Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
31 janvier 2022 1 31 /01 /janvier /2022 14:21
Quels sont les canaux de transmission de la politique monétaire conventionnelle ?

L’inflation a eu tendance à s’accélérer ces derniers mois, en particulier outre-Atlantique. L’une des questions qui se pose est de savoir si cet épisode inflationniste s’avère durable ou temporaire [Budianto et alii, 2021]. Il s’explique notamment par le rebond vigoureux de la demande dans un contexte d’offre contrainte, notamment avec les perturbations des chaînes de valeur internationales, or il est probable que l’offre finisse par s’ajuster [Rees et alii, 2021]. Mais ces perturbations du côté de l’offre pourraient s’avérer plus durables qu’attendu, notamment si la pandémie persiste, et l’accélération de l’inflation est susceptible d'entraîner un décrochage des anticipations d’inflation et des effets de second tour : elle pourrait notamment conduire à une revalorisation des salaires, ce qui alourdirait davantage les coûts de production des firmes. 

Privilégiant de plus en plus le scénario d’une inflation durable, des banques centrales, notamment la Fed, ont signalé leur intention de resserrer leur politique monétaire, non seulement en réduisant leurs achats d’actifs, mais aussi en relevant leurs taux directeurs. Mais cette réorientation de la politique monétaire s’avère périlleuse : si un resserrement monétaire atténue des poussées inflationnistes, c’est avant tout en déprimant l’activité économique. 

Les économistes ont suggéré plusieurs canaux via lesquels la variation des taux directeurs était susceptible d’affecter l’activité économique [Mishkin, 1995 ; 1996] :

1. Le canal du taux d’intérêt (interest-rate channel). Si la banque centrale relève ses taux, les banques commerciales réagissent en relevant également les leurs. Le coût d’emprunt augmentant, entreprises et ménages empruntent moins, ce qui déprime l’investissement des entreprises et les dépenses en biens durables des ménages (1). Du point de vue néoclassique, une hausse des taux d’intérêt réfrène les dépenses en biens durables en augmentant le coût du capital pour les entreprises et en entraînant un effet de substitution : l’épargne rapportant plus, les déposants sont incités à épargner davantage dans la période courante, donc à retarder leurs dépenses de consommation.

2. Le canal (étroit) du crédit (credit channel), qui apparaît en raison de l’imparfaite substituabilité entre le crédit bancaire et les autres formes de financement. En effet, les banques se singularisent par rapport aux autres intermédiaires financiers : elles peuvent se refinancer auprès de la banque centrale, elles peuvent plus facilement collecter et stocker des informations à propos de leur clientèle, etc. En outre, certains agents, comme les petites entreprises et surtout les ménages, peuvent difficilement se financer sur les marchés financiers, si bien qu’ils ne peuvent trouver des financements extérieurs qu’en empruntant auprès des banques. Dans la mesure où un resserrement monétaire complique le refinancement des banques, ces dernières se montrent moins enclines à prêter et durcissent les conditions d’octroi du crédit, ce qui contraint les agents qui ne peuvent se financer autrement qu'avec le crédit à réduire leurs dépenses en biens durables.  

3. Le canal des prix d’actifs (asset-prices channel). Parce qu’une hausse des taux d’intérêt rend plus attractifs les dépôts bancaires, elle incite les agents à placer davantage d’épargne sur leurs comptes bancaires et à moins la placer sous d’autres formes, si bien qu'ils achètent moins d’actions, réalisent moins d’investissements immobiliers, etc. (un mécanisme que l’on qualifie de canal du rééquilibrage de portefeuille). Comme la demande pour certains actifs diminue, le prix de ces actifs (par exemple, les cours boursiers ou les prix de l’immobilier) diminue.

La baisse des prix d’actifs est alors susceptible d’affecter l’activité économique de plusieurs façons. Selon la théorie du ratio q de Tobin (1969), les entreprises prennent leurs décisions d’investissement en comparant la valeur marchande des entreprises et le coût du capital. Un resserrement de la politique monétaire poussant les cours boursiers à la baisse, il devient relativement moins coûteux d’acquérir d’autres entreprises plutôt qu’investir, si bien que les firmes vont avoir davantage tendance à se racheter qu’à investir. En outre, la baisse des prix d’actifs est susceptible de provoquer un effet de richesse [Ando et Modigliani, 1963]. En l’occurrence, si le resserrement monétaire provoque une baisse des prix d’actifs, par exemple des cours boursiers ou des prix de l’immobilier, alors les ménages qui détiennent ces actifs se sentiront moins riches, ce qui les incite à moins consommer.

