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19 novembre 2016 6 19 /11 /novembre /2016 15:03
Quelque chose entre le trilemme et le dilemme…

Le choix du régime de change et l’attitude vis-à-vis des flux de capitaux sont deux questions majeures en finance internationale. En s’appuyant sur les modèles à la Mundell-Fleming, la littérature théorique a souvent suggéré l’existence d’un trilemme (ou « triangle des incompatibilité » ou encore « impossible trinité ») : un pays ne peut se caractériser simultanément par une libre mobilité des capitaux, une fixité du taux de change et une autonomie monétaire, c’est-à-dire une liberté de la banque centrale dans la fixation de ses taux d’intérêt : il perd cette autonomie monétaire s’il désire à la fois libérer les mouvements de capitaux et adopter un taux de change fixe ; il doit restreindre les mouvements de capitaux s’il désire à la fois garder une politique monétaire indépendante et ancrer son taux de change sur les autres devises ; il doit laisser sa monnaie flotter s’il désire garder l’autonomie de sa politique monétaire et laisser les capitaux se mouvoir librement. Alors qu’en pratique les pays ont pu présenter au cours de l’histoire une certaine « crainte du flottement » (fear of floating), le trilemme suggère qu’un pays aurait intérêt à laisser sa monnaie flotter lorsque son compte de capital est libéralisé. C’est une idée qu’a notamment défendue Maurice Obstfeld (2015), l’actuel économiste en chef du FMI : les données empiriques lui suggèrent que les pays laissant flotter leur devise jouissent d’une politique monétaire autonome.

Hélène Rey (2013) a pourtant remis en cause ce trilemme en constatant que, même s’ils laissent leur taux de change flotter, les pays qui ont libéralisé leur compte de capital ne gardent pas pour autant l’autonomie de leur politique monétaire. En effet, les mouvements de capitaux pourraient être soumis à un véritable cycle financier mondial. Ce cycle serait intimement lié aux variations de l’indice VIX (un indicateur de volatilité financière que beaucoup perçoivent comme un indicateur de l’aversion au risque), qui trouveraient quant à elles leur origine dans les changements de la politique monétaire américaine. Lorsque la Fed assouplit sa politique monétaire, l’appétit pour le risque tendrait à augmenter (comme le suggère le déclin de l’indice VIX), ce qui stimulerait l’endettement des investisseurs financiers et favoriserait l’afflux de capitaux dans les pays émergents : c’est la phase ascendante du cycle. Inversement, lorsque la Fed resserre sa politique monétaire, l’aversion pour le risque augmenterait (comme le suggère la hausse de l’indice VIX), ce qui freinerait les prises de risques et l’endettement de la part des investisseurs financiers, mais aussi déprimerait les mouvements de capitaux à destination des pays émergents : c’est la phase descendante du risque. Rey constate que même les banques centrales des pays qui laissent flotter leur taux de change sont contraintes de suivre les décisions de la Fed, dès lors que les capitaux se meuvent librement. Au final, il semble que chaque pays fait face, non pas à un trilemme, mais à un simple dillemme, en ne pouvant en définitive choisir qu’entre un « irréconciliable duo » : soit il perd l’autonomie de sa politique monétaire en libéralisant son compte de capital, soit il adopte un contrôle des capitaux pour garder une politique monétaire autonome.

Or, la Réserve fédérale a amorcé il y a peu le resserrement de sa politique monétaire, tout d’abord en réduisant ses achats d’actifs, puis en relevant (en décembre dernier) ses taux directeurs pour la première fois depuis la crise financière mondiale : le retour de l’économie américaine au plein emploi présage une possible surchauffe de l’activité, tandis que le maintien des taux à un faible niveau risque d’alimenter de nouvelles bulles spéculatives susceptibles de conduire à une nouvelle crise financière. Mais plusieurs pays à travers le monde sont loin de connaître une surchauffe et souffrent toujours d’une insuffisance de la demande globale. La question qui se pose alors est si la banque centrale de ces pays devra tout de même resserrer sa politique monétaire. Si c’est un dilemme et non un trilemme auquel les autres pays sont confrontés, alors leur banque centrale pourrait avoir à resserrer hâtivement sa politique monétaire.

