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11 juillet 2021 7 11 /07 /juillet /2021 15:11
La convergence, enfin !

Les modèles de croissance néoclassique, en premier lieu celui de Robert Solow (1956), partent de l'idée qu'un pays se caractérise par un stock de capital par travailleur d’autant plus faible et partant une productivité marginale du capital d’autant plus élevée qu’il est pauvre. Ils en concluent que les pays pauvres devraient accumuler plus rapidement du capital que les pays riches, donc connaître une plus forte croissance que ces derniers. Autrement dit, ces modèles amènent à prédire une convergence absolue (ou inconditionnelle) : le niveau de vie des pays pauvres devrait avoir tendance à rattraper celui des pays riches, et ce indépendamment des conditions initiales.

Dans les années 1990, les économistes ont multiplié les analyses empiriques pour tester l’hypothèse d’une convergence absolue. Ils ne sont guère parvenus à la valider. Au contraire, ils ont plutôt eu tendance à mettre en évidence une divergence des niveaux de vie. Dans une étude pionnière s'appuyant sur les données tirées d’un large ensemble de pays, Robert Barro (1991) conclut que ceux-ci avaient connu une faible divergence depuis les années 1960. Les analyses portant sur des données de plus long terme, mais sur des échantillons de pays plus restreints, suggéraient une forte divergence depuis au moins le seizième siècle : selon Lant Pritchett (1997), le rapport entre les revenus par tête des pays les plus riches et ceux des pays les plus pauvres a été multiplié par cinq entre 1870 et 1990. Plus récemment, Dani Rodrik (2012, 2014) et Paul Johnson et Chris Papageorgiou (2020) ont également conclu que les pays les plus pauvres ne tendaient pas, en moyenne, à croître plus rapidement que les pays les plus riches. 

L’obtention de ces résultats a notamment entraîné un relatif abandon des modèles de croissance néoclassique et le développement de nouveaux modèles ; ces derniers incluent par exemple les modèles de trappe à pauvreté, qui suggèrent qu’un pays ne parvient guère à connaître une croissance significative tant que son niveau de vie n’atteint pas un certain seuil, et les modèles AK, qui s’inspirent du modèle de croissance endogène de Paul Romer (1986) et qui peuvent prédire une divergence des niveaux de vie.

Le rejet de l’hypothèse d’une convergence absolue a également conduit les économistes à davantage se focaliser sur les déterminants du revenu à l’état stationnaire, ce qui les a amenés à réaliser des régressions de croissance et des tests de convergence conditionnés à ces déterminants [Barro et Sala-i-Martin, 1992 ; Mankiw et alii, 1992 ; Durlauf et alii, 2005]. Ces travaux ont suggéré qu’il n’y avait certes pas convergence absolue, mais qu’une convergence conditionnelle semblait être à l’œuvre : les pays les plus pauvres tendraient à rattraper les pays les plus riches, mais à condition de partager certains caractéristiques communes avec ces derniers, par exemple un même stock de capital humain ou des institutions similaires. 

Plus de trois décennies se sont écoulées depuis que des travaux empiriques ont commencé à tester de façon robuste l’hypothèse d’une convergence absolue. La période a été marquée par de longs épisodes de forte croissance parmi plusieurs pays émergents, notamment des pays asiatiques comme la Chine et l’Inde, tandis que les pays riches présentaient des performances décevantes, en particulier dans le sillage de la crise financière mondiale. Certains, comme Arvind Subramanian (2011), ont alors suggéré qu’un processus de convergence absolue a pu finir par se mettre en œuvre. Plusieurs études se sont appuyées sur les données additionnelles offertes par ces dernières décennies pour de nouveau soumettre à l’examen empirique l’hypothèse d’une convergence absolue. Elles amènent à croire que ces ultimes décennies marquent une rupture par rapport à près de cinq siècles de divergence. 

