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25 juillet 2015 6 25 /07 /juillet /2015 08:11

Dans la mesure où la reprise ne s’opère pas au même rythme dans les pays avancés, on observe une divergence croissante des conditions monétaires. Aux Etats-Unis, le taux de chômage se rapproche du niveau que la Fed considère traditionnellement comme étant celui du plein emploi, alors même le chômage structurel a peut-être augmenté, ce qui suggère que toute poursuite de la baisse du taux de chômage pourrait se traduire rapidement par des pressions inflationnistes. Par conséquent, la Fed a commencé à resserrer sa politique monétaire, en ralentissant ses achats d’actifs et en projetant de commencer prochainement, peut-être d’ici la fin de l’année, à relever ses taux directeurs. Par contre, la reprise est plus lente au Japon et dans la zone euro, deux économies en prise avec la déflation. L’écart de production (output gap) y reste important : en 2014, la production demeure inférieure de 3 % à son niveau potentiel dans la zone euro et de plus de 1,5 % au Japon. Une telle faiblesse persistante de la demande plaide pour un assouplissement des politiques conjoncturelles. Ainsi, la Banque du Japon a accéléré les achats d’actifs dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif et qualitatif (la « première flèche » de l’abenomics) qu’elle a lancé au début de l’année 2013, tandis que la BCE a fini par déployer son propre programme d’assouplissement quantitatif au début de l’année 2015.

Cette divergence des conditions monétaires s’est traduite par d’amples ajustements des taux de change : les pays qui resserrent leur politique monétaire ont vu leur taux de change s’apprécier, tandis que les pays qui assouplissent leur politique monétaire ont vu leur taux de change se déprécier. En outre, les rendements obligataires ont eu tendance à se réduire. Le resserrement de la politique monétaire américaine est susceptible d’accentuer l’appréciation du dollar vis-à-vis de l’euro, mais aussi de pousser les taux d’intérêt à la hausse dans la zone euro. De même, la mise en œuvre de l’assouplissement quantitatif dans la zone euro peut accentuer la dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar, mais aussi pousser à la baisse les rendements de long terme aux Etats-Unis. Au vu de l’importance des Etats-Unis et de la zone euro dans l’économie mondiale, une telle divergence des conditions monétaires est susceptible d’avoir de profondes répercussions sur le reste du monde.

Carolina Osorio Buitron et Esteban Vesperoni (2015) se sont penchés sur les divergences des conditions réelles et monétaires entre les Etats-Unis et la zone euro. Ils ont observé quelles étaient les répercussions de ces divergences sur les pays en développement et sur les autres pays avancés. Ils tirent plusieurs constats de leur analyse. Premièrement, au cours de l’année dernière, la zone euro a eu de larges effets de débordement sur les Etats-Unis. A travers ses multiples décisions, la BCE semble avoir convaincu les marchés qu’elle était prête à approfondir agressivement sa politique monétaire pour maintenir la stabilité des prix. De plus, les anticipations d’inflation dans la zone euro ont été substantiellement révisées à la baisse, en raison de la faiblesse persistante de la demande globale et du contre-choc pétrolier. Ces dynamiques ont poussé à la baisse les rendements dans la zone euro et aux Etats-Unis. Le fait que la reprise ait été plus rapide aux Etats-Unis qu’en zone euro a contribué à l’appréciation du dollar depuis 2014. Deuxièmement, les répercussions sur le reste du monde dépendent des causes sous-jacentes aux hausses des rendements. Si ces derniers augmentent parce que les perspectives économiques s’améliorent dans les grandes économies avancées, alors les autres pays n’en seront pas pénalisés. En effet, si la croissance s’accélère dans les grandes économies avancées, alors la demande extérieure dont le reste du monde fait l’objet s’en trouvera stimulée. Par contre, ce ne sera pas le cas si les rendements augmentent en raison de changements de politique monétaire ou des révisions non anticipées des anticipations d’inflation. Troisièmement, les répercussions sur le reste du monde sont accentuées en période lorsque les politiques monétaires des grands pays avancés sont synchrones, mais elles peuvent être atténuées si ces mêmes politiques monétaires sont asynchrones. Les chocs réels touchant les grandes économies avancées (une amélioration non anticipée des perspectives économiques) stimulent l’activité économique dans les autres économies, tandis que les chocs monétaires (les resserrements non anticipés des conditions monétaires) la détériorent, et ce qu’importe si ces chocs proviennent des Etats-Unis ou de la zone euro. L’asynchronicité des conditions réelles et monétaires que l’on observe actuellement devrait ainsi atténuer les effets de débordement sur le reste du monde.

