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14 juillet 2015 2 14 /07 /juillet /2015 10:22

Depuis le début de la crise de la dette souveraine, la dette publique grecque a connu plusieurs restructurations [De Grauwe, 2015]. Il y a eu une restructuration explicite en 2012 qui obligea les créanciers privés à accepter de profonds allègements. La dette publique s’en est trouvée réduite d’un montant équivalent à 30 % du PIB grec. Il y a eu ensuite une série de restructurations implicites impliquant un allongement des maturités et une baisse du fardeau d’intérêt effectif sur la dette publique grecque. La maturité moyenne de la dette publique dette est désormais d’environ 16 ans, soit une maturité considérablement plus longue que celle des obligations publiques des autres Etats-membres de la zone euro. En contrepartie des aides qui lui ont été accordées, la Grèce a dû adopter des réformes structurelles et des mesures d’austérité, de manière à accroître la compétitivité de son économie et à générer de larges excédents primaires. Avec ces diverses restructurations, la dette publique grecque se maintient depuis 2013 autour de 175 % du PIB.

A la fin de l’été 2014, le FMI considérait qu’un nouvel allègement de la dette publique grecque n’était pas nécessaire, à condition que le gouvernement mette en place les réformes attendues et que celles mises en œuvre génèrent de la croissance comme attendu. La situation a toutefois largement changé depuis, notamment avec l’accession au pouvoir de Syriza : l’effondrement des excédents primaires et la faiblesse de la croissance ont ramené la dette grecque sur une trajectoire explosive. Le nouveau rapport publié le 2 juillet, à quelques jours du référendum grec, offre un verdict moins optimiste : pour s’assurer que la dette grecque soit soutenable, le FMI préconise d’allonger les maturités des prêts existants et d’accorder de nouveaux prêts au gouvernement grec. Selon l’interprétation du FMI, ce ne sont pas les réformes qui n’ont pas porté ses fruits, mais les différents gouvernements grecs successifs n’ont pas suffisamment réformé. Pour preuve, l’activité cessait de se contracter lorsque Syriza est arrivé au pouvoir. Désormais, même si la Grèce adoptait toutes les mesures exigées par la Troïka, les prévisions du FMI suggère que la dette publique grecque s’élèverait tout de même à 118 % en 2030, soit un niveau bien supérieur aux 110 % que le FMI considère comme soutenable dans le cas de la Grèce.  Même dans l’hypothèse que la croissance grecque se maintienne au rythme soutenu de 4 % par an au cours des cinq prochaines années, les niveaux de dette publique n’atteindraient que 124 % en 2022. Or, le FMI prévoit que la croissance sera nulle en 2015, puis ne s’élèvera qu’à 2 % en 2016 et 3 % en 2017. Ainsi, tout nouveau choc pourrait facilement pousser le ratio dette publique sur PIB au-delà des 200 %.

Selon une autre interprétation, ce sont précisément les mesures demandées par la Troïka en échange de l’aide qui ont détérioré l’activité économique et rendu encore plus insoutenable la trajectoire de la dette publique. Depuis 2009, la Grèce a connu une hausse de ses excédents primaires discrétionnaires équivalente à 18 % de son PIB [De Grauwe, 2015]. Depuis le début de la crise, le PIB par tête a diminué de 25 % en Grèce, alors qu’il diminuait de 13 % en Italie, de 9 % en Espagne et de 6 % au Portugal [Bini Smaghi, 2015]. L’adoption de plans d’austérité et de réformes structurelles, dans un contexte de faible demandent globale, conduisent à une nouvelle contraction de la demande et finalement à une nouvelle hausse du ratio dette publique sur PIB. Ainsi, pour Mody (2015), la situation grecque correspond précisément à celle de déflation par la dette (debt-deflation) décrite par Irving Fisher. En effet, le niveau général des prix décline depuis deux ans en Grèce. Dans la mesure où les charges de la dette ne changent pas lorsque les entreprises baissent les prix de vente ou les salaires, les entreprises et les ménages ont de plus en plus de mal à rembourser leur dette. Comme l’investissement et la consommation freinent, l’Etat récupère moins de recettes fiscales, ce qui complique son propre désendettement. Si l’Etat adopte en outre des mesures d’austérité, les prix et l’activité chutent encore plus rapidement. Au final, « plus les débiteurs paient, plus ils doivent. » Mody déplore que les rapports successifs du FMI persistent à sous-évaluer l’impact de la consolidation budgétaire sur l’activité, mais aussi à ignorer les interactions pernicieuses entre la déflation, la dette et l’austérité.

