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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 22:48

Comme la Chine contribue à une part de plus en plus déterminante de la production mondiale, sa devise est promise à jouer un rôle de plus en plus important dans le monde. Par conséquent, plusieurs études ont cherché à déterminer si, quand et dans quelle mesure le renminbi constituera une devise internationale. Barry Eichengreen et Domenico Lombardi (2015) ont présenté les deux grandes thèses qui sont en concurrence dans la littérature, mais sans parvenir à déterminer laquelle s'avèrera probablement exacte.

D'un côté, certains considèrent que le renminbi jouera un rôle similaire au dollar en tant que devise mondiale. En effet, la Chine renforce ses liens économiques, financiers et politiques avec de nombreux pays dans le monde, en l’occurrence même en-dehors de l’Asie. Par exemple, elle s’engage dans le commerce de marchandises et de matières premières avec des économies situées en toute part du monde. De même, elle réalise des IDE tout autour du globe, pas seulement en Asie. A mesure que les marchés financiers chinois gagneront en profondeur et en liquidité, le renminbi va être de plus en plus utilisé dans les transactions en matière commerciale, ainsi que devenir une devise d’investissement et de réserve, non seulement en Asie, mais aussi dans le reste du monde.

Pourtant, le renminbi a beau être de plus en plus utilisé dans les paiements internationaux, il ne représente que 2,79 % de ces derniers, alors que la part s’élève à 45 % pour le dollar. La monnaie américaine demeure la devise de réserve préférée. Il est impliqué dans 85 % de l’ensemble des transactions sur les marchés des changes. Si le dollar joue un rôle si important, c’est notamment parce que les marchés financiers américains sont profonds et liquides, mais aussi parce que les liens commerciaux et financiers que les pays dans le monde entretiennent avec les Etats-Unis sont plus importants que ceux qu’entretient la Chine avec le reste du monde.

Certains affirment alors que le renminbi est certes susceptible de jouer un rôle déterminant en tant que devise internationale, mais seulement au niveau régional, en l’occurrence en Asie. C’est avant tout avec les autres pays asiatiques que la Chine entretient des liens commerciaux importants. Aujourd’hui, la Chine connaît certains un excédent commercial avec le reste du monde, mais elle entretient pourtant un déficit commercial avec le reste de l’Asie, si bien que c’est celle-ci qui est susceptible d’accumuler des réserves libellées en renminbi. Si le renminbi est utilisé dans moins de 3 % des paiements internationaux, il est déjà utilisé dans la majorité des paiements impliquant la Chine et Hong Kong. En d’autres termes, le renminbi pourrait jouer un rôle assez équivalent à celui que joue l’euro : ce dernier est fréquemment utilisé par les pays européens en tant qu’unité de compte, moyen de paiement et réserve de valeur, mais peu en dehors de l’Europe.

Eichengreen et Lombardi compilent plusieurs arguments suggérant que la Chine et les autres pays asiatiques sont naturellement amenés à être des partenaires commerciaux et financiers et à le rester à l’avenir. Par exemple, malgré la baisse des coûts de transport, ces derniers persistent, or ils augmentent avec la distance, ce qui incite naturellement chaque pays à commercer avant tout avec les pays qui l’entourent. Autrement dit, avec l’existence des coûts de transport, chaque pays asiatique a avant tout intérêt à commercer avec les autres pays asiatiques. Les théories à la Ricardo et à la Heckscher-Ohlin suggèrent également que la Chine et le reste de l’Asie sont naturellement amenés à commercer entre eux. D’une part, la Chine est pauvrement dotée en ressources naturelles, alors que plusieurs de ses voisins en sont abondamment dotés. D’autre part, la population active a atteint son maximum en 2010 en Chine et le travail non qualifié s’y raréfie, alors que des pays voisins comme l’Indonésie, l’Inde et le Bangladesh en disposent encore abondamment. Par conséquent, la Chine va exporter des biens nécessitant du travail qualifié et du capital et continuer d’utiliser des matières premières et du travail peu qualifié.

