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22 septembre 2021 3 22 /09 /septembre /2021 17:12
Comment expliquer le ralentissement de la croissance américaine à long terme ?

Comme bien d’autres pays développés, l’économie américaine a eu tendance à connaître un ralentissement de sa croissance ce dernier demi-siècle. Sa croissance tendancielle a particulièrement ralenti à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Elle a significativement accéléré dans les années 1990 pour atteindre un pic en 2000, avant de ralentir à nouveau les deux décennies suivantes. La date à laquelle ce nouveau ralentissement s’est amorcé reste sujette à débat : certains, comme John Fernald et alii (2017), estiment qu’elle se situe au milieu des années 2000, mais pour d’autres, comme Juan Antolin-Diaz et alii (2017), elle se situerait bien plus tôt au début de la décennie. Dans tous les cas, il est plutôt admis que le début du ralentissement est antérieur à la crise financière mondiale.

GRAPHIQUE 1  Croissance du PIB et inflation aux Etats-Unis (en %)

Comment expliquer le ralentissement de la croissance américaine à long terme ?

source : Maffei-Faccioli (2021)

Les raisons derrière le ralentissement observé ces deux dernières décennies restent bien plus sujettes à controverse que son calendrier. Il y a deux grandes interprétations concurrentes. D’un côté, certains mettent en avant des facteurs du côté du l’offre. C’est le cas notamment de John Fernald et alii (2017), qui estiment que le ralentissement de la croissance américaine tient pour l’essentiel au ralentissement de la croissance de la productivité et à la chute du taux d’activité. De nombreux facteurs ont été avancés pour expliquer ces tendances : un tarissement de l’innovation et un accroissement des difficultés à trouver de nouvelles idées [Gordon, 2012 ; Bloom et alii, 2020], des facteurs démographiques comme le vieillissement de la population [Gordon, 2014 ; Jones, 2020], la hausse du pouvoir de marché des entreprises [Gutiérrez et Philippon, 2017], un essoufflement du dynamisme des entreprises [Akcigit et Ates, 2019], etc.

Pour d’autres, l’explication par l’offre ne tient pas. Par exemple, pour Larry Summers (2014, 2015), si les piètres performances en termes de croissance de ces deux dernières décennies s’expliquaient par l’offre, on aurait dû assister à une accélération de l’inflation. Au contraire, l’inflation est restée très faible, en l’occurrence à un niveau inférieur à la cible de la Réserve fédérale. Pour Summers, la concomitance d’une faible croissance et d’une faible inflation suggère que les Etats-Unis, comme d’autres pays développés, sont confrontés à une « stagnation séculaire », c’est-à-dire un déficit chronique de demande globale. Olivier Blanchard et alii (2017) et Gianluca Benigno et Luca Fornaro (2018) ont suggéré qu’une telle situation pouvait être provoquée par un pessimisme généralisé quant aux perspectives économiques futures. De leur côté, Olivier Blanchard et alii (2015) ont observé qu’une part significative des récessions par la demande qui ont touché les pays développés ce dernier demi-siècle a été suivie non seulement par une production durablement plus faible, mais également par une croissance tendanciellement plus faible, un phénomène que Laurence Ball (2014) a qualifié d’effet de « super-hystérèse ». Plus récemment, Francesco Furlanetto et alii (2021) ont estimé que les fluctuations de l’activité aux Etats-Unis s’expliquaient pour plus de moitié par des chocs de demande et en l’occurrence par des chocs de demande ayant des effets permanents sur l’activité.

En s’appuyant sur un modèle VAR structurel bayésien, Nicolò Maffei-Faccioli (2021) a cherché à déterminer empiriquement les contributions respectives de l’offre et de la demande au ralentissement tendanciel de la croissance américaine. Afin de distinguer les chocs selon qu’ils touchent la demande ou l’offre, il a repris l’idée de Larry Summers (2015) selon laquelle la croissance de la production et l’inflation devraient aller dans le même sens dans le cas des chocs de demande, mais dans le sens contraire dans le cas de chocs d’offre.

