Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 15:32

Dans la décennie qui précéda la crise financière mondiale de 2008, les pays émergents ont accumulé de larges stocks de réserves internationales (cf. graphique). En outre, ils n’ont pas autant ouvert leur compte de capital que les pays avancés. Ces derniers ont choisi d’ouvrir leur compte de capital, en particulier aux alentours de 1992 et 1993, mais ils ne détiennent généralement pas de larges volumes de réserves. Si les pays émergents ont accumulé des réserves à un rythme sans précédents, c’est notamment parce qu’ils ont su tirer les leçons des crises financières qu’ils connurent par le passé. Les pays avec un niveau insuffisant de réserves ont en effet davantage souffert des crises dans les années quatre-vingt-dix ; plusieurs économies ont alors subi une crise de leur balance des paiements et des arrêts soudains (sudden stops) dans les afflux de capitaux. Dans ce contexte, la crise financière mondiale apparaît comme un véritable test pour savoir si les réserves ont réellement joué un rôle de mécanisme d’assurance macroéconomique.

GRAPHIQUE Réserves de change dans le monde

Reserves-devises-internationales.png

source : Bussière et alii (2014)

Matthieu Bussière, Gong Cheng, Menzie D. Chinn et Noëmie Lisack (2014) se sont donc penchés sur 112 pays émergents et en développement. Ils se sont demandés, d’une part, si l’accumulation de réserves a vraiment protégé les pays lors de la crise financière de 2008 et 2009 et, d’autre part, ce qui pourrait expliquer le comportement de l’accumulation de réserves  durant et après la crise. Ils observent en particulier la relation entre les réserves internationales et l’existence de contrôles de capitaux. Ils se demandent en effet si un plus haut niveau de réserves est nécessaire pour un pays ayant libéralisé son compte de capital, puisque cette libéralisation expose davantage le pays aux mouvements volatiles des capitaux. L’accumulation de réserves et le contrôle des capitaux pourraient alors apparaître comme des substituts. D’un autre côté, ces deux mesures pourraient être complémentaires l’une à l’autre : les réserves sont d’autant plus utiles que le compte de capital est fermé. 

Ils constatent que le niveau de réserves importe lorsqu’il s’agit pour un pays de se protéger contre l’instabilité financière. En effet, les pays qui possèdent d’importantes réserves par rapport à la dette de court terme ont moins souffert lors de la crise mondiale, en particulier lorsque leur compte de capital était moins ouvert. Ils confirment ainsi les résultats obtenus par Olivier Jeanne et Romain Rancière (2011) : ces derniers ont précédemment montré qu’un stock suffisant de réserves est utile pour acheter des importations et pour rembourser la dette externe venue à échéance lorsqu’il est impossible d’emprunter à l’étranger. Matthieu Bussière et ses coauteurs suggèrent en l’occurrence que les pays doivent détenir en moyenne un montant en réserves supérieur à 9,1 % du PIB pour compenser l’impact du renversement du compte financier sur l’absorption domestique. En outre, les réserves s’apparentent davantage à une « arme nucléaire » (en raison de ses effets dissuasifs) qu’à une « poudre à canon » utilisée lors d’interventions sur le marché des changes. En fait, le fait de disposer d’un large montant de réserves avant la crise dissuade les spéculateurs d’attaquer. Par conséquent, un niveau suffisant de réserves rend moins nécessaire d’intervenir puisque le risque de crise s’en trouve réduit. 

Kathryn Dominguez (2012) avait affirmé que les pays qui connurent des pertes dans leurs réserves lors de la crise mondiale ont eu tendance à en accumuler davantage après. Matthieu Bussière et alii confirment que les pays qui épuisèrent leurs réserves étrangères lors de la crise les ont rapidement reconstituées suite à celle-ci. Si les pays ont pu atténuer les répercussions de la crise mondiale en accumulant des réserves au préalable, il est normal qu’ils aient cherché à les reconstituer après. Cette reconstitution fut toutefois suivie par un ralentissement dans le rythme d’accumulation, en l’occurrence au cours des deux dernières années. Ce ralentissement coïncide assez fidèlement avec l’instant où les réserves retrouvèrent leur niveau d’avant-crise. Selon les quatre auteurs, ce comportement des réserves peut s’expliquer par le fait que l’accumulation de dette à court terme a également ralenti dans la plupart des pays au cours de cette période, peut-être en raison de la plus grande aversion face au risque.  

 

Références

BUSSIÈRE, Matthieu, Gong CHENG, Menzie D. CHINN & Noëmie LISACK (2014), « For a few dollars more: Reserves and growth in times of crises », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 19791, janvier.

