Overblog Tous les blogs Top blogs Économie, Finance & Droit Tous les blogs Économie, Finance & Droit
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 18:22

Quatre récessions mondiales sont survenues au cours du dernier demi-siècle, en l’occurrence en 1975, en 1982, en 1991 et en 2009. Divers indicateurs macroéconomiques tels que le PIB par habitant, la production industrielle ou encore le chômage ont décliné lors de ces divers épisodes. Les reprises qui les ont suivies ont été généralement marquées par un rebond simultané de la consommation, de l’investissement et du commerce au niveau mondial.

Si l’actuelle reprise mondiale s’opère au même rythme que les précédentes, les performances respectives des pays avancés et des pays en développement ont par contre été très différentes. Depuis 2008, les économies avancées ont une plus faible croissance que les pays en développement et cette divergence dans les performances macroéconomiques s’est même accentuée ces dernières années. Les perspectives de croissance diffèrent également parmi les économies développées : si les Etats-Unis peuvent espérer connaître une modeste croissance ces prochaines années, plusieurs pays de la zone euro et la Grande-Bretagne sont de leur côté susceptibles de connaître une stagnation prolongée, voire même une contraction, de leur activité économique.

GRAPHIQUE 1  PIB réel par habitant (indices base 100 l'année précédant la récession)

kose recovery png1

source : FMI (2013)

La puissance et la nature du choc ne suffisent pas à expliquer la lenteur la reprise dans les pays avancés. Ayhan Kose, Prakash Loungani et Marco Terrones (2013) mettent l’accent sur l’inadéquation des politiques économiques, en particulier l’absence de relance budgétaire, pour expliquer cette faible croissance. Dans les économies développées, la politique budgétaire était particulièrement assouplie au cours des précédentes reprises de l’activité. Elle se révèle par contre excessivement restrictive aujourd’hui, si bien qu’elle contraint fortement la croissance économique. Si, par exemple, les Etats-Unis ont su mettre en place un plan de relance exceptionnellement puissant au cours de la Grande Récession, ils ont hâtivement resserré leur politique budgétaire une fois la reprise amorcée [Fatás et Mihov, 2013]

GRAPHIQUE 2  Dépenses publiques (indices base 100 l'année précédant la récession)

kose_recovery_png2.png

source : FMI (2013)

Le niveau historiquement élevé des ratios dette publique sur PIB ont pu désinciter les gouvernements à offrir toute l’impulsion nécessaire pour soutenir la reprise de l’activité. Lorsque la crise mondiale a éclaté, les pays avancés présentaient des finances publiques dégradées. Indépendamment des plans de relance, les puissantes mesures de soutien du secteur financier et surtout la chute des recettes associée à la contraction de l’activité ont puissamment contribué à la hausse de l’endettement public lors de la Grande Récession. Aujourd’hui, les gouvernements resserrent leur politique budgétaire afin de stabiliser l’endettement public, or ces tentatives de consolidation budgétaire, en alimentant la déprime de l’activité, se traduisent par une persistance des déficits et une nouvelle envolée des ratios d’endettement. En effet, en présence d’une faible demande globale et d’agents contraints en termes de liquidité, les multiplicateurs budgétaires sont particulièrement élevés. Autrement dit, si une impulsion budgétaire est alors susceptible de fortement stimuler l’activité, une contraction des dépenses publiques s’avère particulièrement dommageable à cette dernière. De leur côté, les économies en développement ne font pas face aux mêmes contraintes : ils ont su se doter d’une marge de manœuvre budgétaire suffisamment importante avant l’éclatement de la crise mondiale pour ensuite fortement accroître leurs dépenses publiques et consolider ainsi leur reprise.