Carlos Caceres, Yan Carrière-Swallow, Ishak Demir et Bertrand Gruss (2016) ont étudié l’impact des taux d’intérêt américains sur les taux des autres pays. Ils constatent que les taux d’intérêt de court terme (et les prix d’actifs) des Etats-Unis tendent à varier dans le même sens que les taux d’intérêt de court terme (et les prix d’actifs) du reste du monde, si bien que l’on peut s’attendre effectivement à ce que l’ensemble des taux d’intérêt domestiques s’élève tout autour du monde à mesure que la politique monétaire américaine se resserrera. Mais ils remarquent que cette corrélation s’explique en partie par la synchronisation des cycles d’affaires : c’est parce que l’ensemble des pays tendent simultanément à connaître une surchauffe que la Fed et les autres banques centrales tendent à resserrer simultanément leur politique monétaire. Cela dit, Caceres et ses coauteurs constatent une forte hétérogénéité d’un pays à l’autre et ils mettent en évidence l’absence d’autonomie monétaire dans certains cas. Pour autant, leur analyse suggère que la flexibilité du taux de change joue un rôle déterminant pour assurer l’autonomie de la politique monétaire des petites économies ouvertes vis-à-vis de la politique monétaire américaine lorsqu’ils ont libéralisé leur compte de capital. Ce résultat leur suggère que les pays laissant le plus amplement flotter leur taux de change sont les plus à même de faire face aux pressions exercées par le resserrement de la politique monétaire américaine.

Plus récemment, Xuehui Han et Shang-Jin Wei (2016) ont également étudié comment les changements de la politique monétaire dans les pays développés (le centre) affectent les pays émergents (la périphérie). Ils se distinguent des précédentes études en partant de l’idée d’une possible asymétrie des réactions des économies périphériques aux variations des taux d’intérêt d’un pays central. En l’occurrence, ils se demandent si les pays périphériques pourraient ne pas être autant incités à suivre la politique du pays du centre selon que ce dernier resserre ou assouplit sa politique monétaire. En effet, sans contrôles des capitaux, un régime de change flexible offre une certaine autonomie à la politique monétaire lorsque le pays du centre resserre sa politique monétaire, mais que ce n’est pas le cas lorsque le pays du centre réduit son taux d’intérêt. En d’autres termes, si certains craignent de laisser flotter leur monnaie, c’est avant tout parce qu’ils craignent que leur taux de change s’apprécie : lorsque le pays du centre assouplit sa politique monétaire, la banque centrale d’un pays périphérique assouplit également la sienne, même si l’évolution de l’activité domestique et du chômage domestique plaiderait au contraire pour un resserrement monétaire. Ainsi, un taux de change flexible n’offre qu’une protection asymétrique ou incomplète face aux changements de politique monétaire dans le reste du monde. Les contrôles de capitaux contribuent à isoler les pays de la périphérie des chocs de politique monétaire générés par le pays du centre lorsque ce dernier réduit son taux d’intérêt, et ce qu’importe que leur taux de change soit fixe ou flottant. Bref, chaque pays ferait face à quelque chose entre le dilemme et le trilemme.

 

Références

CACERES, Carlos, Yan CARRIÈRE-SWALLOW, Ishak DEMIR & Bertrand GRUSS (2016), « U.S. monetary policy normalization and global interest rates », FMI, working paper, n° 16/195, septembre.

HAN, Xuehui, & Shang-Jin WEI (2016), « International transmissions of monetary shocks: Between a trilemma and a dilemma », NBER, working paper, n° 22812, novembre.

OBSTFELD, Maurice (2015), « Trilemma and tradeoffs: Living with financial globalization », BRI, working paper, n° 480.

REY, Hélène (2013), « Dilemma not trilemma: The global financial cycle and monetary policy independence », document de travail présenté à la conférence de Jackson Hole, 24 août.

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26 octobre 2016 3 26 /10 /octobre /2016 22:15
Que mesurent vraiment les statistiques d'IDE ?

Les économistes et les responsables politiques considèrent les investissements directs à l’étranger (IDE) comme des flux de capitaux favorables à la croissance à long terme des économies qui les reçoivent. En effet, ils permettent à ces derniers d’accroître leurs capacités de production en utilisant l’épargne étrangère. Ainsi, les IDE contribuent à ce que les pays en développement évitent de basculer ou de rester piégés dans une trappe à sous-développement en raison de leur faible épargne domestique. D’autre part, les flux IDE sont a priori relativement stables, dans la mesure où leurs initiateurs suivent une stratégie de long terme et observent l’évolution des fondamentaux à moyen terme pour prendre leurs décisions. Par contre, les autres flux de capitaux, notamment les flux de portefeuille, sont souvent considérés comme plus volatiles et ils peuvent être déstabilisateurs. Par exemple, ils semblent avoir joué un rôle déterminant dans les épisodes de crises de change que les pays émergents ont pu connaître par le passé. Ainsi, lorsqu’il est question de contrôles des capitaux, ce sont précisément des flux de capitaux comme les flux de portefeuille que ces mesures cherchent avant tout à restreindre, tandis que les économistes et les responsables politiques tendent à en exempter les IDE.

