Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 mai 2016 1 30 /05 /mai /2016 08:00

Il y a eu une tendance généralisée vers l’adoption de politiques « néolibérales » depuis les années quatre-vingt, comme le suggèrent divers indicateurs mesurant le degré de concurrence (cf. graphique). Cette plus grande concurrence, obtenue notamment par une vague de déréglementations et de privatisations, est censée stimuler la croissance économique. La libéralisation des comptes de capital devrait lisser la consommation des ménages en contribuant au partage des risques. En outre, elle est censée stimuler le rattrapage des pays en développement vis-à-vis des pays développés en canalisant l’épargne vers son usage le plus productif ; les résidents des pays pauvres obtiennent ainsi le financement qui leur manquait pour investir et sortir leur économie de sa trappe à sous-développement. Les investissements directs à l’étranger (IDE) contribuent à diffuser les technologies et les savoir-faire dans les pays en développement. Outre l’accroissement de la concurrence, les politiques néolibérales ont également eu pour objectif la réduction de la place de l’Etat dans l’économie, via la consolidation budgétaire et la privatisation des entreprises publiques.

Les économistes du FMI passent au crible les politiques néolibérales

source : FMI (2016)

Le Chili, véritable laboratoire du néolibéralisme sous Pinochet, est présenté par certains comme un exemple de réussite économique ; Milton Friedman parlait notamment à son égard de véritable « miracle économique ». L’adoption de politiques néolibérales a certainement contribué à améliorer la situation des populations en divers domaines. Par exemple, l’essor des échanges internationaux a contribué à sortir des millions de personnes de la pauvreté extrême. Pour autant, ces mêmes politiques ont fait l’objet de critiques récurrentes. Jonathan Ostry, Prakash Loungani et Davide Furceri (2016), trois économistes du FMI, se sont par conséquent penchés sur deux axes majeurs de l’agenda néolibéral, afin de déterminer s’ils conduisent effectivement à une accélération de la croissance.

Ils se penchent tout d’abord sur le lien entre croissance économique et ouverture financière. Si les IDE semblent effectivement stimuler la croissance à long terme, ce n’est pas forcément le cas des autres mouvements de capitaux, notamment les investissements de portefeuille, les flux bancaires et autres flux spéculatifs, qui sont susceptibles d’alimenter des booms insoutenables du crédit et de l’activité, d’entraîner des crises financières synchrones à de sévères récessions, voire même de freiner la croissance à long terme en alimentant ce qui s’apparente à une véritable « maladie hollandaise ». Ainsi, si les gains de l’ouverture financière en termes de croissance sont incertains, les coûts sont par contre manifestes. Atish Ghosh, Jonathan Ostry et Mahvash Qureshi (2016) ont observé que, depuis 1980, une cinquantaine de pays émergents ont connu 150 épisodes de forts afflux de capitaux ; dans 20 % des cas, l’épisode s’est soldé par une crise financière et la majorité de ces crises financières se sont accompagnées d’une forte chute de la production domestique.

En outre, Davide Furceri et Prakash Loungani (2015) ont identifié plusieurs canaux à travers lesquels l’ouverture du compte de capital est susceptible d’influencer la répartition des revenus. Leur étude empirique les amène à conclure que l’ouverture financière tend en l’occurrence à accroître les inégalités de revenu au sein de chaque pays et cet effet serait particulièrement aigu lorsqu’une crise éclate ; or une aggravation des inégalités de revenu est susceptible de freiner la croissance à long terme, comme l’ont notamment démontré Andrew Berg, Jonathan Ostry et Charalambos Tsangarides (2014).

Ces divers constats ont récemment amené les économistes d’institutions internationales, notamment ceux du FMI, à reconsidérer l’impact des mouvements internationaux de capitaux et à préconiser l’instauration de contrôles de capitaux pour freiner les flux spéculatifs, tout du moins dans les pays en développement. Joseph Stiglitz n’a pas manqué de noter que le Chili a peut-être su réaliser de très bonnes performances macroéconomiques suite à l’adoption de politiques néolibérales précisément parce qu’il le fit en maintenant un contrôle des capitaux le préservant des afflux de capitaux déstabilisateurs, ce qui ne fut pas le cas des pays asiatiques au milieu des années quatre-vingt-dix.

