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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 23:12

D’un côté, la reprise est extrêmement faible en zone euro et cette dernière semble peu à peu glisser dans la déflation, ce qui suggère que la demande globale reste insuffisante. L’activité semble même s’essouffler en Allemagne. Dans un tel contexte, où les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro (zero lower bound), les multiplicateurs budgétaires sont plus élevés qu’en temps normal. L'insuffisance persistante de la demande dans les pays avancés et le maintien de faibles taux d'intérêt sur la dette public ont notamment amené le FMI à récemment réclamer une relance dans les infrastructures publiques. De l’autre, les perspectives de croissance à long terme de l’Allemagne sont assombries par le vieillissement démographique, mais aussi par la détérioration des infrastructures publiques, en particulier dans le domaine du transport, avec notamment le vieillissement des ponts et du réseau routier. En effet, l’investissement public en Allemagne représente seulement 1,5 % du PIB, soit l’un des niveaux les plus faibles observés parmi les pays de l’OCDE ; l’investissement public net est même négatif depuis 2003.

Certains ont alors suggéré que l’Allemagne profite de sa marge de manœuvre budgétaire pour adopter un plan de relance massif qui prendrait la forme d’investissements publics ; non seulement ceux-ci stimuleraient l’activité dans l’ensemble de la zone euro à court terme et atténueraient les pressions déflationnistes, mais ils stimuleraient également la croissance potentielle de l’Allemagne puisqu’ils génèrent du capital public productif [Baxter et King, 1993]. Par exemple, les études réalisées par Stefan Bach et alii (2013) et Jörg Zeuner (2013) ont suggéré qu’un éventuel accroissement de l’investissement public stimulerait la croissance de l’Allemagne et que cette dernière disposait des ressources financières pour financer un tel programme sans pour autant ne pas respecter ses règles budgétaires.

Dans une récente contribution pour le FMI, Selim Elekdag et Dirk Muir (2014b) ont cherché à évaluer quantitativement les conséquences macroéconomique d’un plus grand investissement public en Allemagne tant sur celle-ci que sur le reste de la zone euro. Selon les résultats obtenus à l’issu de leur modélisation, un plus grand investissement public en Allemagne stimulerait la demande domestique à court terme, mais il stimulerait également la production allemande à long terme. Non seulement un accroissement du stock de capital public accroîtrait directement le PIB allemand, mais il accroîtrait également la productivité des autres intrants, si bien qu’il stimulerait l’investissement privé et l’emploi, donc finalement de nouveau le PIB. Par exemple, une hausse des investissements publics allemands représentant 0,5 % du PIB sur 4 ans augmenterait le PIB réel de 0,75 %. Un tel programme aurait également des répercussions significatives sur les économies voisines. Il accroîtrait le PIB de la zone euro et il stimulerait tout particulièrement l’activité en Grèce, en Irlande, en Italie, au Portugal et en Espagne, les pays « périphériques » qui ont subi les plus fortes turbulences sur les marchés obligataires lors de la crise de la dette souveraine et qui durent alors embrasser l’austérité budgétaire.

Même si les délais dans la mise en œuvre des projets peuvent rendre moins efficace la relance budgétaire à court terme, les effets expansionnistes d’un plus grand investissement public sont substantiellement renforcés lorsque la politique monétaire est accommodante, ce qui est précisément le cas de la zone euro. Dans un tel contexte, Elekdag et Muir estiment qu’une hausse des investissements publics allemands représentant 0,5 % du PIB sur 4 ans accroîtrait le PIB de la zone euro de 0,33 %. Bref, l’environnement macroéconomique actuel, marqué par de faibles taux d’intérêt, constitue une réelle opportunité pour financer de plus grands investissements publics.

 

Références

BACH, Stefan, Guido BALDI, Kerstin BERNOTH, Jürgen BLAZEJCZAK, Björn BREMER, Jochen DIEKMANN, Dietmar EDLER, Beatrice FARKAS, Ferdinand FICHTNER, Marcel FRATZSCHER, Martin GORNIG, Claudia KEMFERT, Uwe KUNERT, Heike LINK, Karsten NEUHOFF, Wolf-Peter SCHILL & . Katharina SPIESS (2013), « Germany must invest more in its future », DIW Economic Bulletin, n° 08/2013.