La distance continue également de jouer un rôle dans les transactions financières internationales, d’une part, parce que le savoir local se dissipe avec la distance et, d’autre part, parce que certaines transactions financières sont plus coûteuses lorsqu’elles sont réalisées dans différents fuseaux horaires. Dans la mesure où l’usage d’une devise dans les transactions transfrontalières découle de la géographie de ces transactions, chaque devise a tendance à être utilisée par les voisins de son émetteur. Effectivement, les sept premiers pays qui ont instauré des mécanismes pour convertir directement leur monnaie en renminbi (pour ne plus à avoir à acheter et à vendre des dollars lorsqu’ils désirent obtenir ou vendre des renminbis) sont précisément des pays asiatiques. Les pays asiatiques qui considèrent avoir des caractéristiques communes et notamment partager les mêmes vulnérabilités économiques et financières ont lancé des initiatives qui ont eu pour conséquence d’approfondir l’intégration économique et financière de la région.

Eichengreen et Lombardi avancent toutefois plusieurs arguments les amenant à douter que le renminbi se contente de jouer un rôle déterminant dans la seule Asie. Tout d’abord, les améliorations apportées dans le domaine du transport et aux technologies d’information et de communication rendent la distance moins tyrannique. Certes, les sept premiers pays à avoir instauré des mécanismes de conversion directs avec le renminbi sont asiatiques, mais de plus en plus de pays, dans le reste du monde, en instaurent également. Des centres offshore d’émission ou d’échange de renminbi s’ouvrent à travers le monde, notamment à Singapour, Francfort, Londres et Toronto, effritant le rôle privilégié que jouait jusqu’alors Hong Kong. Ce mouvement devrait se poursuivre à mesure que la Chine relâchera les contraintes sur l’usage du renminbi et ouvrira son compte de capital.

 

Référence

EICHENGREEN, Barry, & Domenico LOMBARDI (2015), « RMBI or RMBR: Is the renminbi destined to become a global or regional currency? », NBER, working paper, n° 21716, novembre.

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 16:02

Dans plusieurs pays, la déflation a pris la place de l’hyperinflation comme principal défi posé à la politique monétaire. Beaucoup d’économistes et de banquiers centraux considèrent en effet que la déflation des années trente a grandement contribué à la gravité de la Grande Dépression : les prix ont chuté d’un tiers entre 1929 et 1933 aux Etats-Unis. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le Japon peine difficilement à renouer avec l’inflation et avec la croissance, enchaînant les « décennies perdues » ; l’économie insulaire a par ailleurs basculé de nouveau en déflation et en récession ces derniers mois, malgré les mesures agressives (quoique contradictoires) de Shinzo Abe. Malgré les avertissements lancés par Paul Krugman (1998) et Ben Bernanke (2000) au terme de leurs travaux sur l’expérience japonaise, les autres pays avancés ont également fini par connaître une très faible inflation (lowflation) ces dernières années, dans le sillage de la crise financière mondiale.

Une baisse des prix généralisée n’est pas aussi bénéfique qu’on pourrait le penser de prime abord. Inspirée par la Grande Dépression et par la récente expérience japonaise, la littérature a en effet identifié plusieurs canaux à travers lesquels la déflation est susceptible de nuire à l’activité économique, tout du moins lors des récessions, et d’avoir tendance à s’auto-entretenir. En effet, la déflation désincite les entreprises à investir, puisqu’elle réduit les recettes nominales qu’elles peuvent retirer de leurs projets d’investissement. Elle désincite également les entreprises à embaucher, car elle accroît les salaires réels. L’anticipation de la déflation peut inciter les ménages à retarder leurs achats de biens durables, puisqu’ils pensent pouvoir les acheter plus tard à un plus faible prix. Selon le mécanisme de déflation par la dette (debt-deflation) d’Irving Fisher (1933), les emprunteurs, qu’il s’agisse d’agents privés ou d’Etats, voient le fardeau réel de leur dette augmenter avec la déflation non anticipée, ce qui les incite à réduire leurs dépenses pour se désendetter ; les entreprises endettées sont ainsi d’autant incitées plus incitées à réduire leurs investissements et à licencier. Comme les défauts de paiement augmentent, les banques sont davantage susceptibles de faire faillite, donc elles sont plus réticentes à prêter, ce qui aggrave en retour la situation financière des agents privés et la récession. En outre, la baisse des dépenses incite les entreprises à davantage réduire leurs prix, si bien que la déflation a tendance à s’auto-entretenir. Enfin, les banques centrales peuvent avoir une marge de manœuvre limitée pour contrer une déflation, car elles peuvent difficilement réduire les taux d’intérêt nominaux en-deçà de zéro. Bref, non seulement une déflation est nuisible, mais il est en outre difficile d’en sortir une fois qu’elle est là.