Au terme de son analyse, Maffei-Faccioli conclut que les facteurs du côté de l’offre expliquent l’essentiel de la croissance américaine avant 2000. En effet, ils ont contribué presque exclusivement au ralentissement de la croissance américaine lors des années 1970 et lors de son accélération dans les années 1990. Ce résultat est cohérent avec l'idée selon laquelle les années 1970 auraient été affectées par la décélération de la croissance de la productivité et avec l'idée selon laquelle la croissance américaine se serait accélérée dans les années 1990 avec la diffusion des nouvelles technologies d'information et de communication. Par contre, Maffei-Faccioli estime que la demande explique plus de la moitié du ralentissement observé après 2000 : si au début des années 2000, la croissance ralentit avant tout en raison de facteurs du côté de l’offre, c’est ensuite la demande qui accentue ce ralentissement, en particulier après la crise financière mondiale.

GRAPHIQUE 2  Contributions de la demande et de l’offre à la croissance et à l’inflation tendancielles aux Etats-Unis (en points de %)

Comment expliquer le ralentissement de la croissance américaine à long terme ?

source : Maffei-Faccioli (2021)

Alors que l'inflation des années 1970 était pour l'essentiel un phénomène d'offre, la demande globale semble également avoir joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’inflation ces dernières décennies : malgré le fait que les facteurs du côté de l’offre aient eu tendance à pousser l’inflation à la hausse depuis 2000, leur effet a été plus que contrebalancé par celui de la demande, si bien que l'inflation s'est retrouvée contenue en-deçà de la cible de la Fed au cours de la dernière décennie. Cela pourrait contribuer à expliquer aussi bien la « déflation manquante » de la Grande Récession que l’« inflation manquante » de la reprise ultérieure. 

 

Références

AKCIGIT, Ufuk, & Sina T. ATES (2019), « What happened to U.S. business dynamism? », NBER, working paper, n° 25756.

ANTOLIN-DIAZ, Juan, Thomas DRECHSEL & Ivan PETRELLA (2017), « Tracking the slowdown in long-run GDP growth », in Review of Economics and Statistics, vol. 99, n° 2.

BALL, Laurence M. (2014), « Long-term damage from the Great Recession in OECD countries », NBER, working paper, n° 20185.

BENIGNO, Gianluca, & Luca FORNARO (2018), « Stagnation traps », in Review of Economic Studies, vol. 85, n° 3.

BLANCHARD, Olivier, Eugenio CERUTTI & Lawrence SUMMERS (2015), « Inflation and activity – Two explorations and their monetary policy implications », NBER, working paper, n° 21726.

BLANCHARD, Olivier, Guido LORENZONI & Jean Paul L’HUILLIER (2017), « Short-run effects of lower productivity growth: A twist on the secular stagnation hypothesis », NBER, working paper, n° 23160.

BLOOM, Nicholas, Charles I. JONES, John Van REENEN & Michael WEBB (2020), « Are ideas getting harder to find? », in American Economic Review, vol. 110, n° 4.

FERNALD, John G., Robert E. HALL, James H. STOCK & Mark W. WATSON (2017), « The disappointing recovery of output after 2009 », in Brookings Papers on Economic Activity.

FURLANETTO, Francesco, Antoine LEPETIT, Orjan ROBSTAD, Juan RUBIO-RAMÍREZ & Pal ULVEDAL (2021), « Estimating hysteresis effects », Federal Reserve, finance and economics discussion paper, n° 2021-059.

GORDON, Robert J. (2012), « Is US economic growth over? Faltering innovation confronts the six headwinds », CEPR, policy insight, n° 63.

GORDON, Robert J. (2014), « The demise of U.S. economic growth: Restatement, rebuttal, and reflections », NBER, working paper, n° 19895.

GORDON, Robert. J. (2015), « Secular stagnation: A supply-side view », in American Economic Review, vol. 105, n° 5.

GUTIÉRREZ, Germán, & Thomas PHILIPPON (2016), « Investment-less growth: An empirical investigation », NBER, working paper, n° 22897.

JONES, Charles I. (2020), « The end of economic growth? Unintended consequences of a declining population », NBER, working paper, n° 26651.