Dans l'une d'entre elles, Dev Patel, Justin Sandefur et Arvind Subramanian (2021) concluent en effet que les pays en développement ont amorcé un processus de convergence absolue vis-à-vis des niveaux de revenu des pays développés au milieu des années 1990 et que ce rattrapage s’est accéléré dans les années 2000. Ce ne sont pas juste la Chine, l’Inde et une poignée de pays asiatiques qui ont réalisé de bonnes performances économiques ; c’est l’ensemble des pays en développement qui ont vu leur revenu par tête augmenter plus vite que celui des pays développés. En régressant la croissance sur dix ans du revenu par tête sur le revenu par tête et observé l’évolution de cette relation depuis 1960, Michael Kremer, Jack Willis et Yang You (2021) ont quant à eux décelé une tendance vers la convergence depuis la fin des années 1980 et ils estiment qu’elle a fini par se traduire par une convergence absolue à partir de 2000 : la période allant de 1985 à 1995 est marquée par une divergence des revenus par tête au rythme annuel de 0,5 %, tandis que la période allant de 2005 à 2015 se caractérise par une convergence au rythme annuel de 0,7 %. Patel et ses coauteurs confirment que la vitesse de convergence a été lente ; si elle se poursuit au même rythme, il faudra que s’écoulent 170 ans avant que le pays en développement moyen réduise de moitié l’écart entre son revenu actuel et son revenu à l’état stationnaire.

GRAPHIQUE 1  Taux de croissance moyen selon le quartile de revenu (en %)

La convergence, enfin !

Source : Kremer et alii (2021)

Ces deux études expliquent la convergence observée ces deux dernières décennies par la conjonction, d’une part, de l’accélération du rythme de rattrapage des pays pauvres sur les pays riches et, d’autre part, du ralentissement de la croissance des pays situés à la frontière technologique. En effet, le quart des pays les plus riches présentait la croissance la plus rapide dans les années 1980, mais la croissance la plus lente depuis ; de leur côté, les autres pays ont vu leur croissance s’accélérer significativement dans les années 1990 et au début des années 1990 (cf. graphique 1). Cela dit, Patel et ses coauteurs estiment que la convergence s’explique davantage par l’accélération de la croissance dans les pays en développement que par le ralentissement de la croissance dans les pays développés. Ils notent en effet que la répartition de la croissance parmi les pays riches est restée stable au cours du temps, alors qu’elle s’est élevée dans l’ensemble de la distribution des pays pauvres. En outre, alors que 42 % des pays à faible revenu avaient connu une décroissance au cours des années 1980, ce n’est plus le cas que de 16 % des pays appartenant à ce groupe dans les années 2000 et 2010. Toutefois, le mouvement de convergence n’est pas uniforme d’une région à l’autre : les pays d’Afrique subsaharienne peinent toujours à rattraper les pays les plus riches.

GRAPHIQUE 2  Taux de croissance moyen selon le groupe de revenu (en %)

La convergence, enfin !

source : Patel et alii (2021)

Ces résultats amènent Patel et ses coauteurs à écarter l’hypothèse d’une trappe à revenu intermédiaire (middle-income trap), qui avait notamment été avancée par Barry Eichengreen et alii (2013) : alors que les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu ont connu une plus forte croissance que les pays riches depuis les années 1990, les pays à revenu intermédiaire ont bénéficié d’une plus forte croissance que les autres groupes de pays depuis les années 1980 (cf. graphique 2). Patel et ses coauteurs observent en outre que la croissance a été moins volatile et plus persistante ces dernières décennies dans les pays en développement. Cela leur suggère que ce sont, non seulement les performances moyennes de croissance entre pays riches et pauvres, mais aussi le processus même de croissance au sein des pays, qui ont changé.

Kremer et alii (2021) observent également que plusieurs déterminants (ou « corrélats ») de la croissance, comme le capital humain, les politiques, les institutions et la culture, ont également connu à partir des années 1990 une convergence en allant dans le sens associé aux pays à haut revenu. Cette convergence des corrélats de la croissance pourrait expliquer la convergence absolue des niveaux de vie, mais, comme le suggère la théorie de la modernisation, il se peut également que la causalité aille en sens inverse, la seconde entraînant la première. En poursuivant leur analyse, Kremer et ses coauteurs estiment que c’est bien la convergence des corrélats de la croissance qui explique la convergence des niveaux de vie : l’économie mondiale a convergé vers la convergence absolue parce que cette dernière a convergé vers la convergence conditionnelle. Ou, pour le dire autrement, dans la mesure où les pays ont fini par partager des politiques et institutions similaires, ils se sont retrouvés dans le même « club de convergence ». Kremer et ses coauteurs notent également que la relation entre la croissance et ses déterminants a eu tendance à s’aplatir. Ils interprètent cet aplatissement comme suggérant que ces facteurs deviennent de moins en moins importants pour la croissance économique à mesure que celle-ci se poursuit. Par exemple, certaines politiques et institutions sont peut-être nécessaires pour que s’amorce la convergence, mais qu’elles s’avèrent ensuite moins déterminantes une fois la convergence opérée.

