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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 20:57

Lors de la récente crise mondiale, la demande globale s’est effondrée et, avec elle, les échanges internationaux. Ce « grand effondrement » a été suivi par un fort rebond du commerce international avec la reprise mondiale (cf. graphique 1). Pourtant la croissance des échanges n'a pas réussi à retrouver son rythme d'avant-crise. En effet, elle atteignait en moyenne 7,1 % par an entre 1987 et 2007, mais seulement 3 % par an entre 2012 et 2013. Alors qu’au cours des quatre précédentes décennies, décrites par certains comme une période d'« hypermondialisation », le volume du commerce s’accroissait deux fois plus rapidement que la production mondiale, la première semble désormais croître plus lentement que la seconde (cf. graphique 2). La question qui se pose est si ce ralentissement du commerce international est un phénomène conjoncturel, susceptible de se corriger avec l’accélération de la croissance mondiale, ou bien s’il s’explique par des déterminants structurels qui le rendraient alors permanent, auquel cas une accélération substantielle de la croissance mondiale ne s’accompagnerait plus d’une aussi forte croissance des échanges.

GRAPHIQUE 1  Croissance des échanges internationaux

Constantinescu-Mattoo-Ruta--croissance-des-echanges-intern.png

source : Constantinescu et alii (2014a)

Certains suggèrent que ce ralentissement serait avant tout conjoncturel et qu’il s’expliquerait en l’occurrence par la crise de la zone euro. L’Union européenne représente en effet un tiers de l’ensemble des échanges. La chute puis la stagnation de la demande globale dans la zone euro a fortement déprimé ses importations, c’est-à-dire finalement les exportations du reste du monde. L’apparition d’un large excédent courant pour l’ensemble de la zone euro suggère que celle-ci déprime effectivement la demande mondiale et par là les échanges. Si cette interprétation est correcte, les échanges internationaux seront fortement stimulés par le retour de la croissance en zone euro.

GRAPHIQUE 2  Taux de croissance annuels moyens (en %)

Constantinescu-Mattoo-Ruta--importations-PIb-mondial--Marti.png

source : Constantinescu et alii (2014a)

Pour Cristina Constantinescu, Aaditya Mattoo et Michele Ruta (2014a ; b), économistes au FMI et à la Banque mondiale, le récent ralentissement du commerce ne semble toutefois pas s’expliquer par les seuls facteurs conjoncturels. L’évolution du ratio des importations sur le PIB au cours des 10 dernières années suggère que des facteurs de long terme ont joué un rôle déterminant dans le récent ralentissement du commerce. La plupart des économies enregistrent un ratio stable depuis la crise mondiale. Mais dans le cas de la Chine et des Etats-Unis, ce ratio a cessé d’augmenter avant la crise ; en l’occurrence, il est stable depuis 2005, ce qui suggère que des facteurs de long terme jouent effectivement un rôle dans le récent ralentissement du commerce. Les trois auteurs constatent que la relation entre le commerce et le revenu semble avoir connu un changement structurel dans les années deux mille. L’élasticité du commerce à long terme (mesurant la sensibilité du commerce au revenu) s’est élevée dans les années quatre-vingt-dix, puis elle a fortement diminué dans les années deux mille pour finalement retrouver les valeurs qu’elle atteignait dans les années soixante-dix. Une hausse de 1 % du revenu mondial était associée à une hausse de 2,2 % des échanges internationaux au cours des années quatre-vingt ; elle était associée à une hausse de seulement 1,3 % durant les années deux mille. En d’autres termes, si la croissance des échanges internationaux a ralenti, ce n’est pas seulement parce que la croissance du revenu mondial est plus lente, mais aussi parce que la première est moins sensible à la seconde. Surtout, il s'agirait d'une sorte de retour « à la normale ».

