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3 mars 2016 4 03 /03 /mars /2016 16:31

Selon des institutions internationales comme le FMI (2014), le temps est venu de relancer l’investissement dans les infrastructures publiques. En effet, la croissance mondiale est relativement décevante ; elle est faible dans les pays développés et en particulier dans les pays de la zone euro. En outre, les coûts d’emprunt des gouvernements se maintiennent à des niveaux historiquement faibles. Enfin, des goulots d’étranglement du côté de l’offre sont susceptibles de freiner la croissance potentielle et la croissance à moyen terme dans plusieurs pays en développement. Le stock de capital public reste insuffisant dans les pays en développement, tandis qu’il s’est dégradé ces dernières décennies dans les pays avancés, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne.

Certains économistes, comme Paul Krugman (2016), vont encore plus loin en affirmant que de nombreuses économies font toujours face à une trappe à liquidité ou sortent à peine de celle-ci. Dans une telle situation, le taux d’intérêt qui ramène les économies au plein emploi (le « taux d’intérêt naturel ») est négatif, or le taux d’intérêt nominal peut difficilement aller en-deçà de zéro. La politique monétaire conventionnelle voit sa marge de manœuvre limitée, alors même que l’efficacité des mesures non conventionnelles (notamment le forward guidance et l’assouplissement quantitatif, le quantitative easing) est discutable. Le fait que les taux d’intérêt nominaux soient contraints par leur borne inférieure rend encore moins probable que les banques centrales resserrent leur politique monétaire face à une relance budgétaire. Surtout, la relance budgétaire, si elle passe par un surcroît d’investissement public, contribuerait par contre efficacement à relever le taux d’intérêt naturel et à sortir les économies de la trappe à liquidité. Certains vont encore plus loin en suggérant, à travers l’hypothèse d’une stagnation séculaire, que le taux d’intérêt naturel est structurellement poussé en territoire négatif, en raison d’une faiblesse persistante de l’investissement et d’une épargne excessive [Summers, 2014]. Autrement dit, les économies, en particulier développées, font face à une insuffisance durable de la demande globale et au risque récurrent de se retrouver dans une trappe à liquidité. Une relance par les infrastructures publiques contribuerait à accroître l’investissement et à absorber une partie de l’épargne excédentaire.

En utilisant des données de panel à partir d’un large échantillon de pays et des simulations de modèles, le FMI (2014) concluait que la hausse de l’investissement dans les infrastructures publiques pouvait accroître la production non seulement à court terme (via les effets multiplicateurs), mais aussi à long terme (via son impact positif sur les capacités de production de l’économie), en particulier lorsque l’activité économique est fragile et la politique monétaire accommodante. En outre, même si cette relance est financée par emprunt, le ratio dette publique sur PIB est susceptible de diminuer, dans la mesure où le numérateur s’accroître plus lentement que le dénominateur. Autrement dit, si elle est correctement mise en œuvre, elle peut s’autofinancer. Focalisés dans le cadre de la zone euro, Selim Elekdag et Dirk Muir (2014) se sont penchées sur les répercussions d’une relance budgétaire allemande qui prendrait la forme d’un surcroît d’investissement public. Ils estiment que celle-ci pourrait non seulement stimuler la demande domestique à moyen terme et réduirait les excédents courants, mais qu’elle stimulerait également la production domestique à long terme et l’activité dans le reste de la zone euro, si bien qu'elle contribuerait à l'ajustement de l'union monétaire. A nouveau, les effets de la relance par les infrastructures publiques sont d’autant plus importants que la politique monétaire est accommodante et les taux d’intérêt bas.