Paul de Grauwe (2015) pense que le gouvernement grec est probablement solvable, mais illiquide. En effet, les restructurations implicites ont permis de réduire le fardeau d’intérêt sur la dette publique grecque de moitié depuis 2011 pour  atteindre 4 % du PIB en 2014. Durant cette période, le ratio dette publique sur PIB a fortement augmenté en Grèce, ce qui signifie que le fardeau d’intérêt effectif (en % de la dette publique) a décliné encore bien plus rapidement. Les paiements d’intérêt représentaient 2,2 % de la dette publique grecque, contre 6 % en 2011. Le fardeau de dette effectif du gouvernement grec est inférieur à celui supporté non seulement par les autres pays « périphériques » de la zone euro, mais aussi par certains pays comme la Belgique et la France. Par conséquent, la dette publique grecque est probablement soutenable, à condition que la croissance économique reparte. La Grèce a certes le plus faible fardeau d’intérêt effectif au sein de la zone euro, mais aussi la plus faible croissance nominale. Si la Grèce peut retrouver une croissance nominale d’au moins 2 %, elle pourra stabiliser son fardeau de dette effectif. 

De Grauwe en tire deux implications. D’une part, les créanciers doivent cesser de vouloir imposer l’austérité à la Grèce : la consolidation budgétaire rend la dette publique insoutenable en détériorant la croissance économique. Comme le rappelle Ashoka Mody, pour sortir mettre un terme au processus de déflation par la dette et faciliter le désendettement tant du secteur privé que du secteur public, les autorités publiques doivent « reflater » l’économie, ce qui passe par l’abandon des politiques restrictives.

D’autre part, De Grauwe juge que la BCE doit cesser de considérer le gouvernement grec comme insolvable. L’institution de Francfort suit en effet le principe de Bagehot, selon lequel elle ne doit prêter qu’aux institutions solvables, mais illiquides. Jusqu’à présent, elle a considéré l’Etat grec comme insolvable, si bien qu’elle est réticente à utiliser les obligations publiques grecques dans ses programmes OMT et d’assouplissement quantitatif. C’est notamment parce que la BCE considère le gouvernement grec comme insolvable qu’elle refuse de jouer son rôle de prêteur en dernier ressort auprès des banques commerciales grecques. Dans la mesure où le gouvernement grec est juste illiquide, les banques commerciales grecques devraient pouvoir utiliser les titres publics domestiques comme collatéraux pour obtenir davantage de liquidité auprès de la banque centrale. En refusant cela, la BCE alimente une crise bancaire en Grèce et sape par là elle-même le principal déterminant de la soutenabilité de la dette grecque : la croissance économique.

 

Références

BINI SMAGHI, Lorenzo (2015), « Is Greece’s debt really so unsustainable? », in Financial Times, 12 janvier.

DE GRAUWE, Paul (2015), « Greece is solvent but illiquid: Policy implications », in voxEU.org (blog), 3 juillet.

FATÁS, Antonio (2015), « Did the IMF provide support to Syriza? », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 3 juillet 2015. Traduction française, « L’analyse du FMI appuie-t-elle les propos de Syriza ? », in Annotations.

FMI (2015), « Greece. Preliminary draft debt sustainability analysis », IMF country report, n° 15/165, 26 juin.

MODY, Ashoka (2015), « In bad faith », in Bruegel (vox), 4 juillet.

SCHUMACHER, Julian, & Beatrice WEDER DI MAURO (2015), « Debt sustainability puzzles: Implications for Greece », in voxEU.org, 12 juillet.

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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 21:49