Plusieurs objections ont été soulevées, tant sur le plan théorique qu’empirique. D’une part, plusieurs économistes remettent en question l’idée que la déflation soit forcément une mauvaise chose. Michael Bordo, John Landon Lane et Angela Redish (2004) ont notamment observé l’impact de deux décennies de déflation (entre 1873 et 1893) et de deux décennies d’inflation (entre 1893 et 1913) sur l’activité aux Etats-Unis et en Allemagne. Ils ne constatèrent que très peu de preuves empiriques suggérant que la déflation soit associée à une plus faible croissance. Plus récemment, Claudio Borio, Magdalena Erdem, Andrew Filardo et Boris Hofmann (2015) ont affirmé que les coûts de la déflation ont été surestimés par la littérature. A partir d’un échantillon de 38 économies sur 140 années, ils estiment en effet que le lien entre croissance de la production et déflation est faible et qu’il s’explique essentiellement par la Grande Dépression. Ces divers auteurs suggèrent qu’il faut alors différencier entre « mauvaises déflations » et « bonnes déflations ». Ces dernières résultent de chocs d’offre positifs, qui accroissent la production et stimulent la demande grâce au surcroît de pouvoir d’achat associé à la baisse des prix ; ce pourrait être notamment le cas entre 1873 et 1893, lorsque les pays occidentaux s’industrialisaient et que le commerce international connaissait une véritable mondialisation. Les mauvaises déflations sont quant à elles associées à des chocs de demande négatifs ; ce pourrait être le cas des Etats-Unis dans les années trente et du Japon depuis les années quatre-vingt-dix. 

Barry Eichengreen (2015b) s’est alors demandé si ce que nous avons récemment observé relève d’une « bonne » ou d’une « mauvaise déflation ». Le fait que l’économie mondiale ait subi une récession synchrone à une crise financière mondiale (qui suivaient elles-mêmes une forte expansion du crédit) suggère qu’il s’agisse d’une mauvaise déflation.  Les ménages, les entreprises, les banques, mais aussi les gouvernements, ont pu chercher à se désendetter, donc à réduire leurs dépenses. En outre, le fait que les Etats-Unis et d’autres pays avancés connaissent un ralentissement de la croissance de la productivité depuis 2005 n’est pas non plus cohérent avec l’idée d’une « bonne déflation » associée à un choc d’offre positif. En effet, la croissance annuelle de la productivité mondiale est passée de 1 % entre 1996 et 2006 à quasiment zéro entre 2013 et 2015 [Eichengreen et alii, 2015]. Toutefois, le ralentissement de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt datent d’avant la crise financière mondiale, ce qui suggère qu’elles ne résultent pas seulement de cette dernière, ce qui tend à accréditer l’hypothèse de la stagnation séculaire avancée par Larry Summers (2014) : les pays avancés feraient face à une insuffisance chronique de la demande globale, en raison d’un excès d’épargne (désirée) sur l’investissement (désiré). Plusieurs raisons amènent toutefois Eichengreen à prendre avec précaution cette hypothèse… [Eichengreen, 2015a]. Si elle est toutefois valide, elle accrédite l’idée que l’inflation est susceptible de rester durablement faible.

Notamment parce qu’il n’y a pas de consensus sur l’existence et la nature de la déflation, il n’y a pas de consensus sur la réaction que doivent adopter les banques centrales. Or, pour certains, même si effectivement les économies font face à une déflation nuisible à l’activité, il n’est pas sûr que la politique monétaire soit à même de la combattre et, même si elle s’avère efficace, il n’est pas sûr qu’elle ne génère pas plus d’effets pervers que de bénéfices. En l’occurrence, le maintien de faibles taux d’intérêt et l’adoption de mesures non conventionnelles peuvent alimenter les prises de risque et l’endettement, c’est-à-dire alimenter des déséquilibres susceptibles d’entraîner une nouvelle crise financière.