Plus récemment, Giovanni Ganelli et Juha Tervala (2016) ont analysé les multiplicateurs de bien-être des dépenses publiques, c’est-à-dire les variations du bien-être, équivalentes en termes de consommation, pour un euro de dépense publique) dans un modèle DSGE d’obédience néo-keynésienne. Les multiplicateurs de bien-être associés à l’investissement en infrastructures publiques sont positifs si ce dernier est suffisamment efficace, c’est-à-dire si l’élasticité de la production à l’investissement en infrastructures publiques est élevée. La méta-analyse réalisée par Pedro Bom et Jenny Ligthart (2013) suggérait que l’élasticité-production de l’infrastructure publique s’élève à environ 8 % ; or, Ganelli et Tervala constatent que le multiplicateur de bien-être est positif, dès lors que l’élasticité-production de l’infrastructure publique est légèrement supérieur à 3 %. Si les multiplicateurs de la production à moyen terme sont du même ordre que ceux obtenus par les estimations empiriques (c’est-à-dire compris entre 1 et 1,4), le multiplicateur de bien-être domestique s’élève à 0,8, ce qui signifie que tout euro supplémentaire que le gouvernement dépense en investissement accroît le bien-être de la population de l’équivalent d’un supplément de 0,8 euros de dépenses de consommation privée. Cela suggère que les gains en bien-être de l’investissement public dans les infrastructures peuvent être substantiels. Surtout, si l’ensemble des pays adoptaient simultanément des plans de relance se renforceraient mutuellement via le canal des échanges internationaux. Ganelli et Tervala estiment en effet que le multiplicateur de bien-être mondial s’élève à 0,9. Au final, il apparaît qu’une relance mondiale des infrastructures publiques n’aurait pas pour seules conséquences d’accroître la production et de réduire le ratio dette publique sur PIB ; elle aurait également de larges bénéfices en termes de bien-être.

 

Références

BOM, Pedro R.D., & Jenny E. LIGTHART (2013), « What have we learned from three decades of research on the productivity of public capital », in Journal of Economic Surveys, vol. 28, n° 5.

ELEKDAG, Selim, & Dirk MUIR (2014b), « Das public kapital: How much would higher German public investment help Germany and the euro area? », FMI, working paper, n° 14/227.

FMI (2014), « Is it time for an infrastructure push? The macroeconomic effects of public investment », in World Economic Outlook, octobre 2014.

GANELLI, Giovanni, & Juha TERVALA (2016), « The welfare multiplier of public infrastructure investment », FMI, working paper, n° 16/40, février.

KRUGMAN, Paul (2016), « The cases for public investment », in The Conscience of a Liberal (blog), 27 février. Traduction disponible sur Annotations.

SUMMERS, Lawrence (2014), « U.S. economic prospects: Secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound », in Business Economics, vol. 49, n° 2.

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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 14:29

Pourquoi la politique économique peut-elle échouer ? Selon une première interprétation, les responsables politiques sont bienveillants et ils commettent des erreurs parce que les théories économiques sont erronées, donc incapables de décrire la politique économique adéquate. L’un des exemples historiques d’une telle erreur est la Grande Dépression des années trente : la théorie qui dominait alors, en l’occurrence la théorie néoclassique, était incapable d’expliquer pourquoi une crise de surproduction pouvait persister, alors même que le mécanisme censé ramener l’économie à l’équilibre (la déflation) était à l’œuvre. Il fallut attendre la Théorie générale de Keynes pour pouvoir expliquer la crise et offrir une solution : la Grande Dépression peut s’interpréter comme résultant d’une insuffisance de la demande globale et aucun mécanisme marchand ne semble à même de ramener l’économie naturellement à l’équilibre, si bien que les autorités publiques doivent intervenir pour stimuler la demande globale. 

Cette première interprétation est pourtant peu pertinente pour expliquer les grandes crises macroéconomiques suivantes, notamment la stagflation des années soixante-dix et la récente grande crise mondiale. Beaucoup ont l’habitude d’expliquer chacune de ces crises par une erreur dans la théorie qui était dominante à l’époque où elle s’est produite. Par exemple, lors de la Grande Inflation des années soixante-dix, les responsables s’appuyaient sur la courbe de Phillips, or celle-ci suggérait qu’il était possible d’arbitrer entre chômage et inflation, c’est-à-dire qu’il suffisait de laisser l’inflation s’accélérer pour que le chômage diminue. Si un tel arbitrage semblait encore à l’œuvre durant les années soixante, ce ne fut plus le cas lors de la décennie suivante : le chômage et l’inflation augmentaient non plus alternativement, mais simultanément. Comme certains ont pu le suggérer, notamment les monétaristes, puis les nouveaux classiques, la courbe de Phillips pourrait en fait être simplement verticale à long terme, si bien que les possibilités d’arbitrage disparaissent à long terme. Avant qu’éclate la récente crise financière, les responsables de la politique économique auraient pris de mauvaises décisions en s’appuyant excessivement sur des modèles négligeant la finance, c’est-à-dire qui supposent impossibles les crises financières. Simon Wren-Lewis (2015c) juge toutefois ces deux récits excessivement simplistes. Au cours de ces deux épisodes, la théorie susceptible d’expliquer ces crises était disponible et la question à se poser est alors pourquoi ce savoir n’a-t-il pas été utilisé.