MAFFEI-FACCIOLI, Nicolò (2021), « Identifying the sources of the slowdown in growth: Demand vs. supply », Norges Bank, working paper, n° 2021/9.

SUMMERS, Lawrence (2014), « U.S. economic prospects: Secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound », in Business Economics, vol. 49, n° 2.

SUMMERS, Lawrence (2015), « Demand side secular stagnation », in American Economic Review: Papers & Proceedings, vol. 105, n° 5.

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19 septembre 2021 7 19 /09 /septembre /2021 15:22
Les chocs de demande ont des effets permanents

Lorsque John Maynard Keynes pose les jalons de la macroéconomie, il s’efforce de démontrer non seulement que la demande globale joue un rôle crucial dans le cycle d’affaires, mais aussi que le long terme ne constitue finalement qu’une succession de courtes périodes : l’évolution de l’économie à long terme dépendrait étroitement de la trajectoire qu’elle emprunte et en l’occurrence de l’évolution de la demande.

Pourtant, dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, les macroéconomistes orthodoxes écartent très rapidement cette idée en considérant que la trajectoire à long terme de l’économie est déterminée du côté de l’offre et que la demande n’exerce une influence qu’à court terme. Pour reprendre la terminologie moderne, seuls les chocs d’offre sont supposés exercer un effet permanent sur l’activité, tandis que les chocs de demande sont supposés n’avoir qu’un effet transitoire. Ou, pour le dire encore autrement, les chocs de demande feraient varier la production autour de la production potentielle, mais n’affecteraient guère cette dernière. Cette hypothèse fonde notamment la version de base des modèles DSGE. Quant aux utilisateurs de modèles VAR, ils cherchent certes à partir un maximum des données empiriques en faisant un minimum d’hypothèses, mais, lorsqu’ils cherchent à identifier la nature des chocs touchant l’économie, ils reprennent souvent l’hypothèse d’Olivier Blanchard et Danny Quah (1989) selon laquelle les chocs aux effets permanents qui seraient observés seraient forcément des chocs d’offre.

L’idée keynésienne selon laquelle la demande globale est susceptible d’influencer la trajectoire de l’économie à long terme a surtout été développée dans les travaux hétérodoxes, en particulier post-keynésiens [Lavoie et alii, 2021]. Elle n’a toutefois pas été totalement absente de la macroéconomie orthodoxe. S’interrogeant sur l’apparente incapacité du chômage européen à refluer rapidement après chacune de ses hausses, Olivier Blanchard et Larry Summers (1986) ont emprunté la notion d’hystérèse (ou d’hystérésis) pour désigner la possibilité que le chômage conjoncturel devienne assez spontanément structurel. Depuis, beaucoup utilisent également cette notion pour évoquer l'éventualité que les chocs de demande négatifs dégradent de façon permanente la production potentielle.

La littérature a proposé plusieurs canaux via lesquels les effets d'hystérèse sont susceptibles de se manifester [Cerra et alii, 2020]. Par exemple, à mesure que les travailleurs restent au chômage, une partie de leurs compétences s’use ou devient obsolète, leur santé se dégrade, etc. Non seulement cette dépréciation du capital humain complique le retour des chômeurs à l’emploi, mais en outre elle se traduit par une perte de leur productivité une fois qu’ils reviennent à l’emploi. De plus, l’assurance-chômage et les minima sociaux pourraient réduire les incitations des chômeurs à rechercher activement un emploi. Ou encore, le manque de débouchés lors des récessions amène les firmes à réduire leurs investissements. Or, non seulement ce manque d’investissement limite la capacité des entreprises à accroître la production et à embaucher lorsque l’économie connaît la reprise, mais en outre il risque aussi de déprimer la productivité à plus long terme, en particulier dans le cas des dépenses de recherche-développement [Anzoategui et alii, 2019].

