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9 août 2012 4 09 /08 /août /2012 16:48

Pusieurs études ont cherché à évaluer le lien existant entre le climat et le développement économique. Elles font notamment apparaître que le revenu national diminue en moyenne de 8,5 % par degré Celsius ou encore le revenu par tête s’élève avec la distance avec l’équateur. La rigueur des conditions climatique contribuerait donc à appauvrir les nations et les activités productives tendraient à s’agglomérer dans les régions tempérées. Evaluer plus finement la relation entre température et croissance économique permet non seulement de saisir davantage les mécanismes du développement des nations, mais aussi d’apprécier une partie des dommages économiques associés au changement climatique. Une telle évaluation, bien qu’elle se focalise que sur la dimension économique des problèmes environnementaux, s’avère toutefois cruciale pour leur gestion au niveau mondial. Si les gouvernements ont une idée des coûts de mise en œuvre des politiques climatiques, notamment de leur impact immédiat sur la croissance de court terme, l’imprécision entourant les répercussions du réchauffement climatique les incite justement à différer l’adoption des mesures nécessaires à la réduction des émissions polluantes. Or, un tel retard pourrait ne pas seulement contribuer à accroître les dommages environnementaux, mais alourdirait aussi les coûts monétaires associés aux politiques climatiques.

En tentant d’identifier les effets des hausses de température sur les performances macroéconomiques des pays, les travaux de Melissa Dell, Benjamin Jones et Benjamin Olken (2012), s’inscrivent, d’une part, dans le débat entourant le rôle de la température dans le développement économique et, d’autre part, dans le débat autour des répercussions du réchauffement climatique. Leur étude identifie un important lien causal de la température sur le processus de développement en mettant en évidence qu’elle n’affecte pas seulement diverses composantes dans une économie, mais influence aussi fortement la production nationale. Les auteurs ont pour cela compilé les données de températures et précipitations pour chaque pays sur la période s’étalant de 1950 à 2003. Ils examinent alors la relation entre les variations annuelles des températures et précipitations dans un pays donné et les variations dans sa performance macroéconomique. Trois principaux résultats apparaissent alors de l’observation des fluctuations à court terme de la température et des précipitations au cours de ce demi-siècle.

Tout d’abord, les hausses de température ont de puissants et négatifs effets sur la croissance économique, dans le seul cas des pays en développement. Au sein de ces derniers, une hausse de la température d’un degré Celsius au cours d’une année donnée entraîne en moyenne une diminution du taux de croissance économique de 1,3 point de pourcentage. Les variations de température n’ont par contre pas d’effets significatifs sur la croissance économique des pays développés. En ce qui concerne les changements observés dans les précipitations, ceux-ci n’ont que des effets négligeables sur la croissance économique, autant pour les pays avancés que pour les pays en développement.

Ensuite, les hausses de température influencent potentiellement l’activité économique de deux manières, d’une part en influençant le niveau de production, notamment en affectant les rendements agricoles, et d’autre part en influençant le potentiel de croissance de l’économie, notamment en affectant le processus d’investissement et les institutions déterminantes dans la croissance de la productivité. Les chocs de température apparaissent avoir des effets persistants sur l’activité économique. Dans le cas des pays pauvres, l’élévation de la température n’impacte pas seulement leur niveau de production, mais elle diminue également leur taux de croissance. Le réchauffement apparaît avoir de larges répercussions, dans la mesure où même de faibles différences de rythmes de croissance ont de larges conséquences au cours du temps si elles persistent à moyen terme.

Tandis que les études antérieures se penchent essentiellement sur l’impact du réchauffement climatique sur le seul secteur agricole, Dell et alii élargissent la focale. Il apparaît alors que, si les hausses de température entraînent effectivement une contraction de la production agricole, elles tendent également à déprimer l’activité industrielle. Elles contribuent en outre à accroître l’instabilité politique dans les pays pauvres et par ce biais à réduire leur taux de croissance. Le ralentissement de la croissance et l’instabilité politique tendraient alors à se renforcer mutuellement. 

Les répercussions de long terme du changement climatique diffèrent quelque peu. D’un côté, les impacts économiques observés à court terme peuvent être atténués sur le long terme dans la mesure où les pays tendent à s’adapter aux nouvelles températures. De l’autre, le changement climatique exerce des effets supplémentaires de long terme, notamment en affectant les nappes phréatiques, la qualité de l’eau ou encore la santé, et avoir ainsi de plus larges impacts.

Au final, si l’étude ne parvient peut-être pas à capter certains effets non linéaires et phénomènes irréversibles qui se manifesteraient si la température franchit certains seuils, les schémas qu’elle met à jour s’avèrent robustes et déterminants pour l’architecture des politiques climatiques. Elle suggère notamment que la poursuite du réchauffement climatique va contribuer à élargir les écarts de revenu entre les pays développés et les pays en développement.