4. Le canal du taux de change (exchange-rate channel) est un canal des prix d’actifs particulier. Une hausse des taux d’intérêt rend les actifs libellés en monnaie domestique plus attractifs en tant que placements relativement aux actifs libellés en devises étrangères. Les résidents et les étrangers ont alors tendance à se détourner des seconds et à davantage acheter les premiers, ce qui entraîne une vague de conversion de devises : la demande de monnaie domestique augmente et l’offre de monnaie domestique diminue, poussant le taux de change à la hausse. D’un côté, cette appréciation du taux de change rend les produits domestiques relativement moins compétitifs sur les marchés internationaux, ce qui déprime les exportations. D’un autre côté, elle réduit le prix des produits importés (et donc freine par ce biais l’inflation importée), ce qui augmente les importations. Plus largement, l’appréciation devrait réorienter la demande globale au profit des produits étrangers, ce qui déprime la production nationale.

5. Le canal du bilan (balance-sheet channel), dont l’existence tient notamment à la présence d’asymétrie d’information sur le marché du crédit. En effet, notamment à cause de celle-ci, les banques commerciales peuvent exiger des emprunteurs qu’ils mettent en garantie des actifs (par exemple leurs logements) pour couvrir le risque qu’ils fassent défaut sur leur dette. Par conséquent, si le resserrement monétaire conduit à une baisse des prix d’actifs, alors les agents qui utilisent ces actifs comme collatéraux voient leur capacité d’emprunt diminuer. En outre, la hausse des taux d’intérêt augmente la charge d’intérêts que doivent verser les emprunteurs, ce qui réduit leurs flux de trésorerie nets et détériore leur situation financière. De plus, comme les contrats de dette sont libellés en termes nominaux, le resserrement monétaire augmente le fardeau réel de la dette en réduisant l’inflation, en particulier si cette désinflation n’était pas anticipée.

Dans tous les cas, le resserrement monétaire détériore le bilan des ménages et des entreprises et réduit leur capacité d’emprunt. La contraction subséquence du crédit va peser sur l’activité économique et pousser les prix d’actifs à la baisse, ce qui conduit à une nouvelle détérioration des bilans des ménages et des entreprises, les poussant notamment à revendre leurs actifs. Un véritable cercle vicieux est susceptible de se mettre en place : c’est l’effet d’« accélérateur financier » [Bernanke et Gertler, 1989, 1995 ; Bernanke et alii, 1996 ; 1999 ; Kiyotaki et Moore, 1997].

6. Le canal du signal (ou canal des anticipations). La communication et les décisions de la banque centrale affectent les anticipations des agents quant aux perspectives économiques futures, si bien que la politique monétaire peut affecter le comportement des agents avant même que la banque centrale ait effectivement modifié ses taux. Il est probable que ce canal opère avant via ses effets sur les institutions financières et les marchés financiers.

Il est aussi bien susceptible de renforcer que de contrecarrer l’action des précédents canaux. En effet, d’un côté, les agents peuvent s’attendre à ce qu’un resserrement de la politique monétaire déprime à terme l’activité économique. Par conséquent, anticipant une baisse des profits, les entreprises sont moins incitées à investir et à embaucher ; anticipant une baisse des revenus, les ménages sont moins incités à consommer ; avec l'anticipation d'une chute des profits et donc des dividendes, les cours boursiers peuvent chuter ; anticipant une hausse des défauts de paiement et un durcissement des conditions générales de financement, les institutions financières se montrent moins enclines à prêter et tendent à durcir leurs propres conditions d’octroi des prêts ; sur le marché des changes, la monnaie peut immédiatement s’apprécier, etc. Les effets récessifs du resserrement monétaire s’en trouvent alors renforcés.

Mais, d’un autre côté, une hausse des taux directeurs peut aussi être perçue comme signalant que la banque centrale prévoit désormais une inflation plus forte et/ou une activité économique plus robuste qu’elle ne s’y attendait jusqu’à présent. Les autres agents peuvent alors interpréter le resserrement monétaire comme signalant ou confirmant que l’économie est en surchauffe, donc finalement conforter leur optimisme et les amener à réviser à la hausse leurs anticipations de demande, de profits, de dividendes, etc. Par exemple, le resserrement monétaire pourrait ainsi conduire paradoxalement, non pas à une baisse, mais à une hausse des cours boursiers.

Le resserrement monétaire peut aussi signaler que l'action de la banque centrale n'a pas été appropriée jusqu'alors pour assurer la stabilité des prix, ce qui peut nuire à sa crédibilité, non seulement concernant sa lutte contre l'inflation, mais aussi pour ses autres mandats, notamment plus ou moins implicites, comme celui de la stabilité financière. Ainsi, un resserrement monétaire peut entraîner aussi bien une révision des anticipations d'inflation à la hausse qu'une crise financière.

A l'exception du canal du signal (dont les effets sont plus ambigus), la théorie suggère qu’une hausse des taux directeurs tend à déprimer l’activité économique et l’inflation et qu’une baisse des taux directeurs tend au contraire à les stimuler. 

