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2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 16:38

Plusieurs auteurs ont pris en référence le système de l’étalon-or pour souligner la dangerosité des contraintes que la zone euro fait peser sur les Etats-membres ou pour montrer comment la fixité des changes peut accentuer les turbulences en période de crise. Michael Bordo et Harold James (2013) ont alors comparé les deux systèmes monétaires, pour ensuite analyser l’actuelle crise européenne au regard des crises financières de l’étalon-or. 

Les comparaisons institutionnelles sont justifiées. L’étalon-or et l’union économique et monétaire (UEM) sont deux systèmes monétaires reposant sur des taux de change fixes et l’orthodoxie monétaire et budgétaire. Sous l’étalon-or, la contrainte monétaire passait par la convertibilité des devises en une certaine quantité de métal ; dans l’UEM, elle est imposée par une banque centrale indépendante ciblant la stabilité des prix. Sous les deux régimes monétaires, les déficits budgétaires menacent l’objectif monétaire, donc les Etats doivent faire preuve d’orthodoxie budgétaire. A l’époque de l’étalon-or, les pays avaient peu de marge pour accroître la pression fiscale, donc les dépenses publiques s’en trouvaient contraintes. Au sein de l’UEM par contre, les critères de convergence et le pacte de stabilité et de croissance ont été établis dans un contexte de niveaux de dépenses et dette publiques bien plus élevés. Par contre, l’étalon-or repose sur une règle conditionnelle. La convertibilité est temporairement suspendue dans certaines circonstances exceptionnelles, en l’occurrence lors des guerres, au cours de laquelle la dette publique tend à fortement augmenter. Une fois le conflit terminé, le pays doit revenir à la convertibilité et réintroduire le taux de change initial, ce qui nécessite souvent que le pays passe par une période d’adaptation où il adopte des politiques déflationnistes. La règle conditionnelle a pu alors offrir une marge de manœuvre à la politique budgétaire en cas de circonstances exceptionnelles. Il est par contre plus difficile d’établir des « circonstances exceptionnelles » dans l’UEM, puisque la hausse des dépenses répond à une pression sociétale. 

Une fois le système monétaire créé, il devient plus attractif d’y adhérer. Les deux systèmes ont l’avantage d’établir un étalon monétaire en commun, ce qui facilite les échanges. Il favorise également l’accès au financement pour les économies « périphériques ». Les pays sous-développés sont en effet confrontés au péché originel, incapables d’emprunter dans leur propre monnaie. Ainsi, parce qu’ils sont justement sous-développés, ils peuvent ne pas dégager suffisamment d’épargne, ni attirer suffisamment de capitaux étrangers pour impulser leur développement. En adhérant au système monétaire international, les nouveaux membres pouvaient espérer voir leurs coûts de financement diminuer et les capitaux affluer, mais l’orthodoxie monétaire et budgétaire leur imposait toutefois une période prolongée d’austérité. La contrainte imposée par la fixité des changes était particulièrement forte dans l'entre-deux-guerres : si les banques centrales des pays créditeurs comme les Etats-Unis et la France stérilisaient les entrées d'or, les pays débiteurs subissaient par contre de puissantes forces déflationnistes. 

En adhérant au système monétaire international, les pays en développement prenaient le risque d’accumuler de profonds déséquilibres financiers et budgétaires. L’histoire de l’étalon-or est ainsi émaillée d’arrêts soudains dans les flux de capitaux. Les pays créditeurs restreignaient le crédit lorsqu’ils étaient frappés par un choc domestique ou lorsqu’ils craignaient que certains événements se produisent au sein des pays débiteurs. Or, les flux de capitaux ont pu justement être à l’origine de déséquilibres macrofinanciers dans les économies qui en furent la destination. Les entrées de capitaux étaient susceptibles d’alimenter une expansion insoutenable du crédit. Les déséquilibres bancaires furent souvent la cause immédiate de l’arrêt soudain des entrées de capitaux et entraînèrent parfois la faillite des établissements de crédit, sans pour autant que le régime de change soit nécessairement remis en cause. L’expansion pouvait également s’accompagner d’une détérioration des finances publiques, comme ce fut le cas en Argentine. L’accroissement de la dette publique se traduisait par une hausse des coûts de financement et celle-ci aggravait en retour les déséquilibres budgétaires, si bien que la politique budgétaire se révélait incapable d’assurer la stabilité macroéconomique et de respecter la règle de convertibilité, voire elle pouvait elle-même devenir une source d’instabilité. Surtout, l’ajustement déflationniste imposé par l’appartenance à l’étalon-or et l’occurrence des crises financières menaçaient la stabilité politique. C’est finalement la contestation populaire qui limita la possibilité d’ajustement macroéconomique. Elle se cristallisait autour du nationalisme et du protectionnisme, en particulier dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres.

