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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 17:49

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Dans un rapport et une note de synthèse réalisés par Tristan Klein et Daniel Ratier, le Centre d’analyse stratégique passe en revue les différents impacts que les technologies de l’information (TIC) ont pu avoir sur les conditions de travail. Ces technologies ont en effet massivement investi les entreprises depuis le milieu des années quatre-vingt-dix et ont alors profondément bouleversé leur organisation. Aujourd’hui, la quasi-totalité des entreprises est connectée à Internet. Deux actifs sur trois utilisent les TIC dans leur travail et le nombre de salariés usagers poursuit son expansion. Ces technologies jouent un rôle crucial dans le changement au sein des entreprises. Elles leur ont permis de gagner en flexibilité et productivité, de réduire les coûts et d’atteindre de plus hauts niveaux de qualité et de performance.

Nature du travail et compétences se transforment avec la diffusion des TIC. Le travailleur fait face à une abstraction grandissante et ses tâches se ramènent peu à peu à la collecte et manipulation d’informations. Que ce soit avec l’instantanéité des échanges numériques, qui raccourcit les délais, ou la possibilité de travailler à distance, temps et espace sont redéfinis. Le travailleur ne doit pas seulement s’adapter aux bouleversements organisationnels impulsés par l’introduction des TIC ; il doit aussi continuellement s’adapter aux perpétuelles évolutions de ces dernières. Or les efforts de formation fournis par l’entreprise ont décliné depuis le début des années 2000.

Les utilisateurs récurrents des TIC sont particulièrement exposés à une intensification du travail. Les contraintes organisationnelles et les normes de productivité auxquelles ils sont soumis se trouvent renforcées. Les salariés, davantage interdépendants, voient croître la pression sur leur travail et sont exposés à une surinformation croissante, notamment au flux excessif de courriels. L’usage de la messagerie électronique soumet le travailleur au stress, à l’urgence, aux interruptions intempestives, etc. Le rythme du travail étant davantage dépendant des TIC, leurs dysfonctionnements sont la source d’un important stress chez les salariés, notamment ceux en contact direct avec la clientèle.

TIC call center

Les TIC démultiplient les effets du contrôle du travail, mais ne conduisent pas forcément à une perte d’autonomie chez leurs utilisateurs. Ce technologies rendent possible une « autonomie encadrée » : elles formalisent certes le travail, mais parallèlement les travailleurs demeurent autonomes dans la réalisation opérationnelle de leurs tâches. En outre, puisque le travail devient l’objet d’un suivi en temps réel, contrôlable et vérifiable a posteriori, l’autonomie du salarié lors de sa réalisation est préservée. L’adoption des plus récents TIC mobiles et le développement des outils collaboratifs issus du web 2.0 devraient rendre les cadres davantage autonomes. Le contrôle peut toutefois au contraire devenir total, avec une précision stricte des objectifs de résultats et de moyens, et les salariés (en premier lieu ceux chargés de travaux d’exécution) voir alors sensiblement diminuer leurs marges de manœuvre.

Les TIC renouvellent les relations collectives de travail. Un nouveau modèle de collectif, qualifié de « nomadisme coopératif » par les auteurs suite aux travaux de Patricia Vendramin, tend à se diffuser, caractérisé par une structuration en réseau autour d’un projet et une moindre formalisation des modalités d’association. Les TIC jouent alors un rôle primordial dans la gestion du projet. Les réseaux sociaux et autres outils collaboratifs facilitent la collaboration de professionnels trans-entreprises. Toutefois dans d’autres configurations répondant à la logique néo-tayloriste (notamment les centres d’appels) où des outils standardisés sont uniformément appliquées à un large effectif de salariés, les TIC tendent à particulièrement appauvrir les liens sociaux.

La sociabilité des usagers se modifie ainsi avec l’usage des TIC. En général, ces technologies tendent plutôt à élargir et non à cloisonner les collectifs de travail. Les salariés adaptent leurs usages en fonction de leurs besoins, en intensifiant et diversifiant les échanges avec certains collègues, en réduisant, formalisant et dépersonnalisant au contraire les échanges avec d’autres. En outre, lorsque les liens se distendent entre l’individu et son équipe de travail, c’est généralement au profit de ses relations avec les équipes extérieures.

TIC mobile

Les frontières spatio-temporelles du travail se brouillent et la ligne de partage entre sphères privée et professionnelle devient poreuse : les TIC, notamment les derniers modèles mobiles (tablettes et smartphones), permettent un surtravail en dehors des horaires habituels, qui se traduit par un accroissement de la charge de travail, dans un contexte de pression croissante du temps réel et de l’immédiateté. Les salariés, désormais déterritorialisés et nomades, disposent toutefois de plus grandes marges de manœuvre pour gérer leur temps de travail. Les espaces collectifs de travail se restructurent. Le développement du travail en réseau, en multipliant les collaborations externes, affaiblit cependant le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Enfin, les TIC semblent avoir sur la santé des effets directs relativement limités, qu’ils soient liés aux ondes électromagnétiques ou à l’ergonomique (fatigue visuelle, TMS, etc.). En participant à l’intensification du travail, elles ont aussi des effets indirects sur la santé (risque psychosociaux, stress, surcharge de travail, etc.) et ces effets sont d’autant plus nocifs que se trouve réduite la latitude décisionnelle de l’individu. Les cadres constituent la catégorie soumise à la plus forte surcharge informationnelle et communicationnelle.

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