Ainsi, pour expliquer pourquoi la politique économique connait régulièrement des échecs, il est possible de considérer que ce n’est pas la théorie économique qui est fautive, mais les responsables même de la politique économique : s’ils ne cherchent qu’à satisfaire des intérêts particuliers, ils peuvent ignorer la théorie qui fait consensus, si bien que leurs décisions peuvent ne pas être optimales d’un strict point de vue macroéconomique et nuire finalement à l’intérêt général.

Ce n’est pourtant pas cette deuxième interprétation, mais une troisième que privilégie Wren-Lewis : il est possible, d’une part, que les responsables politiques désirent prendre les meilleures décisions et, d’autre part, que le consensus en macroéconomie soit juste. Ce qui peut être par contre défaillant, c’est ce que Wren-Lewis appelle le « mécanisme de transmission du savoir » (knowledge transmission mechanism). Il désigne par ce terme le processus par lequel les idées macroéconomiques des universitaire sont prises (ou non) en compte dans l’orientation de la politique macroéconomique.

Wren-Lewis se penche alors sur la crise de la zone euro et sur les développements qui ont touché en parallèle les Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il rappelle que les modèles keynésiens préconisent d’adopter des politiques conjoncturelles contracycliques, c’est-à-dire de les assouplir lorsque l’économie fonctionne bien en-deçà de son potentiel et que le chômage est élevé, mais de ne les resserrer que lorsque la reprise est achevée, c’est-à-dire lorsque le PIB a rejoint la trajectoire tendancielle qu’il suivait avant la crise. En effet, les multiplicateurs budgétaires sont particulièrement élevés lors d’une récession, en particulier lorsque l’économie fait face à une trappe à liquidité (un plan de relance est alors des plus efficaces et un plan d’austérité des plus nocifs à l’activité) ; ils sont faibles lorsque l’économie a achevé sa reprise (la relance y est alors inefficace, voire même nocive, tandis que l’austérité est alors la moins dommageable à l’activité). En outre, lorsque l’économie est en récession, c’est-à-dire lorsque la demande d’actifs sûrs est forte, le creusement du déficit public et l’émission résultante de titres public contribuent à satisfaire cette demande. Bref, les gouvernements doivent attendre que la reprise soit achevée pour chercher à consolider leurs finances publiques. S’ils resserrent hâtivement leur politique budgétaire, ils risquent non seulement d’avorter la reprise et de provoquer une récession, mais aussi ne pas parvenir à se désendetter : les ratios dette publique sur PIB sont susceptibles de poursuivre leur hausse.

Les préconisations des modèles des nouveaux keynésiens ont alors été ignorées. Certes les gouvernements des pays avancés ont effectivement adopté des plans de relance lors de la Grande Récession, ce qui permit d’éviter une crise d’une aussi grande ampleur que la Grande Dépression des années trente. Malheureusement, lorsque la crise grecque éclata, les gouvernements de la zone euro, tout comme ceux du Royaume-Uni et des Etats-Unis y réagirent en adoptant des plans d’austérité. Cette généralisation de l’austérité a alors pesé sur le rythme de reprise, affaibli davantage l’inflation et surtout poussé la zone euro dans une seconde récession  Certains modèles macroéconomiques suggèrent que pour la zone euro dans son ensemble, ce resserrement de la politique budgétaire peut avoir amputé 10 % de son PIB. 

Wren-Lewis se demande alors pourquoi le mécanisme de transmission du savoir a échoué en 2010. Il souligne le rôle qu’ont (mal) joué les think tanks, les médias, le secteur financier et les ministères des Finances dans la transmission, mais c’est surtout sur un acteur qu’il se penche tout particulièrement : les banques centrales. Ces dernières ont certes la responsabilité de la politique monétaire, mais elles sont aussi le lieu où réside le savoir sur les cycles d’affaires et les politiques budgétaires. Pour faire leurs prévisions et évaluer les répercussions de telle ou telle mesure de politique économique, les banques centrales s’appuient essentiellement sur les modèles des nouveaux keynésiens, si bien qu’elles connaissent parfaitement les répercussions de la politique budgétaire, en particulier lorsque l’économie est confrontée à une trappe à liquidité. Pourtant, les banquiers centraux n’ont pas critiqué, du moins pas explicitement, le resserrement des politiques budgétaires, alors que ce dernier complique leur mission. Au contraire, la BCE a même appelé à plusieurs reprises à la consolidation budgétaire, alors que cette dernière est promise à dégrader la production et l’inflation à l’instant même où la BCE ne contrôle ni l’une, ni l’autre. 