La réduction de la taille de l’Etat est également inscrite dans l’agenda néolibéral, avec pour objectif final et officiel de limiter l’endettement de l’Etat. Pourtant, la théorie économique ne permet de trancher sur ce que pourrait être la cible optimale de la dette publique. Certes, certains pays comme ceux en « périphérie » de la zone euro ont été contraints à embrasser l’austérité ces dernières années en raison de leur perte d’accès au financement de marché, mais Ostry et alii (2015) doutent qu’il soit justifié de réduire rapidement la dette publique dans des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis qui disposent d’une ample marge de manœuvre budgétaire. Les marchés jugent en effet peu probable que ces derniers connaissent une crise de la dette souveraine. Les trois auteurs rappellent en outre que les coûts d’une réduction de la dette publique (via une hausse des impôts ou une baisse des dépenses publiques) sont importants, notamment en détériorant la demande à court terme et le potentiel de croissance à long terme, mais aussi que les gains qui lui sont associés sont faibles : un pays dont la dette publique passe de 120 % à 100 % du PIB en quelques années ne voit pas sa probabilité de connaître une crise diminuer. Les coûts d’une réduction de la dette publique seraient ainsi très souvent supérieurs aux gains. Certes, une dette publique élevée nuit au bien-être de la collectivité et freine la croissance, mais ce coût est un coût irrécupérable : toute réduction subséquente de la dette publique obtenue via des mesures d’austérité ne fait qu’accroître ce coût.

Certains, comme Alberto Alesina ou Jean-Claude Trichet, ont suggéré que les consolidations budgétaires étaient susceptibles de stimuler l’activité économique, ne serait-ce qu’en nourrissant la confiance des entreprises et des ménages. Pourtant, la majorité des études empiriques constatent que les épisodes d’« austérité expansionniste » sont bien rares : en moyenne, les épisodes de consolidation budgétaire tendent à être suivis par des chutes plutôt que par des hausses de la production. Comme l’ont montré Laurence Ball, Davide Furceri, Daniel Leigh et Prakash Loungani (2013), une consolidation budgétaire équivalente à 1 % du PIB entraîne en moyenne une hausse de 0,6 du taux de chômage de long terme et de 1,5 point de pourcentage du coefficient de Gini. En d’autres termes, les plans d’austérité sont notamment susceptibles de freiner la croissance à long terme, ne serait-ce que parce qu’ils contribuent (à l’instar de l’ouverture financière) à aggraver aux inégalités de revenu.

 

Références

BALL, Laurence, Davide FURCERI, Daniel LEIGH & Prakash LOUNGANI (2013), « The distributional effects of fiscal austerity », FMI, working paper, n° 13/51, 21 juin.

BERG, Andrew, Jonathan D. OSTRY, & Charalambos G. TSANGARIDES (2014), « Redistribution, inequality, and growth », staff discussion note, n° 14/02, février.

FURCERI, Davide, & Prakash LOUNGANI (2015), « Capital account liberalization and inequality », FMI, working paper, novembre, n° 15/243.

GHOSH, Atish R., Jonathan D. OSTRY & Mahvash S. QURESHI (2016)« When do capital inflow surges end in tears? », in American Economic Review, vol. 106, n° 5.

OSTRY, Jonathan D., Atish R. GHOSH & Raphael ESPINOZA (2015), « When should public debt be reduced? », FMI, staff discussion note, n° 15/10. 

OSTRY, Jonathan D., Prakash LOUNGANI & Davide FURCERI (2016)« Neoliberalism: Oversold? », in FMI, Finance & Development, vol. 53, n° 2, juin. 

Partager cet article
Repost0
6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 16:56

La croissance a été très lente dans les pays développés depuis la Grande Récession de 2008. La production est restée inférieure à la production potentielle. Or, la persistance même d’une faible croissance tend à dégrader la croissance potentielle en raison des effets d’hystérèse : la faiblesse de la demande désincite les entreprises à investir, que ce soit dans le capital physique ou dans la recherche-développement, ce qui réduit les capacités de production à long terme et freine l’innovation ; les travailleurs perdent d’autant plus en compétences qu’ils restent au chômage, ce qui les rend moins productifs et incite beaucoup d’entre eux à quitter la population active, etc. Les estimations suggèrent ainsi que la croissance potentielle est inférieure à celle d’avant-crise (cf. graphique). Autrement dit, non seulement les économies avancées sont susceptibles d’accroître plus lentement leurs richesses que par le passé, mais elles risquent d’être moins à même d’embaucher, donc de réduire le chômage, que par le passé. Pour autant, le ralentissement de la croissance potentielle n’est pas seulement dû à la Grande Récession : le ralentissement de la croissance de la productivité s’est amorcé avant la crise financière mondiale, ce qui suggère que des forces structurelles sont à l’œuvre.