Olivier Blanchard et Julien Acalin (2016) se sont penchés sur les flux d’IDE tels qu’ils sont mesurés dans les balances de paiements en utilisant les données trimestrielles relatives aux entrées et sorties d’IDE dans 25 pays émergents entre le premier trimestre 1990 et le quatrième trimestre 2015. Ils ont tiré de leur analyse plusieurs constats qui remettent en question l’image que la littérature et les déclarations publiques donnent habituellement aux IDE.

Par exemple, on s’attendrait à ce qu’il n’y ait aucune corrélation entre, d’une part, les IDE entrants et, d’autre part, les IDE sortants ou alors qu’il y ait une corrélation négative entre eux. En effet, si un pays apparaît comme attractif aux yeux des investisseurs étrangers, il serait étonnant que les investisseurs domestiques trouvent plus rentable d’investir à l’étranger. Ainsi, on s’attendrait à ce que les IDE entrants soient d’autant plus élevés que les IDE sortants soient faibles (et réciproquement). Or, Blanchard et Acalin mettent en évidence une corrélation positive assez élevée entre les IDE sortants et les IDE entrants. Ils en concluent alors qu’une grande partie de ce que l’on mesure dans plusieurs pays comment étant des IDE entrants sont en fait que des flux de capitaux qui transitent en leur sein, très certainement pour profiter d’une fiscalité plus favorable, et qu’ils ont en fait un tout autre pays pour destination finale. Ce problème est reconnu depuis longtemps, aussi bien par les statisticiens travaillant sur les IDE que par les autorités publiques elles-mêmes, mais Blanchard et Acalin mettent en évidence une corrélation bien plus large qu’attendu.

A la différence des autres flux de capitaux, notamment des flux de portefeuille, on pourrait s’attendre à ce que les flux d’IDE soient peu sensibles au taux d’intérêt de la Fed, du moins à court terme. Certes, si la Fed assouplit sa politique monétaire, les flux de portefeuille et surtout les flux d’endettement devraient davantage s’orienter vers les pays émergents, afin d’y profiter de plus hauts rendements, mais aussi les flux d’IDE ne devraient a priori pas réagir à l’assouplissement de la politique monétaire américaine. Or, Blanchard et Acalin constatent que les entrées d’IDE dans les pays émergents tendent à augmenter suite à une baisse du taux directeur de la Fed et même à augmenter plus rapidement que les flux d’endettement. En outre, on pourrait s’attendre à ce que les sorties d’IDE en provenance des pays émergents ne réagissent pas à une baisse du taux directeur de la Fed ou, alors, qu’elles baissent suite à celle-ci. Or, Blanchard et Acalin constatent que les IDE sortants des pays émergents tendent au contraire à s’accroître lorsque la Fed assouplit sa politique monétaire. Ces deux constats amènent ainsi les auteurs à considérer qu’une grande partie des flux de capitaux enregistrés comme flux d’IDE s’apparentent en fait davantage à des flux d’endettement, dans la mesure où ils répondent davantage aux changements de court terme de la politique monétaire américaine plutôt qu’aux fondamentaux de moyen terme des pays qui les génèrent et des pays qui les reçoivent.

 

Référence

BLANCHARD, Olivier, Blanchard & Julien ACALIN (2016), « What does measured FDI actually measure? », PIIE, policy brief, n° 16-17, octobre.

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 20:45

Lorsque le taux de change s’apprécie, le prix des biens importés tend à décliner, ce qui pousse le prix des biens domestiques à la baisse, ne serait-ce que parce que beaucoup de biens importés servent d’intrants dans la production domestique : l’économie bénéficie d’une désinflation importée. Symétriquement, lorsque le taux de change se déprécie, le prix des biens importés tend à s’accroître, ce qui pousse les prix des biens domestiques à la hausse : l’économie subit une inflation importée. De ce fait, le taux de change joue un rôle déterminant dans l’orientation de la politique monétaire, même lorsque la banque centrale n’a pas à défendre de parité fixe. Guillermo Calvo et Carmen Reinhart (2002) soulignent que la perspective d’une forte et rapide transmission des variations du taux de change aux prix domestiques est l’une des raisons pour lesquelles les banques centrales révèlent une véritable « peur du flottement » (fear of floating) et interviennent sur le marché des changes pour éviter les variations excessives du taux de change. C’est en particulier le cas pour les pays en développement, où la transmission semble plus ample que dans les pays développés.