Plusieurs travaux empiriques ont cherché à déterminer via quels canaux les effets de la politique monétaire transitaient effectivement [Boivin et alii, 2010]. Certains d’entre eux ont cherché à le faire en observant dans quelle mesure les effets de la politique monétaire différaient selon les secteurs [Dedola et Lippi, 2005 ; Peersman et Smets, 2005]. C’est précisément ce que viennent de faire Sangyup Choi, Tim Willems et Seung Yong Yoo (2022) dans une nouvelle étude du FMI, mais en recourant à un échantillon plus large de pays que ne l'ont fait les précédents travaux. En l’occurrence, ils ont adopté une approche de différences de différences en utilisant les données relatives aux prix et à la production au niveau sectoriel et les taux directeurs pour un échantillon de 88 pays.

Choi et ses coauteurs ne trouvent guère d’éléments empiriques allant dans le sens du canal traditionnel du taux d’intérêt : les secteurs produisant des biens durables ou ceux présentant une plus forte intensité en investissement ne semblent pas connaître un plus fort déclin de leur production suite à un resserrement monétaire que les autres secteurs. Ce résultat fait écho aux conclusions de précédentes analyses, comme celle de John Campbell et Greg Mankiw (1989) ou celle de Matthew Canzoneri et alii (2007), qui n’avaient décelé qu’une faible réponse de la consommation aux variations des taux d’intérêt. Ces observations empiriques collent avec les prédictions de récents travaux théoriques prenant en compte l’hétérogénéité des agents, notamment le modèle de Greg Kaplan et alii (2018) : l’existence de ménages vivant au jour le jour (hand-to-mouth), qui risquent donc de n’être guère sensibles aux variations des taux d’intérêt, affaiblit l’effet de substitution intertemporel. En outre, si une variation des taux d’intérêt peut exercer chez certains un effet du substitution, elle peut exercer sur d’autres un effet de revenu : les déposants peuvent réagir à une hausse des taux d’intérêt, non pas en épargnant davantage, mais en épargnant moins. 

Leurs résultats suggèrent également que les resserrements monétaires réduisent relativement plus la production dans les secteurs caractérisés par des actifs qui sont plus difficiles à utiliser comme collatéraux (ce qui est cohérent avec le canal du bilan) et dans les secteurs qui dépendent le plus du commerce extérieur (ce qui est cohérent avec le canal du taux de change). 

Choi et ses coauteurs ont également cherché à savoir si l’état de la conjoncture et l’orientation de la politique monétaire affectaient les effets de cette dernière. Ils constatent que le canal du bilan gagne en importance en période de mauvaise conjoncture et de crise financière, ce qui est cohérent avec le mécanisme de l’accélérateur financier. Ils observent aussi des effets plus puissants dans le cas d’un resserrement monétaire que dans celui d’un assouplissement monétaire. Choi et ses coauteurs n’explorent pas les raisons de cette asymétrie. Elle pourrait notamment s’expliquer par le fait que les banques commerciales sont plus promptes à durcir les conditions d’octroi de crédit lorsque la banque centrale relève son taux directeur qu’à les desserrer lorsque la banque centrale baisse son taux.

Enfin, Choi et ses coauteurs notent que leurs résultats ne dépendent pas du niveau de développement des pays, ni de leur niveau de développement financier. Cela suggère que les mécanismes de transmission de la politique monétaire sont relativement similaires d’un pays à l’autre, indépendamment de leur niveau de développement ou de leur niveau de développement financier. 

 

(1) Le canal (traditionnel) du taux d’intérêt est souvent qualifié de keynésien. Or, Keynes jugeait la politique budgétaire plus sûre et efficace que la politique monétaire : non seulement les banques centrales peuvent difficilement baisser leurs taux en-deçà de zéro, mais en outre les banques peuvent ne pas répercuter sur leurs propres taux d’intérêt les variations des taux directeurs. 

 

Références

ANDO, A., & Franco MODIGLIANI (1963), « The 'life-cycle' hypothesis of saving: aggregate implications and tests », in American Economic Review, vol. 53, n° 1.

BERNANKE, Ben S., & Mark GERTLER (1989), « Agency costs, net worth, and business fluctuations », in American Economic Review, vol. 79, n° 1.

BERNANKE, Ben S., & Mark GERTLER (1995), « Inside the black box: The credit channel of monetary policy transmission », in Journal of Economic Perspectives, vol. 9, n° 4.

BERNANKE, Ben S., Mark GERTLER & Simon GILCHRIST (1996), « The financial accelerator and the flight to quality », in Review of Economics and Statistics, vol. 78, n° 1.

BERNANKE, Ben S., Mark GERTLER & Simon GILCHRIST (1999), « The financial accelerator in a quantitative business cycle framework », in Handbook of Macroeconomics, vol. 1.