Avec la Grande Récession, la baisse des recettes fiscales associée au déclin de l’activité économique, le déploiement de plans de relance budgétaire et le renflouement du secteur bancaire ont conduit à une hausse de l’endettement public dans les pays avancés, alors même qu’elle était initialement élevée. Les ratios dette publique sur PIB ont atteint des niveaux qu’ils n’avaient pas atteints depuis plus de quatre décennies. La crainte que l’endettement suive une trajectoire explosive et devienne insoutenable a très rapidement amené les gouvernements à resserrer leur politique budgétaire ou tout du moins à abandonner la relance budgétaire à partir de 2010 pour ramener leur dette publique sur une trajectoire plus soutenable, même dans les pays qui n’ont pas connu de tensions sur le marché obligataire. Le resserrement budgétaire a pu freiner, voire avorter, la reprise dans plusieurs pays, accroissant en définitive les ratios d’endettement public au lieu de les réduire. L’insuffisance persistante de la demande globale (qui se traduit par le maintien d’un taux de chômage élevé) et la détérioration du capital public dans plusieurs pays, dans un contexte de faibles taux d’intérêt, plaidaient pourtant pour une poursuite des plans de relance budgétaire, sous la forme en particulier d’un investissement public dans les infrastructures qui serait financé par emprunt. En fait, le débat au sein du monde politique vise non pas à déterminer s’il faut opter pour la relance ou pour l'austérité, mais plutôt à quel rythme mener cette dernière. Ceux croyant que la dette publique nuit à la croissance préconisent une réduction rapide de l’endettement, tandis que ceux pointant le besoin de stimuler la demande globale préconisent de ralentir la consolidation.

Dans une nouvelle publication du FMI, Jonathan Ostry, Atish Ghosh et Raphael Espinoza (2015) cherchent à déterminer quels sont les ratios d’endettement public et les politiques d’investissement public qui sont optimaux suite à la crise financière mondiale. Ce qu’ils cherchent à déterminer est si les gouvernements endettés peuvent tout simplement ne rien faire du tout, c’est-à-dire vivre avec leur dette publique sans prendre de mesures pour la réduire. 

Ostry et ses coauteurs relèvent trois éventuelles objections à cette idée et évaluent chacune d’entre elles. Premièrement, dans certains pays, la dette publique est dangereusement élevée et leur gouvernement dispose d’une marge de manœuvre budgétaire limitée : ils sont proches d’une limite d’endettement à partir de laquelle les marchés sont susceptibles d’exiger de très fortes primes de risque sur les titres publics, voire tout simplement refuser de leur prêter. Ces pays ont un choix relativement limité, mais ce n’est pas le cas de l’ensemble des pays. Ostry et ses coauteurs distinguent les pays en fonction de leurs niveaux de dette et en les classant en trois zones : une zone verte où la marge de manœuvre budgétaire est importante ; une zone jaune où cette marge de manœuvre est positive, mais où le risque souverain est saillant ; et une zone rouge où la marge de manœuvre est nulle (cf. graphique ci-dessous). Pour les pays de la zone rouge et peut-être pour certains pays de la zone jaune, les contraintes d’endettement laissent peu d’options, si bien qu'ils devraient se focaliser sur la réduction de leur dette publique. Par contre, les pays dans la zone verte sont dans une position confortable pour continuer à se financer à de faibles taux d’intérêt et il est peu probable qu’ils connaissent une crise de la dette souveraine. Dans leur cas, vivre simplement avec la dette publique et laisser les ratios dette publique sur PIB diminuer avec la poursuite de la croissance économique apparaît comme une meilleure option que chercher à la réduire délibérément.

GRAPHIQUE  Marge de manœuvre budgétaire : distance par rapport à la limite d’endettement (en points de %)

 

Quand les gouvernements doivent-ils rembourser leur dette ?

Ostry et ses coauteurs tirent cette conclusion d’une analyse coûts-bénéfices. Les bénéfices d’un remboursement sont faibles pour les pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire et les crises de la dette souveraine sont certes coûteuses lorsqu’elles surviennent, mais leur fréquence est extrêmement faible, même pour des niveaux élevés d’endettement public. Les coûts d’une réduction de dette peuvent être bien plus élevés, même si la consolidation budgétaire est étalée sur plusieurs années : les hausses d’impôts et les baisses de dépenses publiques nécessaires pour générer un excédent primaire nuisent à la croissance à long terme, notamment en freinant l’accumulation du capital.

Deuxièmement, un argument souvent avancé pour réduire la dette publique est que celle-ci nuit à la croissance. En effet, les impôts nécessaires pour assurer le service de la dette freinent l’accumulation du capital et freinent tant l’offre que la demande de travail. Toutefois, Ostry et ses coauteurs jugent que cela ne démontre pas pour autant que le remboursement de la dette soit bon pour la croissance. Il affecte en effet l’économie, car la consolidation budgétaire qu’il implique (qu’elle prenne la forme d’une hausse des impôts ou d’une baisse des dépenses publiques) freine également l’accumulation du capital et pèse sur le travail.