La littérature a souligné la présence de non-linéarités et asymétries dans le mécanisme de transmission des variations du taux de change à l’inflation. Les diverses théories microéconomiques qui ont cherché à expliquer la viscosité des prix à de faibles niveaux d’inflation contribuent à expliquer pourquoi les variations du taux de change ne se transmettent que faiblement lorsqu’elles sont faibles. Par exemple, selon la théorie des coûts de catalogue (ou coûts de menu), lorsque l’inflation est forte, les variations des taux de change se transmettent plus rapidement et plus amplement car les entreprises ont de toute façon à modifier fréquemment leurs prix. Par contre, lorsque l’inflation est faible, les coûts associés aux modifications des prix nominaux désincitent les entreprises à modifier leurs prix, ce qui affaiblit l’incidence des taux de change. En outre, plusieurs canaux sont susceptibles de générer des non-linéarités dans l’incidence des taux de change [Caselli et Roitman, 2016]. Par exemple, les prix à l’exportation sont rigides à la baisse, si bien qu’il est plus facile pour les exportateurs d’accroître leur taux de marge que de le réduire. Par conséquent, lorsque le taux de change se déprécie, les exportateurs accroissent leurs prix à l’exportation plus qu’ils ne les diminuent lorsqu’il y a une appréciation. Cela suggère aussi que les dépréciations ont un plus ample effet sur les prix à l’importation que les appréciations. Une autre source d’asymétries et de non-linéarités est la rigidité à la hausse des quantités exportées. Les entreprises exportatrices qui font face à une dépréciation et qui n’exploitent que partiellement leurs capacités de production peuvent avoir des difficultés à accroître leurs ventes en accroissant leurs capacités de production. Par conséquent, elles peuvent réagir en accroissant leur taux de marge au lieu de construire une nouvelle usine, ce qui va se traduire par une plus faible transmission du côté de l’importateur.

Matthieu Bussière (2013) a confirmé la présence de non-linéarités et asymétries, tout du moins dans les économies du G7, même s’il observe une forte hétérogénéité d’un pays à l’autre dans l’amplitude de la transmission. Jeffrey Frankel, David Parsley et Shang-Jin Wei (2012) ont constaté qu’il y a un effet de seuil pour les larges dévaluations : les dépréciations supérieures à 25 % ont un effet de transmissions disproportionnellement plus élevé. Ils constatent également la présence d’asymétries ils ne peuvent rejeter l’hypothèse selon laquelle les appréciations ne sont pas transmises du tout, ce qui suggère une rigidité des prix à la baisse.

Barthélémy Bonadio, Andreas Fischer et Philip Sauré (2016) ont analysé la transmission d’une variation ample et non anticipée d’un taux de change, en l’occurrence celui du franc suisse. Le 15 janvier 2015, la Banque nationale suisse a en effet mis un terme au plancher qu’il imposait au taux de change vis-à-vis de l’euro à la parité de un euro pour 1,2 franc suisse. Le franc suisse s’est alors immédiatement apprécié de 11 % vis-à-vis de l’euro. Bonadio et alii constatent que pour les biens facturés en euros la transmission est immédiate et complète. Pour les biens facturés en francs suisses, la transmission est partielle et très rapide : elle commence au deuxième jour ouvrable après l’appréciation et atteint la transmission de moyen terme après huit jours ouvrables en moyenne. Ils interprètent ce dernier résultat comme la preuve que les rigidités nominales sont rapidement défaites lorsqu’un large choc touche de façon non anticipée le taux de change. 

Selin Özyurt (2016) a étudié le degré et la vitesse avec lesquels s’opère la transmission des variations du taux de change aux prix des biens importés au sein de la zone euro, que ce soit au niveau agrégée de celle-ci ou bien au niveau des cinq plus grandes économies-membres. Elle constate que la transmission est seulement partielle, probablement en raison de lents ajustements des prix nominaux et du comportement de fixation des prix des entreprises. En regardant les plus grands pays de la zone euro, Özyurt observe une forte hétérogénéité d’un pays à l’autre, aussi bien dans l’ampleur que dans la vitesse de la transmission des variations du change sur les prix. Le degré d’incidence du taux de change est le plus faible en Allemagne et le plus élevé en Italie. 