La question qui se pose est bien sûr de savoir si la convergence absolue qui a été observée au cours des dernières décennies se poursuivra. Johnson et Papageorgiou (2020) estiment qu’elle n’est que temporaire et qu’elle s’explique par les prix élevés des matières premières observés au cours de la période. Kremer et ses coauteurs sont plus optimistes, dans la mesure où ils continuent d’observer la tendance à la convergence dans leur échantillon lorsqu’ils excluent de ce dernier les pays abondants en matières premières. Mais comme le notent Patel et ses coauteurs, ces décennies de convergence ont pu également s’expliquer par la faiblesse des coûts de financement internationaux, la croissance chinoise et la mondialisation, or ces facteurs n’ont pu être que temporaires ; la croissance de l'économie tout comme celle du commerce international ont par exemple fortement ralenti au cours de la dernière décennie. D’une part, il semble que les régimes démocratiques se détériorent à travers le monde [Acemoglu et Molina, 2021 ; Pande et Enevoldsen, 2021]. Si la démocratie est le principal corrélat de la croissance, sa détérioration peut alors saper la convergence des autres corrélats. D’autre part, les coûts économiques du changement climatique se manifestent de plus en plus, or ils sont supportés de façon disproportionnée par les pays en développement [Pande et Enevoldsen, 2021]. 

 

Références

ACEMOGLU, Daron, & Carlos A. MOLINA (2021), « Converging to converge? A comment », NBER, working paper, n° 28992.

BARRO, Robert J. (1991), « Economic growth in a cross section of countries », in The Quarterly Journal of Economics, vol. 106, n° 2.

BARRO, Robert J., & Xavier SALA-I-MARTIN (1992), « Convergence », in Journal of Political Economy, vol. 100, n° 2.

DURLAUF, Steven N., Paul A. JOHNSON & Jonathan R. TEMPLE (2005), « Growth econometrics », in Handbook of Economic Growth.

EICHENGREEN, Barry, Donghyun PARK & Kwanho SHIN (2014), « Growth slowdowns redux: New evidence on the middle-income trap », in Japan and the World Economy, vol. 32. 

JOHNSON, Paul, & Chris PAPAGEORGIOU (2020), « What remains of cross-country convergence? », in Journal of Economic Literature, vol. 58, n° 1.

KREMER, Michael, Jack WILLIS & Yang YOU (2021), « Converging to convergence », in NBER Macroeconomics Annual 2021, vol. 36, University of Chicago Press.

MANKIW, N. Gregory, David ROMER & David N. WEIL (1992), « A contribution to the empirics of economic growth », in The Quarterly Journal of Economics, vol. 107, n° 2.

PANDE, Rohini, & Nils ENEVOLDSEN (2021), « Discussion of "Converging to convergence" by Kremer, Willis, and You ».

PATEL, Dev, Justin SANDEFUR & Arvind SUBRAMANIAN (2021), « The new era of unconditional convergence », Center for Global Development, working paper, n° 566.

PRITCHETT, Lant (1997), « Divergence, big time », in Journal of Economic Perspectives, vol. 11, n° 3.

RODRIK, Dani (2012), « Unconditional convergence in manufacturing », in The Quarterly Journal of Economics, vol. 128, n° 1.

RODRIK, Dani (2014), « The past, present, and future of economic growth », in Challenge, vol. 57, n° 3.

ROMER, Paul M. (1986), « Increasing returns and long-run growth », in Journal of Political Economy, vol. 94, n° 5.

ROY, Sutirtha, Martin KESSLER & Arvind SUBRAMANIAN (2016), « Glimpsing the end of economic history? Unconditional convergence and the missing middle income trap », Center for Global Development, working paper, n° 438.

SOLOW, Robert M. (1956), « A contribution to the theory of economic growth », in Quarterly Journal of Economics, vol. 70, n° 1.

SUBRAMANIAN, Arvind (2011), Eclipse: Living in the Shadow of China’s Economic Dominance, PIIE.