Troisièmement, les économies peuvent subir de larges chocs budgétaires à l’avenir (par exemple une crise financière peut amener l’Etat à renflouer le secteur bancaire), si bien qu’il leur est logique de se constituer des marges de manœuvre budgétaire pour pouvoir emprunter malgré les chocs. Si la dette publique est élevée lorsqu’un tel choc survient, la prime de risque des titres publics est susceptible de s’élevé sur le marché obligataire, si bien que l’Etat peut en perdre l’accès. Pour Ostry et ses coauteurs, une réduction de la dette publique permet certes d’accroître la marge de manœuvre des Etats, mais cette marge de manœuvre sera illusoire si elle se reconstitue au détriment de l’investissement et de la croissance de la production. Ainsi, ils préconisent que les Etats ne remboursent pas le montant nominal de la dette publique, mais laissent plutôt le ratio dette publique sur PIB décliner naturellement avec la poursuite de la croissance.

 

Références

OSTRY, Jonathan D. & Atish R. GHOSH (2015), « When is repaying public debt not of the essence? », in iMFdirect (blog), 2 juin.

OSTRY, Jonathan D., Atish R. GHOSH & Raphael ESPINOZA (2015), « When should public debt be reduced? », FMI, staff discussion note, n° 15/10.

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26 janvier 2015 1 26 /01 /janvier /2015 10:57

Les pays avancés sont entrés dans la Grande Récession avec des niveaux élevés de dette publique et ceux-ci se sont alors davantage détériorés avec la faiblesse de l’activité et la mise en œuvre de relances budgétaires, au point d’atteindre des niveaux sans précédents en temps de paix. Les commentaires et les études se sont alors multipliés ces dernières années pour identifier les leviers sur lesquels les gouvernements peuvent s’appuyer pour assainir leurs finances publiques. Suite à la crise mondiale, beaucoup ont jugé que les pays avancés devaient impérativement mettre en œuvre des consolidations budgétaires pour ramener leur endettement plus soutenable, mais ces plans d’austérité freinent une croissance déjà très lente et parviennent difficilement à réduire les ratios dette publique sur PIB (en réduisant tout autant le dénominateur que le numérateur). Certains espèrent une accélération de la croissance pour accroître les recettes fiscales et réduire les ratios dette publique sur PIB (en accroissant plus rapidement le dénominateur que le numérateur) et préconisent un creusement momentané des déficits publics pour mettre en œuvre des plans de relance. Ces deux options ne sont toutefois pas les seules possibles…

Au fil de leurs publications, Carmen Reinhart, Kenneth Rogoff et leurs divers coauteurs ont montré que les ratios dette sur PIB ont été réduits au cours de l'histoire par la croissance économique, les plans d’austérité budgétaire, les défauts et restructurations de la dette, une accélération de l’inflation et la répression financière, mais ces deux dernières options ne sont disponibles que pour les dettes libellées en devise domestique. Il semble que l’on ait collectivement oublié que la répression financière prévalait à travers le monde entre 1945 et le début des années quatre-vingt et qu’elle joua un rôle déterminant dans la réduction ou la liquidation des stocks massifs de dette publique que les pays avancés héritèrent de la Seconde Guerre mondiale.

Le terme de « répression financière » fut introduit par Edward Shaw et Ronald McKinnon à la fin des années soixante-dix. Celle-ci consiste finalement à taxer les obligataires et les épargnants en imposant des taux d’intérêt réels négatifs ou inférieurs aux taux du marché. Lorsqu’une combinaison de taux d’intérêt nominaux administrés et d’inflation génère des taux d’intérêts réels négatifs, elle liquide l’encours de dettes. Les gouvernements peuvent réduire les intérêts qu’ils doivent verser même lorsque les taux d’intérêt réels restent positifs, mais pour cela ils doivent les maintenir plus faibles qu’ils ne l’auraient été sinon en plafonnant les taux d’intérêt, en instaurant des contrôles de capitaux, en relevant les réserves obligatoires, en en introduisant des mesures prudentielles exigeant des institutions (en particulier les fonds de pension) qu’elles détiennent des titres publics domestiques dans leurs portefeuilles, en prenant possession des banques, etc.

Après la seconde Guerre mondiale, les pays mirent en œuvre des contrôles de capitaux et des réglementations qui créèrent une audience captive pour la dette publique en limitant l’érosion de la base imposable (cf. graphique 1). Pour déterminer l’impact de ces mesures de répression financière, Carmen Reinhart et Belen Sbrancia (2015) ont développé et analysé une nouvelle base de données détaillées sur les caractéristiques et la composition de la dette publique domestique au cours de la période 1945-1980, c’est-à-dire avant la libéralisation financière et la mondialisation des marchés des capitaux, et ce pour 12 pays : en l’occurrence, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, les Etats-Unis, la France, l’Inde, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et la Suède. 

