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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 17:21

La mondialisation et le progrès technique ont beau avoir entraîné un déclin des coûts de transport et des autres barrières à l’échange, cela n’a pas sonné la fin de la « tyrannie de la distance » [Prager et Thisse, 2010]. L’espace joue toujours un rôle déterminant dans la répartition des activités économiques et les flux de biens, de services, de capitaux, de travailleurs, etc. En l’occurrence, les contraintes géographiques continuent de puissamment façonner le commerce international. Depuis toujours, chaque pays privilégie les territoires qui lui sont proches pour échanger des biens et services. Certes, le commerce avec les pays éloignés s’est accru au cours du temps ; mais, parallèlement, les échanges avec les pays à proximité se sont accrus encore plus rapidement.

Jan Tinbergen (1962) s’est inspiré de la loi de la gravitation universelle énoncée par Newton pour décrire la dynamique des échanges bilatéraux. En physique, deux corps quelconques s’attirent en raison directe de leur masse et en raison inverse de la distance séparant leurs centres de gravité. Selon l’équation de gravité du commerce international établie par Tinbergen, le volume d’échanges (X) que réalisent deux pays A et B entre eux est, d’une part, proportionnel à leur produit intérieur brut (PIB) et, d’autre part, inversement proportionnel à la distance (d) qui les sépare.

gravity-equation.png

Autrement dit, plus la taille des partenaires économiques est importante, plus ils échangent entre eux ; ou encore, plus ils sont éloignés l’un de l’autre, moins leurs échanges bilatéraux sont importants. Les études économétriques ont alors cherché à évaluer G, α, β et γ. Elles concluent que les exposants α et β sont stables et proches de l’unité. Si la distance avait un impact négligeable sur les flux commerciaux, l’exposant γ de la distance serait proche de zéro. Or, toutes les estimations empiriques de l’équation de gravité suggèrent que la valeur de γ est également proche de l’unité. Anne-Célia Disdier et Keith Head (2006) ont compilé 1467 estimations de l’équation de gravité à partir de 103 articles et trouvent que l’effet moyen est d’environ 0,9 %, avec 90 % des estimations comprises entre 0,28 et 1,55. Autrement dit, une hausse de 10 % de la distance se traduit en moyenne par une baisse de 9 % des échanges bilatéraux. Ces divers coefficients se sont révélés stables dans le temps et dans l’espace, si bien que l’équation de gravité apparaît comme l’une des régularités empiriques les plus stables et robustes en science économique.

Le rôle que joue la taille des économies sur leurs échanges extérieurs est bien compris. Par exemple, le modèle de Paul Krugman (1980), pionnier dans les nouvelles théories du commerce international, montre comment le volume des échanges qu’un pays entretient avec le reste du monde est proportionnel à sa taille et négativement affecté par les barrières commerciales. En raison des rendements croissants et des coûts de transport, les entreprises sont incitées à concentrer leur production au plus proche de leur marché. Puisque les consommateurs ont un goût pour la variété, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans une variété donnée d’un bien (de manière à profiter des économies d’échelle) et d’importer ses autres variantes (afin d’accroître le bien-être de la population), donc des pays relativement similaires ont tout de même intérêt à échanger. 

En revanche, si l’importance de la distance pour les échanges est vérifiée au niveau empirique, il est apparu difficile de la justifier théoriquement. Plusieurs auteurs ont avancé des explications, mais celles-ci reposent sur des facteurs (par exemple, les techniques de transport, les droits de douane, la nature des biens échangés, etc.) qui ont connu de profondes évolutions au fil des décennies, si bien qu’aucune d’entre elles ne parvient véritablement à expliquer la stabilité de l’exposant γ de la distance.

