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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 23:01

Les dévaluations du taux de change nominal ont longtemps été proposées comme une réponse possible face aux chocs macroéconomiques réduisant la compétitivité d’un pays en présence de prix et salaires rigides. Les pays appartenant à une union monétaire ne peuvent toutefois procéder à une dévaluation nominale. Plusieurs auteurs ont alors proposé de produire les effets d’une dévaluation du taux de change réel à travers la fiscalité. Cette hypothèse des « dévaluations fiscales » a été récemment explorée par les théoriciens de la nouvelle économie keynésienne, ce courant de pensée qui puise autant, si ce n’est plus, dans les travaux de Milton Friedman que dans les l'oeuvre cambridgienne. C’est pourtant dans les écrits de Keynes que certains nouveaux keynésiens trouvent l’idée qu’une hausse des tarifs douaniers, combinée à une subvention des exportations, aurait le même impact sur l’économie domestique qu’une dévaluation nominale du taux de change. Si la recette keynésienne était à l’origine destinée aux économies soumises alors à l’étalon-or, elle pourrait permettre aux pays en difficulté de la zone euro de devenir plus compétitifs et de relancer leur activité économique sans avoir à quitter l’union monétaire.

Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen et Emmanuel Farhi (2012) ont collectivement appelé à la mise en œuvre d’une dévaluation fiscale en France pour réduire le déficit de compétitivité que les entreprises domestiques accusent vis-à-vis de leurs consœurs allemandes et ainsi pour enrayer ce qu’ils estiment être un véritable « effondrement » des parts de marché des firmes françaises à l’étranger. Les répercussions d’un transfert du financement de la protection sociale vers une plus large imposition du revenu et/ou une hausse de la TVA seront similaires à celles observées lors d’une dévaluation du taux de change réel, c’est-à-dire du franc avant la création de l’euro. Si le pouvoir d’achat des consommateurs s’en trouve à court terme, la plus grande compétitivité des secteurs ouverts à la concurrence étrangère pourrait finalement stimuler l’activité. Le transfert de charges réduit le coût du travail en raison du lent ajustement des salaires nets des charges. Les entreprises profitent alors de la baisse des charges pour soit baisser leurs prix, soit améliorer la qualité de leurs produits notamment en investissant davantage en recherche-développement. La plus grande compétitivité française doit alors se traduire par une hausse de la demande étrangère pour les produits français. Les mesures annoncées par le gouvernement Ayrault suite au rapport Gallois entrent en phase avec les préconisations des quatre économistes.

Emmanuel Farhi, Gita Gopinath et Oleg Itskhoki (2012) ont cherché à délivrer une analyse complète des dévaluations fiscales dans un modèle DSGE d’inspiration nouvelle keynésienne. Ils définissent une dévaluation fiscale comme un ensemble précis de mesures fiscales qui génère la même allocation réelle (en termes de consommation, de production ou encore d’offre du travail) que provoquerait une dévaluation de taux de change nominal. Leur modélisation suggère que deux types spécifiques de politiques fiscales génèrent efficacement des dévaluations fiscales. La première politique combine une hausse uniforme des tarifs d’importation à des subventions aux exportations. La seconde politique couple une hausse des taxes sur la valeur ajoutée avec une réduction des cotisations sociales.

Certes, une dévaluation fiscale a le même effet sur les prix relatifs internationaux qu’une dévaluation du taux de change, puisqu’elles rendent toutes les deux les produits domestiques moins chers par rapport aux produits étrangers, mais la première conduit toutefois à une hausse du prix du panier de consommation dans l’économie domestique relativement à celui du reste du monde. Les auteurs préconisent au final une baisse des taxes sur la consommation et un relèvement de l’impôt sur le revenu, en particulier si les agents privés anticipent la réforme fiscale. Une mesure additionnelle doit toutefois être prise lorsque les marchés d’actifs sont incomplets et si les obligations sont libellées en monnaie domestique. Une dévaluation nominale dévalorise en effet la dette externe libellée en monnaie étrangère, mais non la dette domestique libellée en devise domestique. Celle-ci doit donc faire l’objet d’un défaut partiel. Un tel ensemble de mesures réplique alors complètement le comportement du taux de change réel suite à une dévaluation nominale.