GRAPHIQUE Evolution de la croissance potentielle et de ses contributions (en points de %)

Beaucoup d’économistes et de responsables politiques ont ainsi appelé à mettre en œuvre des réformes structurelles, tant sur les marchés des biens et services que sur les marchés du travail, afin d’accroître la croissance potentielle. Ces réformes des marchés des produits visent à y améliorer l’allocation des facteurs de production et à y accroître la concurrence, afin d’inciter les entreprises à baisser leurs prix, à diversifier leur production, à en accroître la qualité et à innover. Elles reposent notamment sur la déréglementation de la grande distribution, des services professionnels et de certains secteurs de réseau (secteurs du transport, distribution d’énergie, télécommunications…). Les réformes du marché du travail visent à accroître la rentabilité des entreprises, la demande de travail et l’offre de travail. Elles passent notamment par la réduction des désincitations au retour à l’emploi (notamment en réduisant l’indemnisation du chômage et les minima sociaux), par la simplification des procédures d’embauche et de licenciement, par le développement les politiques actives d’emploi (notamment les formations des chômeurs, afin d’accroître leurs compétences et de les rendre plus employables), par la réduction du coin fiscal (c’est-à-dire la différence entre le coût du travail, supporté par les employeurs, et le salaire net, que reçoit effectivement les salariés), par l’incitation à faire entrer sur le marché du travail des catégories qui en sont éloignées (par exemple, les jeunes, les femmes, les seniors…), etc

Ceux qui appellent aux réformes structurelles estiment qu’elles pourraient également accroître la confiance et par là stimuler la demande globale, en incitant les ménages et les entreprises à davantage consommer et investir. Les réformes menées sur les marchés des produits s’avèrent en l’occurrence complémentaires à celles menées sur le marché du travail : l’accroissement de la demande résultant de la baisse des prix et l’apparition de nouvelles entreprises sur les marchés suite à la réduction des barrières à l’entrée contribueraient à stimuler l’embauche ; la baisse du coût du travail compenserait la baisse des profits résultant de l’ouverture à la concurrence pour les entreprises déjà en place, etc. C’est précisément ce que Mario Draghi (2015), l’actuel président de la BCE, a en tête lorsqu’il appelle les Etats-membres de la zone euro à accélérer la mise en œuvre des réformes structurelles : la stimulation de la demande globale qui en découlerait nourrirait l’inflation, ce qui permettrait à la banque centrale d’écarter le scénario de la déflation et de ramener le taux d’inflation vers sa cible.

D’un autre côté, beaucoup craignent que les réformes structurelles contribuent à déprimer davantage des économies déjà fragiles et à les enfermer dans une trappe déflationniste. Par exemple, la plus grande concurrence sur les marchés des biens et services est, par définition, susceptible de pousser les prix à la baisse, tandis que le retournement du rapport de force en défaveur des travailleurs est susceptible de pousser les salaires à la baisse. La réduction de la protection de l’emploi et des coûts du licenciement vise à inciter les entreprises à embaucher, mais elle pourrait au contraire les inciter dans l’immédiat à davantage licencier, ce qui pourrait accroître immédiatement le chômage et affaiblirait la consommation. Ainsi, plusieurs études suggèrent que les réformes structurelles peuvent peut-être se traduire par des gains à long terme, mais qu'elles ont aussi tendance à détériorer l’activité à court terme. Gauti Eggertsson, Andrea Ferrero et Andrea Raffo (2013) estiment qu’elles s’avèrent contre-productives lorsque l’économie est dans une trappe à liquidité, c’est-à-dire lorsque les taux d’intérêt butent sur leur borne inférieure zéro (zero lower bound). En outre, dans le contexte actuel où le secteur privé et les gouvernements cherchent à se désendetter, une baisse des prix est susceptible d’accroître le fardeau de leur dette via un mécanisme de déflation par la dette à la Fisher. 