DOMINGUEZ, Kathryn M.E. (2012), « Foreign reserve management during the global financial crisis », in Journal of International Money and Finance, vol. 31, n° 8.

JEANNE, Olivier, & Romain RANCIÈRE (2011), « The optimal level of international reserves for emerging market countries: A new formula and some applications », in Economic Journal, vol. 121, n° 555, 905–930.

Partager cet article
Repost0
1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 14:50

Depuis quelques semaines, les pays émergents subissent de très fortes pressions, en particulier sur les marchés des changes. C'est notamment le cas de l'Afrique du Sud, de l'Argentine, du Brésil, de l'Inde, de la Russie et de la Turquie. La dépréciation de la monnaie, l’accélération de l’inflation et la fuite des capitaux incitent leur banque centrale à relever leur taux directeur. Ce resserrement monétaire est bien évidemment susceptible de dégrader l’activité économique et cette dégradation apparaît comme le « prix à payer » pour maintenir la confiance en la monnaie. Or un ralentissement de l’activité est susceptible d’entretenir la sortie des capitaux et la dépréciation de la monnaie, si bien qu’un resserrement de la politique monétaire ne fait au final qu’enfermer les pays émergents dans un cercle vicieux. Ces dynamiques trouvent certainement leur origine dans une multitude de facteurs, notamment des facteurs politiques propres à chaque pays, comme dans le cas de la Turquie. Mais, plus que tout autre acteur, la banque centrale américaine a peut-être joué un rôle significatif dans ces événements. 

En effet, la politique monétaire a été extrêmement accommodante aux Etats-Unis ces dernières années en raison de la sévérité de la Grande Récession. Une fois son taux directeur ramené au plus proche de zéro, la Réserve fédérale s’est tournée vers de nouvelles mesures de politique monétaire pour approfondir le soutien à l’activité. L’une de ces mesures « non conventionnelles » a été l’assouplissement quantitatif (quantitative easing) consistant pour la banque centrale à acheter massivement des titres de longue maturité. Puisque ces achats poussent les prix d’actifs à la hausse, le rendement de ces derniers tend en effet à diminuer ; la baisse des taux d’intérêt de long terme tend alors à stimuler les dépenses d’investissement. Par conséquent, le bilan de la Fed n’a cessé de s’accroître ces dernières années au rythme des achats ; au début de l’année 2013, elle achetait chaque mois l’équivalent de 85 milliards de dollars en titres dans le cadre de l’assouplissement quantitatif. Ce programme n’a toutefois pas eu de répercussions sur les seuls Etats-Unis. La dégradation des perspectives de croissance dans les pays avancés avec la Grande Récession et la baisse des taux d’intérêt nominaux ont incité les investisseurs financiers à se tourner vers les pays émergents pour y trouver de plus hauts rendements. Les pays émergents ont ainsi profité ces dernières années de larges entrées de capitaux qui ont stimulé leur activité ; le programme d’assouplissement quantitatif mené par la Fed n’a fait qu’accentuer cette tendance.

Les banques centrales ne sont toutefois pas incitées à poursuivre indéfiniment une politique monétaire extrêmement accommodante ; celle-ci est source de risques inflationnistes et elle expose l’économie à l’instabilité financière en alimentant une expansion excessive du crédit et des bulles d’actifs ; la Fed est ainsi accusée par certains d’avoir laissé son taux directeur trop longtemps trop bas suite à l’éclatement de la bulle internet au début des années deux mille et d’avoir ainsi alimenté les déséquilibres qui ont conduit à la crise du crédit subprime. Par conséquent, au fur et à mesure que la reprise de l’activité se poursuit et que le chômage reflue aux Etats-Unis, il devient de plus de plus en plus probable que la Fed « normalise » sa politique monétaire. Cette normalisation est d’autant plus probable que tout le monde ne s’accorde pas sur l’efficacité des achats d’actifs dans le soutien de l’activité ; pour certains, elles ne fait qu’alimenter l’instabilité financière.

