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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 20:17

Fed Officials Upgrade Economic Growth Outlook

La Réserve fédérale a été créée le 23 décembre 1913. Au cours des cent ans qui suivirent, son mandat a été profondément refaçonné à plusieurs reprises. Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (2013) sont revenus sur ces évolutions institutionnelles. Ils découpent l’histoire de la banque centrale américaine en trois grandes périodes et suggèrent qu'une quatrième débute avec la Grande Récession. 

Depuis 1913 jusqu’aux années trente, la Fed a pour principal mandat de maintenir la stabilité financière. A cette époque, si l’économie américaine ne connaît pas d’épisodes de forte inflation, les prix se montrant particulièrement stables à long terme, elle est par contre régulièrement sujette à des crises financières. La création de la Fed constitue en l’occurrence une réponse institutionnelle à la panique de 1907. La banque centrale est censée fournir toute la liquidité nécessaire pour soutenir les banques en difficulté lors des crises financières. Les évènements de la Grande Dépression démontrent que la Fed a échoué à cette tâche : entre 1925 et 1933, le nombre de banques est divisé par deux ; la production diminue quant à elle de 31 % entre 1929 et 1933. Une attitude de laissez-faire vis-à-vis des marchés financières laisse place, au cours des années trente, à un renforcement drastique de la régulation financière, avec notamment la création de la Federal Deposit Insurance Corporation, mais aussi à une véritable vague de déglobalisation financière avec l’instauration de puissants barrières aux mouvements internationaux des capitaux. Si durant cette première période la Fed dispose de multiples instruments, elle tend toutefois à les utiliser de façon procyclique. Par exemple, elle doubla les exigences en réserves entre 1935 et 1937, alors même que l’économie américaine n’était pas sortie de la Grande Dépression.

Une deuxième période s’étale du début de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin des années soixante-dix. Il s’agit d’une ère de « dominance fiscale », même si la banque centrale vise officiellement à assurer le plein emploi. Après de larges creusements de déficits lors des années trente, la dette publique atteint un niveau historique avec la Seconde Guerre mondiale. Entre 1939 et 1978, la Fed reste étroitement soumise au Trésor public et contribue directement à faciliter le financement public en monétisant la dette souveraine. Les taux d’intérêt sont plafonnés, le crédit encadré, tandis que la répression financière règne tant au sein des Etats-Unis que dans le reste du monde. Les économies font preuve d’une remarquable stabilité financière : aucune crise bancaire de dimension systémique n’a éclaté entre 1945 et la fin des années soixante. Toutefois, la fin de la période est marquée par de puissants chocs d’offre négatifs dans un contexte de politique monétaire extrêmement accommodante. Ceux-ci vont fortement accélérer l'inflation et conduire finalement à une révision du mandat de la Fed.

Ainsi, à partir de 1979, date à laquelle le banquier central Paul Volcker amorce son plan agressif de stabilisation de l’inflation, jusqu’à la crise du crédit subprime, une Fed désormais indépendante a pour mission d’assurer le plein emploi et la stabilité des prix, tout en modérant les taux d’intérêt à long terme. L’instauration d’institutions de supervision financière au cours des années trente laisse en effet toute latitude à la Fed pour se concentrer sur la lutte contre l’inflation et la stabilisation macroéconomique. La faible sévérité des quelques crises financières qui sont survenues après la Seconde Guerre mondiale conforte un tel déplacement de focale de la politique monétaire. Les autorités publiques et la recherche orthodoxe estiment que les économies avancées sont résilientes aux crises financières en raison de l’efficience des marchés. La stabilité des prix apparaît alors aux yeux de beaucoup comme le plus sûr moyen d’assurer la stabilité macroéconomique et la stabilité financière. A ce titre, Ben Bernanke, l’actuel président de la Fed, s’est montré, dans ses diverses publications académiques, comme un fervent partisan du ciblage d’inflation. De nombreux instruments de politique monétaire, tels que les exigences en réserves obligatoires ou l'encadrement du crédit, qui sont jugés obsolètes ou dommageables pour l’activité, sont abandonnés au cours de cette troisième période. Le taux directeur et les stratégies de communication constituent alors les seuls instruments à disposition de la Fed. 