Thomas Chaney (2013) cherche à expliquer pourquoi cet exposant s'est révélé stable au cours du temps à partir d’une modélisation des chaînes de production verticales. Dans son modèle, les entreprises combinent du capital et du travail avec les biens intermédiaires fournis par les firmes présentes en amont. L’auteur suppose que les entreprises ont deux manières de contourner les obstacles liés au commerce international. Soit elles payent un coût direct pour créer un contact à l’étranger, soit elles communiquent avec leurs contacts existants et cherchent à en apprendre davantage sur leurs propres clients, ce qui implique une interaction directe et un coût indirect. Si le progrès technique affecte le premier coût et peut-être même la fréquence des interactions en facilitant les déplacements et la communication, il ne réduit pas pour autant la nécessité d’une interaction directe. La répartition des exportations d’une entreprise dans l’espace dépend alors de la manière par laquelle la distance influence le coût direct associé à la création de contacts.

La répartition géographique des fournisseurs et des clients d’une entreprise donnée va évoluer au cours du temps : comme une firme acquiert de plus en plus de fournisseurs et de clients, les fournisseurs et les clients tendent en moyenne à être de plus en plus éloignés. Ainsi, les plus grandes entreprises importent et exportent sur des distances moyennes de plus en plus longues. L’impact de la distance sur le commerce international dépendra alors de la distribution de la taille des entreprises. Puisque les grandes entreprises échangent sur de longues distances, le volume d’échanges qu’un pays réalise à destination d’une région éloignée dépendra finalement du nombre de grandes entreprises présentes sur son territoire. En particulier, si la distribution de la taille des entreprises est proche de la loi de Zipf (la deuxième plus grande entreprise est deux fois plus petite que la première, la troisième plus grande entreprise est trois fois plus petite que la première, etc.), alors le modèle de Chaney montre que le volume des flux commerciaux est inversement proportionnel à la distance géographique. 

 

Références

CHANEY, Thomas (2013), « The gravity equation in international trade: An explanation », NBER working paper, n° 19285, août.

DISDIER, Anne-Célia & Keith HEAD (2008), « The puzzling persistence of the distance effect on bilateral trade », in Review of Economics and Statistics, vol. 90, n° 1.

KRUGMAN, Paul (1980), « Scale economies, product differentiation, and the patterns of trade », in American Economic Review, vol. 70, n° 5.

PRAGER, Jean-Claude, & Jacques-François THISSE (2010), Economie géographique du développement, La Découverte.

TINBERGEN, Jan (1962), « An analysis of world trade flows », Shaping the World Economy.

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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 21:53

Elhanan Helpman (2013) passe en revue les études qui ont bouleversé l’étude du commerce international et notamment de l’investissement direct à l’étranger (IDE). Il met particulièrement l’accent sur les deux révolutions majeures de ces trois dernières décennies, en l’occurrence l’intégration de concurrence monopolistique, puis la prise en compte de l’hétérogénéité des entreprises. 

Si Adam Smith s’est penché sur les échanges internationaux, c’est toutefois David Ricardo (1817) qui est crédité pour avoir formulé la première véritable théorie du commerce international. Sa théorie des avantages comparatifs suppose que la productivité relative des secteurs varie d’un pays à l’autre et que cette variation détermine les flux commerciaux : un pays exporte les produits des secteurs dans lesquels il est relativement le plus productif. De son côté, en analysant les effets du commerce sur la rémunération des facteurs, Eli Heckscher (1919) jette les fondements de la théorie des dotations factorielles. Plusieurs auteurs (son élève Bertil Ohlin, Paul Samuelson, etc.) ont modélisé ses intuitions et prolongé sa réflexion. Selon cette théorie, les pays qui ont accès aux mêmes technologies et qui ont par conséquent les mêmes niveaux de productivité sectoriels échangent les uns avec les autres en raison des différences dans leurs dotations factorielles : un pays exporte des produits qui sont intensifs en facteur dont il est relativement bien doté et importe les produits intensifs en facteur dont il est relativement peu doté. 