La divergence actuelle des conditions monétaires se distingue toutefois des précédentes par les fortes variations des taux de change, notamment l'appréciation soutenue du dollar. Or, durant les précédents épisodes au cours desquels le dollar s’est fortement apprécié, la fréquence des crises externes s’est accrue dans les pays en développement : ce fut le cas notamment sur les périodes 1980-1985, 1995-2001 et 2008-2009. Toutefois, Julian Chow, Florence Jaumotte, Seok Gil Park et Yuanyan Sophia Zhang (2015) notent que les pays en développement sont devenus moins vulnérables aux crises de change depuis les années quatre-vingt-dix : ils ont notamment accumulé de larges réserves de change et se sont davantage endettés dans leur propre devise. Pour autant, des vulnérabilités demeurent : même si les positions nettes des pays en développement se sont améliorées, ils disposent toujours de larges montants de dette en devises étrangères, si bien qu’ils sont toujours vulnérables à une hausse des taux d’intérêt ou à un arrêt soudain des capitaux. En outre, la dette externe libellée en devise domestique n’est pas sans risque. Enfin, même si les expositions des pays aux risques de change ont diminué, les expositions des entreprises à ces mêmes risques ont augmenté.

Luca Dedola, Giulia Rivolta et Livio Stracca (2015) se sont focalisés sur les répercussions mondiales des chocs de politique monétaire américaine. Tout d’abord, ils constatent que ces chocs affectent différemment les pays selon qu’il s’agisse de pays avancés ou de pays en développement. Un resserrement de la politique monétaire américaine entraîne une contraction de l’activité économique et une hausse du chômage, aussi bien dans les pays avancés que dans les pays en développement, malgré la dépréciation de leur taux de change bilatéral vis-à-vis du dollar et de leur taux de change effectif réel. L’inflation tend à ralentir dans les pays avancés et à accélérer dans les pays en développement. Ce sont seulement les pays en développement qui connaissent une sortie des capitaux, un effondrement du crédit domestique et une chute des prix de l’immobilier. Ces variables ne sont pas significativement affectées dans les pays avancés. En outre, Dedola et ses coauteurs constatent que les pays qui se caractérisent simultanément par un taux de change flottant et par une faible mobilité des capitaux sont mieux préservés des répercussions financières de la politique monétaire américaine. Ni un ancrage de la devise au dollar combiné à une faible mobilité des capitaux, ni un taux de change flottant combiné à une forte mobilité des capitaux se révèlent utiles. Les trois auteurs en concluent que pour les pays en développement, le dilemme suggéré par Hélène Rey (2015) apparaît davantage pertinent que le trilemme classique de la finance internationale.

 

Références

CHOW, Julian, Florence JAUMOTTE, Seok Gil PARK & Yuanyan Sophia ZHANG (2015), « Spillovers from dollar appreciation », FMI, policy discussion paper, n° 15/2, juillet.

DEDOLA, Luca, Giulia RIVOLTA & Livio STRACCA (2015), « If the Fed sneezes, who catches a cold? ».

FMI (2015), « Monetary policies in advanced economies: Good for them, good for others », in IMF Survey (blog), 23 juillet.

OSORIO BUITRON, Carolina, & Esteban VESPERONI (2015), « Spillover implications of differences in monetary conditions in the United States and the euro area », FMI, policy discussion paper, n° 15/1, juillet.

REY, Hélène (2013), « Dilemma not trilemma: The global financial cycle and monetary policy independence », document de travail présenté à Jackson Hole, 24 août.

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