La théorie de l’hystérèse a reçu un nouvel écho dans le sillage de la Grande Récession de 2008. En effet, suite à celle-ci, la production dans la plupart des pays développés est restée inférieure à la trajectoire qu’elle avait tendance à suivre avant-crise. Plusieurs études empiriques ont depuis suggéré que des effets d’hystérèse ont été effectivement à l’œuvre, non seulement lors de la crise financière mondiale, mais également lors des précédentes récessions : suite à une récession, la production ne parvient pas à rejoindre la trajectoire qu’elle suivait tendanciellement avant la récession [Cerra et Saxena, 2008 ; Haltmaier, 2012 ; FMI, 2015 ; Martin et alii, 2015 ; Cerra et Saxena, 2017]. Par exemple, en examinant les récessions qui se sont produites au cours du dernier demi-siècle dans 23 pays, Olivier Blanchard, Eugenio Cerutti et Larry Summers (2015) notent que les deux tiers d’entre elles ont été suivies par une production tendanciellement plus faible. En outre, lors de la moitié de celles-ci, la récession a été également suivie par une croissance de la production tendanciellement plus faible : la production tendrait à s’éloigner toujours davantage de sa trajectoire tendancielle d’avant-crise, un phénomène que Laurence Ball (2014) a qualifié de « super-hystérèse ».

Dans la mesure où les politiques conjoncturelles affectent la demande globale et où cette dernière influence la production à long terme, alors il est également probable que les politiques conjoncturelles influencent la production à long terme. Antonio Fatás et Larry Summers (2018) décèlent empiriquement les effets permanents de la politique budgétaire, en l’occurrence l’effet nocif des plans d’austérité à long terme, tandis qu’Òscar Jordà, Sanjay Singh et Alan Taylor (2020) mettent à jour les effets persistants de la politique monétaire. Par conséquent, il apparaît justifié que les politiques conjoncturelles soient rapidement assouplies lors des récessions pour éviter que les effets d’hystérèse ne se manifestent et ne détériorent irrémédiablement la production potentielle. Les effets d'hystérèse plaident également pour le maintien de politiques accommodantes lorsque l’économie se rapproche de ce qui s'apparente être son plein-emploi : une surchauffe pourrait en effet stimuler la production potentielle et réduire le chômage structurel [Bluedorn et Leigh, 2019].

Francesco Furlanetto, Antoine Lepetit, Orjan Robstad, Juan Rubio-Ramírez et Pal Ulvedal (2021) ont cherché à quantifier l’importance des effets d’hystérèse dans le cas de l’économie américaine. Pour cela, ils se sont appuyés sur un modèle VAR structurel en utilisant les données américaines relatives à la production par tête, à l’inflation, au taux d’emploi et à l’investissement pour la période allant du premier trimestre 1983 au quatrième trimestre 2019. Pour différencier les chocs d’offre des chocs de demande, ils ont observé la covariation à court terme entre la croissance de la production et l’inflation, comme le conseillait notamment Larry Summers (2015) : les prix et la production sont supposés aller dans le même sens dans le sillage des chocs de demande, mais dans le sens contraire dans le sillage des chocs d’offre.

Furlanetto et alii concluent alors que les effets d’hystérèse jouent un rôle significatif dans les fluctuations de l’activité ; ils apparaissent plus clairement lorsque l’épisode de la Grande Récession est inclus dans l’échantillon. En effet, les chocs de demande qu’ils identifient entraînent des baisses permanentes de la production ; quand c’est le cas, Furlanetto et ses coauteurs qualifient ces chocs de « chocs de demande permanents ». En l’occurrence, ces derniers expliqueraient plus de la moitié des fluctuations de la production à long terme aux Etats-Unis (cf. graphique). En outre, ces chocs exercent un effet négatif permanent sur les prix, l’emploi et l’investissement.

GRAPHIQUE  Décomposition historique du taux de croissance du PIB par tête étasunien selon la nature du choc
 

Les chocs de demande ont des effets permanents

source : Furlanetto et alii (2021)

Les effets d’hystérèse semblent transiter pour l’essentiel via l’emploi ; la productivité du travail n’apparaît guère affectée. En creusant davantage leur analyse, Furlanetto et ses coauteurs notent que la baisse de l’emploi observée lors des chocs de demande permanents s’accompagne d’une hausse du chômage de long terme, d’une baisse du taux d’activité et d’une hausse des demandes de pensions d’invalidité. Ces constats suggèrent que les effets d’hystérèse s’expliqueraient avant tout par la tendance des chômeurs à perdre en employabilité, notamment avec la dépréciation du capital humain. 