La théorie ricardienne et l’approche Heckscher-Ohlin n’expliquent que les flux de commerce intersectoriels. Or, Herbert Grubel et Peter Lloyd (1975) constatent que la moitié des échanges internationaux relèvent du commerce intrabranche. En d’autres termes, les pays tendent à échanger entre eux les mêmes produits. Par exemple, la France exporte des vêtements à l’Allemagne et importe des vêtements en provenance de cette dernière, etc. Aujourd’hui, dans les pays industrialisés, ce sont les deux tiers des échanges internationaux qui relèvent du commerce intrabranche. Une autre observation empirique remet également en cause la vision intersectorielle du commerce : les échanges ont lieu entre des pays au même niveau de développement, c’est-à-dire qui diffèrent très peu les uns des autres. Ces observations empiriques et les développements théoriques associés à l’analyse de la concurrence monopolistique ont révolutionné la théorie du commerce. De nouveaux modèles (réalisés par Kelvin Lancaster, Paul Krugman, Elhanan Helpman, etc.) sont en effet développés pour rendre compte du commerce intrabranche et des larges volumes d’échange entre pays similaires. Dans ces modèles, les secteurs sont composés d’entreprises qui produisent des produits différenciés et les entreprises vendent leurs produits sur les marchés domestiques et étrangers. Puisque les consommateurs recherchent la variété, la spécialisation des entreprises dans la production d’une variante donnée de produits mène au commerce intrabranche et aux échanges entre pays similaires.

Comme les précédents modèles du commerce international, les modèles en concurrence monopolistique ne se focalisent que sur les dynamiques sectorielles. Ils traitent en effet les entreprises d’un secteur donné de façon symétrique : celles-ci disposent des mêmes technologies, utilisent la même composition en termes de facteurs, fixent leurs prix de façon similaire, etc. Or, les études empiriques mettent à mal l’hypothèse d’une symétrie au sein des secteurs. En général, dans un secteur donné, seule une infime fraction des entreprises exporte et ces entreprises ne constituent pas un échantillon aléatoire : les exportateurs sont de plus grande taille et plus productifs que les entreprises qui n’exportent pas et ils versent des salaires plus élevés que ces derniers. En outre, les études mettent en évidence que les secteurs connaissent de profondes réallocations en réponse à la libéralisation des échanges : d'une part, les entreprises les moins productives tendent à sortir du secteur ; d'autre part, les parts de marché sont réallouées des entreprises les moins productives vers les plus productives. 

Marc Melitz (2003) a révolutionné la théorie du commerce international en concevant un cadre analytique où les entreprises sont hétérogènes et la concurrence monopolistique. A la différence des modèles à la Krugman ou Lancaster, une entreprise qui entre dans un secteur ne connaît pas la productivité de sa technologie ; ce n’est qu’après avoir payé les coûts d’entrée qu’une entreprise découvre son niveau de productivité. Au final, les entreprises les moins productives ne vont pas rester en activité, tandis que les entreprises les plus productives vont exporter. Les entreprises ayant une productivité intermédiaire ne vont servir que le marché intérieur, tandis que les exportateurs servent également le marché intérieur. Au final, ce modèle permet de reproduire les dynamiques observées au niveau empirique lors des épisodes de libéralisations des échanges. En effet, une réduction des coûts des échanges pousse les entreprises les moins productives à sortir du secteur et conduit à une redistribution des parts de marché des entreprises les moins productives vers les plus productives, en l’occurrence les exportateurs. Parce qu’elle élimine les entreprises les moins productives et donne plus de poids aux entreprises à forte productivité dans un secteur donné, la libéralisation du commerce accroît la productivité moyenne de ce dernier. Plusieurs auteurs ont alors repris et développé le modèle de Melitz pour mesurer les gains à l’échange lorsqu’un secteur ou un pays s’ouvre à la concurrence étrangère. 