L’observation de l’étalon-or met en évidence de multiples trinités impossibles. Selon le trilemme macroéconomique traditionnel, une économie ne peut assurer simultanément la fixité des taux de change, les flux de capitaux et l’autonomie de la politique monétaire [Rodrik, 2007]. Trois autres trilemmes ont également été à l’œuvre sous l’étalon-or. Au niveau du secteur financier, le libre mouvement des capitaux dans un cadre de changes fixes n’est pas compatible avec la stabilité financière. Dans le cadre des relations internationales, il ne peut y avoir simultanément fixité des changes, flux de capitaux et indépendance des politiques domestiques. Enfin, le processus de démocratisation est remis en cause dans un régime de change fixe où il y a libre mouvement des capitaux.

Bordo et James se penchent ensuite sur le processus d’unification monétaire en Europe et le fonctionnement de la zone euro. La libéralisation financière des années quatre-vingt a permis aux déséquilibres de compte courant de s’accumuler plus durablement, si bien que ceux-ci étaient susceptibles de se dénouer violemment. La menace d’une telle correction a convaincu les responsables européens que l’unification monétaire épargnerait aux Etats-membres de subir de façon récurrente des crises et des réalignements de taux de change qui auraient déstabilisé le marché commun. En adhérant à l’union monétaire, les pays périphériques ont cherché à réduire leurs coûts de financement et à accéder aux capitaux du noyau pour stimuler leur développement.

L’entrée dans l’UEM a conduit à une forte diminution et convergence des primes de risque souverain, ce qui rendit moins impérieux de réduire la propension à s’endetter. Si les années quatre-vingt-dix virent une convergence budgétaire, les années deux mille marquent une détérioration de la discipline budgétaire. L’UEM ne s’est finalement montrée efficace comme mécanisme disciplinant qu’avant son entrée en vigueur. La décision du Conseil européen de ne pas lancer de procédure de déficit excessif contre la France et l’Allemagne en 2003 a donné un coup fatal à la discipline budgétaire au sein de la zone monétaire. Au niveau mondial, les marchés se sont eux-mêmes montrés enclins à financer un volume massif de dette publique des pays avancés, car ils percevaient leurs titres souverains comme des actifs sans risque.

L’UEM a reproduit la logique de l’étalon-or, mais en renforçant les trilemmes. Les mouvements de capitaux se sont révélés perturbateurs, en particulier pour les petits pays. Avec le processus d’intégration et l’accès à un financement peu cher, la Grèce, l’Espagne et l’Irlande ont connu une période de forte croissance économique, une explosion de l’activité bancaire et le gonflement de bulles sur les marchés d'actifs. Dans de nombreux pays, la taille du secteur bancaire excédait celle de l’économie et les établissements bancaires étaient trop grands pour que le gouvernement national puisse assurer leur éventuel sauvetage. L’expansion de l’activité bancaire était soutenable tant que l’endettement public apparaissait lui-même soutenable. Les marchés considéraient qu’il n’y avait pas de limites au volume d’endettement que le secteur privé et l’Etat pouvaient accumuler. Ils exigeaient de faibles primes de risque car ils étaient convaincus que le noyau de la zone euro serait forcé de sauver les pays périphériques en cas de crise financière ou budgétaire. C’est à partir des élections grecques d’octobre 2009 que les marchés doutent de la soutenabilité des dettes publiques. Le sommet de Deauville a également marqué un tournant en octobre 2010 : en suggérant une restructuration de la dette grecque, les déclarations de Merkel et de Sarkozy ont accéléré la divergence entre les rendements obligataires, notamment au détriment des dettes italienne et espagnole qui étaient perçues jusqu’alors comme soutenables.