L’accroissement de l’élasticité du commerce au revenu au cours des années quatre-vingt peut s’expliquer par la fragmentation internationale de la production. Notamment avec le développement des technologies d’information et de communication, il est devenu plus facile pour les entreprises de fragmenter leur processus de production et de répartir les différentes tâches de production entre plusieurs pays. Or une telle fragmentation de la production accroît mécaniquement le volume des échanges internationaux pour un volume donné de production. En l’occurrence, de plus en plus de composants ont été importés en Chine pour y être assemblés et réexportés dans le reste du monde (cf. graphique 3). Dans les années quatre-vingt-dix, les entreprises américaines ont de plus en plus délocalisé leur production, si bien que le commerce est devenu plus sensible au revenu aux Etats-Unis. La part des importations de biens manufacturés dans le PIB américain a plus que doublé au cours des années quatre-vingt-dix (cf. graphique 4). Au cours de cette décennie, les biens intermédiaires importés par les pays émergents provenaient avant tout des Etats-Unis ; l’économie américaine était en outre la principale destination de leurs produits finis. 

GRAPHIQUE 3  Part des importations de biens intermédiaires dans les exportations chinoises de marchandises (en %)

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source : Constantinescu et alii (2014a)

Pour Constantinescu et ses coauteurs, la moindre sensibilité du commerce au revenu que l’on a pu observer au cours des dernières années peut éventuellement s’expliquer par les changements dans la structure du commerce associés à l’essor ou à la contraction des chaînes de valeur mondiales, par les changements dans la composition du commerce mondial (par exemple, l’importance relative des biens vis-à-vis des services), par des changements dans la composition du revenu mondial (notamment l’importance relative de l’investissement et de la consommation) et des changements dans le régime commercial (avec par exemple la montée du protectionnisme). Les auteurs passent alors en revue chacune de ces potentielles explications. Tout d’abord, la répartition entre biens et services dans les échanges mondiaux est restée remarquablement stable au cours des dernières années, si bien que la moindre élasticité peut difficilement s’expliquer par un changement dans la composition du commerce international. Ensuite, le commerce est aussi sensible à l’investissement qu’à la consommation, si bien que la moindre élasticité ne peut s’expliquer par un changement dans la composition de la demande. En outre, le protectionnisme n’a connu qu’un faible essor suit à la crise financière.

GRAPHIQUE 4  Importations américaines de biens manufacturés (en %)

Constantinescu-Mattoo-Ruta--importations-biens-manufacture.png

source : Constantinescu et alii (2014a)

En fait, le changement dans la relation entre le commerce et le revenu au niveau mondial semble avant tout s’expliquer par les changements dans le commerce intrafirme aux Etats-Unis et en Chine. Alors que l’élasticité du commerce au revenu est restée la même en Europe, elle est passée de 3,7 à 1 aux Etats-Unis et de 1,5 à 1,1 en Chine. Elle a certes fortement augmenté dans certaines régions à travers le monde, mais celles-ci ne représentent qu’une faible part du commerce mondial. Si le commerce est resté fortement sensible au PIB dans la zone euro, c’est peut-être parce que ses pays-membres (en particulier l’Allemagne) ont continué d’étendre leurs chaînes de valeur en Europe de l’est. Par contre, le récent déclin de l’élasticité du commerce au revenu en Chine pourrait dénoter un changement dans le rôle qu’elle joue dans la production mondiale. La part des biens intermédiaires importés dans les exportations chinoises a atteint un pic de 60 % au milieu des années quatre-vingt-dix, puis a diminué pour atteindre aujourd’hui 35 % (cf. graphique 3). Cela pourrait traduire une substitution des intrants importés par les intrants domestiques. En l’occurrence, les régions côtières de la Chine sous-traitent de plus en plus avec les régions intérieures, notamment grâce au déclin plus rapide des coûts de transport et de communication vis-à-vis de ces dernières que vis-à-vis du reste du monde. De leur côté, les entreprises américaines semblent ne plus chercher à davantage fragmenter leur production. En effet, les importations manufacturières aux Etats-Unis ont représenté une part assez stable du PIB depuis le début des années deux mille, en l’occurrence 8 % (cf. graphique 4).

 

Références

CONSTANTINESCU, Cristina, Aaditya MATTOO & Michele RUTA (2014a), « Global trade slowdown: Cyclical or structural? ».

CONSTANTINESCU, Cristina, Aaditya MATTOO & Michele RUTA (2014b), « Slow trade », in Finance & Development, vol. 51, n° 4.