Quant à l’effet apparemment neutre des chocs de demande permanents sur la productivité du travail, Furlanetto et alii estiment qu’il résulte du jeu de deux forces contraires. D’un côté, la part des travailleurs dans les emplois aux tâches routinières, donc a priori relativement peu productives, diminue dans le sillage des chocs de demande permanents, ce qui pousse mécaniquement la productivité à la hausse. Mais, d’un autre côté, l’intensité capitalistique et la productivité globale des facteurs tendent à s’essouffler, certainement en raison de l’impact du choc de demande sur l’investissement, mais cet effet-là tend à déprimer la productivité, donc par là à compenser le premier effet. Furlanetto et ses coauteurs notent par contre que la productivité du travail réagit fortement à un choc d’offre permanent, ce qui est cohérent avec les théories faisant des chocs d’offre les principaux vecteurs de la croissance de la productivité du travail à long terme.

 

Références

ANZOATEGUI, Diego, Diego COMIN, Mark GERTLER & Joseba MARTINEZ (2019), « Endogenous technology adoption and R&D as sources of business cycle persistence », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 11, n° 3.

BALL, Laurence M. (2014), « Long-term damage from the Great Recession in OECD countries », NBER, working paper, n° 20185.

BLANCHARD, Olivier, Eugenio CERUTTI & Lawrence SUMMERS (2015), « Inflation and activity – Two explorations and their monetary policy implications », FMI, working paper, n° 15/230.

BLANCHARD, Olivier J., & Danny QUAH (1989), « The dynamic effects of aggregate demand and supply disturbances », in American Economic Review, vol. 79, n° 4.

BLANCHARD, Olivier, & Lawrence SUMMERS (1986), « Hysteresis and the European unemployment problem », in Stanley Fischer (dir.), NBER Macroeconomics Annual, vol. 1, éditions MIT Press.

BLUEDORN, John, & Daniel LEIGH (2019), « Hysteresis in labor markets? Evidence from professional long-term forecasts », FMI, working paper, n° 19/114.  

CERRA, Valerie, Antonio FATAS & Sweta C. SAXENA (2020), « Hysteresis and business cycles », FMI, working paper, n° 20/73.

CERRA, Valerie, & Sweta C. SAXENA (2008), « Growth dynamics: The myth of economic recovery », in American Economic Review, vol. 98, n° 1.

CERRA, Valerie, & Sweta C. SAXENA (2017), « Booms, crises, and recoveries: A new paradigm of the business cycle and its policy implications », FMI, working paper, n° 17/250.

FATÁS, Antonio, & Lawrence H. SUMMERS (2018), « The permanent effects of fiscal consolidations », in Journal of International Economics, vol. 112.

FMI (2015), « Where are we headed? Perspectives on potential output », World Economic Outlook, chapitre 3.

FURLANETTO, Francesco, Antoine LEPETIT, Orjan ROBSTAD, Juan RUBIO-RAMÍREZ & Pal ULVEDAL (2021), « Estimating hysteresis effects », Federal Reserve, finance and economics discussion paper, n° 2021-059.

HALTMAIER, Jane (2012), « Do recessions affect potential output? », Réserve fédérale, international finance discussion paper, n° 1066.

LAVOIE, Marc, Virginie MONVOISIN & Jean-François PONSOT (2021), L’Economie post-keynésienne, éditions La Découverte.

MARTIN, Robert, Teyanna MUNYAN, & Beth Anne WILSON (2015), « Potential output and recessions: Are we Fooling ourselves? », Réserve fédérale, international finance discussion paper, n° 1145.

SUMMERS, Lawrence (2015), « Demand side secular stagnation », in American Economic Review, vol. 105, n° 5.

