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25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 14:14

Un plan de relance et un plan d’austérité n’auront pas la même efficacité selon la position de l’économie dans le cycle. Si la politique budgétaire est procyclique, elle risque d’accentuer les fluctuations économiques. En effet, si le gouvernement adopte un plan de relance en pleine expansion, il risque de pousser l’économie en pleine surchauffe, notamment en alimentant l’inflation. Inversement, si le gouvernement adopte un plan d’austérité en pleine récession, il risque de dégrader davantage l’activité économique. En l’occurrence, s’il le fait dans l’optique de réduire son ratio dette publique sur PIB, alors le plan d’austérité risque en définitive de se révéler contre-productif, car le numérateur est susceptible de décliner plus lentement que le dénominateur.

Pour être efficace, la politique budgétaire doit être contracylique. Le gouvernement doit assouplir sa politique budgétaire lors des récessions (en augmentant les dépenses publiques ou en réduisant les prélèvements obligatoires) pour stimuler la demande globale. Lorsque l’économie renoue avec la croissance, le gouvernement doit resserrer sa politique budgétaire (en réduisant les dépenses publiques ou en augmentant les prélèvements obligatoires). Lors de la récession, le déficit public et la dette publique tendent naturellement à s’accroître, non seulement en raison de la relance budgétaire, mais aussi plus simplement en raison du tarissement des recettes fiscales avec la faiblesse de l’activité. Par conséquent, le resserrement de la politique budgétaire lors des expansions contribue non seulement à contenir les pressions inflationnistes qu’une demande excessive est susceptible de générer, mais aussi à réduire la dette publique pour que le gouvernement ait une marge de manœuvre budgétaire suffisante lors des récessions ; dans le cas contraire, une détérioration des finances publiques lors d’une récession, alors même que celles-ci sont déjà fragilisées, risque de susciter des craintes quant à la soutenabilité de la dette publique, c’est-à-dire de désinciter les gouvernements à chercher à stimuler l’activité, mais aussi à conduire à une hausse des taux d’intérêt et du risque de défaut de paiement pour l’Etat. (1)

Dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ce sont les pays développés qui conduisaient une politique budgétaire contracyclique (ou tout du moins acyclique), ce qui leur permit de lisser leurs cycles d’affaires. De leur côté, les gouvernements des pays émergents et en développement menaient au contraire une politique budgétaire procyclique, qui alimentait leurs déséquilibres domestiques. Un tel comportement, sous-optimal, peut notamment s’expliquer par les difficultés d’accès aux marchés du crédit internationaux. En période de difficultés, les gouvernements ne peuvent avoir d’autres choix que de réduire leurs dépenses publiques et d’accroître les impôts, tandis qu’ils peuvent ne pas résister aux pressions pour un accroissement des dépenses publiques lors des périodes d’expansion. Jeffrey Frankel, Carlos Vegh et Guillermo Vuletiny (2012) ont mis en évidence qu’un tiers des pays en développement ont su sortir de leur trappe de procyclicité et adopter des politiques budgétaires contracyclique. Pour Frankel et ses coauteurs, cette évolution s’explique non seulement par l’intégration financière, mais aussi par une amélioration de la qualité des institutions des pays émergents et en développement. Le Chili est peut-être le meilleur exemple de pays émergent qui a su améliorer ses institutions et adopter des politiques budgétaires contracycliques.

Raju Huidrom, Ayhan Kose et Franziska Ohnsorge (2016) ont analysé l’éventuelle existence et l’usage subséquent d’une marge de manœuvre budgétaire dans les pays émergents et en développement. Ils constatent que ces derniers ont su se constituer une marge de manœuvre budgétaire à la veille de la Grande Récession de 2008-2009, en réduisant leur dette publique et en éliminant leur déficit public. Elles ont alors pu utiliser cette marge de manœuvre budgétaire pour adopter des plans de relance lors de la Grande Récession et stabiliser ainsi leur activité. Huidrom et ses coauteurs confirment que ces trois dernières décennies ont été marquées par une hausse du degré de contracyclicité des politiques budgétaires dans les pays émergents et en développement ou, tout du moins, à une baisse de leur degré de procyclicité.

L’évolution de la politique budgétaire dans les pays émergents et en développement est d’autant plus remarquable que les pays développés ont connu l’évolution inverse. Ces dernières décennies, en particulier depuis les années deux mille, la politique budgétaire a pu avoir tendance à devenir procyclique dans les pays développés : leurs gouvernements ont maintenu une relance lors des expansions, ce qui alimenta la surchauffe, et embrassé l’austérité lors des récessions, aggravant la contraction de l’activité [Frankel, 2016]. Cela a en particulier été le cas dans la zone euro, où les gouvernements adoptèrent des plans d’austérité à partir de 2010, alors même que leurs économies sortaient à peine de la Grande Récession, ce qui fit rebasculer la zone euro dans une seconde récession l’année suivante. Le resserrement de la politique budgétaire contribua également à freiner la reprise aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Au Japon, le relèvement de la taxe à la consommation souffla l’amorce de croissance et d’inflation suscité par l’Abenomics.

Toutefois, les choses ne sont pas entièrement roses dans les pays émergents et en développement. Leur marge de manœuvre budgétaire s’est réduite depuis la Grande Récession en raison de l’accroissement des dettes et déficits publics et elle n’est pas retournée à son niveau d’avant-crise. Or, la croissance a pu ralentir ces dernières années dans les pays émergents et le resserrement de la politique monétaire de la Fed préfigure un durcissement des conditions de financement internationales. En outre, les pays émergents ont pu connaître un accroissement des déséquilibres domestiques, avec le fort accroissement de la dette privée, c’est-à-dire de l’endettement des entreprises et des ménages. Si ces dynamiques finissent pas se traduire par un fort ralentissement de l’activité, les responsables politiques auraient à utiliser la marge de manœuvre budgétaire dont ils disposent pour relancer l’activité. Cela sera d’autant plus nécessaire que la perspective de fuites des capitaux contraint fortement la politique monétaire des pays émergents et en développement. Pour que la politique budgétaire soit efficace, il faut que les pays disposent d’une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour suivre une politique budgétaire contracyclique.

 

(1) Un tel risque est peu probable si le pays dispose de sa propre monnaie : la banque centrale peut alors jouer un rôle de prêteur en dernier ressort pour l’Etat et ainsi maintenir les taux d’intérêt à un faible niveau. Par contre, le risque de défaut souverain est plus élevé dans le cas d’une union bancaire : les gouvernements émettent une dette dans une monnaie qui n’est pas la leur. Ainsi, plusieurs pays « périphériques » de la zone euro ont pu subir des turbulences sur les marchés obligataires, avant que la BCE se décide enfin à jour son rôle de prêteur en dernier ressort pour les Etats-membres.

 

Références

FRANKEL, Jeffrey A. (2016), « Fiscal education for the G-7 », in Econbrowser (blog), 26 mai. Traduction disponible sur Annotations.

FRANKEL, Jeffrey A., Carlos A. VEGH & Guillermo VULETINY (2013), « On graduation from fiscal procyclicality », in Journal of Development Economics, vol. 100, n° 1.

HUIDROM, Raju, Ayhan KOSE & Franziska OHNSORGE (2016), « Challenges of fiscal policy in emerging and developing economies », juin.

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