De nombreuses études ont suggéré qu’il y a eu ces dernières décennies un déclin dans l’ampleur par laquelle les entreprises transmettent les variations du taux de change aux prix domestiques. C’est notamment le cas de Yelena Takhtamanovra (2010). Les données empiriques qu’elle a étudiées suggèrent que les années quatre-vingt-dix ont été marquées une rupture structurelle dans la relation entre le taux de change réel et l’inflation des prix à la consommation pour un ensemble de 14 pays de l’OCDE. Elle suggère que le récent déclin de la transmission des variations du taux de change réel s’explique en partie par la faiblesse de l’inflation que l’on a pu observer durant les années quatre-vingt-dix. Il pourrait s’expliquer par la plus grande efficacité des banques centrales dans la lutte contre l’inflation, par l’ouverture des économies au commerce international et par l’intensification subséquente de la concurrence internationale. En outre, la présence de rigidités (comme les coûts de catalogue) contribue à ce qu’une faible inflation tend à s’auto-renforcer.

Özyurt constate également que le degré de transmission a décliné au cours des deux dernières décennies dans les pays de la zone euro. En outre, les périodes de forte chute de l’incidence des taux de change coïncident avec l’accroissement de la part des pays émergents, notamment de la Chine, dans les échanges internationaux, ce qui tend à confirmer l’idée que l’intensification de la concurrence internationale a davantage désincité les entreprises à modifier leurs prix. Özyurt L’économie italienne se singularise également par le fait qu’elle ne semble pas connaître de déclin dans l’incidence du taux de change au cours du temps.

Martina Jašová, Richhild Moessner et Előd Takáts (2016) ont cherché à déterminer si (et pourquoi) la transmission des variations du taux de change à l’inflation des prix à la consommation a pu changer depuis la crise financière mondiale, aussi bien dans les pays développés que dans les pays émergents. Pour cela, ils ont observé les données relatives à 22 pays émergents et 11 pays développés sur la période s’étalant entre le premier trimestre 1994 et le dernier trimestre 2015. Ils constatent que la transmission est restée relativement faible et stable dans les pays développés, tandis qu’elle a décliné dans les pays émergents depuis la crise financière, sans pour autant atteindre les faibles niveaux observés dans les pays développés. L’analyse des données tend en outre à confirmer que la baisse de la transmission dans les pays émergents est reliée au ralentissement de l’inflation.

Jašová et ses coauteurs notent qu’une réduction de l’incidence des taux de change a plusieurs implications pour la conduite de la politique monétaire. Non seulement la stabilisation de l’inflation a un faible niveau a pu contribuer à réduire la transmission des variations des taux de change aux prix domestiques, mais en retour, il est aussi possible que la plus faible incidence des taux de change ait contribué à stabiliser l’inflation à de faibles niveaux. Les faibles niveaux de transmission des taux de change aux prix impliquent que les banques centrales ont moins à craindre du flottement de leur taux de change, du moins lorsqu’il s’agit du contrôle de l’inflation. D’un autre côté, le déclin de la transmission dans les pays émergents implique que leurs banques centrales peuvent moins compter sur le canal du taux de change pour influencer l’inflation.

 

Références

BONADIO, Barthélémy, Andreas M. FISCHER & Philip SAURÉ (2016), « The speed of exchange rate pass-through », Federal Reserve Bank of Dallas, working paper, n° 282, septembre.

BUSSIÈRE, Matthieu (2013), « Exchange rate pass-through to trade prices: The role of nonlinearities and asymmetries », in Oxford Bulletin of Economics and Statistics, vol. 75, n° 5.

CALVO, Guillermo A., & Carmen M. REINHART (2002), « Fear of floating », in Quarterly Journal of Economics, vol. 117, n° 2.

CASELLI, Francesca G., & Agustin ROITMAN (2016), « Non-linear exchange rate pass-through in emerging markets », FMI, working paper, n° 16/1.

FRANKEL, Jeffrey A., David C. PARSLEY & Shang-Jin WEI (2012), « Slow pass-through around the world: a new import for developing countries? », in Open Economies Review, vol. 23, n° 2.

JAŠOVÁ, Martina, Richhild MOESSNER & Előd TAKÁTS (2016), « Exchange rate pass-through: What has changed since the crisis? », BRI, working paper, n° 583, septembre.

ÖZYURT, Selin (2016), « Has the exchange rate pass through recently declined in the euro area? », BCE, working paper, n° 1955, septembre.

TAKHTAMANOVA, Yelena (2010), « Understanding changes in the exchange rate pass-through », in Journal of Macroeconomics, vol. 32, n° 4.

 

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