penchent essentiellement sur l’impact du réchauffement climatique sur le seul secteur agricole, Dell et alii élargissent la focale. Il apparaît alors que, si les hausses de température entraînent effectivement une contraction de la production agricole, elles tendent également à déprimer l’activité industrielle. Elles contribuent en outre à accroître l’instabilité politique dans les pays pauvres et par ce biais à réduire leur taux de croissance. Le ralentissement de la croissance et l’instabilité politique tendraient alors à se renforcer mutuellement. 

Les répercussions de long terme du changement climatique diffèrent quelque peu. D’un côté, les impacts économiques observés à court terme peuvent être atténués sur le long terme dans la mesure où les pays tendent à s’adapter aux nouvelles températures. De l’autre, le changement climatique exerce des effets supplémentaires de long terme, notamment en affectant les nappes phréatiques, la qualité de l’eau ou encore la santé, et avoir ainsi de plus larges impacts.

Au final, si l’étude ne parvient peut-être pas à capter certains effets non linéaires et phénomènes irréversibles qui se manifesteraient si la température franchit certains seuils, les schémas qu’elle met à jour s’avèrent robustes et déterminants pour l’architecture des politiques climatiques. Elle suggère notamment que la poursuite du réchauffement climatique va contribuer à élargir les écarts de revenu entre les pays développés et les pays en développement.

 

Références  Martin ANOTA

DELL, Melissa, Benjamin F. JONES & Benjamin A. OLKEN (2009), « Does climate change affect economic growth? », in VoxEU.org, 6 juin.

DELL, Melissa, Benjamin F. JONES & Benjamin A. OLKEN (2012), « Temperature Shocks and Economic Growth: Evidence from the Last Half Century », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 4, n° 3, juillet.

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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 17:09

Les économies abondamment dotées en ressources naturelles tendent à connaître une croissance relativement plus faible par rapport aux économies qui en sont dépourvues. A partir d’un échantillon de 95 pays, Jeffrey Sachs et Andrew Warner (1995) ont ainsi montré que les économies présentant de hauts ratios d’exportations de ressources naturelles sur PIB en 1971 tendent à avoir de plus faibles taux de croissance sur la période s’étalant de 1971 à 1989. Cette relation négative entre dotations en ressources naturelles et croissance demeurait une fois que Sachs et Warner aient contrôlé les variables traditionnellement considérées comme importantes pour la croissance économique, telles que le revenu par tête initial, l’ouverture commerciale, l’efficacité des institutions gouvernementales ou encore le taux d’investissement.

Le syndrome hollandais (dutch disease) décrit un ensemble de mécanismes par lesquels une forte dotation en ressources naturelles peut influencer négativement la croissance à long terme d’une économie. Le terme a été introduit par The Economist pour expliquer la stagnation de l’activité aux Pays-Bas durant les années soixante-dix comme le résultat de la découverte d’un large gisement de gaz naturel. L’exploitation de ressources naturelles génère habituellement de larges profits qui vont conduire au développement de l’activité minière au détriment des autres secteurs de l’économie. L’accroissement du revenu national et de la demande entraînent des pressions inflationnistes, tandis que l’afflux de capitaux se traduit par un excédent commercial et s’accompagne d’une appréciation du taux de change réel. La surévaluation du taux de change par rapport à ce qu’induiraient autrement les performances du pays va réduire la compétitivité des autres entreprises exportatrices. Celles-ci voient alors leurs profits diminuer, ce qui renforce les incitations à développer l’activité extractrice. Au cours du boom de ressources premières, les agents démontrent une forte préférence pour le présent qui les conduit à délaisser la question de la croissance à long terme de l'économie et à faire preuve de laxisme dans la gestion privée et publique. Une fois les ressources naturelles épuisées, l’atrophie de la base productive et la surévaluation du taux de change conduisent à une stagnation durable de l’activité économique.

La malédiction (curse) entourant les ressources naturelles n’est toutefois pas systématique et semble dépendre amplement du capital institutionnel de l’économie et de son degré de démocratie. L’Australie, le Botswana, le Canada et la Norvège ont par exemple su efficacement exploiter les abondantes ressources naturelles de leurs territoires pour se développer. Les économistes du FMI Rabah Arezki, Thorvaldur Gylfason et Amadou Sy (2012) se sont ainsi penchés sur ces expériences réussies pour identifier les réponses politiques et institutionnelles possibles qui s’offrent aux pays en développement pour répondre aux défis que leur pose la présence de ressources naturelles.