Il est prématuré de caractériser la quatrième période qui semble s’ouvrir avec la Grande Récession, mais celle-ci confirme que les économies avancées demeurent vulnérables aux crises financières. En réponse à la crise du crédit subprime, il est probable que la Fed attache une plus grande importance à un objectif de stabilité financière. Quelles que soient les modifications apportées au mandat de la Fed, Reinhart et Rogoff estiment que les agrégats de crédit doivent nécessairement jouer un plus grand rôle dans l’évaluation des conditions macroéconomiques et l’orientation de la politique monétaire. Le comportement et l’évolution du crédit ont en effet été ignorés ces trois dernières décennies, alors même qu’ils sont des indicateurs particulièrement pertinents de l’évolution de la demande globale, des pressions inflationnistes et de l’accumulation de déséquilibres financiers ; de nombreuses études ont à ce titre récemment confirmé l’étroite association entre les expansions de crédit et l’instabilité financière.

En outre, si la Fed est susceptible de donner une plus grande place à un objectif de stabilité financière, il apparaît peu probable qu’elle abandonne les objectifs de plein emploi et de stabilité des prix. Or, la poursuite d’une multitude d’objectifs exige l'usage de plusieurs instruments. La Fed devra alors ressortir certains instruments qu’elle avait jugés archaïques, comme le contrôle du crédit, qui sont encore utilisés dans plusieurs économies émergentes. Revoir les exigences réserves obligatoires permettrait notamment de réduire les risques associés à l’assouplissement quantitatif, ce qui permettrait à la Fed d’utiliser ce type de mesures de manière plus agressive. 

 

Référence 

REINHART, Carmen M., & Kenneth S. ROGOFF (2013), « Shifting mandates: The Federal Reserve’s first centennial », NBER working paper, n° 18888, mars 2013. 

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16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 23:00

Laurent DAVEZIES

Editions du Seuil, 2012

 

L'économiste Laurent Davezies rejette l’idée d’une « fracture territoriale » selon laquelle les territoires les moins productifs auraient été pénalisés lors de ces dernières décennies : ils ont au contraire enregistré les meilleures progressions au niveau des revenus, de l’emploi et de la démographie en profitant de transferts massifs depuis les territoires les plus productifs. L’équilibre territorial, quoiqu’imparfait, s’est révélé dommageable pour les performances macroéconomiques du pays. Aujourd’hui, la Grande Récession et la crise des dettes souveraines rendent impossible une poursuite de cette « circulation invisible des richesses » et rendent inéluctable un du paysage géographique de l’économie française. L’auteur se propose alors de rendre compte de ces dynamiques spatiales en ne se penchant que sur la seule France métropolitaine.

Davezies observe dans un premier chapitre les répercussions de la Grande Récession sur l’économie française en se focalisant sur la période s’étalant entre 2008 et 2008, soit la phase aiguë de la crise. Certes, celle-ci a été plus sévère que lors des ralentissements de l’activité observés en 1974, en 1982 et en 1992. Toutefois, la France a été relativement épargnée par la crise par rapport aux autres grands pays industriels. Même si les créations d’emplois publics ont joué un moindre rôle d’amortisseur que par le passé, l’emploi a mieux résisté grâce aux emplois non salariés : après un déclin séculaire, le stock d’emplois non salariés vulnérables est tout simplement épuisé. Les emplois se sont pour l’essentiel détruits dans les secteurs industriels, c’est-à-dire ceux qui étaient déjà en difficulté avant la crise. La crise n’a pas accéléré les destructions d’emplois, qui sont associées à un problème structurel ; elle a en revanche interrompu les créations d’emplois en freinant la dynamique des secteurs pérennes. Ces derniers réagissent peut-être fortement au cycle conjoncturel, mais ils justement à même de fortement rebondir avec la reprise de la croissance. En revanche, les pertes en emplois des industries traditionnelles seront irréversibles. 

