Au cours des deux dernières décennies, les plus pauvres ont connu une forte progression de leur niveau de vie, si bien qu’une large population a pu sortir de la pauvreté. En 1990, deux milliards de personnes étaient dans une situation de pauvreté extrême, c’est-à-dire vivaient avec moins de 1,90 dollars par jour (en parités de pouvoir d’achat de 2011) ; elles représentaient alors 37 % de la population mondiale. Entre 1990 et 2013, le nombre de personne vivant en situation de pauvreté extrême a diminué de 60 %, tandis que la proportion de la population mondiale vivant dans une telle situation est passée sur la période de 37 % à 11 %. En 2013, il restait toutefois 770 millions de personnes situés dans une situation de pauvreté extrême, soit à peu près l’équivalent de la population combinée de l’Union européenne et des Etats-Unis.
Plusieurs études suggèrent que la croissance économique joue un rôle crucial dans la réduction de la pauvreté. Selon les prévisions que fournissent Francisco Ferreira et ses coauteurs (2015) en se basant sur les estimations de la croissance du PIB entre 2005 et 2015, la part de la population mondiale se trouvant en situation de pauvreté mondiale devrait atteindre 4,2 % en 2030, soit un niveau proche de l’objectif de 3 % que la Banque mondiale s’est fixée pour cette année-là. Toutefois la croissance mondiale a ralenti ces dernières années et rien n’assure que les pays en développement connaissent pendant les 14 prochaines années une aussi forte croissance que celle qu’ils ont pu connaître au cours des années deux mille, ce qui suggère que la réduction de la pauvreté mondiale pourrait être plus lente que prévu. C’est pour cette raison que de nombreuses institutions, notamment la Banque mondiale, appellent à une croissance plus inclusive, c’est-à-dire dont les fruits seraient moins inégalement répartis dans la population.
Les informations à propos des pauvres dans le monde en développement restent toutefois très fragiles, notamment en raison du manque de données d’enquêtes des ménages harmonisées au niveau international ou encore du fait que les pays n’adoptent pas le même seuil de revenu pour définir la pauvreté. Andrés Castañeda, et ses coauteurs (2016) ont récemment cherché à dresser le profil démographique de la pauvreté extrême et modérée en se basant sur les enquêtes réalisées auprès des ménages dans 89 pays en développement. En 2013, dans l’ensemble de ces pays, 1,5 milliard de personnes vivaient dans une situation de pauvreté modérée, c’est-à-dire avec plus de 1,90 dollars, mais moins de 3,10 dollars par jour, ce qui représente 23 % de leur population totale.
Au terme de leur analyse, Castañeda et ses coauteurs constatent que la pauvreté est avant tout jeune et rurale, bien plus que le suggéraient les précédentes études. En effet, 80 % des pauvres extrêmes et 76 % des pauvres modérés vivent dans des espaces ruraux. Les auteurs ne rejettent pas l’idée que ces parts soient quelques peu surestimées, ne serait-ce que du fait que le coût de la vie est moindre en milieu rural que dans les villes, mais une analyse plus approfondie des données de l’Asie du Sud les amène à suggérer que ce biais est très modeste. En outre, leur étude suggère que plus de 45 % des pauvres extrêmes sont des jeunes de moins de 15 ans et près de 60 % des pauvres extrêmes vivent dans des ménages avec trois enfants ou plus. Ensuite, Castañeda et ses coauteurs confirment que la scolarité et la pauvreté sont fortement et négativement corrélées l’une avec l’autre. Toutefois, l’école primaire ne suffit pas pour sortir de la pauvreté. En effet, 40 % des pauvres extrêmes et 50 % des pauvres modérés ont achevé leur école primaire. Enfin, même s’ils partagent des similitudes, notamment en termes d’âge ou de structure familiale, les pauvres extrêmes se distinguent des pauvres modestes à plusieurs niveaux : par exemple, relativement aux pauvres extrêmes, les pauvres modérés ont significativement plus de chances d’achever l’école primaire et sont moins susceptibles de travailler dans l’agriculture.
Références
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