En mai 2013, les responsables de la Fed ont évoqué pour la première fois la possibilité d’une réduction (tapering) de leurs achats. Ce fut en particulier le cas le 22 mai lorsque Ben Bernanke, alors président de la Fed, témoigna devant le Congrès américain. Cette évocation d’un resserrement de la politique monétaire américaine a immédiatement affecté les pays émergents. Plusieurs d’entre eux ont enregistré au cours des mois suivants des sorties de capitaux, une hausse des rendements obligataires, une baisse des cours boursiers et une dépréciation de leur taux de change. Si effectivement les entrées de capitaux ont alimenté des bulles d’actifs dans les pays émergents, celles-ci sont susceptibles d’éclater et de puissamment dégrader l’activité. Lorsque la Fed déclara en septembre 2013 qu’elle ne réduirait pas immédiatement ses achats d’actifs, les rendements obligataires reculèrent dans les pays émergents, sans toutefois revenir aux niveaux qu’ils atteignaient avant le mois de mai. Cette amélioration n’a été temporaire : les pays émergents font face depuis le début du mois de janvier à de plus fortes pressions que celles qu’ils subirent cet été.

Barry Eichengreen et Poonam Gupta (2013, 2014) mettent particulièrement l’accent sur trois caractéristiques de cette déstabilisation des pays émergents. Tout d’abord, non seulement l’impact fut significatif, mais son ampleur a surpris de nombreux commentateurs. Plusieurs d’entre eux ont soulevé la possibilité que l’actuel resserrement de la politique monétaire américaine fasse basculer les pays émergents dans une crise similaire à celle que nombre d’entre eux connurent il y a à peine quelques décennies. Cette comparaison est d’autant plus pertinente que de nombreux auteurs considèrent que la Fed trouve une responsabilité dans la crise mexicaine de 1994 en resserrant sa politique monétaire à partir de 1993. Ensuite, Eichengreen et Gupta soulignent que l’impact n’a pas été uniforme, certains pays émergents ayant été plus durement touchés que d’autres par l’évocation du tapering. Enfin, les deux auteurs notent que les réticences marquées par les responsables politiques des pays émergents à l’idée d’un tapering se concilient bien mal avec les critiques qu’ils formulaient précédemment à l’égard de l’assouplissement quantitatif qu’ils considéraient comme un véritable acte de « guerre des monnaies » (currency war). 

Eichengreen et Gupta ont observé l’évolution des taux de change, des réserves de devises et des cours boursiers entre avril (soit juste avant la première évocation du « tapering ») et août 2013 pour déterminer quels pays ont été frappés et pourquoi. Leur analyse est particulièrement cruciale aujourd’hui, puisqu’elle permet de mieux saisir ce que les pays émergents sont en train de subir. Trois résultats sont en l’occurrence particulièrement intéressants. Tout d’abord, les deux auteurs constatent que les pays émergents qui ont le plus laissé leur taux de change réel s’apprécier, leurs déficits de compte courant se creuser et leurs prix d’actifs s’accroître durant la période de l’assouplissement quantitatif ont subi les plus amples dommages après mai 2013. Les pays qui ont mis en place des politiques économiques pour contenir l’appréciation du taux de change et la dégradation du déficit courant ont connu par la suite un moindre reflux des flux de capitaux. En l’occurrence, la politique macroprudentielle et le resserrement budgétaire mises en place avant l’annonce d’un resserrement monétaire de la Fed en ont modéré l’impact après coup, mais ces mesures n’ont toutefois pas permis aux pays émergents d’en subir les répercussions. 

Ensuite, Eichengreen et Gupta montrent qu’avoir de meilleurs fondamentaux macroéconomique n’a pas immunisé les pays émergents : ce n’est pas parce qu’un pays présentait de faibles niveaux de déficits budgétaires et de dette publique, de plus hauts niveaux de réserves ou encore une plus forte croissance économique qu’il ait connu une chute limitée de son taux de change après mai 2013. Par contre, la taille du marché financier domestique explique l’ampleur de l’impact : les pays disposant des plus larges marchés ont connu les plus fortes pressions sur leur taux de change, leurs réserves de devises et leurs cours boursiers. Cela dénote le fait que les investisseurs sont mieux capables de rééquilibrer leurs portefeuilles lorsque le pays dispose de marchés financiers relativement larges et liquides. Eichengreen et Gupta rappellent ainsi que l’expansion du secteur financier se révèle être à double tranchant puisqu’elle expose davantage les pays aux crises financières et aggrave l’impact de ces dernières sur l’activité. 

 

Références

EICHENGREEN, Barry, & Poonam GUPTA (2013), « Fed tapering and emerging markets », in voxEU.org, 19 décembre. 

EICHENGREEN, Barry, & Poonam GUPTA (2014), « Tapering talk: The impact of expectations of reduced Federal Reserve security purchases on emerging markets », Banque mondiale, policy research working paper, n° 6754, janvier.

FMI (2013), « Taper talks: What to expect when the United States is tightening », World Economic Outlook: Transitions and Tensions, octobre. Traduction française, « Que se passera-t-il quand les Etats-Unis mettront fin à leur politique d’assouplissement quantitatif ? », Perspectives de l’économie mondiale : transitions et tensions.