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4 août 2021 3 04 /08 /août /2021 23:19
La politique monétaire à l’ère de la robotisation

Certains s’inquiétaient des effets pervers de la robotisation sur l’emploi avant qu’éclate l’épidémie de Covid-19 [Acemoglu et Restrepo, 2020 ; Acemoglu et alii, 2020]. La pandémie a accentué ces craintes, dans la mesure où elle accroît les incitations des entreprises à automatiser leur production [Saadi Sedik et Yoo, 2021]. Mais l'issue tient peut-être aux politiques conjoncturelles. Martin Sandbu (2020) estime qu’une économie à haute pression est nécessaire pour que l’automatisation s’avère bénéfique aux travailleurs : l’adoption de politiques expansionnistes réduirait le risque que celle-ci provoque un chômage de masse chronique.

Dans le raisonnement de Sandbu, une politique monétaire accommodante soutient l’emploi en stimulant la demande globale. En l'occurrence, une baisse des taux d’intérêt devrait stimuler la consommation et l’investissement ; face à un surcroît de demande, les entreprises sont poussées à produire plus, ce qui les incite à recourir davantage au travail, et elles devraient avoir davantage tendance à augmenter leurs prix. C’est précisément l’enchaînement que les banquiers centraux ont en tête lorsqu’ils réduisent leurs taux directeurs, dans l'objectif de ramener l’économie au plein emploi ou raviver une inflation jugée trop faible.

Mais l’enchaînement peut être tout autre dès lors que les entreprises ont la possibilité d’automatiser une partie de leur production. Dans la logique néoclassique, le taux d’intérêt correspond au coût du capital. Par conséquent, si une banque centrale réduit les taux d’intérêt, le coût du capital diminuera, ce qui rendra plus rentable pour les entreprises de substituer du capital au travail. Nous avons là un second effet qui va dans le sens inverse du premier : si dans le premier cas l’assouplissement monétaire tend à stimuler la demande de travail et l’inflation, il tend dans le second cas à les déprimer. Avec l’automatisation, l’impact de la politique monétaire sur l’emploi et l’inflation est donc loin d’être évident, or le lien entre politique monétaire et automatisation a été peu exploré par la littérature. 

Pourtant, il est peut-être clé dans le débat qui se tient outre-Atlantique autour des mesures de relance. En effet, certains, comme Olivier Blanchard (2021) et Larry Summers (2021), estiment que les mesures budgétaires de l’administration Biden vont probablement entraîner une surchauffe de l’économie américaine et un dérapage de l’inflation en poussant la production bien au-delà de son potentiel, si bien qu’ils appellent la Réserve fédérale à resserrer sa politique monétaire. De leur côté, les partisans de la Bidenomics doutent que celle-ci conduise à une hausse durable de l’inflation, dans la mesure où le maintien de l’économie au-delà de son potentiel est susceptible d’accroître ce dernier. En l’occurrence, Mike Konczal et J. W. Mason (2021) pensent que le maintien d’une politique monétaire expansionniste va pousser les entreprises à davantage investir dans des technologies économisatrices en travail, ce qui va contenir les pressions d’inflation en stimulant la productivité.

Afin de visualiser plus clairement les implications de l’automatisation pour la politique monétaire, Luca Fornaro et Martin Wolf (2021) se sont appuyés sur le modèle que Daron Acemoglu et Pascual Restrepo (2018) ont développé pour étudier les répercussions macroéconomiques de l’automatisation. Ce cadre leur permet notamment de considérer le cas où les avancées technologiques élargissent l’éventail de tâches de production pour lesquelles le capital peut se substituer aux travailleurs. A un niveau donné de demande globale, le progrès technique se traduit alors par une hausse du taux de chômage. Fornaro et Wolf retrouvent alors la conclusion de Sandbu : le maintien d’une politique monétaire expansionniste apparaît nécessaire pour maintenir l’économie au plein emploi. 