Dans le cadre de l’UEM, à la différence de l’étalon-or, les pays ne peuvent procéder à un ajustement de taux de change, ce qui exige de réduire plus amplement la dette pour la rendre soutenable. Cette réduction pose la question de la répartition des pertes entre les agents privés et les institutions publiques, ce qui n’est pas sans rappeler les débats de l’entre-deux-guerres sur le paiement des dettes allemandes. En excluant une clause conditionnelle, le système est apparu dans un premier temps résilient, mais cette apparente résilience a finalement dissimulé la profondeur des déséquilibres et surtout l’ampleur de l’ajustement macroéconomique que leur correction exige. Tout comme les économies débitrices sous l'étalon-or (en particulier dans l'entre-deux-guerre), les pays de la périphérie européenne font face à de fortes pressions déflationnistes. Mais puisqu'ils ne peuvent recourir à la dépréciation de leur devise, la crise qu'ils subissent se révèle finalement bien plus sévère que les crises que l’Argentine et les autres économies ont pu connaître sous l’étalon-or. Elle alimente déjà une méfiance des vis-à-vis des institutions européennes ; la poursuite des politiques d'austérité pourrait également se révéler être une puissante source d'instabilité politique.

 

Références 

BORDO, Michael D., & Harold JAMES (2013), « The European crisis in the context of the history of previous financial crises », NBER working paper, n° 19112, juin.

RODRIK, Dani (2007), « The inescapable trilemma of the world economy », juin. 

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 09:46

L’Allemagne remodèle les pays européens à son image. Or, il est non seulement possible de relier l’actuelle crise de la zone euro à la stratégie macroéconomique que suit l’Allemagne depuis plus d'une décennie, mais nous pouvons également penser que l’adoption du « modèle » allemand par le reste de la zone euro est susceptible d’aggraver la récession et d’entraîner à terme l’éclatement de l’union monétaire.

Durant les années quatre-vingt-dix, l’Allemagne épargnait trop peu pour financer ses investissements domestiques [Pettis, 2013]. Elle devait alors importer des capitaux pour financer ces derniers, si bien qu'elle enregistrait un déficit récurrent. Au début des années deux mille, un accord réunissant les syndicats, les entreprises et l’Etat a soumis la croissance des salaires à de puissantes contraintes pour accroître la compétitivité de l’économie et créer des emplois domestiques. La part des revenus des ménages dans le PIB a par conséquent diminué et, avec elle, la part de la consommation. La hausse des taux d’épargne allemands n’est donc pas le fait des préférences des ménages, mais bien le produit des politiques économiques qui ont rendu les salaires rigides à la hausse. Suite aux réformes structurelles, non seulement l’Allemagne sut générer suffisamment d’épargne pour financer ses investissements domestiques, mais elle dut investir à l’étranger pour exporter son épargne. Son solde courant s’améliora alors sensiblement. L’Allemagne avait un déficit courant de 1,7 % du PIB en 2000 ; elle enregistrait un excédent courant représentant 7,5 % du PIB en 2007 [Wolf, 2013a]

Le compte courant de l'Allemagne n'aurait pu être excédentaire si le reste du monde n’avait pas enregistré symétriquement un déficit. En l’occurrence, c’est essentiellement la zone euro qui absorba l’excès d’épargne. La monnaie unique empêchait les Etats-membres d’utiliser les taux d’intérêt ou de déprécier leur taux de change, si bien que certaines économies durent finalement importer l’épargne allemande. Les pays dits « périphériques » virent ainsi leurs soldes courants se dégrader significativement : soit leurs excédents courants laissèrent place à un déficit, soit leurs déficits courants s’aggravèrent. Ils ont accru leurs dépenses d’investissement, en particulier dans le secteur immobilier. La seule hausse de l’investissement ne suffit toutefois pas à absorber l’épargne allemande ; les ménages des pays périphériques ont également réduit leur taux d’épargne en accroissant leurs dépenses plus rapidement que n’augmentaient leurs revenus. La hausse des prix d’actifs et notamment la hausse des prix immobiliers généra un puissant effet de richesse et entretint l’optimisme dans les pays périphériques. Le déclin de l’emploi dans les secteurs des biens exportables fut plus que compensé par les créations d’emplois dans les secteurs des services et de l’immobilier grâce au boom de la consommation. Avec la crise financière mondiale, les entrées de capitaux se tarirent et la demande privée s’effondra en en provoquant de larges déficits publics. 