BOIVIN, Jean, Michael T. KILEY, & Frederic S. MISHKIN (2010), « How has the monetary transmission mechanism evolved over time? », in Handbook of Monetary Economics, vol. 3, Elsevier.

BUDIANTO, Flora, Giovanni LOMBARDO, Benoit MOJON & Daniel REES (2021), « Global reflation? », BRI, BIS Bulletin, n° 43.

CAMPBELL, John Y., & N. Gregory MANKIW (1989), « Consumption, income, and interest rates: Reinterpreting the time series evidence », NBER Macroeconomics Annual, vol. 4.

CANZONERI, Matthew B., Robert E. CUMBY & Behzad T. DIBA (2007), « Euler equations and money market interest rates: A challenge for monetary policy models », in Journal of Monetary Economics, vol. 54, n° 7.

CHOI, Sangyup, Tim WILLEMS & Seung Yong YOO (2022), « Revisiting the monetary transmission mechanism through an industry-level differential approach », FMI, working paper, n° 22/17.

KAPLAN, Greg, Benjamin MOLL, & Giovanni L. VIOLANTE (2018), « Monetary policy according to HANK », in American Economic Review, vol. 108, n° 3.

KIYOTAKI, Nobuhiro, & John MOORE (1997), « Credit cycles », in Journal of Political Economy, vol. 105, n° 2.

MISHKIN, Frederic S. (1995), « Symposium on the monetary transmission mechanism », in Journal of Economic Perspectives, vol. 9, n° 4.

MISHKIN, Frederic S. (1996), « Les canaux de transmission monétaire : leçons pour la politique monétaire », in Bulletin de la banque de France, n° 27.

REES, Daniel, & Phurichai RUNGCHAROENKITKUL (2021), « Bottlenecks: Causes and macroeconomic implications », BRI, BIS Bulletin, n° 48.

TOBIN, James (1969), « A general equilibrium approach to monetary theory », in Journal of Money Credit and Banking, vol. 1, n° 1.

Partager cet article
Repost0
15 janvier 2022 6 15 /01 /janvier /2022 21:42
Jón Steinsson et Emi Nakamura (crédit : Hagit Caspi)

Jón Steinsson et Emi Nakamura (crédit : Hagit Caspi)

Nul autre champ de la science économique ne semble susciter autant de controverses, notamment de la part de ses propres praticiens, que la macroéconomie [Coyle et Haldane, 2014 ; Korinek, 2015 ; Romer, 2016 ; Stiglitz, 2018]. Les critiques se sont notamment cristallisées sur l’essor des modèles DSGE, accusés d’avoir contribué à entraîner une complexification mathématique abusive des travaux, une focalisation excessive sur la cohérence interne des modèles au détriment de leur cohérence externe, l’adoption d’hypothèses irréalistes, une négligence de la sphère financière, etc., des dérives qui ont peut-être rendu la profession bien peu présentable lorsque la crise financière mondiale éclata en 2008 [Hoover, 2021]

Dans un exercice qu’ils veulent avant tout descriptif, Philip Glandon, Kenneth Kuttner, Sandeep Mazumder et Caleb Stroup (2022) ont précisément cherché à retracer l'évolution de la recherche macroéconomique, du moins celle publiée par les revues les plus prestigieuses de la discipline. Ils ont étudié 1.894 articles parus depuis 1980 dans cinq revues spécialisées (le Journal of Monetary Economics, le Journal of Economic Dynamics and Control, le Journal of Money, Credit and Banking, l'American Economic Journal: Macroeconomics et la Review of Economic Dynamics) et cinq revues généralistes (l’American Economic Review, Econometrica, le Journal of Political Economy, le Quarterly Journal of Economics et la Review of Economic Studies). Pour chaque article, ils ont collecté des données relatives à plusieurs de ses caractéristiques, notamment les objectifs de recherche qu’il poursuit et la méthodologie à laquelle il a recours.

Au terme de leur analyse, Glandon et ses coauteurs se disent aller dans le sens de Ricardo Reis (2018), pour lequel la macroéconomie constitue un champ « varié » et « vibrant », ne se résumant pas à une « modélisation DSGE sans âme ». Mais ils mettent toutefois bien en évidence un mouvement de convergence vers une approche commune pour la recherche appliquée. 

Leur analyse confirme qu’au cours des quatre dernières décennies la recherche macroéconomique s’est de plus en plus focalisée sur la théorie (cf. graphique 1). En effet, la modélisation formelle, recourant désormais quasi systématiquement aux microfondations, tient une place centrale dans 70 % des articles publiés entre 2016 et 2018 ; les articles n’incorporant pas un passage substantiel de théorie formelle s’avèrent particulièrement rares.

