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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 16:45

La forte contraction de l’activité économique à partir de 2008 et la faiblesse de la reprise consécutive (aux Etats-Unis) a suscité plusieurs analyses sur les déterminants et caractéristiques des récessions. Les études ayant pour objet les épisodes de reprises elles-mêmes restent toutefois beaucoup plus rares.

Greg Howard, Robert Martin et Beth Anne Wilson (2011) ont observé la dynamique de la production lors des reprises que connurent 59 économies avancées et émergentes au cours des quatre dernières décennies. D'après leurs travaux, le fait qu’une récession soit associée ou non à une crise bancaire ou financière n’a pas d’effet statistiquement significatif sur l’ampleur de la croissance une fois passé le creux de la récession. La vitesse de la reprise dépend fortement de la profondeur et de la durée de la récession. De plus longues récessions impulsent une détérioration des capacités de production et du capital humain et sont associées à une lente croissance une fois la reprise amorcée.

Les récessions s’avèrent en revanche plus sévères lorsqu’elles s’accompagnent de perturbations dans l’activité bancaire et sur les marchés financiers ; plus précisément, elles tendent à être plus profondes lorsqu’elles se produisent dans les économies émergentes et plus longues quand elles ont lieu au sein des économies avancées. En revanche, outre sur la durée et profondeur, elles ne pèsent pas davantage sur la dynamique de reprise. Réciproquement, les reprises associées à une expansion rapide du crédit présentent une plus forte croissance économique [Claessens et al., 2011].

Michael D Bordo et Joseph G. Haubrich (2012) retrouvent ces résultats dans leur analyse des 27 cycles d’affaires que les Etats-Unis ont connus depuis 1882. Leurs données révèlent que de brusques expansions tendent à suivre les contractions abruptes. Plus précisément, le fait stylisé selon lequel les profondes contractions engendrent de fortes reprises est particulièrement vrai lorsqu’elles coïncident avec une crise financière. Les cycles sans crise financière présentent la plus faible relation entre la profondeur de la contraction de l’activité et la force de la reprise.

Les récessions sont associées à de persistantes déviations de leur trajectoire tendancielle de croissance d’avant-crise [Howard et al., 2011]. Cette déviation reflète de manière importante la faible utilisation du travail, en particulier un déclin dans les taux d’emploi et d’activité. La littérature relative aux effets d’hystérèse met en particulier l’accent sur la faible accumulation du capital productif et la détérioration des capacités productives lors des épisodes de ralentissement économique, mais également sur l’étiolement des compétences des travailleurs avec le chômage de longue durée. Loin de ne posséder que des effets de court terme, les phases de contraction de l’activité pèsent fortement sur la trajectoire de long terme de l’économie.

En considération de ces caractéristiques générales, l’actuelle reprise aux Etats-Unis est relativement faible au regard de la profondeur et de la durée de la récession. Trois ans après le redémarrage de l’activité aux Etats-Unis, la création nette d’emplois demeure faible et le taux de chômage reste élevé. Une coexistence similaire de faibles taux de croissance de l’emploi et du PIB était également observable suite à la récession du début des années quatre-dix et à celle du début des années deux mille. Au travers de leur étude de la performance du PIB, de l’emploi et d’autres variables macroéconomiques au cours des divers épisodes de reprises connues par les Etats-Unis dans l’après-guerre, Jordi Galí, Frank Smets et Rafael Wouters (2012) sont amenés à qualifier les trois derniers épisodes, non pas comme des reprises sans emplois (jobless recoveries), mais comme de lentes reprises (slow recoveries). Selon eux, les chocs de demande auraient contribué positivement aux reprises dans la période antérieure à 1990, tandis que leur contribution apparaîtrait négative postérieurement. La différence tiendrait essentiellement dans les chocs technologiques spécifiques à l’investissement. Ils soulignent en outre le rôle adverse des salaires et des chocs de politique monétaire dans la lenteur de l’actuelle reprise. Les trois économistes interprètent ce résultat comme reflétant le confinement des taux d’intérêt nominaux à leur borne inférieure zéro (zero lower bound) et la rigidité des salaires à la baisse.

Sur leur plus large échantillon temporel, Bordo et Haubrich (2012) identifient trois anomalies : les reprises consécutives à la Grande Dépression, à la crise de 1990 et à la dernière récession se singularisent par la lenteur avec laquelle la de production retrouve son niveau maximal d’avant-crise. Ces épisodes d’instabilité macroéconomique combinèrent des turbulences financières et une chute des prix réels de l’immobilier. Bordo et Haubrich montrent ainsi que l’immobilier résidentiel a joué un rôle important dans plusieurs cycles aux Etats-Unis. Il n’est pas en soi une large composante de la dépense domestique, mais il est étroitement lié aux achats de biens de consommation durables et plusieurs secteurs de l’économie américaine sont particulièrement sensibles à ses dynamiques. Le choc dans le marché de l’immobilier compte pour beaucoup dans le déclin de l’activité durant la récente contraction économique. Alors que l’activité immobilière avait constitué un moteur significatif de la reprise au cours de nombreuses récessions survenues aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, la situation actuelle se caractérise par de nombreuses saisies de propriétés, par des conditions de crédit resserrées pour les constructeurs et acheteurs potentiels et par la poursuite du déclin des prix immobiliers. Le taux de nouvelles constructions demeure à un tiers de son niveau d’avant-crise. La faiblesse de la reprise reposerait ainsi fondamentalement sur l’atonie du secteur immobilier.

 

Références  Martin ANOTA

BORDO, Michael D., & Joseph G. HAUBRICH (2012), « Deep Recessions, Fast Recoveries, and Financial Crises: Evidence from the American Record », Federal Reserve Bank of Cleveland working paper, 14 juin.

CLAESSENS, Stijn, M. Ayhan KOSE & Marco E. TERRONES (2011), « How Do Business and Financial Cycles Interact?  », IMF working paper, avril.

GALÍ, Jordi, Frank SMETS & Rafael WOUTERS (2012), « Slow Recoveries: A Structural Interpretation », NBER working paper, n° 18085, mai.

HOWARD, Greg, Robert MARTIN & Beth Anne WILSON (2011), « Are Recoveries from Banking and Financial Crises Really So Different?  », Federal Reserve Board international finance discussion paper, n° 1037, novembre.

REINHART, Carmen M., & Kenneth S. ROGOFF (2012), « Five Years After Crisis, No Normal Recovery », 3 avril.

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