Toujours dans une veine nouvelle keynésienne, Anna Lipinskay et Leopold von Thaddenz (2012) modélisent une union monétaire composée de deux pays afin de mettre en évidence les interactions budgétaires et monétaires qui émergent entre les Etats-membres lorsque l’un des deux met en œuvre une dévaluation fiscale. La modélisation adopte une concurrence  La politique monétaire se voit confier un rôle de stabilisation en raison des rigidités des prix nominaux et va suivre une règle à la Taylor ; elle réagit donc à la fois à l’inflation et à l’output-gap. Si elle est mise en œuvre au niveau supranationale, la politique budgétaire est quant à elle spécifique à chaque pays. Dans ce contexte, les auteurs vont alors supposer que l’Etat accroît les taxes sur la consommation dans l’économie domestique sans pour autant modifier le montant des dépenses publiques. Les recettes supplémentaires tirées des taxes sur la consommation seront alors utilisées pour réduire la taxation du travail. Lipinskay et Thaddenz observent sous quelles conditions la réforme fiscale entreprise par un pays membre d’une union monétaire s’avère efficace à la fois à court et à long termes.

Tout d’abord, leur modéliste suggère que les évolutions à long terme des variables économiques dépendent principalement du degré d’intégration financière. La hausse de la production domestique dans le cas de marchés financiers complets représente jusqu’à cinq fois sa hausse dans le cas d’une incomplétude des marchés financiers. La complétude des marchés implique une baisse significative de la consommation domestique en raison du partage du risque, tandis que la demande extérieure s’accroîtra. En revanche, en l’absence de partage du risque, la consommation s’accroît modérément, tandis que la production et la demande étrangère restent peu affectées. Ensuite, l’objectif des banques centrales, les anticipations des agents privés relatives au système fiscal et le degré de viscosité des salaires nominaux vont conditionner les effets de la réforme à court terme. Si les agents privés n’anticipent pas la réforme fiscale, si les salaires nominaux sont flexibles et si les salaires nominaux sont flexibles, alors la banque centrale n’aura à répondre à aucune poussée inflationniste suite à la mise en œuvre de la réforme fiscale, puisque les répercussions inflationnistes de cette dernière sur le reste de l’union monétaire sont compensées par ses répercussions désinflationnistes sur l’économie domestique. Enfin, la réponse des salaires nominaux, dans le cas où ils s’avèrent visqueux, dépend du degré d’intégration financière. La viscosité des salaires se traduit par une amplification des effets de la réforme fiscale à court lorsque l’intégration financière est inachevée.

L’analyse ne se concentre toutefois que sur les seules implications de la réforme fiscale pour le pays qui la met en place, laissant en suspens la question de la coordination des politiques économiques, en particulier au sein de l’union monétaire. Si un pays donné met en œuvre, en temps normal, une dévaluation fiscale, les effets pourraient peut-être effectivement s’avérer bénéfiques pour elle. Elle n’en demeure pas moins non coopérative vis-à-vis des autres Etats-membres. Les répercussions exactes sur l’économie domestique prêtent à discussion dans un contexte où l’activité économique ralentit au niveau mondiale et en particulier au niveau continental. La multiplication des dévaluations fiscales dans une union monétaire pourrait finalement constituer un jeu à somme négative, la concurrence fiscale laissant les Etats-membres dans une situation pire que celle où ils se trouvaient initialement. Il est en outre étrange de vouloir répliquer en temps de crise les politiques économiques qui ont particulièrement contribué à intensifier la spirale dépressive lors des années trente.

 

Références Martin ANOTA

AGHION, Philippe, Gilbert CETTE, Elie COHEN & Emmanuel FARHI (2012), « Pour une dévaluation fiscale », in Le Monde, 24 octobre.