Wren-Lewis estime que l’austérité peut servir les intérêts d’une certaine élite et que les banques centrales peuvent facilement les défendre. Les banquiers centraux souffrent en outre d’une trop grande proximité avec le secteur financier. Surtout, ils craignent pour leur indépendance et leur crédibilité. En l’occurrence, si la dette publique s’accroît fortement, les banques centrales ont peur d’être forcées de la monétiser et de perdre par là le contrôle de l’inflation. Ces craintes les amène à encourager une consolidation budgétaire qu’elles se montrent incapables de compenser. Elles connaissent les répercussions des plans d’austérité sur l’activité et l’inflation, mais elles nourrissent encore une confiance excessive envers l’efficacité de leurs mesures non conventionnelles. La sortie d’une trappe à liquidité exige pourtant que la relance budgétaire soutienne l’expansion monétaire. Malheureusement, l’indépendance des banques centrales a peut-être amélioré l’efficacité de la politique monétaire, mais elle a également réduit les chances d’une telle coopération entre autorités budgétaires et autorités monétaires.

 

Références

WREN-LEWIS, Simon (2015a), « The knowledge transmission mechanism and macroeconomic crises », in Mainly Macro (blog), 3 juin. Traduction disponible sur Annotations.

WREN-LEWIS, Simon (2015b), « Austerity as a knowledge transmission mechanism failure », in Mainly Macro (blog), 7 juin. Traduction disponible sur Annotations.

WREN-LEWIS, Simon (2015c), « The knowledge transmission mechanism and austerity. Why policy makers, rather than academic economists, made macroeconomic errors in 2010 », IMK, working paper, décembre.

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6 décembre 2015 7 06 /12 /décembre /2015 17:31

La crise financière mondiale de 2008 a entraîné un accroissement de la dette publique : d’une part, elle a réduit directement les recettes fiscales en freinant l’activité économique ; d’autre part, elle a pu inciter les gouvernements à adopter des plans de relance, c’est-à-dire à accroître délibérément leurs dépenses publiques et à alléger la fiscalité, pour stimuler l’activité. Dans plusieurs pays, en particulier les pays avancés, les déficits publics se sont fortement détériorés alors même que le niveau de dette publique était initialement élevé. Cette nouvelle détérioration des ratios d'endettement a suscité d’autant plus d’inquiétudes que de nombreux pays font face à un vieillissement démographique qui pèsera immanquablement ces prochaines décennies sur les finances publiques. 

Isabel Ortiz, Matthew Cummins, Jeronim Capaldo et Kalaivani Karunanethy (2015) ont examiné les prévisions budgétaires de 187 pays fournies par le FMI pour la période s’étalant entre 2005 et 2020. L’analyse des prévisions budgétaires met en évidence deux phases distinctes dans les dynamiques budgétaires depuis le début de la crise financière mondiale. Lors d’une première période s’écoulant entre 2008 et 2009, la plupart des gouvernements ont adopté des plans de relance budgétaire afin de soutenir l’activité et l’emploi. Par contre, à partir de 2010, les gouvernements ont cherché à stabiliser leur endettement, si bien que les baisses de dépenses publiques et les hausses d’impôts ont eu tendance à se généraliser à travers le monde. La seconde période est caractérisée par deux chocs budgétaires majeurs : un premier survenant entre 2010 et 2011 et un second commençant en 2016 et durant au moins jusqu’en 2020.

Les mesures de consolidation budgétaire, quelle que soit leur forme, pèsent sur l’activité économique et l’emploi, ce qui contribue par là même à réduire leur efficacité. Le resserrement de la politique budgétaire en 2010 a pu apparaître prématuré dans la mesure où la reprise était lente et où le chômage restait élevé dans plusieurs pays, alors même que les pertes de production occasionnées par la crise financière mondiale n’avaient pas été comblées. Les mesures d’austérité ont pu conduire à éloigner davantage le PIB et l’emploi des trajectoires qu’ils auraient suivie s’il n’y avait eu ni crise financière mondiale, ni ajustement budgétaire. Autrement dit, la Grande Récession et la généralisation de l’austérité qui l’a suivie ont appauvri de façon permanente les populations. Au final, la Grande Récession a beau avoir été moins sévère et plus courte que la Grande Dépression, grâce à l’assouplissement des politiques conjoncturelles, mais la reprise qui l’a suivie a été plus lente que celle qui a suivi la crise des années trente en raison de l’austérité budgétaire : sept ans après le début de la crise, les pertes en production mondiale suite à la Grande Récession se sont révélées être plus persistantes que celles occasionnées lors de la Grande Dépression [O’Rourke, 2015].