Si au niveau agrégé, les répercussions de la crise sur l’emploi ont été amorties, le choc s’est en revanche avéré asymétrique d’un point de vue territorial. La crise a principalement touché le nord-est du pays et la diagonale du vide, tandis que le sud et l’ouest ont été relativement épargnés. Il existe également de profondes disparités spatiales dans les pertes d’emplois privées, puisque celles-ci ont davantage affecté les territoires qui concentrent les secteurs en déclin, tout en n’abritant que très peu de secteurs dynamiques, et qui s’avéraient ainsi fragiles avant même l’éclatement de la crise. Ces zones d’emplois en difficulté se situent pratiquement toutes au nord-est d’une ligne reliant le Calvados et la Loire. La géographie de la crise est donc fondamentalement déterminée par des facteurs structurels. En outre, ces dernières décennies, les restructurations du système productif se sont révélées destructrices d’emplois masculins et créatrices d’emplois féminins. La crise a également accéléré cette substitution structurelle en détruisant essentiellement les emplois privés des hommes. Le fossé entre les catégories monoactives présentes en bas de la hiérarchie sociale et la classe moyenne dotée de deux emplois s'en trouve accentué. La hausse résultante des inégalités est alors susceptible d’accroître les tensions raciales et la montrée des populismes. Daviez note a ce propos la quasi similarité entre la géographie des territoires en difficulté et la géographie du vote FN. 

Entre 2008 et 2009, le revenu disponible brut s’est accru dans l’ensemble des régions via des mécanismes privés et public, ce qui a permis à la consommation des Français de résister malgré le stockage net d’épargne. Le maintien des rémunérations des salariés, alors même que la valeur ajoutée des entreprises diminuait, a joué un rôle d’amortisseur. L’accroissement des prestations sociales et la progression des salaires publics ont également joué. Ces mécanismes n’ont toutefois pu empêcher une rapide remontée du chômage. Les plus fortes progressions du chômage ont eu lieu dans les anciennes régions industrielles de l’est et dans les nouvelles régions industrielle de l’ouest, c’est-à-dire dans les territoires les plus industriels et les moins résidentiels où la consommation s’avère par conséquent peu dynamique. 

L’auteur observe dans un deuxième chapitre la dimension territoriale de la crise des dettes souveraines qui s’est amorcée en 2011. Alors que les disparités de PIB régionaux se sont accrues ces trois dernières décennies, les inégalités de revenu par tête ont diminué entre les régions. Cette évolution tient en l’existence de budgets publics et sociaux qui ont permis des transferts massifs de revenu d’un territoire à l’autre. Il s’agit essentiellement d’un transfert depuis l’Ile-de-France vers le reste du pays pour un montant s’élevant à 10 % du PIB. Ces mécanismes de redistribution apparaissent comme le principal instrument au service de la cohésion territoriale : ils font nation. La redistribution interterritoriale a permis aux régions les moins compétitives de soutenir leur faible croissance et de contenir ainsi les inégalités territoriales que les écarts de compétitivité auraient dû creuser entre les régions. Il apparaît alors difficile de concilier la baisse des inégalités territoriales avec une logique d’autonomie des territoires. 

Ainsi, les prélèvements publics et dépenses sociales ont des effets contrastés sur les territoires ; réciproquement, les effets d’une éventuelle modification de la structure ou du volume du budget auraient eux-mêmes un impact territorial différencié. Or, la France va devoir réduire son déficit et sa dette. Ce qui s’est avéré être le principal mécanisme de réduction des inégalités territoriales ces dernières décennies ne pourra plus l’être dans les prochaines. La province serait perdante si les dépenses publiques étaient fortement réduites ; l’Ile-de-France serait par contre la plus grande période dans le cas d’une forte augmentation des prélèvements. L’auteur note également l’existence d’un « double bind territorial » : durant la Grande Récession, « l’amortissement par les emplois publics a davantage bénéficié aux régions les moins affectées et les plus dynamiques, mais une diminution des emplois publics, si elle se produisait, affecterait au contraire celles qui sont le plus en déclin. » Or, les emplois publics ne pourront pas non plus à l’avenir atténuer aussi efficacement qu’auparavant l’impact de la crise de compétitivité que subissent de nombreux territoires français. Au final, un nouveau régime de dualisation des territoires se met aujourd’hui en place, au détriment des territoires « protégés » d’hier. 