Par conséquent, la mise en œuvre de réformes structurelles doit s’accompagner d’un assouplissement des politiques conjoncturelles pour en réduire les coûts à court terme. Or, aujourd’hui, non seulement l’activité reste fragile, le chômage élevé et l’inflation faible, mais les autorités budgétaires et les banques centrales ont une marge de manœuvre réduite pour assouplir leurs politiques conjoncturelles : elles ne parviennent déjà pas à éliminer l’insuffisance de demande globale et à ramener la production à son potentiel, si bien qu’elles peuvent difficilement faire face à un nouveau choc. En effet, les taux directeurs de nombreuses banques centrales sont déjà au plus proche de zéro, voire en territoire négatif, si bien qu’elles peuvent difficilement les réduire davantage ; les différentes mesures « non conventionnelles » qu’elles ont mises en œuvre (par exemple, les achats d’actifs à grande échelle dans le cadre de programmes de quantitative easing, la pratique du forward guidance ou les taux négatifs) peuvent non seulement être peu efficaces pour relancer l’activité, mais elles ont également des effets pervers, puisqu’elles sont susceptibles d’accroître les inégalités et d’alimenter l’instabilité financière. En outre, la relance budgétaire est peut-être susceptible d’être des plus efficaces pour stimuler l’activité (dans la mesure où celle-ci est encore fragile et où les économies sont toujours dans une trappe à liquidité ou proches de cette dernière), mais la forte hausse de l’endettement public suite à la Grande Récession désincite les gouvernements à adopter des plans de relance.

Dans les nouvelles Perspectives de l’économie mondiale du FMI, Romain Duval, Davide Furceri, Alexander Hijzen, João Jalles et Sinem Kılıç Çelik (2016) ont cherché à déterminer si d’éventuelles réformes menées sur les marchés des produits et du travail sont susceptibles de stimuler aujourd’hui l’activité dans les pays développés, en distinguant notamment les réformes selon leur type. Ils constatent que les réformes des marchés des produits et du marché du travail ont tendance à stimuler la croissance de la production et l’emploi à moyen terme, mais qu’un assouplissement des politiques conjoncturelles est nécessaire pour accroître leur impact à court terme en raison de la faiblesse de la demande globale dans les pays avancés. Les réformes menées sur les marchés des produits génèrent des gains à court terme, tandis que l’impact des réformes du marché du travail varie selon le type de réforme mise en œuvre et dépend également de la conjoncture. Les réductions du coin social et la hausse des dépenses publiques dans le cadre de politiques actives de l’emploi ont de plus larges effets durant les périodes de ralentissement économique, en partie parce qu’elles s'inscrivent habituellement dans une forme de relance budgétaire. A l’inverse, les réformes touchant à la protection de l’emploi et à l’indemnisation du chômage ont des effets positifs en bonne conjoncture, mais dépriment davantage l’activité quand cette dernière est atone.

 

Références

DRAGHI, Draghi (2015), « Structural reforms, inflation and monetary policy », discours prononcé le 22 mai. Traduction française disponible sur Annotations.

DUVAL, Romain, Davide FURCERI, Alexander HIJZEN, João JALLES & Sinem Kılıç ÇELIK (2016), « Time for a supply-side boost? Macroeconomic effects of labor and product market reforms in advanced economies », in FMI, World Economic Outlook, Too slow for too long, avril.

EGGERTSSON, Gauti, Andrea FERRERO, Andrea RAFFO (2013), « Can structural reforms help Europe? », Réserve fédérale, international finance discussion paper, novembre.

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2015 4 15 /10 /octobre /2015 17:12

Le nombre de réformes du marché du travail s’est fortement accru avec la Grande Récession. Beaucoup ont justement été mises en œuvre par les gouvernements afin de réduire les répercussions de la crise financière mondiale et notamment de renverser la hausse du chômage. Certains ont suggéré que la divergence des performances économiques et des taux de chômage observée dans la zone euro depuis le début de la crise s’explique par la présence de rigidités sur les marchés du travail : ces dernières auraient rendu les entreprises de moins en moins compétitives dans les pays « périphériques » de la zone euro, ce qui aurait compliqué leur ajustement lors de la crise et aggravé par là même tant la contraction de l’activité que la hausse du chômage. Selon une telle optique, les réformes visent à accélérer la reprise, en incitant les chômeurs à rechercher plus activement un emploi, en accroissant la rentabilité des entreprises et en incitant ces dernières (notamment par ce biais-là) à davantage embaucher. Si le salaire peut varier plus librement, les entreprises pourront plus facilement le réduire lorsqu’elles rencontrent des difficultés, ce qui permettrait alors de ramener plus rapidement le marché du travail à l’équilibre en période de récession. A long terme, le processus de destruction créatrice s’en trouve facilité, puisque les secteurs en déclin licencient plus facilement leur personnel, alors même que les secteurs les plus efficaces sont incités à embaucher.