GRAPHIQUE 1  Répartition des publications selon leur méthodologie (en %)

Comment la recherche macroéconomique a évolué ces quarante dernières années

source : Glandon et alii (2022)

Ensuite, non seulement la théorie formelle a pris une place de plus en plus importante dans les publications, mais elle fait preuve en outre d’une complexité croissante, permise notamment par l’explosion de la puissance de calcul [Sergi, 2015]. La part des travaux recourant à des modèles d’équilibre général et, surtout, à des modèles d’équilibre partiel a diminué, les macroéconomistes s'appuyant de plus en plus fréquemment sur les modèles DSGE. Parmi eux, c’est le recours à des modèles à agent représentatif qui domine largement, mais les modèles à agent hétérogène sont de plus en plus répandus et ils représentent désormais un tiers d’entre eux. Glandon et ses coauteurs soulignent bien que, si la modélisation DSGE est devenue le cadre de modélisation privilégié, elle n’a pas pour autant fait disparaître les autres formes de modélisation : comme le concluait Olivier Blanchard (2009, 2017), ces dernières ont toujours leur place en macroéconomie.

GRAPHIQUE 2  Répartition des publications centrées sur la théorie selon la nature de l’équilibre (en %)

Comment la recherche macroéconomique a évolué ces quarante dernières années

source : Glandon et alii (2022)

Ce recentrage de la recherche vers la théorie formelle s’est accompagné d’un moindre usage des méthodes économétriques en vue de tester les hypothèses : seulement 10 % des articles publiés entre 2016 et 2018 ont cherché soit à corroborer, soit à rejeter une théorie. Par contre, depuis 1990, les travaux ont de plus en plus cherché à estimer les variables de leur modèle à partir des données empiriques. En l’occurrence, leurs concepteurs cherchent à construire des modèles mimant certains aspects des données. En outre, beaucoup de publications utilisent de telles méthodes d’estimation pour juger des effets des politiques macroéconomiques à partir de leur modèle quantitatif.

Le fait que les macroéconomistes cherchent moins à tester les hypothèses économiques marque un profond changement par rapport à l’agenda même proposé par Robert Lucas et Thomas Sargent (1979) : ces derniers appelaient à une « théorie d’équilibre du cycle d’affaires » qui soit « économétriquement testable ». C’est l’essor des modèles DSGE dans les années 1990 et, avec elle, de la méthodologie d'Edward Prescott (1986), donnant la primauté à « la théorie sur la mesure », qui amène les macroéconomistes à moins chercher à tester leurs hypothèses. Mais pour Glandon et ses coauteurs, ce mouvement s’explique peut-être plus fondamentalement par les difficultés qu’il y a à tester empiriquement les hypothèses à partir de données macroéconomiques [Summers, 1991].

GRAPHIQUE 3  Proportion des publications incorporant des imperfections financières parmi celles centrées sur la théorie (en %)

Comment la recherche macroéconomique a évolué ces quarante dernières années

source : Glandon et alii (2022)

En poursuivant leur analyse, ils notent ensuite que les publications ont fréquemment recours aux imperfections de marché ; les modèles sans friction, où les marchés sont parfaitement concurrentiels, sont devenus de plus en plus rares. En l’occurrence, Glandon et ses coauteurs rejettent l’idée selon laquelle les publications ignoraient les imperfections financières avant qu’éclate la crise financière mondiale en 2008 (cf. graphique 3). Cela dit, l’intérêt pour les imperfections sur les marchés financiers a toutefois eu tendance à s’émousser dans les années 1980 et il ne s'est vraiment ravivé qu'avec la crise financière mondiale : le nombre de publications intégrant des frictions financières a fortement augmenté au cours de la dernière décennie. Presque la moitié des articles publiés entre 2016 et 2018 prennent en compte le secteur financier dans leur modélisation et/ou incluent des frictions financières.

Glandon et ses coauteurs notent également que les méthodes sur séries temporelles, populaires dans les années 1980 et 1990, ont de moins en moins été utilisées. Parallèlement, les publications macroéconomiques ont eu tendance à délaisser les séries temporelles agrégées pour recourir aux données microéconomiques, à l’image de ce que font notamment Emi Nakamura, Jón Steinsson, Atif Mian et Amir Sufi. Pour Glandon et ses coauteurs, cette utilisation croissante des méthodes de microéconomie appliquée et de données microéconomiques semble s’inscrire dans la « révolution de la crédibilité » évoquée par Angrist et Pischke (2010). Là aussi, ce mouvement s’explique notamment par les difficultés à tester empiriquement les hypothèses à partir de données macroéconomiques, si bien que l'on peut y voir un progrès pour la discipline.

 

Références

ANGRIST, Joshua, & Jörn-Steffen PISCHKE (2010), « The credibility revolution in empirical economics: How better research design is taking the con out of econometrics », in Journal of Economic Perspectives, vol. 24, n° 2.

BLANCHARD, Olivier (2009), « The state of macro », in Annual Review of Economics, vol. 1, n° 1.

BLANCHARD, Olivier J. (2017), « On the need for (at least) five classes of macro models », in PIIE, Realtime Economic Issues Watch (blog), 10 avril.