Puisque la croissance ne peut plus reposer sur « la consommation solvabilisée par la dette », l’économie française doit alors nécessairement trouver d’autres moteurs de croissance. Il est essentiel d’améliorer la rentabilité du système productif et pour cela stimuler les gains de productivité. Cette réorientation de la croissance française va, d’une part, se traduire par une reconfiguration spatiale de l’économie et, d’autre part, remettre en question les engagements sociétaux portés par les administrations publiques. Dans un troisième chapitre, Davezies observe donc la nouvelle carte de France qui va émerger de la crise de la dette. Pour cela, il fait appel aux enseignements de la nouvelle économie géographique. Selon ce corpus théorique, avec la baisse des coûts de transport, les coûts de transaction deviennent le principal facteur de localisation pour les entreprises, or la concentration spatiale des facteurs de production permet de réduire ces coûts en stimulant les externalités d’agglomération : l’appariement entre l’offre et la demande gagne en efficacité, les firmes exploitent les économies d’échelle et le transfert d’idées s’en trouve accéléré. La métropole apparaît alors comme essentielle dans la mobilisation des gains d’efficacité. En gagnant en densité et en fluidité, elle stimule la croissance nationale, mais elle ne peut se développer qu’au détriment des territoires périphériques. Les modèles de la nouvelle économie géographique suggèrent ainsi une contradiction fondamentale entre croissance économique et cohésion territoriale : la poursuite de la première ne peut s’accompagner que d’un accroissement des inégalités territoriales.

Ce processus n’a pas été à l’œuvre en France. Les métropoles françaises génèrent de la croissance économique, sans pour autant connaître de développement (en termes de population, d’emploi ou de revenu). En revanche, le reste du territoire, privé de croissance, se développe. Le processus de métropolisation et l’accroissement des inégalités territoriales qui lui est associée ont été puissamment contrariés ces dernières décennies par l’action des pouvoirs publics. Puisque les budgets publics et sociaux ne peuvent plus jouer leur rôle de mécanisme d’ajustement face aux chocs asymétriques et assurer l’équilibre territorial, les territoires les mieux dotés en facteurs de production devraient prochainement connaître un regain de développement, tandis que les autres déclineront. Les territoires marchands dynamiques, qui étaient jusqu’alors les « mal aimés de l’aménagement du territoire à la française », seront la base territoriale d’une croissance fondée sur les secteurs productifs modernes : en leur cœur, les grandes métropoles (Paris, Lille, Toulouse, Nantes, Rennes et Grenoble) pourront enfin exploiter tout leur potentiel et se développer à un rythme soutenu. Si les territoires non marchands dynamiques souffriraient fortement d’une baisse des dépenses publiques, ils disposent de larges marges de développement à travers leurs atouts résidentiels et leur potentiel productif jusqu’ici négligé. Par contre, les zones en difficulté seront les plus pénalisées.

Les autorités publiques doivent alors décider soit de freiner cette tendance au nom de l’égalité, soit de la catalyser au nom de la croissance. L’auteur tend à privilégier la seconde option (une idée à laquelle le gouvernement actuel semble s'être également rangé, même s'il n'avoue pas l'abandon de l'équilibre territorial). Les politiques de réindustrialisation se sont en effet montrées d’une efficacité limitée ces trois dernières décennies. Par conséquent, « demain, le redressement productif sera fondé sur certains territoires pas sur d’autres ». La migration apparaît alors nécessaire non seulement pour que la métropolisation s’opère, mais aussi pour prendre désormais le relais comme mécanisme d’ajustement en cas de chocs asymétriques. Or, les migrations résidentielles sont contrariées. En effet, si les travailleurs les plus qualifiés et dotés des emplois les plus stables sont les plus mobiles, les plus exposés aux destructions d’emplois, en particulier les ouvriers, sont par contre « piégés dans les territoires ». De plus, au lieu de migrer vers les territoires dynamiques, les migrants quittent les zones sinistrées pour les territoires proches et à peine moins pénalisés. Il apparaît nécessaire de lever les obstacles à la mobilité résidentielle et d’expérimenter de nouvelles formes décentralisées de solidarité. On peut alors regretter que Davezies reste particulièrement vague concernant ces derniers.


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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 20:03

La Grande Récession a été précédée par une puissante expansion des prix des matières premières. Entre 2003 et 2008, les prix réels de l’énergie et des métaux ont plus que doublé, atteignant des records historiques, tandis que les prix réels des produits alimentaires ont augmenté de 75 % [Erten et Ocampo, 2012]. Si les premiers semblent effectivement connaître une trajectoire haussière à long terme, les prix des produits agricoles avaient quant à eux plutôt tendance à diminuer depuis les années quatre-vingt. La crise mondiale, en se traduisant mécaniquement par un fort ralentissement de la croissance économique, a entraîné une forte baisse des prix, avant que ceux-ci se reprennent très rapidement, laissant suggérer une poursuite durable du boom. Ce « super-cycle » du prix des matières premières n’est pas unique dans l’histoire économique, même s’il se singularise de par ampleur et sa durée. Le développement de la Chine est très certainement moteur dans leur évolution actuelle, de la même manière que la reconstruction européenne et l’industrialisation du Japon, qui était alors une économie émergente, ont été à l’origine d’un forte accroissement des prix des matières premières au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