FARHI, Emmanuel, Gita GOPINATH & Oleg ITSKHOKI (2012), « Fiscal devaluations », Federal Reserve Bank of Boston, working paper, n° 10, octobre.

LIPINSKAY, Anna, & Leopold von THADDENZ (2012), « On the (in)effectiveness of fiscal devaluations in a monetary union », Federal Reserve working paper, n° 71.

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15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 19:02

La réduction des atteintes portées à l’environnement passe par une réduction des émissions polluantes et plus largement par un changement dans le comportement tant des producteurs que des consommateurs. Le simple moindre usage des ressources naturelles va d’une part participer à cette réduction des émissions polluantes et d’autre part contribuer à maintenir le stock de ressources naturelles. La réduction de la consommation de combustibles fossiles réduit par exemple les émissions de gaz à effet de serre et contribue à garder un maximum de ressources fossiles à la disposition des générations futures. Les efforts déployés pour soutenir la croissance économique n’entrent pas forcément en contradiction avec la préservation de l’environnement. De même, si celle-ci contraint effectivement à court terme l’activité économique en allouant des ressources financières, humaines et physiques hors des activités productives proprement dites, elle n'est pas sans générer des gains à un plus lointain horizon temporel. Préserver des ressources naturelles est en outre essentiel au maintien de la croissance à plus long terme. La croissance verte définit en l’occurrence un modèle de développement visant à encourager la croissance économique à long terme tout en assurant la préservation de la nature.

L’innovation technologique a une place essentielle au cœur du modèle de croissance verte. Selon l’approche (relativement) optimiste de la soutenabilité faible, le développement soutenable dépend avant tout du progrès technique. Dans sa récente contribution pour la Banque mondiale, David Popp (2012) cherche à mettre en évidence comment l’innovation technologique peut contribuer à réduire les coûts associés à la protection de l’environnement et à l’adoption d’une croissance verte. C’est en usant de techniques avancées que les pays à revenu élevé ou intermédiaire ont réussi à atteindre une meilleure qualité environnementale en ce qui concerne certains polluants. Or de telles techniques impliquent initialement des coûts élevés, alors même que les bénéfices attendus, bien que substantiels (tels que l’amélioration de la qualité de vie, de la santé, l’allongement de la durée de vie), ne se traduisent qu’à plus long terme, ce qui peut soulever des débats sur la réelle opportunité d’adopter un modèle de croissance verte. Donner une plus grande efficacité énergétique aux biens de production et de consommation peut se traduire par une réduction des coûts d’usage des ressources, donc par des gains immédiats pour l’activité économique.

Puisque les pays développés ont déjà payé l’essentiel des coûts associés au développement des technologies vertes, le transfert de ces technologies revêt aujourd’hui toute son importance. La réussite d’un transfert technologique repose sur la bonne adéquation entre les besoins du pays destinataire et les technologies disponibles dans le pays d’origine. Les externalités de connaissance entre les pays sont un moteur important de l’innovation, or une plus grande distance technologique entre deux pays réduit le flux de connaissances entre eux. La distance technologique est en l’occurrence plus déterminante dans la géographie des transferts de connaissances que la distance spatiale elle-même. Puisque la distance technologique est plus grande entre des pays à niveaux de revenus différents, Popp en conclue que les pays en développement doivent davantage s’appuyer sur les transferts de technologies et l’adoption de technologies existantes plutôt que sur l’innovation elle-même. Ils ne vont pas rester passifs dans ce processus, puisqu’ils doivent adapter les technologies importées aux spécificités de leur économie. Leur activité domestique de recherche-développement peut améliorer l’ajustement des nouvelles technologies aux conditions des marchés locaux en y apportant des innovations incrémentales. Les processus productifs peuvent en l’occurrence être adaptés de manière à réduire les coûts sur les marchés locaux. 