GRAPHIQUE 1  Les hausses des dettes publiques et leur résolution

La répression financière qui caractérisa la période 1945-1980 contribua significativement à réduire rapidement la dette publique dans plusieurs pays avancés au cours de cette période. La plupart (pour ne pas dire la totalité) des taux d’intérêts réels furent significativement plus faibles durant la période 1945-1980 que dans les périodes de libéralisation des marchés des capitaux avant la Grande Dépression et après les années quatre-vingt (cf. graphique 2). Pour les économies avancées, les taux d’intérêt réels furent négatifs la moitié du temps sur la période 1945-1980. La combinaison de la répression financière et d’une forte inflation joua un rôle significatif pour limiter les intérêts que devaient verser les gouvernements et pour réduire le volume des dettes publiques. Sur la période 1945-1980, les économies réalisées sur les intérêts étaient comprises en moyenne entre 1 et 5 % du PIB pour l’échantillon de 12 pays. Les plus fortes économies ont été réalisées au sortir de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les niveaux d’endettement étaient les plus élevés, et au cours des années soixante-dix, lorsque l’inflation s’accéléra fortement. La répression financière est en effet plus efficace pour réduire la dette publique si elle s’accompagne d’une forte inflation ; cette dernière ne doit nécessairement être élevée, ni prendre forcément par surprise les participants au marché pour que la répression financière soit efficace.

GRAPHIQUE 2  Taux d’intérêt réel ex post sur les bons du Trésor (moyenne mobile sur 3 ans, en %)

Reinhart-Sbrancia--Taux-d-interet-reel-ex-post-sur-les.png

Pour Reinhart et Sbrancia, l’histoire du Royaume-Uni illustre parfaitement l’efficacité de la répression financière. Suite aux guerres napoléoniennes, la dette publique du Royaume-Uni représentait 260 % du PIB. Il fallut 40 ans pour la ramener à 100 % du PIB grâce aux mesures de répression financière, dans un contexte de stabilité des prix et de forte mobilité du capital ancrée par l’étalon-or. Suite à la Deuxième Guerre mondiale, le ratio dette publique sur PIB du Royaume-Uni diminua de la même ampleur en 20 ans. 

Reinhart et Sbrancia suggèrent que la répression financière pourrait faire à nouveau partie de la boîte à outils pour faire face à la récente hausse de la dette publique dans les pays avancés. La répression financière n’est pas une relique barbare restreinte au passé ou aux seuls pays émergents. La Chine utilise une combinaison de taux d’intérêt administrés, de contrôlés de capitaux, de crédit direct et de forte inflation pour réduire la dette publique domestique. Suite à la Grande Récession, les pays avancés ont de nouveau embrassé la répression financière, notamment à travers la refondation de la réglementation, des plafonnements (implicites ou explicites) de taux d’intérêt nominaux, des contrôles de capitaux et même la pression morale pour pousser les institutions domestiques à détenir davantage de dette publique. L’épisode actuel de surendettement se distingue toutefois des précédents : outre les gouvernements, les entreprises, les ménages et le secteur bancaire ont également connu une forte expansion de leur dette. 

 

Références

REINHART, Carmen M. (2012), « The return of Financial Repression », in Financial Stability Review, n° 16, avril.

REINHART, Carmen M., Vincent R. REINHART, & Kenneth S. ROGOFF (2012), « Public debt overhangs: Advanced-economy episodes since 1800 », in Journal of Economic Perspectives, vol. 26, n° 3, été.

REINHART, Carmen M., & Kenneth S. ROGOFF (2011), « The forgotten history of domestic debt », in Economic Journal, vol. 121, n° 552, mai.

REINHART, Carmen M., & Kenneth S. ROGOFF (2013), « Financial and sovereign debt crises: Some lessons learned and those forgotten », FMI, working paper, décembre.

REINHART, Carmen M., & M. Belen SBRANCIA (2011), « The liquidation of government debt », NBER, working paper, n° 16893, mars.

REINHART, Carmen M., & M. Belen SBRANCIA (2015), « The liquidation of government debt », FMI, working paper, n° 15/7, janvier.

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