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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 11:17

Le théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS) suggère que la mondialisation est susceptible de réduire les inégalités de revenu dans les pays en développement. En effet, puisque cette théorie suggère que chaque pays dispose d’un avantage comparatif dans la production de bien qui exige relativement le plus des facteurs dont il est abondamment dotés, les pays pauvres (qui disposent de peu de capitaux et d’une main-d’œuvre relativement peu qualifiée) devraient se spécialiser dans la production de biens exigeant relativement peu de capital et beaucoup de travail non qualifié. Puisque la main-d’œuvre non qualifiée est davantage demandée, ses salaires augmentent, tandis que la main-d’œuvre qualifiée, moins demandée, devrait connaître de moindres hausses salariales. Bref, les écarts de salaires entre travailleurs qualifiés et non qualifiées devraient se réduire. [1]

Cela pourrait par exemple expliquer par exemple pourquoi  les pays européens, initialement caractérisés par un ratio élevé de travailleurs non qualifiés, ont connu une baisse des inégalités au dix-huitième siècle avec le développement des échanges commerciaux avec les Etats-Unis [The Economist, 2014]. En 1700, les revenus moyens des 10 % des Français les plus aisés étaient 31 fois plus élevés que ceux des 10 % des Français les moins aisés ; en 1900, ils n’étaient plus que 11 fois plus élevés.

Le modèle Heckscher-Ohlin rencontre toutefois plusieurs problèmes au niveau empirique. D’une part, il prédit que les échanges bilatéraux seront d’autant plus importants que les dotations factorielles sont différentes. Pourtant les pays riches et les pays pauvres échangent très peu entre eux. D’autre part, l’analyse empirique suggère que les inégalités tendent à augmenter dans les pays en développement suite à une libéralisation des échanges. Les inégalités mondiales (mesurées par la répartition du revenu entre les pays riches et les pays pauvres) ont certes eu tendance à se réduire entre 1988 et 2008 selon la Banque mondiale, mais la mondialisation semble s’être traduite par une hausse des inégalités dans plusieurs pays pauvres. Celles–ci ont eu tendance à s’accroître suite à chaque épisode de libéralisation des échanges. L’indice de Gini a augmenté de 9 % en Afrique subsaharienne entre 1993 et 2008. Il a augmenté de 34 % en Chine sur deux décennies. 

Lors de la dernière édition de la conférence qui se tient chaque année à Lindau en Allemagne et qui réunit les « prix Nobel » d’économie, Eric Maskin s’est demandé pourquoi la mondialisation entraîne une hausse des inégalités dans les pays en développement et quelles solutions il faudrait alors mettre en œuvre pour les réduire. Il appuie sa réflexion sur un modèle néoclassique qu’il a réalisé avec Michael Kremer. Les deux économistes partent du fait que la main-d’œuvre est hétérogène dans les pays en développement. En l’occurrence, dans ces derniers, les firmes multinationales sont davantage susceptibles d’embaucher des travailleurs qualifiés que des travailleurs non qualifiés. La revue The Economist (2014) prend l’exemple des centres d’appels en Inde : leurs salariés disposent en général de l’équivalent du baccalauréat. Il n’en demeure pas moins que les travailleurs qualifiés des pays en développement sont moins efficaces que les travailleurs non qualifiés des pays développés.

Avant une réforme de libéralisation des échanges (à l’instar de celles menées à partir des années quatre-vingt), les travailleurs qualifiés et non qualifiés dans les pays en développement travaillaient ensemble, ce qui permettait d’accroître l’efficacité des non qualifiés. Avec la mondialisation, les travailleurs qualifiés des pays en développement peuvent plus facilement travailler avec les travailleurs des pays développés, si bien qu’ils délaissent leurs compatriotes non qualifiés. Les entreprises des pays avancés peuvent délocaliser certaines activités vers les pays en développement, mais ces activités sont alors réalisées sur place par des travailleurs qualifiés, alors qu’elles étaient réalisées par des travailleurs non qualifiées lorsqu’elles étaient réalisées dans les pays développés. 