GRAPHIQUE  Production industrielle mondiale (en indices, base 100 au pic d’avant-crise)

L’économie mondiale face à une décennie d’austérité

source : O’Rourke (2015)

Ortiz et ses coauteurs ont examiné 616 country reports réalisés par le FMI pour identifier quelle forme prend l’ajustement budgétaire dans chaque pays. Ils constatent que les gouvernements s’appuient sur diverses mesures pour consolider leurs finances publiques. En l’occurrence, 132 pays ont recours à des réductions de subventions, notamment sur le carburant, l’agriculture et les produits alimentaires ; 130 pays ont réductions à des réductions ou gels des salaires, notamment dans les secteurs publics de l’éducation et de la santé ; 107 pays réduisent les aides sociales ; 105 pays réforment leur système de retraite ; 89 pays réforment leur marché du travail ; 56 pays réforment leur système de santé. Outre les réductions de dépenses publiques, plusieurs pays ont recours à des hausses d’impôts pour consolider leurs finances publiques. En l’occurrence, 138 pays introduisent ou augmentent des taxes à la consommation (notamment une TVA) ; 55 pays privatisent les services publics et vendent des actifs publics. Les auteurs notent que les mesures d’austérité sont loin d’être adoptées par les seuls gouvernements européens. La majorité des mesures d’austérité qui sont mises en œuvre à travers le monde sont en fait adoptées par les pays en développement.

L’ajustement budgétaire à venir devrait affecter 132 pays en 2016 et persister jusqu’en 2020 selon les estimations d’Ortiz et alii. Le monde en développement en sera le plus sévèrement affecté. 81 pays en développement et 45 pays à haut revenu devraient réduire leurs dépenses publiques au cours du prochain choc. La comparaison du choc prévu ces prochaines années avec la période comprise entre 2005 et 2007 suggère qu’un tiers des pays réduisent excessivement leurs dépenses publiques. L’austérité budgétaire devrait affecter plus des deux tiers des pays entre 2016 et 2020 et concerneront par là même plus de 6 milliards de personnes, soit 80 % de la population mondiale.

La poursuite de l’austérité après 2016 ne manquera pas d’affecter le PIB et l’emploi via ses répercussions sur la demande globale. Les prévisions que réalisent Ortiz et ses coauteurs à partir d’un modèle macroéconomique des Nations Unies indiquent que les réductions budgétaires de ces cinq prochaines années affecteront négativement le PIB et l’emploi dans toutes les régions. En 2020, le PIB mondial sera inférieur de 5,5 % à ce qu’il serait si les gouvernements n’adoptaient pas de mesures d’austérité ces cinq prochaines années ; cette perte en production mondiale se traduira par la perte nette de 12 millions d’emplois à travers le monde sur la seule période comprise entre 2016 et 2020. Les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure seront les pays les plus affectés par l’austérité : en 2020, le PIB des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure sera inférieur de 7,5 % à ce qu’il serait en l’absence d’austérité ces cinq prochaines années ; le PIB des pays à faible revenu sera inférieur de 6 % à ce qu’il serait en l’absence d’austérité. Quant aux pays à haut revenu, leur PIB et leur emploi seront respectivement inférieurs de 4,98 % et 4,75 % aux niveaux qu’ils atteindraient si leurs gouvernements n’adoptaient pas de mesures d’austérité. Géographiquement, ce seront les pays de l’Asie de l’Est et du Pacifique (subissant en moyenne une perte de 11 % de leur PIB) qui seront les plus affectés. En l’occurrence, l’austérité devrait amputer 13 % du PIB en Chine.

 

Références

O’ROURKE, Kevin (2015), « It has finally happened », in The Irish Economy (blog), 29 novembre. Traduction française, « C’est finalement arrivé », in Annotations.

ORTIZ, Isabel, Matthew CUMMINS, Jeronim CAPALDO & Kalaivani KARUNANETHY (2015), « The decade of adjustment: A review of austerity trends 2010-2020 in 187 countries », Organisation Internationale du Travail, ESS working paper, n° 53.

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