Plus exactement, le modèle de Fornaro et Wolf fait apparaître deux équilibres de plein emploi. Au mauvais équilibre de plein emploi, le taux d’intérêt est élevé et la demande globale faible. Ces deux forces contribuent à déprimer l’investissement, notamment dans l’automatisation. Le plein emploi n’apparaît alors que si les entreprises peuvent fixer un faible salaire. Au bon équilibre de plein emploi, le taux d’intérêt est faible et la demande globale élevée. Dans la mesure où le coût du capital est faible, les entreprises ont particulièrement recours à l’automatisation. Cette dernière se traduit par une forte productivité du travail et des salaires élevés, mais le plein emploi n’est alors possible que si la demande globale est suffisamment forte pour maintenir la demande de travail au niveau adéquat. Ces deux équilibres présentent le même niveau d’emploi et d’inflation, si bien qu’une banque centrale est a priori indifférente entre les deux. Pour que l’économie se place au bon équilibre,  les autorités monétaires ne doivent donc pas se focaliser seulement sur l’emploi et l’inflation, mais considérer un ensemble plus large de variables macroéconomiques comme l’investissement et les salaires.

La prise en compte de l’automatisation a d’autres implications pour la conduite de la politique monétaire. Fornaro et Wolf étudient également le cas où l’économie est au plein emploi, mais où la banque centrale baisse son taux directeur. La crainte, dans une telle situation, est que la stimulation de la demande mette l’économie en surchauffe et alimente l’inflation. Mais comme le coût du capital baisse également, les entreprises sont davantage incitées à automatiser leur production. Le maintien durable d’une politique monétaire expansionniste va avoir pour effet d’accroître la productivité et les salaires, tout en contenant, d’une part, les effets pervers de l’automatisation sur l’emploi et, d’autre part, les pressions inflationnistes. Si l’économie était initialement au mauvais équilibre de plein emploi, l’assouplissement monétaire contribue à la placer au bon équilibre. 

Fornaro et Wolf ont enfin observé le cas où l’économie souffre d’un phénomène de stagnation séculaire ou subit un puissant choc récessif qui la fait basculer dans une trappe à liquidité. En l'occurrence, la demande globale peut être tellement faible que les autorités monétaires ne peuvent suffisamment baisser les taux d’intérêt pour maintenir l’économie au bon équilibre de plein emploi : le taux d’intérêt d’équilibre est alors en territoire négatif. Fornaro et Wolf montrent alors que la banque centrale fait alors face à un arbitrage entre emploi et automatisation : soit elle fixe de faibles taux d’intérêt pour alimenter l’automatisation, mais l’économie connait alors un chômage de masse ; soit elle fixe des taux d’intérêt élevés pour inciter les entreprises à recourir aux travailleurs plutôt qu’au capital pour produire, mais la productivité du travail et les salaires seront alors faibles. Une relance budgétaire semble alors nécessaire pour que l’économie retourne au bon équilibre de plein emploi. Celle-ci a en effet pour conséquence  non seulement de stimuler la demande globale, mais aussi de pousser le taux d’intérêt d’équilibre à la hausse.

 

Références

ACEMOGLU, Daron, Claire LELARGE & Pascual RESTREPO (2020), « Competing with robots: Firm-level Evidence from France », in AEA Papers and Proceedings, vol. 110.

ACEMOGLU, Daron, & Pascual RESTREPO (2018), « The race between man and machine: Implications of technology for growth, factor shares and employment », in American Economic Review, vol. 108, n° 6.

ACEMOGLU, Daron, & Pascual RESTREPO (2020), « Robots and jobs: Evidence from US labor markets », in Journal of Political Economy, vol. 128, n° 6.

BLANCHARD, Olivier (2021), « In defense of concerns over the $1.9 trillion relief plan », in PIIE, Realtime Economic Issues Watch (blog), 18 février.

FORNARO, Luca, & Martin WOLF (2021), « Monetary policy in the age of automation », CEPR, discussion paper, n° 16416.

KONCZAL, Mike, & J.W. MASON (2021), « How to have a roaring 2020s (without wild inflation) », in New York Times, 15 juin.

SAADI SEDIK, Tahsin, & Jiae YOO (2021), « Pandemics and automation: Will the lost jobs come back? », FMI, working paper, n° 21/11.

SANDBU, Martin (2020), The Economics of Belonging: A Radical Plan to Win Back the Left Behind and Achieve Prosperity for All, Princeton University Press.

SUMMERS, Lawrence (2021), « The inflation risk is real », 24 mai.

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