La crise européenne est interprétée, de façon erronée, comme une crise budgétaire, or, mis à part en Grèce, les déséquilibres budgétaires en sont les symptômes et non la cause. Elle est fondamentalement une crise des balances de paiements. L’accélération des flux de capitaux à destination des pays périphériques était l’un des arguments en faveur de la création de la monnaie unique et de l’intégration des marchés financiers. Les mouvements de capitaux se sont effectivement opérés selon ce schéma, mais pour finalement se révéler déstabilisateurs. 

Suite à la crise mondiale, les pays périphériques ne purent continuer à financer leurs déficits courants, si bien qu’ils furent contraints à opérer un violent ajustement de leur économie. Depuis, les déséquilibres commerciaux se sont particulièrement améliorés. L’ajustement ne s’est toutefois pas opéré par un resserrement de l’écart de compétitivité, mais avec la plongée et le maintien de la périphérie dans la dépression : les salaires ont été réduits et la demande intérieure s’est fortement contractée. Autrement dit, les pays périphériques ont répliqué ce que l’Allemagne avait, dans un tout autre contexte, réalisé une décennie plus tôt. En outre, privés d’un accès aux marchés obligataires, ils ont dû consolider leurs finances publiques. Ce resserrement budgétaire a amplifié la chute du PIB et l’envolée du chômage. Or, les pays du « cœur » de la zone euro ont aussi resserré au même instant leur politique budgétaire, si bien que les pays périphériques ne purent s’appuyer sur la demande extérieure pour améliorer leur solde extérieur.

Aujourd’hui, la récession se poursuit, les taux de chômage atteignent des niveaux historiques et le taux d’inflation s’éloigne du niveau ciblé par la BCE. L’apparition de la déflation ne pourrait qu’aggraver la situation des pays périphéries. Puisque la zone euro est la deuxième économie au monde, la stagnation de son activité et ses tentatives de générer des excédents extérieurs exercent également un puissant effet dépressif sur le reste du monde. Surtout, l’adoption du modèle allemand par le reste de la zone euro est susceptible de directement mener à l’éclatement de l’union monétaire. Si les ménages (et Etats) de la périphérie se « germanisaient » en épargnant davantage, ce surcroît d’épargne accélérerait l’envolée du chômage jusqu’à ce que chaque pays périphérique soit finalement forcé de quitter la zone euro. Si, malgré les coûts économiques et sociaux, tous les pays de la zone euro parvenaient à générer de significatifs excédents de leur compte courant, ce sera désormais au reste du monde d’absorber l’épargne de la zone euro. Puisque le Japon suit la même stratégie, les pays à haut revenu, confrontés à une demande chroniquement faible, semblent s'être finalement résolus à adopter des politiques du chacun pour soi (beggar-my-neighbour policies) [Wolf, 2013b].  

La France est le seul grand pays de la zone euro à encore enregistrer un déficit extérieur. Elle y joue en l’occurrence le rôle de consommateur final. L’ajustement serait tout autre si l’Allemagne acceptait enfin de jouer ce rôle. Michael Pettis (2013) estime que la diminution des taux d’épargne allemands constitue la solution la moins dommageable pour défaire les déséquilibres courants et, en l’occurrence, celle la plus à même de maintenir la cohésion de l’union monétaire. La consommation allemande pourrait s’accroître plus rapidement que le PIB si le gouvernement réduisait l’imposition des classes moyennes et populaires et supprimait les contraintes pesant sur les salaires. L’épargne nationale diminuerait sans que les ménages allemands aient à changer leurs comportements individuels. La diminution de l’excédent courant de l’Allemagne réduirait la masse d’épargne que doit absorber le reste de l’Europe et cette dernière profiterait d’une plus grande demande. A fortiori, l’apparition d’un déficit courant contribuerait particulièrement à l’ajustement des économies périphériques et à relancer l’activité dans l’ensemble de la zone euro. 

 

Références 

DAVIES, Gavyn (2013), « The dramatic adjustment in eurozone trade imbalances », in Financial Times, 9 mai.

PETTIS, Michael (2013), « No, the Spanish can’t be more German - And other myths of the euro crisis », in Foreign Policy, 7 mai.

WOLF, Martin (2013a), « The German model is not for export », in Financial Times, 7 mai. Traduction française, « Le modèle allemand n’est pas exportable », in Le Monde, 9 mai.