Les modèles de concurrence monopolistique intégrant une hétérogénéité des entreprises éclairent l’impact du commerce international sur les inégalités de revenu. Les précédentes analyses mettaient traditionnellement l’accent sur les salaires relatifs de travailleurs ayant différents niveaux de qualifications ou sur les salariés travaillent dans différents secteurs ou métiers. Par exemple, l’ouverture pousse les pays avancés à se spécialiser dans la production de produits intensifs en capital et travail qualifié ; l’essor des exportations se traduit alors par une plus forte demande de travail qualifié dans les pays avancés, donc par des gains salariaux pour les travailleurs qualifiés et un creusement des inégalités (c’est le théorème Stolper-Samuelson). Toutefois, le développement des qualifications n’explique pas la totalité des inégalités salariales. Les inégalités augmentent même pour les individus ayant des caractéristiques (et notamment des niveaux de qualifications) similaires. Elhanan Helpman, Oleg Itskhoki et Stephen J. Redding (2010) ont élaboré un modèle théorique où ces inégalités salariales résiduelles sont influencées par le commerce extérieur. Dans leur modélisation, les entreprises les plus productives sont plus grandes, emploient de meilleurs travailleurs et versent de plus hauts salaires que les entreprises les moins productives ; et parmi elles, les plus productives exportent. Le modèle suggère une relation en forme de U inversé entre le degré d’ouverture et les inégalités salariales. En effet, lorsqu’aucune entreprise n’exporte, une réduction des coûts d’échange pousse plusieurs entreprises à exporter, si bien que celles-ci vont accroître leurs salaires par rapport aux entreprises non exportatrices et les inégalités vont alors augmenter. Inversement, lorsque toutes les entreprises exportent, une hausse des coûts d’échange pousse plusieurs entreprises à cesser d’exporter et réduit le salaire que celles-ci versaient par rapport aux firmes exportatrices, si bien que les inégalités tendent à augmenter.  

En ramenant l'analyse des secteurs à celle des entreprises, des recherches récentes ont également permis de mieux comprendre le rôle et l’organisation des firmes multinationales (FMN). Une entreprise procède à un IDE horizontal lorsqu’elle acquiert une filiale à l'étranger afin de servir le marché domestique ; une entreprise réalise un IDE vertical lorsqu’elle acquiert une filiale étrangère afin de produire des intrants intermédiaires pour son propre usage. Il est coûteux d’exporter, comme il est coûteux d’acquérir une filiale à l’étranger. Par conséquent, on considère que l’IDE horizontal résulte d’un arbitrage entre la proximité et la concentration. Elhanan Helpman, Marc Melitz et Stephen Yeaple (2004) introduisent l'hétérogénéité des entreprises dans le cadre de l'arbitrage proximité-concentration. Leur modèle implique que, parmi les entreprises qui restent dans un secteur, les moins productives servent uniquement le marché intérieur, les plus productives servent les marchés étrangers via leurs filiales et les entreprises avec des niveaux de productivité intermédiaires optent pour l’exportation. 

L’IDE vertical diminue le coût de production d'intrants intermédiaires, principalement en raison de la faiblesse des salaires dans le pays d'accueil. L’existence d’espaces caractérisés par de faibles coûts de fabrication encourage les IDE verticaux, mais seulement si le coût de la fragmentation de la production n'est pas trop élevé. Pour comprendre les chaînes de valeur complexes qui ont émergé à partir des années quatre-vingt (parallèlement au développement des NTIC qui a permis de sensiblement réduire le coût de fragmentation), il est alors nécessaire de comprendre l’arbitrage entre l'externalisation et l'intégration d'une part, et entre l’externalisation domestique et étrangère de l'autre. Pol Antràs et Elhanan Helpman (2004) ont introduit l'hétérogénéité des entreprises dans un modèle avec contrats incomplets. Dans ce cadre, les entreprises choisissent entre des formes d'organisation en se basant sur la productivité totale des facteurs. Parmi les entreprises qui restent dans un secteur, les plus productives délocalisent et les moins productives servent uniquement le marché domestique. Parmi les entreprises nationales, les plus productives internalisent, tandis que les moins productives externalisent. De même, parmi les entreprises qui desservent les marchés étrangers, les plus productives internalisent en acquérant des filiales pour produire les produits intermédiaires, tandis que la moins productives externalisent en se contentant d’acheter les produits intermédiaires aux entreprises étrangères non affiliées. 