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26 juin 2021 6 26 /06 /juin /2021 16:36
Pourquoi les reprises sont-elles lentes après les crises financières ?

Suite à la crise financière mondiale de 2008-2009, la reprise de l’activité dans les pays développés et émergents a été bien plus lente que ne l’anticipaient la plupart des prévisionnistes. En l’occurrence, malgré la reprise, l’activité économique n’a pas réussi à rejoindre la trajectoire tendancielle qu’elle suivait avant la crise : la crise financière semble avoir irrémédiablement réduit la production potentielle [Haltmaier, 2012 ; Ball, 2014 ; FMI, 2015]. Ce n’est pas propre à cet épisode : plusieurs études ont depuis montré que les reprises couplées à une crise financière tendaient à être suivies par de lentes reprises [Cerra et Saxena, 2008 ; FMI, 2009 ; Reinhart et Rogoff, 2009 ; Reinhart et Rogoff, 2014].

Mais s’il y a un certain consensus sur le profil des reprises dans le sillage des crises financières, il n’y en a pas en ce qui concerne les raisons pour lesquelles elles endommagent de façon permanente la production. Plusieurs analyses ont récemment cherché à expliquer la baisse de la production et de la productivité globale des facteurs en s’appuyant sur des modèles de croissance endogène [Anzoategui et alii, 2019 ; Bianchi et alii, 2019 ; Guerron-Quintana et Jinnai, 2019 ; Ikeda et Kurozumi, 2019 ; Queralto, 2019]. Ces travaux suggèrent que la productivité globale des facteurs décline dans le sillage des crises financières parce que les entreprises réduisent leurs efforts de recherche-développement lors de celles-ci. 

Les données empiriques amènent toutefois Valerie Cerra, Mai Hakamada et Ruy Lama (2021) à douter que la chute de la productivité globale des facteurs observée dans le sillage des crises financières soit liée à une baisse de l’effort de recherche-développement. Par exemple, le Brésil, la Corée du Sud, les Etats-Unis et la France ont connu des pertes permanentes en termes de production et de productivité globale des facteurs suite à la crise financière mondiale : ces deux agrégats n’ont pas assez rebondi après la Grande Récession pour revenir à la trajectoire tendancielle qu’ils suivaient jusqu'alors (cf. graphique 1). Mais dans la plupart de ces pays, la recherche-développement a continué de croître selon la tendance qu’elle suivait avant la crise.

GRAPHIQUE 1  Production, investissement, R&D et PGF

Pourquoi les reprises sont-elles lentes après les crises financières ?

source : Cerra et alii (2021)

En s’appuyant sur un échantillon de 24 pays qui ont connu une crise bancaire pendant la crise financière mondiale et de 168 pays qui n’en ont pas connue lors de celle-ci, Cerra et ses coauteurs ont alors observé la répartition des pertes en production, en investissement, en productivité et en recherche-développement suite à la crise financière mondiale relativement à leur tendance sur la période précédant celle-ci (cf. graphique 2). Ils constatent que la production, l’investissement et la productivité globale des facteurs tendent à être plus faibles qu’ils ne l’auraient été s’ils avaient continué de croître selon leur trajectoire d'avant-crise, mais aussi que ces pertes sont plus fortes pour les pays qui ont connu une crise bancaire que pour les pays qui n’en ont pas connue. En outre, la variance de la distribution des pertes semble plus réduite dans le cas des pays ayant connu une crise bancaire, ce qui implique que les pertes de production ont plus de chances de devenir permanentes dans le sillage d’une crise financière. Ces constats suggèrent qu’il y a un lien entre investissement, productivité et production durant la crise bancaire. Par contre, la distribution des pertes en recherche-développement des pays ayant connu une crise bancaire ne semble guère différente de celle des pays qui n’en ont pas connue, ce qui amène de nouveau à douter que la recherche-développement joue un rôle significatif dans l’amplification des pertes suite à une crise bancaire. 