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 13:04

Avant la Grande Récession, l’économie mondiale se caractérisait par d’impressionnants déséquilibres des comptes courants (cf. graphique 1). En 2008, l’excédent courant de la Chine et le déficit courant des Etats-Unis représentaient respectivement 0,7 % et 1 % du PIB mondial (cf. graphique 2). La même année, l’ensemble des excédents des pays excédentaires (notamment la Chine, l’Allemagne, le Japon et les pays exportateurs de pétrole) représentait plus de 2,5 % du PIB mondial et l’ensemble des déficits des pays déficitaires (notamment les Etats-Unis, la zone euro à l’exception de l’Allemagne et les pays émergents non asiatiques) représentait aussi environ 2,5 % du PIB mondial. 

GRAPHIQUE 1  Déséquilibres mondiaux de compte courant (en % du PIB mondial)

Desequilibres-globaux--global-imbalances--The-Ec-copie-1.png

source : The Economist (2013)

Avant qu’éclate la crise financière, plusieurs auteurs avaient suggéré que ces amples déséquilibres pouvaient être soutenables à long terme. Michael P. Dooley, David Folkerts-Landau et Peter Garber (2003) considèrent par exemple que le fonctionnement normal du système monétaire international implique un centre déficitaire et une périphérie excédentaire. Selon eux, les pays émergents d’Asie (en particulier la Chine) joueraient précisément le rôle de périphérie aujourd’hui. Ils peuvent durablement poursuivre une stratégie de croissance fondée sur les exportations en sous-évaluant leurs taux de change et en maintenant des contrôles de capitaux. L’accumulation des réserves de devise leur permet alors de contenir l’appréciation de leur taux de change. De plus, en accumulant des créances sur les Etats-Unis, la Chine ne voit pas son développement être contraint par l’inefficacité de ses institutions financières domestiques. Les économies du centre, en particulier les Etats-Unis, doivent par contre opter pour la libéralisation financière et laisser leur taux de change flotter. La stratégie des pays périphériques leur profite également, car la demande virtuellement illimitée pour leurs actifs financiers leur permet de vivre au-dessus de leurs moyens en maintenant durablement de larges déficits courants. Certes, à un certain moment, les pays émergents d’Asie se seront suffisamment développés pour accéder au club des pays avancés. Ils procéderont alors eux-mêmes à une libéralisation financière et laisseront flotter leurs taux de change plus librement. Mais à cet instant-ci, ce sera au tour d’un autre ensemble de pays en développement d’adopter la même stratégie de croissance fondée sur les exportations et de devenir la nouvelle périphérie dans le système monétaire international. 

GRAPHIQUE 2  Comptes courants de la Chine et des Etats-Unis

Aizenman-Chine-Etats-Unis-comptes-courants.png

source : Aizenman et alii (2013)

Les tenants du mercantilisme moderne ont une vision plus nuancée pour expliquer la persistance des déséquilibres globaux dans les années deux mille. Joshua Aizenman et Jaewoo Lee (2005, 2006) ont confirmé que l’accumulation de réserves de change qui accompagne les excédents de compte courant était dominée par un motif de précaution avant les années deux mille : en l’occurrence, la crise asiatique de 1997 a conduit les pays émergents d’Asie à adopter un comportement plus prudent et à accumuler suffisamment de réserves de devises pour s’assurer contre la volatilité des flux de capitaux. Mais les deux auteurs notent par la suite un changement de régime. Par exemple, les réserves de change de la Chine, qui oscillaient sans réelle tendance autour de 15 % du PIB durant la seconde moitié des années quatre-vingt-dix, ont connu une croissance annuelle de 4 % après 2000, pour finalement représenter près de 45 % du PIB en 2007 (cf. graphique 3). Pour Aizenman et Lee, le mercantilisme monétaire explique précisément ce changement de régime : la Chine a commencé à accumuler des excédents de compte courant et à accroître son stock de réserves de change pour stimuler ses exportations et ainsi sa croissance économique. 