COYLE, Diane, & Andrew HALDANE (2014), « Financial crash: What’s wrong with economics? », in Prospect, 9 décembre.  

GLANDON, Philip J., Kenneth KUTTNER, Sandeep MAZUMDER& Caleb STROUP (2022), « Macroeconomic research, present and past », NBER, working paper, n° 29628.

HOOVER, Kevin D. (2021), « The struggle for the soul of economics », Center for the History of Political Economy, working paper, n° 2021-04.

KORINEK, Anton (2015), « Thoughts on DSGE macroeconomics: Matching the moment, but missing the point? ».

LUCAS, Jr., Robert E., & Thomas J. SARGENT (1979), « After Keynesian macroeconomics », in After the Phillips Curve: The Persistence of High Inflation and High Unemployment.

PRESCOTT, Edward C. (1986), « Theory ahead of business cycle measurement », in Federal Reserve Bank of Minneapolis Quarterly Review, vol. 10, n° 4.

ROMER, Paul (2016), « The trouble with macroeconomics ».

SERGI, Francesco (2015), « L’histoire (faussement) naïve des modèles DSGE ».

STIGLITZ, Joseph E. (2018), « Where modern macroeconomics went wrong », in Oxford Review of Economic Policy, vol. 34, n° 1-2.

Partager cet article
Repost0
2 janvier 2022 7 02 /01 /janvier /2022 09:00
Un niveau élevé de dette publique nuit-il vraiment à la croissance ?

Avec la contraction de l’activité économique provoquée par la pandémie et les mesures sanitaires, d’une part, et l’adoption d’amples mesures de soutien budgétaire, d’autre part, les dettes publiques se sont retrouvées à des niveaux exceptionnellement élevés (cf. graphique 1) [Kose et alii, 2022]. Il y a un peu plus d’une décennie, la crise financière mondiale avait déjà entraîné une forte hausse des ratios dette publique sur PIB dans les pays développés. Les gouvernements avaient alors rapidement stoppé leur relance budgétaire et adopté des plans d’austérité pour assainir leurs finances. Aujourd’hui, beaucoup expriment de nouveau leurs inquiétudes quant à la soutenabilité des dettes publiques. Une fois la pandémie derrière nous, il ne serait guère étonnant que les gouvernements entreprennent une nouvelle consolidation budgétaire.

GRAPHIQUE 1  Dette publique nette dans une sélection de pays (en % du PIB)

Un niveau élevé de dette publique nuit-il vraiment à la croissance ?

source : FMI

Mais si le niveau élevé de la dette publique inquiète, ce n’est pas seulement en alimentant les peurs d’un défaut de paiement de l’Etat ; c’est notamment parce qu’il est soupçonné de nuire à l’activité économique. C’est cette crainte qu’avait confortée le travail séminal de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (2010) : en observant une vingtaine de pays développés, ils avaient conclu que des dettes publiques supérieures à 90 % du PIB étaient associées à une moindre croissance économique. Plusieurs travaux ont depuis affirmé qu’il existait effectivement un lien négatif entre les ratios de dette publique et le PIB (Woo et Kumar, 2015; Chudik et alii, 2017), du moins lorsque le niveau de dette publique dépassait un seuil autour de 90 % du PIB (Cecchetti et alii, 2011 ; Checherita-Westphal et Rother, 2012 ; Baum et alii, 2013).

On peut imaginer plusieurs canaux via lesquels un niveau élevé de dette publique pourrait déprimer l’activité économique. Tout d’abord, l’endettement public pourrait entraîner un effet d’éviction (crowding-out). En effet, comme les titres privés sont perçus comme sûrs, les épargnants et les institutions financières risquent de se détourner des titres émis par les entreprises privées lorsque l’Etat emprunte. Pouvant plus difficilement financer leurs investissements, les firmes réduiraient ceux-ci [Huang et alii, 2018]. Ensuite, les ménages pourraient adopter des comportements ricardiens : si le niveau de dette publique est élevé, ils peuvent redouter que le gouvernement finisse par augmenter significativement les impôts pour rembourser sa dette, si bien qu’ils pourraient chercher à davantage épargner dans la période courante. En outre, le fait même que les marchés financiers et les sociétés financières soient moins convaincus de la soutenabilité de la dette publique pourrait conduire à un durcissement des conditions de financement pour l’ensemble des agents.

En raison de ces divers effets pervers, une relance budgétaire pourrait perdre en efficacité du fait même qu’elle alourdit la dette publique [Huidrom et alii, 2016]. Réciproquement, dans la mesure où elle réduit (a priori) l’endettement public, l’austérité budgétaire pourrait en définitive avoir des effets bénéfiques sur l’activité économique, comme l’a suggéré à plusieurs reprises Alberto Alesina dans ses travaux. L’étude de Reinhart et Rogoff a pu ainsi être mobilisée au sortir de la crise financière mondiale pour plaider en faveur de la consolidation budgétaire [Konzelmann, 2014].