GRAPHIQUE 2  Ecarts en 2015-2017 par rapport à la tendance sur la période 2000-2008

Pourquoi les reprises sont-elles lentes après les crises financières ?

source : Cerra et alii (2021)

Cerra et ses coauteurs ont ensuite observé les répercussions des crises bancaires à moyen terme. Suite à une crise bancaire, ils constatent que la production chute typiquement de 7 % et demeure durablement déprimée pendant dix ans ; la productivité globale des facteurs chute de 5 % ; l’investissement présente une contraction durable d’environ 20 % après dix ans ; et le crédit bancaire au secteur privé chute de près de 40 % du moyen à long terme. Ces résultats suggèrent des liens étroits entre les comportements de l’intermédiation financière, la productivité globale des facteurs et l’investissement dans le sillage des crises bancaires.

Enfin, en régressant les déterminants à moyen terme de la productivité globale des facteurs, Cerra et ses coauteurs constatent qu’une baisse de 1 % de l’investissement lors de la crise financière mondiale s’est typiquement traduite par une baisse de 0,5 % de la productivité globale des facteurs à moyen terme. En définitive, environ la moitié de la baisse de la productivité globale des facteurs à moyen terme observée après la crise financière mondiale résulterait de la baisse de l’investissement observée lors des premières années de la crise.

Ces divers constats amènent finalement Cerra et ses coauteurs à conclure que les effets d’hystérèse observés dans le sillage des crises financières transitent avant tout via le canal de l’investissement. Ce dernier ne contribue pas seulement à la production ; il contribue aussi directement à la productivité globale des facteurs à travers le progrès technique incorporé au capital. Ainsi, lors d’une crise financière, le resserrement des conditions financières contraint l’investissement ; la productivité globale des facteurs s’en trouve déprimée à moyen terme, ce qui détériore l’offre globale et freine la reprise de l’activité.

 

Références

ANZOATEGUI, Diego, Diego COMIN, Mark GERTLER & Joseba MARTINEZ (2019), « Endogenous technology adoption and R&D as sources of business cycle persistence », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 11, n° 3.

BALL, Laurence M. (2014), « Long-term damage from the Great Recession in OECD countries », NBER, working paper, n° 20185.

BIANCHI, Francesco, Howard KUNG & Gonzalo MORALES (2019), « Growth, slowdowns, and recoveries », in Journal of Monetary Economics, vol. 101.

CERRA, Valerie, Antonio FATAS & Sweta C. SAXENA (2020), « Hysteresis and business cycles », FMI, working paper, n° 20/73.

CERRA, Valerie, Mai HAKAMADA & Ruy LAMA (2021), « Financial crises, investment slumps, and slow recoveries », FMI, working paper, n° 21/170.

CERRA, Valerie, & Sweta C. SAXENA (2008), « Growth dynamics: The myth of economic recovery », in American Economic Review, vol. 98, n° 1.

FMI (2009), « What’s the damage? Medium-term output dynamics after financial crises », World Economic Outlook: Sustaining the Recovery, chapitre 4.

FMI (2015), « Where are we headed? Perspectives on potential output », World Economic Outlook, chapitre 3.

GUERRON-QUINTANA, Pablo, & Ryo JINNAI (2019), « Liquidity, trends, and the Great Recession », in Quantitative Economics, vol. 10, n° 2.

HALTMAIER, Jane (2012), « Do recessions affect potential output? », Fed, international finance discussion paper, n° 1066.

IKEDA, Daisuke & Takushi KUROZUMI (2019), « Slow post-financial crisis recovery and monetary policy », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 11, n° 4.

QUERALTO, Albert (2019), « A model of slow recoveries from financial crises », in Journal of Monetary Economics, vol. 114.

REINHART, Carmen, & Kenneth ROGOFF (2009), « The aftermath of financial crises », in American Economic Review, n° 99 mai.

REINHART, Carmen, & Kenneth ROGOFF (2014), « Recovery from financial crises: Evidence from 100 episodes », in American Economic Review, vol. 104.

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2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 15:01
Aux sources du cycle d’affaires

Pour expliquer les cycles d’affaires, les économistes ont très souvent favorisé des récits ou des modèles où les fluctuations sont générées par une unique source de « chocs » : les monétaristes et les nouveaux classiques mettent l’accent sur les chocs monétaires ; les théoriciens des cycles d’affaires réels (real business cycles) sur les chocs technologiques, correspondant aux variations de la productivité globale des facteurs (PGF) ; les keynésiens sur la demande globale ; les nouveaux keynésiens sur les chocs de demande, mais dans un contexte de rigidités nominales ; Nicholas Bloom (2009) sur les chocs d’incertitude, etc.