GRAPHIQUE 3  Réserves de change de la Chine (en % du PIB)

Aizenman--Chine--reserves-de-change.png

source : Aizenman et alii (2013)

Tous les auteurs n’ont toutefois pas perçu les déséquilibres globaux comme soutenables. Maurice Obstfeld et Kenneth Rogoff (2005) craignaient notamment de voir les déséquilibres se dénouer violemment. C’est finalement la crise mondiale qui remit en cause les déséquilibres de compte courant. Suite à l’éclatement de la bulle immobilière, les agents privés aux Etats-Unis et dans les autres pays avancés ont cherché à se désendetter, si bien qu’ils ont réduit leurs dépenses et notamment leur demande d’importations. Les déficits des économies avancées ont donc été poussés à la baisse. Le reflux des flux financiers internationaux au cours d'une crise financière a pu également déprécier leurs taux de change réels, ce qui contribua également à réduire les déficits courants. Avec le déclin de la demande extérieure, la Chine a pris conscience de l’extrême dépendance de sa croissance aux exportations et a commencé à promouvoir sa demande domestique, en adoptant une relance budgétaire et en alimentant un boom du crédit. Elle a également laissé son taux de change s’apprécier et commencé à diversifier ses réserves de change. 

Par conséquent, la crise mondiale a conduit à une forte réduction des déséquilibres globaux. Depuis 2009, l’ensemble des excédents des grands pays excédentaires a représenté moins de 2 % du PIB mondial (cf. graphique 1). L’ensemble des déficits des grands pays déficitaires a également été inférieure à 2 % du PIB mondial. Entre 2007 et 2012, l’excédent courant de la Chine est passé de 10,1 % à 2,3 % du PIB (cf. graphique 2). Sur la même période, le déficit courant des Etats-Unis est passé de 5 % à 2,8 % du PIB., l’excédent chinois et le déficit américain devraient représenter respectivement 0,32 % et 0,64 % du PIB mondial à la fin de l’année 2013. 

Si plusieurs études ont cherché à préciser le lien entre les déséquilibres globaux et la récente crise mondiale, peu d'analyses ont observé l'évolution des premiers depuis que celle-ci a éclaté. Joshua Aizenman, Yothin Jinjarak et Nancy Marion (2013, 2014) ont observé un échantillon de 95 pays, dont 30 pays-membres de l’OCDE. Ils constatent que la crise financière a entraîné un changement structurel dans la relation entre les comptes courants et les facteurs économiques : avant la crise financière, les excédents courants étaient positivement corrélés avec les réserves de change, avec les échanges extérieurs et avec le déficit courant des Etats-Unis ; après la crise financière, les deux premières corrélations disparaissent et la corrélation avec la demande américaine devient négative. Les Etats-Unis ne semblent ainsi plus jouer un rôle important comme demandeur en dernier ressort depuis 2006. Le rééquilibrage des comptes courants s’est également accompagné de profonds changements dans l’accumulation des réserves de change. L’inévitable appréciation du renminbi va déprimer davantage le rendement des actifs libellés en dollars. Le déclin dans le stock de devises détenu par la Chine que l’on a pu observer suite à la crise est essentiellement impulsé par une nouvelle vague d’IDE à destination des pays en développement. Il s’explique précisément par une volonté de détenir des actifs étrangers à plus hauts rendements. Puisque, d’une part, la Chine est incitée à ne plus fonder sa croissance économique sur la demande extérieure et, d’autre part, la détention de réserves de change se révèle coûteuse, Joshua Aizenman et ses coauteurs en concluent que la persistance d’excédents modérés et le faible rythme d’accumulation de change pourraient désormais constituer des caractéristiques durables de l’économie chinoise. 

 

Références

AIZENMAN, Joshua, Yothin JINJARAK & Nancy P. MARION (2013), « China's growth, stability, and use of international reserves », NBER Working paper, n° 19739.

AIZENMAN, Joshua, Yothin JINJARAK & Nancy P. MARION (2014), « Why current accounts fell post-crisis? China's growth, stability, and use of international reserves », in vox, 5 janvier. 

AIZENMAN, Joshua, & Jaewoo LEE (2005), « International reserves: Precautionary vs. mercantilist views, theory and evidence », IMF working paper, n° 05/198, octobre.

AIZENMAN, Joshua, & Jaewoo LEE (2006), « Financial versus monetary mercantilism: Long-run view of large international reserves hoarding », IMF working paper, n° 06/280, décembre.

BRENDER, Anton & Florence PISANI (2007), Les Déséquilibres financiers internationaux, La Découverte.

DOOLEY, Michael P., David FOLKERTS-LANDAU & Peter GARBER (2003), « An essay on the revived Bretton Woods system », NBER working paper, n° 9971, septembre.

OBSTFELD, Maurice, & Kenneth ROGOFF (2005), « Global current account imbalances and exchange rate adjustments », Brookings Papers on Economics Activity, n° 2005/1.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : D'un champ l'autre
  • : Méta-manuel en working progress
  • Contact

Twitter

Rechercher