BAXTER, Marianne, & Robert G. KING (1993), « Fiscal policy in general equilibrium », in American Economic Review, vol. 83, n° 3.

ELEKDAG, Selim, & Dirk MUIR (2014a), « Which policies can boost German growth and reduce the current account surplus? », FMI, Germany: Selected Issues, country report, n° 14/217.

ELEKDAG, Selim, & Dirk MUIR (2014b), « Das public kapital: How much would higher German public investment help Germany and the euro area? », FMI, working paper, n° 14/227.

ZEUNER, Jörg (2013), « Investing for the future », KFW Focus on Economics, n° 21.

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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 17:57

L’agence Fitch vient de ramener la dette publique française en catégorie AA. Certains doutent que les agences de notation aient suffisamment d’expertise pour noter les titres publics des grands pays avancés, ce que démontre la relative atonie des marchés lors des dégradations de notations souveraines : malgré la baisse de leur notation, les titres publics continuent de jouer le rôle d’actif sûr et leur taux d’intérêt demeurent historiquement faibles. Ces détériorations ne sont toutefois pas sans avoir des conséquences sur l’activité réelle. En effet, si les agences de notation baissent la note d’un Etat ou menacent de le faire, celui-ci est incité à resserrer sa politique budgétaire pour maintenir la confiance sur les marchés obligataires. Un tel resserrement budgétaire freine la demande globale, en particulier si l’économie était initialement en récession, or la croissance économique demeure le principal déterminant de la soutenabilité de la dette publique. La récession complique également l’assainissement budgétaire en réduisant les recettes fiscales, rendant ainsi l’endettement public encore moins soutenable. La dégradation de la notation souveraine se trouve ainsi justifiée ex post. La poursuite de la récession et la nouvelle détérioration des finances publiques incitent alors les agences de notation à dégrader de nouveau la notation souveraine et d’enfermer le pays dans un cercle vicieux d’austérité budgétaire et de récession.

En utilisant les données de l’agence Standard & Poor’s, Carmen Broto et Luis Molina (2014) observent les « cycles de notation » (rating cycles) à partir d’un échantillon de 67 pays, dont 43 pays émergents. Un cycle de notation complet comprend une phase de dégradation de la note (allant d’un pic à un creux), suivie par une phase d’amélioration où la notation souveraine est ramenée à la hausse, toutefois sans forcément revenir à son niveau initial. Sa périodicité n’est pas nécessairement liée aux cycles d’affaires. Les changements de notation souveraine sont fortement asymétriques, dons la mesure où les phases de dégradation sont plus abruptes et plus rapides que les phases d’amélioration. En d’autres mots, lorsqu’un pays perd sa notation, il lui faut beaucoup de temps pour la retrouver.

Cette asymétrie pourrait s’expliquer par le fait que les signaux sur lesquels les agences se basent pour établir leur notation présentent elles-mêmes une certaine asymétrie. Beaucoup d’études suggèrent toutefois que les agences de notation n’ajustent pas de façon systématiquement leur notation aux indicateurs domestiques. D’une part elles ne répondent aux indicateurs domestiques qu’après un certain délai. Par exemple, Giovanni Ferri et alii (1999) ont analysé la crise asiatique de 1997 et ont constaté que les agences de notation, qui avaient échoué à prédire l’arrivée de la crise, avaient des incitations en termes de réputation à davantage dégrader la notation de ces pays que ne le justifiaient les fondamentaux, ce qui contribua alors à amplifier la crise. De même, les agences de notation ont joué un rôle déterminant dans l’accumulation des déséquilibres qui menèrent à la Grande Récession (en maintenant une bonne note pour des produits risqués) et dans l’aggravation de la crise qui en résulta (en dégradant rapidement les notations des produits structurés risqués, puis celles de certains Etats). Ainsi, les agences de notations seraient excessivement sensibles aux fondamentaux durant les phases de dégradation de note. D’autre part, il se pourrait que les agences soient incitées à donner les notations les plus stables possible, et ce au prix d’un manque de précision. Par conséquent, tant que les fondamentaux changent peu, la notation reste stable, mais si les fondamentaux se dégradent, la notation est rapidement dégradée, ce qui est susceptible de générer de puissantes turbulences sur les marchés des capitaux. 