Si la politique budgétaire a pu se révéler excessivement restrictive lors de la reprise dans plusieurs économies avancées, la politique monétaire s’est par contre avérée bien plus accommodante que par le passé, que ce soit dans les pays en développement ou dans les pays développés. Dans ces derniers, les banques centrales ont ramené leurs taux directeurs à des niveaux historiquement bas. La faiblesse persistante de l’activité et la présence de la borne inférieure zéro (zero lower bound) ont poussé les autorités monétaires à adopter des mesures non conventionnelles et à notamment acheter des actifs à grande échelle. L’ancrage de l’inflation et des anticipations d’inflation à de faibles niveaux offre aux banques centrales une marge de manœuvre pour poursuivre, voire approfondir, leur programme de stimulus monétaire.

Toutefois les mécanismes de transmission de la politique monétaire restent enrayés et cette défaillance est particulièrement aigue en zone euro, où la périphérie fait face à des conditions de crédit bien plus restrictives que le cœur de l’union monétaire. L’incapacité de la politique monétaire à stimuler les dépenses d’un secteur privé en proie au désendettement plaide pour une réorientation de la politique budgétaire et l’adoption de plans de relance dans l’ensemble des pays avancés. Tant que la politique budgétaire reste restrictive, la politique monétaire ne peut qu’en accroître les coûts macroéconomiques. 

 

Références

FATÁS, Antonio, & Ilian MIHOV (2013), « Recoveries », document présenté lors de la 57ième conférence « Fulfilling the full employment mandate », Réserve fédérale de Boston, 13 avril.

KOSE, M. Ayhan, Prakash LOUNGANI & Marco E. TERRONES (2013), « The great diversion of policies », in FMI, World Economic Outlook: Hopes, Realities, Risks, avril. Traduction française, « La grande divergence entre les politiques économiques », in FMI, Perspectives de l’économie mondiale : Espoirs, réalités, risques.

KRUGMAN, Paul (2013), « The non-secret of our non-success », in The Conscience of a Liberal (blog), 20 avril. 

Partager cet article
Repost0
17 avril 2013 3 17 /04 /avril /2013 20:10

La Grande Récession s'est traduite par un large creusement des déficits et la dette publique a atteint des niveaux qui n’avaient pas été connus depuis la Seconde Guerre mondiale. Or, non seulement la crise financière de 2007 a éclaté dans un contexte où les finances publiques de plusieurs pays développés étaient déjà dégradées, mais des tendances de long terme, telles que le vieillissement démographique, vont aussi fortement peser sur les finances publiques ces prochaines décennies. Les inquiétudes concernant la soutenabilité de l’endettement public ont ainsi amené les gouvernements à adopter dès 2009 des mesures d’austérité pour stabiliser la trajectoire de leur dette. Ce resserrement de la politique budgétaire a trouvé une justification dans les diverses études suggérant qu’un niveau élevé d’endettement public pouvait nuire à la croissance économique. Selon celles-ci, les politiques budgétaires expansionnistes peuvent éventuellement stimuler l’activité économique à court terme, mais la hausse subséquente du ratio dette sur PIB peut réduire la croissance économique et finalement annuler les effets positifs de la relance budgétaire. Toute une littérature empirique a ainsi récemment suggéré l’existence d’une corrélation négative entre la dette publique et la croissance économique et affirmé que cette corrélation se renforçait lorsque le ratio se rapprochait de 100 %. 

L’étude réalisée par Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff (2010) est pionnière dans cette littérature. Les deux auteurs ont compilé les données relatives à 44 pays au cours de deux siècles et fait apparaître une relation non linéaire entre la croissance économique et l’endettement public. Lorsque la dette publique représente moins de 90 % du PIB, la relation entre la dette publique et la croissance réelle du PIB est faible ; cette dernière est relativement stable et s’élève autour de 3-4%. En revanche, lorsque le ratio dette publique sur PIB est supérieur à 90 %, les taux de croissance médians chutent d’un pourcent et la croissance moyenne diminue encore plus lourdement, devenant légèrement négative. 