Plusieurs études ont cherché à identifier quel est le modèle le plus pertinent, quelle est la nature du choc qui semble impulser le cycle d’affaires. Par exemple, Jordi Galí (1999) a constaté que les chocs technologiques semblent pousser la productivité et l’emploi dans des directions opposées, que l’emploi diminue durablement suite à un choc technologique positif et que la productivité mesurée s’accroît temporairement suite à un choc de demande positif. Selon lui, ces constats empiriques amènent à rejeter les modèles de cycles d’affaires réels, mais ils peuvent facilement être reproduits dans un modèle nouveau keynésien, caractérisé par une concurrence monopolistique et des prix visqueux. Partant de l’observation que les cycles d’affaires aux Etats-Unis au cours des trois dernières décennies ont été caractérisés par des chocs technologiques contracycliques, Beaudry et Portier (2014) pensent également que les modèles de cycles d’affaires réels ne peuvent expliquer ces cycles d’affaires. D’un autre côté, ces derniers sont également caractérisés par une inflation constante. Ce dernier constat ne colle pas avec les modèles nouveaux keynésiens où les chocs de demande négatifs se traduisent par des pressions déflationnistes et les chocs de demande positifs par des pressions inflationnistes. De leur côté, Michal Andrle, Jan Brůha et Serhat Solmaz (2013, 2016) notent en étudiant la zone euro, puis l’ensemble des pays développés, que le cycle d’affaires semble tiré par un unique facteur et que la tendance de la production réelle et de l’inflation à varier dans le même sens (à la fréquence du cycle d’affaires) amène à penser qu’il s’agit de la demande globale.

A travers un modèle autorégressif vectoriel, George-Marios Angeletos, Fabrice Collard et Harris Dellas (2018) se sont récemment penchés sur l’évolution de plusieurs variables macroéconomiques clés, en l’occurrence le chômage, le PIB, la consommation, l’investissement, le nombre total d’heures travaillées, la productivité du travail, la PGF ajustée en fonction de l’utilisation des capacités de production, la part du revenu rémunérant le travail, l’inflation et le taux des fonds fédéraux. Ils ont cherché à identifier le choc qui contribue le plus à la volatilité de ces variables aux fréquences du cycle d’affaires. Une fois ce choc identifié, ils se sont appuyés sur ses propriétés empiriques pour évaluer la pertinence de plusieurs modèles.

Il apparaît que le choc qui explique l’essentiel du cycle d’affaires explique peu la variation à long terme de la production, de l’investissement, de la consommation et de la productivité du travail. Symétriquement, le choc qui explique l’essentiel de la volatilité à long terme d’une quelconque de ces variables contribue de façon négligeable au cycle d’affaires. Ce constat fait écho à ceux obtenus par Olivier Blanchard et Danny Quah (1989) et par Jordi Galí (1999), suggérant que le choc derrière la productivité et la production à long terme n’explique qu’une faible part des variations du chômage et des heures travaillées au cours du cycle d’affaires. Il amène à rejeter les modèles qui, à l’instar de celui de Paul Beaudry et Franck Portier (2006), expliquent les fluctuations de l’activité par les nouvelles quant à la croissance de la productivité à moyen ou long terme. Angeletos et ses coauteurs estiment plutôt que leur analyse est cohérente avec l’idée que le cycle d’affaires est impulsé par les changements dans les croyances des agents qui ne concernent pas la productivité et qui découlent des nouvelles quant aux perspectives économiques à court terme.

En outre, le choc qui explique l’essentiel du cycle d’affaires est déconnecté des variations de la PGF à chaque fréquence. Un tel constat amène à rejeter le modèle de base des cycles d’affaires réels à la Kydland et Prescott (1982), où les cycles d’affaires sont impulsés par des chocs technologiques, aussi bien que ses variantes qui introduisent d’autres chocs (notamment des chocs financiers et des chocs d’incertitude) pour expliquer les fluctuations de la PGF. Ce constat ne colle pas non plus avec les modèles nouveaux keynésiens, comme celui de Guido Lorenzoni (2009), qui expliquent les fluctuations de la demande globale par les révisions des anticipations des agents quant à l’évolution future de la productivité. 