Broto et Molina ont étudié si les agences de notations régissaient de la même manière aux nouvelles informations concernant l’économie domestique dans les phases haussière et baissière du cycle de notation. Leurs résultats indiquent que de bons fondamentaux peuvent aider à lisser ou ralentir le rythme des dégradations, alors qu’ils ne semblent pas accélérer la reprise de la notation. Si les phases de dégradation ont un caractère procyclique, quoique marqué par un certain délai, les phases d’amélioration tendent par contre à être visqueuses.

 

Références

BROTO, Carmen, & Luis MOLINA (2014), « Sovereign ratings and their asymmetric response to fundamentals », Banque d'Espagne, document de travail, n° 1428.

FERRI, Giovanni, L. G LIU & Joseph E. STIGLITZ (1999), « The procyclical role of rating agencies: Evidence from the East Asian crisis », Banca Monte dei Paschi di Siena, Economic Notes, vol. 28, n° 3.

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6 décembre 2014 6 06 /12 /décembre /2014 20:08

La récente crise mondiale a éclaté alors même que la dette publique atteignait déjà des niveaux élevés dans les pays avancés. La déprime de l’activité et la mise en œuvre des plans de relance budgétaire ont davantage détérioré les finances publiques, si bien que plusieurs gouvernements, en particulier dans la zone euro, ont rapidement resserré leur politique budgétaire, dans la crainte de voir leur dette publique suivre une trajectoire explosive, avant même que leurs économies ne retrouvent la trajectoire d’avant-crise de leur PIB et le plein emploi. Plus de six ans après l’effondrement de Lehman Brothers, l’activité continue de stagner et le chômage de persister à un niveau élevé dans plusieurs pays européens.

Au niveau théorique, les économistes ne s’accordent pas sur la forme exacte des mesures que devrait adopter un gouvernement s’il devait réduire sa dette publique, a fortiori lorsqu'il doit le fait alors même que la croissance économique est particulièrement faible et le chômage élevé. Le débat s'est souvent cristallisé autour de la taille du multiplicateur budgétaire. Les modèles néoclassiques suggèrent qu’une hausse des impôts est particulièrement nocive à l’activité économique, parce qu’elle génère un effet de richesse négatif sur la consommation et accroît les coûts de production des entreprises. Par contre, une baisse des impôts serait selon eux susceptible de stimuler l’activité. Les travaux d'Alesina ont également suggéré qu’une baisse des dépenses publiques stimule directement l’activité. De leur coté, les modèles des nouveaux keynésiens mettent particulièrement en garde contre les baisses des dépenses publiques, car celles-ci dépriment directement la demande globale et éloignent ainsi davantage l’économie du plein emploi. L’impact sur la demande est encore plus important si les ménages ne peuvent lisser leurs dépenses de consommation dans le temps, si l’économie connaît une récession et si les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro (zero lower bound), car le multiplicateur budgétaire est alors particulièrement élevé.

Selon Salvatore Dell’Erba, Ksenia Koloskova et Marcos Poplawski-Ribeiro (2014), les consolidations budgétaires sont susceptibles d’emprunter plusieurs canaux de transmission pour affecter l’économie à moyen terme. Si des effets d’hystérèse sont à l’œuvre, le niveau naturel du chômage est susceptible d’être influencé par les valeurs passées du chômage : plus le chômage augmente avec la poursuite d’une récession, plus le chômage structurel s’accroît également, plus il devient difficile de le réduire. Brad De Long et Larry Summers (2012) et Christina Romer (2012) ont particulièrement développé cette hypothèse dans le contexte de la Grande Récession. Ils rappellent que lorsque l’économie est déprimée, les travailleurs restent au chômage pendant une longue durée, ce qui réduit leurs perspectives d’embauche (en réduisant leur capital social et humain et en les décourageant),  et, au niveau agrégé, aggrave le niveau de chômage à long terme. En outre, lorsque l’économie est déprimée, les entreprises investissent peu, ce qui freine l’accumulation du capital et réduit la production potentielle.