Au sein d’un pays donné, la diffusion d’une nouvelle technologie est un processus dynamique profondément graduel. L’adoption des nouvelles technologies débute tout d’abord avec un nombre limitée d’utilisateurs, suivie par une période de plus rapide adoption avant que le taux d’adoption ne se stabilise une fois que la plupart des utilisateurs potentiels ont adopté la technologie. L’information joue un rôle important dans la dynamique de la diffusion technologique. L’apprentissage depuis autrui est essentiel pour sensibiliser les agents à la nouvelle technologie. Les projets de démonstration ou les subventions aux premiers utilisateurs facilitent la diffusion d’une technologie dans un marché. Les premiers utilisateurs jouent notamment un rôle essentiel en réduisant l’incertitude entourant la qualité des nouvelles technologies.

D’importantes divergences sont observées dans les rythmes d’adoption des technologies entre les pays développés et en développement. La maintenance et l’accès à la finance sont importants pour la réussite de l’adoption d’une technologie dans les pays en développement. L’entretien du projet doit être planifié dès le début du projet et ne doit pas nécessiter beaucoup de formation supplémentaire, sinon les usagers risquent d’abandonner la technologie dès la première défaillance. En raison des coûts élevés de démarrage, le financement est une barrière importante pour les projets dans les pays en développement, puisque les agents y ont un accès plus limité aux marchés du crédit. Il est alors essentiel de mettre en place des mécanismes alternatifs de financement pour résoudre ce problème d’accès au financement.

David Popp reconnaît que les moteurs de l’adoption des technologies vertes restent toutefois encore partiellement incompris. Les technologies rentables à haute efficacité énergétique ne connaissent qu’une lente diffusion dans l’économie, alors même qu’ils réduisent les coûts de production. Ce « paradoxe de l’efficacité énergétique » suggère que les défaillances de marché peuvent fortement contribuer à ralentir l’adoption des technologies vertes. Les externalités environnementales constituent une première défaillance de marché qui refrène le processus d’innovation environnementale. Puisque le marché échoue à donner un prix à la pollution, les entreprises et consommateurs sont insuffisamment incités à réduire leurs émissions polluantes en l’absence d’intervention publique. Les agents privés échouent à prendre en compte l’ensemble des bénéfices sociaux qui sont liés à l’utilisation des technologies réduisant la pollution. Non seulement les incitations sont alors insuffisantes pour que les agents privés génèrent de nouvelles technologies, mais même lorsque celles-ci sont disponibles, les agents privés seront insuffisamment incités à mettre pleinement en œuvre leur diffusion dans l’économie.

Une seconde défaillance de marché en raison de la nature de bien public que revête le savoir. L’innovateur ne peut récolter tous les fruits de son investissement si son innovation n’est pas mise à la disposition du public, mais si elle est mise à sa disposition, le savoir contenu dans l’innovation est également rendu public. Encore une fois, les rendements sociaux de l’innovation sont plus larges que les bénéfices privés qu’en retire l’innovateur. Celui-ci est alors insuffisamment incité à investir dans le développement de nouvelles technologies. D’autres défaillances de marché, notamment l’incomplétude des marchés du crédit ou l’incertitude, ralentissent la diffusion technologique. En l’occurrence, les acheteurs potentiels peuvent être incertains quant à la qualité d’une nouvelle technologie ou aux conditions futures du marché.

Puisque les forces du marché ne fournissent pas suffisamment d’incitations aux agents privés pour que ceux-ci investissent dans la création et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement, la politique publique va jouer un rôle déterminant en fournissant ces incitations et en favorisant directement le développement et la diffusion des technologies vertes. La politique environnementale des autorités publiques va directement stimuler la demande pour les technologies vertes en rendant les pollueurs directement responsables des dommages environnementaux que leur activité génère. Pour être efficace, elle doit en outre s’accompagner d’une politique technologique contribuant à pleinement récompenser les innovateurs pour les bénéfices publics qui résultent des externalités de connaissance.

 

Références Martin ANOTA

POPP, David (2012), « The role of technological change in green growth », Banque Mondiale, policy research workign paper, octobre, n° 6239.