David S. Jacks (2013) a étudié l’évolution des prix réels de 30 matières premières depuis 1850. Déployant son analyse sur plusieurs horizons temporels, il distingue les tendances à long terme, les cycles à moyen terme et les épisodes de boom et d’effondrement que l'on peut observer à court terme. Selon la pondération privilégiée par l’auteur, les prix réels des matières premières ont en moyenne augmenté de 252,41% depuis 1900, de 191,77% depuis 1950, et de 46,23% depuis 1975. Ils ont clairement été à la hausse depuis 1950. Cette tendance s’expliquerait avant tout par l’évolution propre aux prix des énergies.

Les super-cycles des prix des matières premières surviennent de manière récurrente et ils se traduisent par de fortes déviations positives des prix par rapport à leur tendance à long terme. Les phases haussières peuvent s’étendre sur 10 à 35 ans, si bien que la durée d’un super-cycle complet est comprise entre 20 et 70 ans. Les mouvements haussiers, qui sont souvent associés à des épisodes historiques d’industrialisation ou d’urbanisation, sont avant tout tirés par la demande dans un contexte où de nombreuses matières premières, notamment l’énergie, les métaux et les minéraux, subissent de lourdes contraintes du côté de l’offre. Ainsi, l’industrialisation rapide de la Chine, de l’Inde et des autres pays émergents a pu directement contribuer à l’émergence du super-cycle en cours. Réciproquement, les prix réels retournent typiquement à leur tendance à long terme lorsque ces contraintes de capacité se desserrent et que la croissance économique ralentit. Ainsi, puisque les super-cycles sont tirés par la demande, ils tendent alors à se synchroniser au cours du temps.

La majorité des matières premières analysées par Jacks ont débuté un nouveau super-cycle au cours des années quatre-vingt-dix. Cet ensemble de super-cycles est actuellement à son pic, si bien les prix réels devraient prochainement amorcer leur retour à leur tendance à long terme. En outre, de nombreuses études, en particulier celles réalisées dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix, avaient précédemment conclu que les prix réels des matières premières ne révélaient aucune tendance particulière ou, si elles parvenaient à en extraire une, qu’ils étaient sujets à une tendance baissière. Or, ces analyses ont précisément été réalisées sur une période où la majorité des matières premières suivaient la phase descendante de leur super-cycle.

Enfin, Jacks fait apparaître que les super-cycles des matières premières ont depuis toujours été régulièrement ponctués par des booms et des effondrements à court terme, mais ces mouvements tendent à s’amplifier au cours du temps. En outre, l’analyse suggère que les périodes de taux de change flottant sont associées à des booms et effondrements des prix réels beaucoup plus amples et plus longs. Ce schéma est particulièrement visible lors des quatre décennies qui suivent l'éclatement du système de Bretton Woods. Les booms et effondrements sont à leur tour associés à une plus forte volatilité des prix des matières premières, or une partie de la littérature économique a mis en évidence une corrélation négative entre la volatilité des prix des matières premières et la croissance économique. Jacks en conclut que celle-ci risque alors de persister à l’avenir et ainsi de continuer à affecter les perspectives de croissance, en particulier celles des pays exportateurs de matières premières.

Pour préciser les répercussions de cette volatilité des prix sur l’activité économique, Jacks observe son impact sur l’économie australienne. Selon ses estimations, avec un boom du prix des matières premières, le PIB australien tend à s’élever de 6,47 % par rapport à sa tendance à long terme. Lorsque les prix connaissent au contraire un effondrement, le PIB australien tend à diminuer de 8,22 % par rapport à sa tendance à long terme. L’accroissement de la volatilité des prix des matières premières pourrait alors entraîner à l’avenir de plus larges déviations.

 

Références

ERTEN, Bilge, & José Antonio OCAMPO (2012), « Super-cycles of commodity prices since the mid-nineteenth century », DESA working paper, n° 110.

JACKS, David S. (2013), « From boom to bust: A typology of real commodity prices in the long run », NBER working paper, n° 18874, mars.

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