Le syndrome hollandais pose notamment la question de la stabilisation des taux de change et de la stérilisation des entrées de capitaux, en particulier lors des périodes de prix élevés des matières premières. Les coûts de stérilisation s’avèrent significatifs pour les pays en développement puisque les taux d’intérêts domestiques d’équilibre sont généralement supérieurs à ceux des pays avancés. Une politique budgétaire contracyclique peut toutefois fournir un degré automatique de stérilisation dans la mesure où les périodes de prix élevés des matières premières coïncident avec celles d’excédents budgétaires.

L’abondance en ressources naturelles complique toutefois la conduite de la politique budgétaire. En effet, les revenus du gouvernement dépendent alors largement des prix des matières premières, or ces derniers sont volatiles et imprévisibles. Les gouvernements doivent alors découpler à court terme leurs dépenses courantes des revenus et planifier à plus long terme des dépenses assurant l’équité intergénérationnelle. Certains instruments financiers peuvent couvrir contre la volatilité des prix des matières premières. L’accumulation d’épargne dans les fonds souverains ou l’investissement public sont deux moyens, éventuellement complémentaires, par lesquels le gouvernement peut gérer efficacement les revenus issus des ressources naturelles. Les pays en développement, notamment africains, éprouvent d’immenses besoins en biens publics, mais ils sont contraints par la capacité d’absorption limitée de leur économie, ce qui plaide dans leur cas pour la constitution d’une épargne (éventuellement au sein d’un fonds souverain) en parallèle à l’accumulation de capital public.

La croissance économique à long terme dépend du développement d’entreprises suffisamment nombreuses et diversifiées pour prendre le relais une fois que les ressources naturelles sont épuisées. Si les pouvoirs publics ont un rôle définitivement essentiel dans une telle diversification, les politiques industrielles à travers lesquelles l’Etat s’implique directement peuvent être capturées par les élites locales et susciter des comportements de corruption. Selon Arezki et alii, il serait alors plus judicieux pour les gouvernements d’impulser une diversification économique tirée par l’activité privée en mettant en place des règles incitatives. La diversification peut également être encouragée en allégeant l’imposition sur l’activité entrepreneuriale et l'innovation. Les recettes issues des matières premières peuvent être utilisées pour financer de nouvelles infrastructures propres à accroître les rendements et encourager l’investissement privé. Le développement du secteur financier peut également jouer un rôle dans ce processus de diversification.

En définitive, les auteurs soulignent la place centrale de la question institutionnelle. Les pays abondamment dotés en ressources naturelles voient leurs institutions sapées par les comportements de recherche de rentes et le clientélisme, or le capital institutionnel s'avère déterminant dans la trajectoire de croissance à long terme. Les travailleurs qualifiés tendent à se diriger vers les secteurs improductifs et la capture de rentes. Le cadre institutionnel doit ainsi être refondu pour orienter la main-d’œuvre qualifiée vers l’activité entrepreneuriale privée. Le développement du secteur financier nécessite quant à lui l’instauration de droits de propriété afin de jouer un plus grand rôle dans l’allocation de ressources vers les petites et moyennes entreprises. Une gestion plus transparente des revenus issus des ressources naturelles permet notamment une meilleure allocation des travailleurs qualifiés vers les secteurs productifs.

 

Références  Martin ANOTA

AREZKI, Rabah, Thorvaldur GYLFASON, Amadou SY (2012), « Beyond the curse: Policies to harness the power of natural resources », in VoxEU.org, 8 juillet.

CABRALES, Antonio, & Esther Hauk (2011), « Political institutions and the curse of natural resources », in VoxEU.org, 17 juin.

PRAGER, Jean-Claude, & Jacques-François THISSE (2010), Economie géographique du développement, La Découverte.

SACHS, Jeffrey D., & Andrew M. WARNER (1995), « Natural resource abundance and economic growth », working paper, Harvard Institute for International Development.

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