Par conséquent, avec le développement du commerce intrafirme et l’essor des chaînes de valeur régionales, les travailleurs qualifiés dans les pays en développement sont davantage demandés et leur productivité augmente, si bien qu’ils voient leurs salaires augmenter. Les firmes multinationales payent alors dans les pays en développement des salaires plus élevés que la norme. Et effectivement, au Mexique, les entreprises exportatrices versent des salaires supérieurs de 60 % à ceux versés par les entreprises non exportatrices ; en Indonésie, les usines possédées par les étrangers versent aux cols blancs des salaires supérieurs de 70 % à ceux versés par les entreprises détenues par des résidents. D’après le modèle de Kremer et Maskin, non seulement les travailleurs les moins qualifiés ne peuvent pas faire face aux travailleurs qualifiés des pays riches, mais ils ont également perdu accès aux travailleurs qualifiés de leur propre pays. Leur productivité et leurs salaires diminuent, si bien que les inégalités de revenu s’accroissent.

Maskin suggère alors que la réduction des inégalités dans les pays en développement passe par l’éducation. 38 % des adultes sont analphabètes en Afrique et les taux d'analphabétisme dépassent les 50 % dans plusieurs pays. Mieux qualifiés, les travailleurs pauvres deviennent alors plus attractifs pour les entreprises étrangères et leurs salaires augmentent. Les travailleurs peu qualifiés peuvent difficilement investir dans le capital humain, ce qui justifie l’intervention des pouvoirs publics et l’aide internationale. En 1970, 30 % des enfants latino-américains étaient scolarisés dans le secondaire, alors qu’ils sont 88 % à l’être aujourd’hui. Au cours de cette période, l’Amérique latine a connu une forte réduction des inégalités et celle-ci s’expliquerait notamment par les investissements réalisés dans l’éducation, ce qui conforte la thèse de Maskin.

 

[1] Par contre, si l’on suit la logique du théorème HOS, c’est la dynamique inverse que l’on est susceptible d’observer dans les pays riches : puisque ceux-ci se caractérisent par une main-d’œuvre relativement qualifiée, ils sont censés se spécialiser dans la production exigeant le plus de travail qualifié, si bien que c’est la demande de travailleurs qualifiés qui augmente et donc leurs salaires s’accroissent. Puisque les travailleurs non qualifiés sont moins demandés, leurs salaires stagnent, voire diminuent, si bien que les inégalités ont tendance à augmenter avec la libéralisation des échanges et l’approfondissement de la spécialisation.

 

Références

The Economist (2014), « Revisiting Ricardo: Why globalisation is not reducing inequality within developing countries », 23 août.

EVANS-PRITCHARD, Ambrose (2014), « Nobel gurus fear globalisation is going horribly wrong (technical) », in The Telegraph, 22 août.

KREMER, Michael, & Eric MASKIN, « Globalization and inequality », document de travail.

C. W. (2014), « Eric Maskin and inequality: Learn, and be less unequal », in Free Exchange (blog), 23 août. 

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25 août 2014 1 25 /08 /août /2014 18:08

Les conditions sur le marché du travail aux Etats-Unis se sont fortement dégradées avant même que l’économie ne bascule dans la Grande Récession. Durant les années quatre-vingt-dix, l’emploi américain a connu une vigueur non vue depuis les années soixante-dix, si bien qu'Alan Krueger et Robert Solow (2002) ont pu parler de « roaring nineties ». Entre 1991 et 2000, le ratio emploi sur population grimpa de 1,5 point de pourcentage pour les hommes et de plus de 3 points de pourcentage pour les femmes. La seconde moitié de la décennie fut marquée par une croissance rapide des salaires dans un contexte de faible inflation. Le taux de chômage national a atteint 4 % en 2000, son plus faible niveau de 1969. Avec le nouveau millénaire, le marché du travail américain connaît un retournement.  En 2007, le taux d’emploi des hommes était revenu à son niveau de 1991, tandis que le taux d’emploi des femmes cessa d’augmenter à partir de 2001. Après s’être élevé à 2,6 % entre 1991 et 2000, le taux de croissance annuel moyen n’atteint que 0,9 % entre 2000 et 2007. Ces mauvaises performances s’expliquent principalement par les contractions majeures de l’emploi manufacturé : après être resté relativement  constant au cours des années quatre-vingt-dix, il a décliné de 18,7 % entre 2000 et 2007.

Cette détérioration est synchrone avec un accroissement de la concurrence chinoise à l’import, si bien que beaucoup considèrent la première comme une conséquence de la seconde. En effet, entre 1990 et 2011, la part des exportations manufacturières mondiales réalisées par la Chine est passée de 2 à 16 %. En l’occurrence, l’essor de la Chine sur les marchés internationaux a en l’occurrence été particulièrement stimulée par son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Parallèlement, la part de la Chine dans les importations manufacturières américaines est passée de 4,5 % à 10,9 % entre 1991 et 2001, avant d’atteindre 23,1 % en 2011. 