ROTILLON, Gilles (2010), Économie des ressources naturelles, La Découverte.

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 15:25

L’investissement a contribué à environ la moitié de la croissance chinoise tout au long des années deux mille et cette contribution s’est particulièrement accrue à la fin de la décennie. La politique budgétaire expansionniste que l’Etat mit en œuvre entre 2008 et 2010 en réponse à la crise mondiale et qui prit essentiellement la forme d’un investissement en infrastructures explique l’essentiel des plus récentes évolutions. Sur cette période, l’investissement voit sa part dans le PIB chinois s’accroître de près de 6 points de pourcentage pour finalement atteindre 48 % du PIB en 2010. Le processus d’urbanisation, l’accent mis récemment sur la construction de logements sociaux et le renforcement des capacités productives dans les secteurs haut de gamme de l’industrie manufacturière et les services ont également contribué à la croissance de l’investissement. En particulier, l’investissement immobilier constitue actuellement le quart de l’investissement chinois en actifs fixes.

Les changements dans le profil de l’investissement ont entraîné de profondes modifications dans le contenu des importations chinoises. Comme une part toujours plus grande de la production manufacturière est réalisée localement, la part des machines dans les importations diminue continuellement, tandis que les minéraux et métaux voient leur part dans les importations s’accroître en parallèle. Ces divers développements ont profondément influé sur les flux commerciaux mondiaux. Tout au long de la décennie, les principaux exportateurs de matières premières, de biens d’équipement et de composants ont vu une part croissante de leurs exportations se destiner au marché chinois. Ces évolutions s’expliquent notamment par le fait que la Chine est devenue l’étape finale d’assemblage d’un nombre toujours plus grand de chaînes de valeur. Rapportées à leur PIB, les exportations vers la Chine ont connu de fortes hausses pour de nombreuses économies. Le ratio a en moyenne été quadruplé au cours de la dernière décennie. Les pays asiatiques tels que le Taïwan, la Malaisie et la Corée, tous d’importants exportateurs de biens d’équipement et de biens intermédiaires, sont particulièrement dépendants des évolutions de l’économie chinoise.

La composante immobilière de l’investissement chinois s’avère peut-être la plus instable de celui-ci. Le marché du logement a une tendance inhérente à la croissance excessive des prix immobiliers. Les faibles taux d’intérêt réels, le sous-développement du système financier qui n’offre que peu d’actifs alternatifs et le contrôle des capitaux sont plusieurs aspects structurels de l’économie chinoise qui encouragent le surinvestissement immobilier. L’impulsion budgétaire et la forte expansion du crédit que le gouvernement a lui-même favorisé en réponse à la crise mondiale ont aussi particulièrement contribué au plus récent boom immobilier. La rapide hausse des prix immobiliers a poussé l’ensemble des résidents à formuler des anticipations exubérantes et à adopter des comportements spéculatifs. Si la formation de bulles a très certainement participé à la croissance chinoise ces dernières années, elle fait peser d’importants risques sur la soutenabilité de l’investissement chinois, mais aussi plus largement sur les stabilités financière et macroéconomique.

Les dynamiques observées sur le marché immobilier ont exigé ces dernières années une intervention croissante de la part des autorités publiques. Face au boom immobilier qui a débuté au milieu de 2009, celles-ci ont notamment restreint les achats de deuxième et troisième logement et limité l’usage du crédit pour les promoteurs immobiliers. La banque centrale a de son côté relevé ses taux nominaux. Les autorités semblent avoir réussi pour l’heure à contenir l’exubérance du marché tout en maintenant une croissance robuste de l’investissement en étendant les programmes de logements sociaux et en facilitant les conditions financières pour les primo-accédants à la propriété. Néanmoins, la détérioration des conditions financières auxquelles font face les promoteurs immobiliers accroît la probabilité d'un retournement brutal des prix du logement et d'un effondrement de l’investissement immobilier.