La modélisation d’Angeletos et alii amène également à rejeter le modèle nouveau keynésien de base. En effet, selon ce dernier, les chocs de demande amènent la production à s’écarter de son potentiel et ces écarts influenceraient l’inflation. Or, le principal choc du cycle d’affaires est presque orthogonal à l’inflation à chaque fréquence. En effet, le principal choc qui explique l’essentiel de la variation du chômage n’explique qu’une faible part de la variation de l’inflation ; symétriquement, le choc qui explique l’essentiel de la variation de l’inflation n’explique qu’une faible part de la variation du chômage. Il y a également une déconnexion entre l’inflation et la part du revenu rémunérant le travail, qui est habituellement utilisée comme indicateur du coût marginal réel auquel les nouveaux keynésiens prêtent un rôle crucial dans leurs modèles. 

Bref, les données empiriques semblent ne pas coller avec les théories qui donnent un rôle proéminent aux fluctuations de la PGF, aux nouvelles à propos de la productivité à moyen ou long terme ou encore aux chocs de demande tels que les conçoivent les nouveaux keynésiens. Elles semblent plutôt accréditer les théories qui donnent le premier rôle aux fluctuations tirées par la demande, mais sans faire intervenir rigidités nominales, ni de courbes de Phillips. Au final, Angeletos et ses coauteurs notent que même le modèle DSGE le plus efficace ne contient pas le mécanisme de propagation dessiné par les constats empiriques. Toutefois, plusieurs modèles récents sont selon eux assez prometteurs : Angeletos et La’O (2013), Bai et alii (2017), Beaudry et alii (2018), Beaudry et Portier (2018), Benhabib et alii (2015) ou encore Ilut et Schneider (2014) ont précisément cherché à faire émerger des fluctuations tirées par la demande sans introduire de rigidités nominales ou de courbe de Phillips dans leur modélisation.

 

Références

ANDRLE, Michal, Jan BRŮHA & Serhat SOLMAZ (2013), « Inflation and output comovement in the euro area: Love at second sight? », FMI, working paper, n° 13/192.

ANDRLE, Michal, Jan BRŮHA & Serhat SOLMAZ (2016), « Output and inflation co-movement: An update on business-cycle stylized facts », FMI, working paper, n° 16/241.

ANGELETOS, George-Marios, Fabrice COLLARD & Harris DELLAS (2018), « Business cycle anatomy », NBER, working paper, n° 24875.

ANGELETOS, George-Marios, & Jennifer LA’O (2013), « Sentiments », in Econometrica, vol. 81, n° 2.

BAI, Yan, José-Vıctor RÍOS-RULL & Kjetil STORESLETTEN (2017), « Demand shocks as productivity shocks ».

BEAUDRY Paul, Dana GALIZIA & Franck PORTIER (2014), « Reconciling Hayek's and Keynes' views of recessions », NBER, working paper, n° 20101.

BEAUDRY, Paul, & Franck PORTIER (2006), « Stock prices, news, and economic fluctuations », in American Economic Review, vol. 96, n° 4.

BEAUDRY, Paul, & Franck PORTIER (2014), « Understanding noninflationary demand-driven business cycles », in NBER Macroeconomics Annual, vol. 28, n° 1.

BEAUDRY, Paul, & Franck PORTIER (2018), « Real Keynesian models and sticky prices », NBER, working paper, n° 24223.

BENHABIB, Jess, Pengfei WANG & Yi WEN (2015), « Sentiments and aggregate demand fluctuations », in Econometrica, vol. 83, n° 2.

BLANCHARD, Olivier J., & Danny QUAH (1989), « The dynamic effects of aggregate demand and supply disturbances », in American Economic Review, vol. 79, n° 4.

BLOOM, Nicholas (2009), « The impact of uncertainty shocks », in Econometrica, vol. 77, n° 3.

GALÍ, Jordi (1999), « Technology, employment, and the business cycle: Do technology shocks explain aggregate fluctuations? », in American Economic Review, vol. 89, n° 1.

ILUT, Cosmin, & Martin SCHNEIDER (2014), « Ambiguous business cycles », in American Economic Review, vol. 104, n° 8.

KYDLAND, Finn E., & Edward C. PRESCOTT (1982), « Time to build and aggregate fluctuations », in Econometrica, vol. 50, n° 6.

LORENZONI, Guido (2009), « A theory of demand shocks », in American Economic Review, vol. 99, n° 5.

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