 

Références

ANTRÀS, Pol & Elhanan HELPMAN (2004), « Global sourcing », in Journal of Political Economy, vol. 112.

GRUBEL, Herbert G. & Peter J. LLOYD (1975), Intra-Industry Trade: The Theory and Measurement of International Trade in Differentiated Products, Macmillan, Londres.

HECKSCHER, Eli F. (1919), « The effect of foreign trade on the distribution of income ».

HELPMAN, Elhanan (2013), «  Foreign trade and investment: Firm-level perspectives », NBER working paper, n° 19057, mai.

HELPMAN, Elhanan, Oleg ITSKHOKI & Stephen J. REDDING (2010), « Inequality and unemployment in a global economy », in Econometrica, vol. 78, n° 4.

HELPMAN, Elhanan, Marc J. MELITZ & Stephen R. YEAPLE (2004), « Export versus FDI with heterogeneous firms », in American Economic Review, vol. 94.

MELITZ, Marc J. (2003), « The impact of trade on intra-industry reallocations and aggregate industry productivity », in Econometrica, vol. 71.

RICARDO, David (1817)On the Principles of Political Economy and Taxation.

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16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 10:14

Les marchés internationaux des biens et services connaissent une phase d’intégration particulièrement soutenue depuis les années quatre-vingt-dix. Cette nouvelle vague de mondialisation se distingue à plusieurs niveaux des précédentes. Arvind Subramanian et Martin Kessler (2013a, b) ont fait ressortir sept de ses caractéristiques :

1. L’hypermondialisation (hyperglobalization). L’économie mondiale a connu une « première mondialisation » entre 1870 et 1914 [Berger, 2003]. Au cours de cette période, le commerce international passe de 9 % à 16 % du PIB mondial. Avec la Grande Dépression, un processus de démondialisation a par contre été à l’œuvre durant l’entre-deux-guerres ; à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le commerce mondial ne représentait que 5,5 % du PIB mondial. Durant l’après-guerre, la baisse des coûts de transport et des barrières à l’échange a de nouveau stimulé les échanges internationaux. Au début des années quatre-vingt-dix, l’économie mondiale est entrée dans une ère d’hypermondialisation, marquée par une hausse plus rapide des échanges de biens et services par rapport au PIB [Le Reste du monde, 2013]. Aujourd’hui, le commerce mondial représente un tiers du PIB. La fragmentation des chaînes de production, permise par les avancées technologiques, en particulier dans l’informatique et la communication, a puissamment façonné le développement du commerce international ces dernières décennies. Enfin, le commerce des biens et services a contribué à l’essor des multinationales et des investissements directs à l’étranger (IDE) et ce dernier l’a alimenté en retour.

2. Une mondialisation immatérielle (dematerializing globalization). Puisqu’ils sont de plus en plus incorporés dans les biens et sont eux-mêmes de plus en plus échangés, les services représentent une part de plus en plus importante du commerce international [Le Reste du monde, 2013]. Entre 1980 et 2008, leur part dans les échanges internationaux est passée de 17 % à 20 % selon les mesures conventionnelles et, de façon plus appropriée, de 29 % à 43 % en termes de valeur ajoutée. 

3. Une mondialisation démocratique (democratic globalization). Les pays avancés ne sont pas les seuls à s’ouvrir davantage au cours de l’hypermondialisation ; celle-ci s’accompagne également d’une plus grande ouverture des économies en développement. Puisque davantage d’économies ont amorcé leur rattrapage sur les économies avancées dans les années deux mille, la production s’est dispersée dans le monde, ce qui a amené l’ensemble des pays à davantage échanger entre eux. 