Il s’agit très certainement de l’article le plus fréquemment cité ces dernières années pour éclairer le débat sur l’endettement public et justifier l’adoption de mesures d’austérité. Cette étude a toutefois suscité plusieurs réserves. D’une part, même si l’on accepte les résultats de Reinhart et Rogoff, c’est-à-dire l’idée qu’il existe un lien entre l'accroissement de l'endettement public et l'affaiblissement de croissance économique, il n’est pas certain que la causalité aille nécessairement du premier vers le second. Il est en effet logique qu’une faible croissance économique mène à un creusement des déficits, puisqu’elle réduit les recettes fiscales tout en gonflant simultanément les dépenses publiques, notamment le poids des transferts. D’autre part, un canal de transmission plus subtil pourrait expliquer les coûts macroéconomiques de l’endettement public. Les plans d’austérité, en particulier lorsqu’ils sont mis en œuvre lors des récessions, sont susceptibles de réduire la croissance économique tout en conduisant à une nouvelle élévation de la dette publique. Par conséquent, un niveau d’endettement élevé peut effectivement conduire à une réduction de la croissance, mais parce qu’il incite les gouvernements à resserrer leur politique budgétaire [Panizza et Presbitero, 2012].

Surtout, Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin (2013) ont récemment cherché à répliquer les résultats de Reinhart et Rogoff en utilisant directement les données de ces derniers. Ils décèlent trois importantes erreurs dans le traitement des données réalisé par Reinhart et Rogoff, or ces défauts méthodologiques influencent particulièrement les résultats. Tout d’abord, Reinhart et Rogoff ont ignoré certaines années où les économies connaissaient à la fois un taux de croissance élevé et un fort endettement public. En l’occurrence, ils ne prennent pas en compte les performances économiques de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Canada dans l’immédiat après-guerre. Ensuite, ils utilisent une méthode peu conventionnelle pour pondérer les pays lorsqu'ils agrègent leurs données, ce qui réduit au final le taux de croissance moyen des économies endettées. Enfin, Reinhart et Rogoff n’ont tout simplement pas sélectionné toutes leurs données sur Excel, ce qui les a finalement amenés à exclure de l’analyse cinq pays qui se caractérisaient à la fois par un niveau élevé de dette publique et un fort taux de croissance moyen.

GRAPHIQUE  Taux de croissance moyen du PIB réel selon différents ratios de dette publique sur PIB (en %)

reinhart_correction.png

source : Jared Bernstein (2013)

données : Herndon et alii (2013) 

Une fois les erreurs corrigées, Herndon et ses coauteurs montrent que les pays ayant une dette publique supérieure à 90 % du PIB enregistrent une croissance moyenne de 2,2 % et non de – 0,1 % comme le suggéraient auparavant l’étude de Reinhart et Rogoff. La croissance moyenne des pays fortement endettés ne diffère donc pas significativement des performances des autres économies. Les trois erreurs commises par Reinhart et Rogoff les ont donc amenés à particulièrement sous-estimer la croissance économique des pays hautement endettés. Herndon et alii suggèrent éventuellement une non-linéarité dans la relation entre la dette publique et la croissance du PIB, mais celle-ci apparaît à un faible niveau d’endettement, puisque les pays dont la dette publique représente moins de 30 % du PIB ont une croissance plus élevée que les autres. Dans tous les cas, leur étude les amène à rejeter l’idée que l’endettement public nuit fortement à la croissance économique une fois passé le seuil de 90 %. Un tel résultat devrait logiquement amener à une réorientation des politiques budgétaires. Il rappelle que la stabilisation de l’activité est peut-être une question bien plus pressante que celle de l’assainissement des finances publiques. 

 

Références

HERNDON, Thomas, Michael ASH & Robert POLLIN (2013), « Does high public debt consistently stifle economic growth? A critique of Reinhart and Rogoff », avril.

KONCZAL, Mike (2013), « Researchers finally replicated Reinhart-Rogoff, and there are serious problems », in Next New Deal (blog), 16 avril.

PANIZZA, Ugo, & Andrea F. PRESBITERO (2012), « Is high public debt harmful for economic growth? », in VoxEU.org, 22 avril.

REINHART, Carmen M., & Kenneth S. ROGOFF (2010), « Growth in a time of debt », NBER working paper, n° 15639, janvier.