 

Références  Martin ANOTA

DELL, Melissa, Benjamin F. JONES & Benjamin A. OLKEN (2009), « Does climate change affect economic growth? », in VoxEU.org, 6 juin.

DELL, Melissa, Benjamin F. JONES & Benjamin A. OLKEN (2012), « Temperature Shocks and Economic Growth: Evidence from the Last Half Century », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 4, n° 3, juillet.

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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 23:12

« Les engagements de réduction de déficit et les premières mesures prises dans ce sens dans le collectif budgétaire de juillet 2012, comme celle annoncées dans le débat d’orientation budgétaire de juin 2012, indiquent une stratégie dont la première étape est d’aboutir à la réduction, quoiqu’il en coûte, du déficit public à 3 % du PIB à la fin de l’année 2013. Par sa vertu budgétaire, c’est donc une stratégie de sortie de la crise, censée assainir la situation des comptes publics et ainsi rassurer les marchés financiers comme les autres agents économiques, et mettre en place les conditions d’une reprise future vigoureuse. Cette stratégie s’appuie sur une réduction des dépenses publiques et une hausse de la fiscalité (…).

Cette stratégie de sortie de crise est pour le moins risquée car elle ne prend pas toute la mesure de la crise qui menace l’Europe aujourd’hui. Elle pourrait se justifier si nous étions d’ores et déjà sur une trajectoire de sortie de crise et s’il s’agissait d’en aménager les priorités. Mais l’Europe reste dans une situation de très forte incertitude, vivant dans l’attente d’un défaut massif de tel ou tel État membre de la zone euro, craignant la faillite de telle ou telle institution financière, subissant les conséquences d’une spirale d’austérité alimentée par la hausse des taux souverains. Or dans une telle situation, tout concourt à renforcer le piège de la trappe à liquidité et conduit à des multiplicateurs budgétaires élevés. Dès lors, la réduction ex ante du déficit par la hausse des impôts ou la réduction des dépenses pèse lourdement sur l’activité, ce qui limite, voire annule, la réduction effective des déficits. La dynamique d’augmentation de la dette publique ne peut être inversée et la réduction de l’activité accroît le risque de la socialisation de dettes privées insoutenables. La hausse des taux souverains est alimentée par l’incapacité à tenir les objectifs de déficits et par la hausse de la dette publique et contribue à accroître les déficits publics, obligeant à une austérité plus forte encore.

Une réponse à cette dynamique qui est en train de provoquer la désagrégation de l’euro serait sous une forme ou une autre la mutualisation des dettes publiques en Europe. Cette mutualisation impliquerait un contrôle plus ou moins complet des budgets publics des pays membres par une instance fédérale à la légitimité démocratique forte. Cette réponse serait donc celle de plus d’Europe et permettrait alors de définir une austérité "bien tempérée", pour la France comme pour ses principaux partenaires commerciaux, qui ferait de la sortie du chômage de masse involontaire et de la trappe à liquidité les préalables à un ajustement des finances publiques. Cette réponse permettrait de maintenir la soutenabilité des finances publiques sans impliquer les décennies perdues qui sont en train de se préparer. »

Éric HEYER, Mathieu PLANE et Xavier TIMBEAU, « Évaluation du projet économique du quinquennat 2012-2017 », note de l'OFCE, 26 juillet 2012.

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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 10:33

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La Révolution industrielle constitua un puissant choc asymétrique pour l'économie mondiale. Les nouvelles technologies apparues en Grande-Bretagne se diffusèrent après un bref délai à ses principaux voisins de l’Europe de l’ouest et à l’Amérique du nord. L'écart relativement modeste en termes de niveaux de revenus qui existait dans la période pré-industrielle entre les principales économies de l’Europe occidentale et le reste du monde laissa place au dix-neuvième siècle à la Grande Divergence. En 1820, les revenus par tête en Europe de l’ouest étaient 2,7 fois plus élevés qu’en Afrique ; en 1923, ils étaient 5 fois plus élevés.

La Révolution industrielle se traduisit par une Grande Spécialisation, marquée par de nettes différences entre le Nord et le Sud dans les spécialisations productives et les flux du commerce international. La Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, les autres pays de l’Europe de l’ouest et de l’Amérique du nord trouvèrent dans les nouvelles technologies un puissant avantage comparatif dans le secteur industriel par rapport au reste du monde. Ce cœur industriel exporta de larges volumes de biens manufacturés à la périphérie et importa de celle-ci de larges volumes de matières premières.

Le défi posé aux économies périphériques était de rejoindre le club des pays industrialisés à forte croissance. Dans ce contexte, si la chute des coûts de transport expose de manière croissante leurs industries à la concurrence européenne, elle leur permet également d’obtenir de moins chères ressources naturelles, essentielles comme intrants dans les processus productifs. Agustín S. Bénétrix, Kevin H. O’Rourke et Jeffrey G. Williamson (2012) ont observé les différentes phases de l’élargissement de l’industrie moderne aux économies en développement avec notamment comme objectif de déterminer quels régimes de commerce international ont favorisé ces dynamiques d’industrialisation. Ils dégagent huit faits stylisés concernant la convergence industrielle de la périphérie sur le cœur aux dix-neuvième et vingtième siècles.