A partir d’un échantillon de 17 pays de l’OCDE (en l'occurrence En l’occurrence, l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Irlande, l'Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède), Dell’Erba et alii ont observé l’impact des consolidations budgétaires sur la production, sur l’emploi et sur le chômage lors des récessions prolongées, par exemple lorsque la contraction économique dure au moins deux années successives. Plus précisément, ils cherchent à déterminer la taille du multiplicateur budgétaire associé aux plans d’austérité. Ils identifient les chocs budgétaires que génèrent les gouvernements désireux de réduire le déficit public, c’est-à-dire qui sont indépendantes de toute considération conjoncturelle.

Ils constatent que les multiplicateurs budgétaires cumulatifs relatifs à la production, à l’emploi et au chômage sur des horizons de cinq ans sont significativement supérieurs à l'unité durant les épisodes de récessions prolongées. En l’occurrence, en ce qui concerne la production, le multiplicateur de moyen terme est approximativement proche de 2 sur un horizon de 5 ans lors des récessions prolongées, alors qu’il n’atteint que 0,6 en temps normal. Cela signifie que durant les récessions prolongées une hausse cumulative dans l’excédent primaire d’un euro entraîne une baisse cumulative de 2 euros de la production sur un horizon de 5 ans. Le ratio d’emploi décline de façon persistante après une consolidation budgétaire durant les récessions prolongées. En effet, le multiplicateur d’emploi est alors supérieur à 3, alors qu’il n’est que de 0,5 en moyenne : une hausse cumulative de l’excédent primaire représentant 1 % du PIB entraîne une baisse de 3 points de pourcentage du taux d’emploi. Le taux de chômage s'accroît de façon persistante avec un multiplicateur estimé à moyen terme d’environ 1,5 : une hausse cumulative de l’excédent primaire de 1 % du PIB entraîne une hausse cumulative de 1,5 point de pourcentage du taux de chômage sur un horizon de 5 ans. 

Dell’Erba et ses coauteurs distinguent ensuite entre les ajustements budgétaires passant par une baisse des dépenses publiques et ceux passant par une hausse des impôts. Leur analyse empirique suggère alors que l’asymétrie dans les valeurs du multiplicateur budgétaire ne s’observe en fait que pour les seules hausses des dépenses publiques : lorsque le gouvernement réduit leurs dépenses publiques, l’impact sur l’activité économique sera significativement plus élevé pendant des récessions prolongées qu’en temps normal. Par contre, que l’économie connaisse ou non une récession prolongée, le multiplicateur budgétaire associé aux hausses d’impôts ne change guère.

En d’autres termes, si un gouvernement doit adopter un plan d’austérité budgétaire alors même que la croissance est faible et le chômage élevé, il devrait privilégier les hausses d’impôts sur la baisse des dépenses publiques. S’il baisse tout de même ses dépenses publiques, cette mesure risque de prolonger la récession et de fortement l’aggraver, ce qui conduirait non pas à une baisse, mais bien à une hausse du ratio d’endettement public avec le tassement des recettes fiscales : l'austérité serait vouée à l'échec. Ainsi, non seulement l’activité économique et l’emploi s’en trouveraient pénalisés, mais les finances publiques continueraient de se dégrader. Le mieux reste bel et bien que les gouvernements adoptent une politique budgétaire contracylique : en assouplissant celle-ci pour relancer l'activité lors des récessions, puis en la resserrant lorsque la reprise s'est pleinement engagée afin de nettoyer leurs finances publiques.

 

Références

DELL’ERBA, Salvatore, Ksenia KOLOSKOVA et Marcos POPLAWSKI-RIBEIRO (2014), « Medium-term fiscal multipliers during protracted recessions », FMI, working paper, n° 14/213, décembre.

DELONG, J. Brad, & Lawrence SUMMERS (2012), « Fiscal policy in a depressed economy », Brookings Papers on Economic Activity, vol. 44, n° 1.

ROMER, Christina (2012), « Fiscal policy in the crisis: Lessons and policy implications ».

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