Les risques qu’un effondrement de l’investissement immobilier fait peser sur la stabilité financière et sur l’ensemble de la croissance chinoise sont élevés. L’industrie de la construction qui dépend directement de l’activité immobilière représente à elle seule 7 % du PIB, mais elle génère également une forte demande pour les autres secteurs domestiques, notamment l’activité minière, la production de matériel de construction et de biens d’équipement, ainsi que les services immobiliers. L’immobilier est en outre utilisé comme collatéral pour le financement externe des entreprises, mais aussi pour le finalement des projets d’investissement des gouvernements locaux.

Par conséquent, un effondrement de l’investissement immobilier a le potentiel de perturber la chaîne de production sur l’ensemble du territoire. Elle aurait un impact significatif sur l’activité économique domestique, mais aussi de larges répercussions sur les partenaires commerciaux de la Chine. A partir d’un modèle VAR à deux régions leur permettant de modéliser les interactions entre la Chine et le reste du monde, Ashvin Ahuja et Alla Myrvoda (2012) estiment qu’une baisse de 1 pourcent de l’investissement immobilier chinois réduirait de 0,1 % le PIB réel chinois sur la seule première année du choc et diminuerait de 0,05 % le PIB mondial. Les producteurs de biens d’équipement manufacturés qui sont directement exposés à la Chine (en particulier la Corée et le Japon) ou qui sont les plus fortement dépendants du commerce international (notamment l’Allemagne) subiraient le plus fort déclin de leur production industrielle et de leur PIB.

Adoptant une optique plus large, Ashvin Ahuja et Malhar Nabar (2012) ont quantifié les répercussions internationales d'une chute l’investissement chinois en capital fixe. Leur analyse suggère qu’un ralentissement de l’investissement d’un point de pourcentage se traduirait par une baisse du taux de croissance mondiale de 0,1 point de pourcentage. L’impact d’une éventuelle chute de l’investissement chinois est aujourd’hui cinq fois plus important qu’il ne l’était en 2002 et continue de s’accroître au fur et à mesure que la Chine s’insère dans l’économie mondiale. Plus spécifiquement, les pays participant étroitement à la chaîne de valeur régionale et les exportateurs de matières premières sont les économies les plus vulnérables à un tel choc macroéconomique. Taiwan, la Corée et la Malaisie, qui sont tous les trois fortement impliqués dans les chaînes de valeur régionales, verraient leur croissance du PIB diminuer entre 0,5 et 0,9 point de pourcentage pour chaque point de pourcentage d’une décélération de la croissance de l’investissement chinois. Les principaux producteurs de matières premières qui sont largement exposés à la Chine, notamment l’Arabie Saoudite et le Chili, subiraient aussi un fort ralentissement de leur croissance économique. Ahuja et Nabar estiment les prix des matières premières, notamment des métaux, connaitraient une baisse comprise entre 0,8 et 2,2 % pour chaque pourcent de baisse de l’investissement chinois en capital fixe.

Les pays du G20 sont également susceptibles d'être particulièrement touchés. Une chute de l’investissement chinois en capital fixe aurait un substantiel impact sur les économies exportant massivement des biens manufacturés vers la Chine, en particulier l’Allemagne, la Corée et le Japon. Les répercussions sur la production industrielle et la production agrégée pourraient être plus modérées pour les pays qui dépendent moins fortement de la demande chinoise, notamment le Royaume-Uni et l’Inde. Les exportateurs de matières premières, tels que le Canada et le Brésil, subiraient une forte décélération de la croissance de leurs exportations, une chute de leur production et finalement un ralentissement de l’ensemble de leur activité économique. 

 

Références Martin ANOTA

AHUJA, Ashvin, & Alla MYRVODA (2012), « The spillover effects of a downturn in China’s real estate investment », IMF working paper, n° 266, novembre.

AHUJA, Ashvin, & Malhar NABAR (2012), « Investment-led growth in China: global spillovers », IMF working paper, n° 267, novembre.

DREGER, Christian, & Yanqun ZHANG (2011), « On the Chinese house-price bubble », in VoxEU.org, 15 juillet.

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