1. La croissance industrielle rapide commença dans la périphérie au cours des années 1870 en Amérique latine et dans la périphérie européenne. Elle se diffusa à l’Asie après 1890 et à l’Afrique et au Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres. Il n’y a pas un modèle d’industrialisation similaire d’une région à l’autre. Si par exemple l’Amérique latine et la périphérie européenne se sont rapidement industrialisées en maintenant leurs barrières tarifaires, l’Asie du dix-neuvième siècle connut également une rapide croissance industrielle dans un contexte d’ouverture commerciale.

2. Bénétrix et alii identifient ensuite l’instant où débute le rattrapage industriel pour chaque région périphérique. Entre 1920 et 1989, les taux de croissance industrielle en périphérie ont été uniformément plus élevés que ceux observés dans les régions meneuses originelles. La convergence de la périphérie européenne et de l’Amérique latine sur le cœur industriel a commencé vers 1870 et elle ne s’interrompit qu’après 1990. De leur côté, l’Asie s’engagea dans un mouvement de convergence après 1890 et l’Afrique et le Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres ; ces trois régions poursuivent toujours leur convergence en fin de période. En outre, Bénétrix et alii remarquent qu’entre 1890 et 1972, le rattrapage s’explique essentiellement par l’accélération de la croissance dans la périphérie ; après le premier choc pétrolier, la convergence universelle de la périphérie sur le cœur industriel est essentiellement due au ralentissement de la croissance économique au sein de ce dernier.

3. Bien que l’Amérique latine ait connu une croissance industrielle extrêmement rapide entre 1879 et 1890, le point culminant de l’industrialisation périphérique se situe dans la période s’étalant de 1950 à 1972. Cette période marque également le point d’orgue de la convergence de la périphérie sur le cœur industriel.

4. La croissance industrielle rapide commença à se diffuser en Scandinavie, dans la périphérie européenne et en Amérique latine avant la Première Guerre mondiale ; en Asie durant l’entre-deux-guerres ; au Moyen-Orient et en Afrique du nord entre la Seconde Guerre mondiale et le premier choc pétrolier ; et enfin en Afrique subsaharienne durant les années quatre-vingt-dix. Les décennies comprises entre 1890 et 1938 virent s’opérer la plus rapide diffusion de l’industrialisation à la périphérie. 

5. Alors qu’une importante littérature empirique tend à montrer que les pays les plus pauvres ne connaissent pas une croissance plus rapide que les plus riches, Bénétrix et alii se demandent si les économies avec un plus faible niveau de production par personne expérimentent systématiquement une plus rapide croissance dans la production industrielle que les économies avec la production industrielle par tête élevée. D’après leurs données, les pays les moins industrialisés ont connu les taux de croissance industrielle les plus élevés statistiquement entre 1920 et 1989 ; cette convergence a été la plus forte entre 1950 et 1972.

6. Les taux de croissance ont été les plus volatiles, ainsi que les plus variables d’un pays à l’autre, durant l’entre-deux-guerres. La volatilité des taux de croissance et leur variabilité entre les pays, après avoir culminé dans l’immédiat après-guerre, ont ensuite très rapidement décliné pour connaître durablement leurs plus faibles niveaux historiques.

7. Les taux de croissance industrielle furent plus volatils dans les zones suiveuses que parmi les régions meneuses à chaque période de l’échantillon, excepté celle s’étalant de 1920 à 1938, les guerres mondiales et la Grande Dépression ayant affecté plus fortement le cœur industriel que la périphérie. Cela confirme l’idée selon laquelle la croissance économique s’avère bien plus volatile dans les pays en développement. La plus forte volatilité apparaît en outre comme un aspect intimement lié à l’activité industrielle.

8. Bénétrix et alii s’interrogent enfin sur la persistance des taux de croissance élevés au cours du temps ; ils cherchent à déterminer dans quelle mesure les pays à forte croissance lors d’une période donnée tendent à connaître également une haute croissance au cours de la période suivante. D’après leurs données, la rapide croissance industrielle de long terme n’apparaît pas avoir été pas particulièrement persistante au cours du vingtième siècle malgré d’importantes exceptions. En l’occurrence, le Brésil, la Bulgarie, la Chine, l’Inde, le Japon et la Russie affichent régulièrement d’exceptionnelles performances en termes de croissance, laissant suggérer aux trois économistes que la rapide industrialisation des BRIC constitue un phénomène aux profondes racines historiques.

 

Référence Martin ANOTA

BÉNÉTRIX, Agustín S., Kevin H. O'ROURKE & Jeffrey G. WILLIAMSON (2012), « The Spread of Manufacturing to the Periphery 1870-2007: Eight Stylized Facts », NBER working paper, n° 18221.

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