 

Partager cet article
Repost0
16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 18:52

Par rapport aux autres reprises que les Etats-Unis et diverses économies avancées ont connues depuis la Seconde Guerre mondiale, la reprise consécutive à la Grande Récession se distingue par son extrême lenteur. Plusieurs travaux ont cherché à expliquer les faibles taux de croissance et la faiblesse de la création d’emplois. Les récessions sont provoquées et formées par les dynamiques observées dans l’expansion qui les précède, si bien que plusieurs analyses se sont focalisées sur les caractéristiques de l’expansion américaine au milieu des années deux mille. Par exemple, la Grande Récession résulte d’une énorme accumulation de déséquilibres sur les marchés du crédit. Or, des travaux comme ceux réalisés par Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff suggèrent que les crises associées à une crise bancaire de dimension systémique tendent à être relativement plus profondes et plus longues. D’autres études mettent en avant des tendances plus structurelles pour expliquer la lenteur de la reprise et la persistance d’un chômage élevé, en mettant notamment en avant les tendances lourdes qui sont à l’œuvre sur le marché du travail américain. 

La nouvelle étude d'Antonio Fatás et d’Ilian Mihov (2013) se focalise sur les multiples reprises aux Etats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Ils définissent une reprise comme la période comprise entre l’instant où l’activité atteint son creux et celui où l’économie retrouve son taux de croissance potentiel. Leur analyse confirme que les cycles de 1990 et de 2007 présentent une reprise plus lente qu’auparavant ; lors de ces deux cycles, la reprise fut en outre plus longue que la récession qui la précède. Le nombre limité de cycles d’affaires ne permet pas aux auteurs d’identifier l’ensemble des facteurs qui peuvent expliquer les différences observées d’une reprise à l’autre, mais leur étude confirme que, dans le cas de la crise de 2007, la politique économique n’a pas autant soutenu l’activité que lors des précédentes récessions.

GRAPHIQUE  Evolution du solde structurel suite à chaque récession (en % du PIB potentiel) 

FatasRecoveryBudget4.png

note : T0 désigne le trimestre au cours duquel s'achève la récession et débute la reprise.

En effet, du côté de la politique monétaire, celle-ci ne fut accommodante qu’en 2008, puisqu’elle redevient restrictive au début de l’année 2009. La borne inférieure zéro (zero lower bound) a empêché la Fed d’être aussi accommodante que ne l’aurait suggéré une règle de Taylor : cette dernière imposait en effet un taux directeur négatif. Non seulement cela justifie l’assouplissement quantitatif opéré par la Fed, mais la banque centrale aurait dû même approfondir davantage ses mesures non conventionnelles pour soutenir l’activité. Les contraintes pesant sur la politique monétaire impliquent un plus grand rôle pour la politique budgétaire dans la stabilisation de la demande. Afin de déterminer l’orientation de la politique budgétaire aux Etats-Unis au cours des épisodes de reprise, Fatás et Mihov utilisent le solde structurel, c’est-à-dire la composante du solde public qui n’est pas influencée par l’évolution de la conjoncture. Alors que les récessions de 1990 et de 2001 ont été suivies par les soldes structurels les plus expansionnistes, l’Etat enregistre un excédent structurel lors de la reprise actuelle. Autrement dit, celle-ci n’a pas été soutenue par la politique budgétaire. Au final, la lenteur de la reprise américaine trouverait une explication dans la faiblesse des impulsions budgétaire et monétaire.

 

Référence 

FATÁS, Antonio, & Ilian MIHOV (2012), « Fiscal policy as a stabilization tool », The B.E. Journal of Macroeconomics, vol. 12, n° 3.

FATAS, Antonio, & Ilian MIHOV (2013), « Recoveries », document présenté lors de la 57ième conférence « Fulfilling the full employment mandate », Réserve fédérale de Boston, 13 avril. 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : D'un champ l'autre
  • : Méta-manuel en working progress
  • Contact

Twitter

Rechercher