Poursuivant leurs travaux antérieurs, Daron Acemoglu, David Autor, David Dorn, Gordon Hanson et Brendan Price (2014) ont exploré l’impact de l’essor des entreprises chinoises sur l’emploi américain et ils constatent qu’elle a fortement contribué aux récentes réductions de l’emploi manufacturé aux Etats-Unis. En effet, leur analyse contrefactuelle suggère que si la Chine n’avait pas davantage progressé dans les importations américaines après 1999, 560.000 emplois manufacturiers auraient été sauvegardés au cours des 12 années suivantes. En d’autres termes, l’exposition directe à la concurrence chinoise expliquerait un dixième du déclin de l’emploi manufacturier aux Etats-Unis.

En outre, la concurrence chinoise a eu des répercussions plus indirectes sur l’emploi agrégé. Certains effets indirects passent par les relations intersectorielles et ceux-ci ont pu se révéler aussi bien positifs que négatifs pour la demande de travail aux Etats-Unis. D’un côté, si une entreprise du secteur industriel ferme ses portes en raison de la concurrence chinoise, cette défaillance réduit, d’une part, la demande pour ses fournisseurs américains en amont et, d’autre part, l’offre pour les entreprises en aval ; en d’autres termes, les défaillances dans un secteur donné pénalisent les entreprises présentes dans les autres secteurs, tout au long des chaînes de valeur. D’un autre côté, l’accroissement des importations dans les secteurs en amont peut réduire le coût d’obtention d’intrants, ce qui réduit les répercussions du choc sectoriel sur l’ensemble de l’économie.  Lorsqu’Acemoglu et ses coauteurs prennent en compte les effets indirects de la concurrence chinoise sur l’emploi américaine, ils constatent que celle-ci est à l’origine de la destruction de 985.000 emplois dans le seul facteur manufacturier et de 1,98 millions dans l’économie dans son ensemble. Les liens intersectoriels ont ainsi amplifié les répercussions du choc commercial sur l’emploi.

Cette première analyse, menée au niveau des seuls secteurs, ne parvient toutefois pas à capter deux autres effets macroéconomiques. D’un côté, le commerce avec la Chine entraîne une réallocation de la main-d’œuvre et des autres facteurs de production des secteurs en déclin vers de nouvelles opportunités, si bien que l’impact négatif direct et les effets intersectoriels sont susceptibles d’être en partie compensés. D’autre part, la demande globale s’en trouve affectée via les effets multiplicateurs à la Keynes : l’investissement et la consommation peuvent s’affaiblir, ce qui accroît les destructions d’emplois initiales. Afin de prendre en compte ces deux effets supplémentaires, Acemoglu et ses coauteurs poursuivent alors leur analyse au niveau des marchés du travail locaux. Au final, ils estiment que les pertes nettes d’emplois associées à l’essor de la Chine s’élèvent à 2 à 2,4 millions au cours de la période s’étalant de 1999 à 2011.

 

Références

ACEMOGLU, Daron, David AUTOR, David DORN, Gordon H. HANSON & Brendan PRICE (2014), « Import competition and the great U.S. employment sag of the 2000s », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 20395, août. 

AUTOR, David H., David DORN & Gordon H. HANSON (2013a), « The China syndrome: Local labor market effects of import competition in the United States », in American Economic Review, vol. 103, n° 6.

AUTOR, David H., David DORN & Gordon H. HANSON (2013b), « Untangling trade and technology: Evidence from local labor markets », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 18938, avril.

AUTOR, David H., David DORN, Gordon H. HANSON & Jae SONG (2014), « Trade adjustment: Worker level evidence », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 19226, juillet.

KRUEGER, Alan B., & Robert M. SOLOW (2002), The Roaring Nineties: Can Full Employment Be Sustained?

PIERCE, Justin R., & Peter K. SCHOTT (2014), « The surprisingly swift decline of U.S. manufacturing employment », Réserve fédérale, finance and economics discussion paper, n° 2014-4.

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