4. Une mondialisation enchevêtrée (criss-crossing globalization). Dans la plus récente phase de l’hypermondialisation, ce sont des biens de plus en plus similaires qui ont traversé les frontières. Les exportations et importations des pays sont de moins en moins différentes. Une telle mondialisation enchevêtrée s’est manifestée de trois manières. Premièrement, dans l’immédiat après-guerre, les pays industrialisés ont commencé à exporter et importer de plus en plus de biens manufacturés. La part du commerce intra-branche s’est accrue d’environ 20 points de pourcentage entre 1990 et le milieu des années quatre-vingt-dix, pour ensuite se stabiliser. Deuxièmement, pour les pays émergents d’Asie, la mondialisation enchevêtrée a pris la forme de flux bilatéraux plus soutenus de biens intermédiaires plutôt que de biens finals en raison de la fragmentation des chaînes de production. Entre 1980 et 2000, la part des biens intermédiaires dans le commerce est passée de 22 % à 29 %, pour revenir aujourd’hui 26 %, ce qui suggère que l’internationalisation de la production a peut-être atteint un pic historique. La troisième dimension de la mondialisation enchevêtrée est les flux bilatéraux des IDE. Au cours de l’hypermondialisation, les pays en développement sont à l’origine d’IDE, même à destination des pays avancés.

5. L’essor de la Chine. Les pays émergents de l’Est asiatique ont vu leurs exportations atteindre la moitié de leur PIB, une performance qui n’avait pas été observée depuis la première vague de mondialisation. Si Singapour, Hong-Kong, Taïwan et la Malaisie ne représentent toutefois qu’une faible part du commerce mondial, ce n’est pas le cas de la Chine : en 2012, 11,2 % des exportations mondiales étaient réalisées par la Chine, contre 8 ,4 % par les Etats-Unis. Seule la Grande-Bretagne de l’époque impériale avait su atteindre jusqu’à maintenant atteindre de telles performances : en 1913, ses exportations représentaient 12 % de son PIB et 18,5 % des exportations mondiales. Si la Chine poursuit au même rythme son insertion dans le commerce international, elle pourrait représenter 16 à 17 % des exportations mondiales en 2030, ce qui équivaudra alors à trois fois la part des Etats-Unis. 

6. L’essor des accords préférentiels et l’imminente hyper-régionalisation. L’ère de l’hypermondialisation s’est accompagnée d’une multiplication des accords commerciaux préférentiels, notamment en raison de l’échec du cycle de Doha à promouvoir les accords multilatéraux. Quasiment la moitié du commerce mondial s’opère aujourd’hui dans le cadre des accords préférentiels. Ces derniers ne concernent pas seulement les droits de douane et les quotas, mais libéralisent également les barrières « au-delà de la frontière ». D’importants bouleversements sont actuellement à l’œuvre en ce qui concerne les accords régionaux avec la signature de méga-accords régionaux entre les Etats-Unis et l’Asie, d’une part, et entre les Etats-Unis et l’Europe, d’autre part. 

7. Une réduction des barrières  à l’échange de biens, mais le marché des services reste peu ouvert. Si ces dernières décennies ont été marquées par une réduction des barrières à l’échange, en particulier dans le commerce de bien manufacturés, certaines tendances vont toutefois ralentir l’ouverture de l’économie mondiale à l’avenir. D’une part, le centre de gravité du commerce mondial se déplace vers les pays en développement (en particulier la Chine et l’Inde), or ces pays sont en moyenne plus protectionnistes. D’autre part, la production mondiale se compose d’une part croissante de services, or le secteur tertiaire est plus fermé que l’industrie. 

 

Références

BERGER, Suzanne (2003), Notre première mondialisation. Leçons d’un échec oublié, La République des Idées, Seuil.

Le Reste du monde (2013), « 140 ans de mondialisation », 14 juillet.

SUBRAMANIAN, Arvind, & Martin KESSLER (2013a), « The hyperglobalization of trade and its future », Global Citizen Foundation, working paper, juillet.

SUBRAMANIAN, Arvind, & Martin KESSLER (2013b), « Twenty-first century trade integration in eight figures », in Real Time Economic Issues Watch, 12 juillet.

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