WOLF, Martin (2013b), « Europe’s beggar-my-neighbour policy », in Financial Times, 9 mai. 

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28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 22:57

Si le compte courant de la zone euro est relativement équilibré, cet équilibre dissimule de forts déséquilibres internes. A partir de la fin des années quatre-vingt-dix, les pays « périphériques » de la zone euro, en l’occurrence l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie et le Portugal, ont connu d’importants déficits de leur compte courant. Parallèlement, l’Allemagne a su générer de puissants excédents courants depuis le début des années deux mille, peu après avoir mis en place un ensemble de réformes structurelles visant à comprimer les coûts salariaux et accroître sa compétitivité.  La crise mondiale a fait brutalement basculer la périphérie dans un processus de rééquilibrage extérieur. Puisque l’option d’une sortie de la zone euro est pour l’heure écartée, les pays périphériques procèdent à une dévaluation interne afin d’accroître leur compétitivité et d’éliminer leurs déficits courants. Les coûts économiques et sociaux de cet ajustement sont particulièrement lourds : la consommation et l’investissement, pourtant nécessaire pour la compétitivité structurelle, se contractent dans les pays périphériques, tandis que le taux de chômage y atteint des niveaux records. 

Alexandr Hobza et Stefan Zeugner (2013) s’appuient sur une étude de la Commission européenne dont ils sont deux coauteurs pour rappeler que les déséquilibres courants n'ont pas seulement tenus à une divergence entre les coûts salariaux et la productivité. Pour les pays périphérique, l’intégration européenne a facilité leur accès aux financements et ces derniers ont stimulé leur demande intérieure et par là leurs importations, tandis que le processus de rattrapage, fortement inflationniste, a détérioré leur compétitivité. Les déficits courants qui en résultèrent ont été largement financés par l’épargne des pays excédentaires. Ce financement a pris la forme d’une dette et celle-ci a notamment transité par l’intermédiaire des banques allemandes et françaises. Dans les pays excédentaires, la faible offre de crédit a dissimulé d’importantes prises de risque à l’étranger et celles-ci se sont soldées par des pertes élevées pour les créanciers. Les défaillances dans la supervision financière ont donc amplifié les risques associés aux mouvements transfrontaliers de capitaux. 

Hobza et Zeugner soulignent en outre le rôle joué par les hausses exogènes de l'épargne privée au sein des pays excédentaires dans l’apparition des déséquilibres courants. Dans le cœur de la zone euro et en particulier en Allemagne, les faiblesses structurelles des marchés des biens et services ont eu tendance à contenir la demande intérieure. Au lieu d’accorder davantage de prêts aux résidents, les banques allemandes ont préféré exporter l’épargne domestique. Ainsi, même si l’épargne a été importante, peu d’investissements ont été réalisés dans les secteurs domestiques produisant des produits non exportables, notamment la finance, les services et surtout la construction. En revanche, la périphérie a absorbé l’épargne des pays excédentaires pour accroître ses propres dépenses de consommation et d’investissement.

Non seulement les pays excédentaires bénéficieraient d’une réduction de leurs excédents en éliminant les obstacles comprimant leur demande interne, en particulier les contraintes pesant sur la progression salariale, mais cet ajustement serait également bénéfique pour le reste de la zone euro. Jusqu’à présent, les pays déficitaires ont supporté l’essentiel du rééquilibrage au sein de l’union européenne. Puisque les pays excédentaires de la zone euro sont les principaux partenaires commerciaux des pays périphériques, un accroissement de la demande au sein des premiers améliorerait la balance commerciale des seconds en stimulant leurs exportations. En revanche, le maintien de taux d’épargne élevés en Allemagne ne peut être que la source d’un effet dépressif pour la zone euro. Non seulement une telle situation pourrait amener les pays périphériques à opter pour une sortie de la zone euro, mais l’Allemagne serait alors elle-même susceptible de connaître une envolée de son propre taux de chômage. 

 

Références

HOBZA, Alexandr, & Stefan ZEUGNER (2013), « Current-account surpluses in the Eurozone: Should they be reduced? », in VoxEU.org, 26 avril.

PETTIS, Michael (2013), « The saver’s dilemma », in Project Syndicate, 19 février. Tranduction française, « Le dilemme du sauveur ».

SINN, Hans-Werner, & Akos VALENTINYI (2013), « European imbalances », in VoxEU.org, 9 mars.

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