Mais il ne faut pas non plus négliger les effets bénéfiques que peut avoir un accroissement de la dette publique [Fatás et alii, 2019]. Celui-ci peut directement financer un investissement productif, notamment des dépenses d’infrastructures, ce qui stimule le potentiel de croissance à long terme ; il peut rendre la croissance plus soutenable, par exemple en permettant de financer la transition vers une économie à bas carbone ; il peut financer l’adoption de plans de relance et permettre ainsi au gouvernement de stabiliser l’activité économique, etc. Il est en l’occurrence peu probable que l’endettement public entraîne un effet d’éviction lors d’une récession, dans la mesure où l’ensemble du secteur privé cherche alors à épargner et où les entreprises sont en conséquence peu incitées à investir. En fait, en adoptant un plan de relance lors d’une récession et en finançant celui-ci par endettement, un gouvernement ne soutient pas seulement directement l'activité en stimulant la demande globale ; il la soutient également en fournissant au secteur privé les actifs sûrs dont il a alors éperdument besoin.

Plusieurs analyses ont estimé que l’effet causal allant d’un accroissement de la dette publique à la croissance économique était au mieux fragile (Panizza et Presbitero, 2014 ; Ash et alii, 2020). Si des ratios dette publique sur PIB élevés sont effectivement corrélés à une plus faible croissance, cela ne veut pas forcément dire qu’une hausse de la dette publique pèse sur l’activité économique : corrélation ne signifie pas causalité. Et s’il y a un lien de causalité, celui-ci peut aller en sens inverse : une faible croissance tend mécaniquement à détériorer les finances publiques, notamment en érodant les recettes fiscales.

Une corrélation peut aussi s’expliquer par la présence de facteurs confondants : en l’occurrence ici, des facteurs sont susceptibles d’affecter simultanément l’endettement public et la croissance économique. Par exemple, des niveaux élevés de dette publique peuvent amener les gouvernements à adopter des plans d’austérité, par exemple parce qu’ils craignent que leur dette soit insoutenable ou parce qu’ils ne parviennent plus à emprunter sur les marchés obligataires, si ce n’est à des taux d’intérêt prohibitifs. Or non seulement l’austérité budgétaire nuit à l’activité économique à court terme, mais elle peut détériorer le potentiel de croissance à long terme [Fatás et Summers, 2017]. Du fait de ses effets négatifs sur l’activité économique, elle peut même se révéler en définitive contre-productive en conduisant à une nouvelle hausse du ratio dette publique sur PIB, comme cela semble avoir été le cas dans certains pays de la zone euro cette dernière décennie [House et alii, 2017]. De même, de mauvaises institutions politiques peuvent à la fois détériorer les finances publiques et la croissance économique. Dans tous les cas, l’existence de facteurs confondants crée un problème d’endogénéité qui complique la tâche des économètres cherchant à déterminer l’impact de la dette publique sur la croissance.  

En outre, plusieurs travaux empiriques concluent qu’il n’y a guère de seuil uniforme pour l’ensemble des pays à partir duquel une hausse du ratio dette publique sur PIB est associée à une moindre croissance (Pescatori et alii, 2014 ; Eberhardt et Presbitero, 2015 ; Egert, 2015a ; Egert, 2015b ; Chudik et alii, 2017 ; Eberhardt, 2019 ; Ash et alii, 2020).

Passant en revue la littérature développée autour du lien entre endettement public et croissance économique, Philipp Heimberger (2021) a réalisé une méta-analyse à partir de 826 estimations tirées de 48 études. La moyenne non pondérée des résultats recensés suggère qu’une hausse de 10 points de pourcentage du ratio dette publique sur PIB est associée à une baisse de 0,14 point de pourcentage de la croissance annuelle (cf. graphique 2). L’intervalle de confiance à 95 % va de 0,10 à 0,18 point de pourcentage.

GRAPHIQUE 2  Coefficients standardisés des estimations dette publique-croissance économique

Un niveau élevé de dette publique nuit-il vraiment à la croissance ?

source : Heimberger (2021)

La répartition des estimations est toutefois très allongée : la littérature a abouti à des estimations très hétérogènes. La répartition des estimations est également très asymétrique. En creusant davantage, Heimberger conclut que les publications tendent à surreprésenter les estimations suggérant un impact linéaire négatif de l’accroissement du ratio d’endettement public sur la croissance. Une fois ce biais de publication corrigé, il conclut que l’hypothèse d’un effet moyen nul de la dette publique sur la croissance ne peut être rejetée. En outre, il note que la prise en compte de l’endogénéité entre dette publique et croissance rend les estimations moins tournées vers le négatif. 