Malheureusement, il est possible que les réformes du marché du travail aient des résultats opposés à ceux recherchés, du moins à court terme, et ce en particulier lorsque l’activité est atone. Par exemple, en facilitant le licenciement et l’embauche, la déréglementation peut accroître le chômage au niveau agrégé, puisqu’il sera devient coûteux et moins compliqué pour les entreprises de réduire leur personnel lors de la récession et d’embaucher à nouveau une fois la reprise confirmée. Si les réformes se traduisent par une plus grande flexibilité des salaires (en l’occurrence à la baisse), les salaires auront certes tendance à augmenter lors des phases d’expansions, mais par contre à baisser lors des récessions. Or si le chômage augmente et si les salaires tendent à diminuer, les ménages seront incités à réduire leurs dépenses de consommation, ce qui déprimera davantage la demande globale et l’emploi. 

Dans une étude publiée par l'Organisation Internationale du Travail, Dragos Adascalitei et Clemente Pignatti Morano (2015) ont analysé les déterminants et les répercussions des diverses réformes du marché du travail qui ont été mises en œuvre dans 111 pays développés et en développement entre 2008 et 2014. En l’occurrence, ils ont identifié 643 changements dans la réglementation du marché du travail au cours de cette période. Ils confirment l’accélération des réformes avec la crise financière mondiale : le nombre annuel de réformes est passé de 63 en 2008 à un maximum de 147 en 2012, avant de diminuer en passant à 106 en 2013, puis à 31 en 2014.

Leur analyse empirique montre que, si la majorité des pays sont attentifs aux évolutions sur le marché du travail et affichent leur volonté à le réformer, la fréquence, le contenu et le contexte des réformes diffèrent fortement d’un pays à l’autre. Adascalitei et Pignatti Morano constatent que les pays développés, en particulier les membres de l’Union européenne, ont été les plus enclins à réformer la réglementation de leur marché du travail lors de la Grande Récession, très souvent en redéfinissant les contrats de travail permanents ; les réformes menées dans les pays développées se sont davantage focalisées sur les institutions de négociation collective. Dans les économies développées, les réformes visent principalement à assouplir la réglementation du travail ; elles ont été d’autant plus fréquentes et importantes que le taux de chômage était élevé et la croissance du PIB faible. A l’inverse, les réformes menées dans les pays en développement visent surtout à accroître la protection des travailleurs et elles sont les plus fréquentes dans les pays qui connaissent une forte croissance économique. Si les réformes des contrats de travail permanents, des licenciements collectifs et de la négociation collective sont très sensibles aux fluctuations de l’activité, les réformes touchant les contrats de travail temporaires et d’autres formes d’emploi sont par contre relativement insensibles au cycle d’affaires.

Adascalitei et Pignatti Morano se sont ensuite penchés sur les répercussions des diverses réformes mises en œuvre depuis 2008, en se demandant si elles ont contribué à pousser les taux de chômage à la baisse et les taux d’emploi à la hausse. Ils constatent que la déréglementation diminue les taux d’emploi dans les pays développés et dans les pays en développement au cours de l’année qui suit sa mise en œuvre. En outre, elle accroît les taux de chômage dans les pays développés à court terme, mais les effets ne sont pas significatifs dans les pays en développement. Ainsi, en mettant en évidence les répercussions délétères que les réformes structurelles sont susceptibles d’avoir à court terme, Adascalitei et Pignatti Morano confirment les résultats de plusieurs études antérieures, notamment celle réalisée par Matteo Cacciatore, Romain Duval et Giuseppe Fiori (2012). Bien sûr, comme ils le soulignent eux-mêmes, leur étude ne permet pas de mettre en évidence les répercussions que ces réformes peuvent avoir à long terme.

 

Références

ADASCALITEI, Dragos, & Clemente PIGNATTI MORANO (2015), « Labour market reforms since the crisis: Drivers and consequences », OIT, research department working paper, n° 5

CACCIATORE, Matteo, Romain DUVAL & Giuseppe FIORI (2012), « Short-term gain or pain? A DSGE model-based analysis of the short-term effects of structural reforms in labour and product markets », OCDE, economics department working paper, n° 948.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : D'un champ l'autre
  • : Méta-manuel en working progress
  • Contact

Twitter

Rechercher