GRAPHIQUE 3  Estimations de seuils du ratio dette publique sur PIB au-delà duquel la croissance est réduite

Un niveau élevé de dette publique nuit-il vraiment à la croissance ?

source : Heimberger (2021)

Heimberger considère ensuite l’éventualité d’une non-linéarité dans la relation entre ratio d’endettement public et croissance économique. Au terme de sa méta-analyse, il conclut qu’il n’y a pas d’éléments empiriques robustes suggérant l’existence d’un seuil universel à partir duquel la hausse du ratio dette publique sur PIB est associée à une chute de la croissance. Les estimations de seuils sont en effet très hétérogènes : elles vont de 8,4 % à 147,5 % du PIB (cf. graphique 3). Celles suggérant un seuil autour de 90 % sont notamment sensibles à des données ou choix méthodologiques particuliers. En définitive, il y a peut-être des non-linéarités dans la relation entre dette publique et croissance, mais celles-ci sont propres aux pays et elles sont bien plus complexes que ce que beaucoup ont pu suggérer.

 

Références

ASH, Michael, Deepankar BASU & Arindrajit DUBE (2020), « Public debt and growth: An assessment of key findings on causality and thresholds », University of Massachusetts Amherst, working paper, n° 433.

BAUM, Anja, Cristina CHECHERITA-WESTPHAL & Philipp ROTHER (2013), « Debt and growth: New evidence for the euro area », in Journal of International Money and Finance, vol. 32.

CECCHETTI, Stephen G., Madhusudan MOHANTY & Fabrizio ZAMPOLLI (2011), « The real effects of debt », BRI, working paper, n° 352.

CHECHERITA-WESTPHAL, Cristina, & Philipp ROTHER (2012), « The impact of high government debt on economic growth and its channels: an empirical investigation for the euro area », in European Economic Review, vol. 56, n° 7.

CHUDIK, Alexander, Kamiar MOHADDES, M. Hashem PESARAN & Mehdi RAISSI (2017), « Is there a debt-threshold effect on output growth? », in Review of Economics and Statistics, vol. 99, n° 1.

EBERHARDT, Markus, & Andrea F. PRESBITERO (2015), « Public debt and growth: Heterogeneity and non-linearity », in Journal of International Economics, vol. 97, n° 1.

EBERHARDT, Markus (2019), « Nonlinearities in the relationship between debt and growth: (No) evidence from over two centuries », in Macroeconomics Dynamics, vol. 23, n° 4.

EGERT, Balázs (2015a), « Public debt, economic growth and nonlinear effects: Myth or reality? », in Journal of Macroeconomics, vol. 43.

EGERT, Balázs (2015b), « The 90% public debt threshold: the rise and fall of a stylized fact », in Applied Economics, vol. 47.

FATÁS, Antonio, Atish R. GHOSH, Ugo PANIZZA & Andrea F. PRESBITERO (2019), « The motives to borrow », FMI, working paper, n° 19/101.

FATÁS, Antonio, & Lawrence H. SUMMERS (2017), « The permanent effects of fiscal consolidations », in Journal of International Economics.

HEIMBERGER, Philipp (2021), « Do higher public debt levels reduce economic growth? », Hans-Böckler-Stiftung, FMM, working paper, n° 74. 

HOUSE, Christopher L., Christian PROEBSTING & Linda L. TESAR (2017), « Austerity in the aftermath of the Great Recession », NBER, working paper, n° 23147.

HUANG, Yi, Ugo PANIZZA & Richard VARGHESE (2018), « Does public debt crowd out corporate investment? International evidence », CEPR, discussion paper, n° 12931.

HUIDROM, Raju, M. Ayhan KOSE, Jamus J. LIM & Franziska L. OHNSORGE (2016), « Do fiscal multipliers depend on fiscal positions? », CAMA, working paper, n° 35/2016, juin.

KONZELMANN, Suzanne (2014), « The political economics of austerity », in Cambridge Journal of Economics, vol. 38, n° 4.

KOSE, M. Ayhan, Franziska OHNSORGE, Carmen REINHART & Kenneth ROGOFF (2022), « The aftermath of debt surges », in Annual Review of Economics.

PANIZZA, Ugo, & Andrea F PRESBITERO (2014), « Public debt and economic growth: Is there a causal effect? », in Journal of Macroeconomics, 41.

PESCATORI, Andrea, Damiano SANDRI & John SIMON (2014), « Debt and growth: Is there a magic threshold? », FMI, working paper, n° 14/34.

REINHART, Carmen M., & Kenneth S. ROGOFF (2010), « Growth in a time of debt », in American Economic Review: Papers & Proceedings, vol. 100, n° 2.

WOO, Jaejoon, & Manmohan S. KUMAR (2015), « Public debt and growth », in Economica, vol. 82.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : D'un champ l'autre
  • : Méta-manuel en working progress
  • Contact

Twitter

Rechercher