Selon Eichengreen (2015b), si les mesures monétaires ne parviennent pas à relancer l’inflation, alors les autorités doivent en faire plus. Certaines banques centrales sont parvenues ces dernières années à légèrement pousser les taux d’intérêt en territoire négatif ; c’est le cas de la Banque de Suède, de la Banque nationale du Danemark, de la Banque nationale suisse et même de la BCE. Ce faisant, les banques centrales cherchent notamment à ce que les agents privés utilisent l’épargne de leurs comptes bancaires, soit pour consommer, soit pour acheter des actions et obligations : dans le premier cas, la demande globale s’en trouve directement stimulée : dans le second cas, elle est stimulée plus indirectement, via les effets de richesse que génère la hausse des cours boursiers et obligataires. Toutefois, non seulement il n’est pas certain que les banques centrales puissent fortement éloigner les taux d’intérêt de zéro, mais il est également possible que les taux d’intérêt négatifs mettent en difficulté le système bancaire. Ainsi, depuis le début de la crise financière mondiale, les banques centrales ont surtout cherché à provoquer des rééquilibrages de portefeuilles et à générer des effets de richesse en procédant à des achats d’actifs à grande échelle, notamment à des achats de titres publics dans le cadre de programmes d’assouplissement quantitatif (quantitative easing). Si les mesures supplémentaires sont susceptibles de menacer la stabilité financière, Eichengreen rappelle que des outils « macroprudentiels » peuvent être mis en place pour assurer cette dernière, tout en permettant aux banques centrales de continuer d’assouplir leur politique monétaire pour stimuler l’activité et l’inflation. Si les banques centrales manquent de titres publics à acheter, alors elles peuvent se tourner vers d’autres actifs.

Si les éventuels effets pervers des achats d’actifs à grande échelle et la forte hausse du bilan des banques centrales suscitent des inquiétudes chez ces dernières, alors elles peuvent coopérer avec les gouvernements pour émettre de la monnaie-hélicoptère : les banques centrales élargissent alors la base monétaire en procédant à des transferts au bénéfice des ménages ou des entreprises pour les inciter à consommer et à investir. Les autorités budgétaires peuvent elles-mêmes entreprendre les dépenses et les banques centrales financer ces dernières via la création monétaire. En l’occurrence, si les banques centrales utilisent la création monétaire pour financer des investissements publics dans les infrastructures, ces derniers peuvent s’opérer sans que la dette publique augmente ; ils peuvent même contribuer à la réduire. Dans tous les cas, les autorités monétaires peuvent exiger des gouvernements qu’ils s’engagent à les recapitaliser si elles le jugent nécessaire, par exemple si les achats d’actifs se soldent par d’importantes pertes.

La politique monétaire n’est pas le seul levier par lequel les autorités peuvent stimuler l’inflation. Si les banques centrales ne désirent pas adopter les mesures citées ci-dessus, de peur de voir leur indépendance, leur crédibilité ou leur solvabilité être remises en cause, alors les gouvernements peuvent adopter des plans de relance sans monétisation de leur dette. Dans des conditions normales, celles observées lorsque l’économie est en expansion, une expansion budgétaire peut conduire à un effet d’éviction sur la consommation et l’investissement du secteur privé, notamment en poussant les taux d’intérêt à la hausse. Mais lorsque l’économie fait face à une croissance atone, qu’elle soit en récession ou bien en prise avec une stagnation séculaire, alors elle tend à générer davantage d’épargne que d’investissement, si bien que l’excès d’épargne peut être facilement absorbé pour financer le surcroît de dépenses publiques sans pousser les taux d’intérêt à la hausse. C’est précisément ce qu’avait en tête Keynes lorsqu’il écrivait à propos de la trappe à liquidité : dans un cadre hicksien, la pente de la courbe LM est horizontale, si bien qu’un déplacement de la courbe IS vers la droite est susceptible de stimuler l’activité sans conduire à une hausse des taux d’intérêt. Bien sûr, le niveau élevé d’endettement des gouvernements suscite aujourd’hui des craintes quant à sa soutenabilité. Mais comme Brad DeLong et Larry Summers (2012) et le FMI (2014) l’ont souligné, dans notre environnement de très faibles taux d’intérêt, les gouvernements peuvent entreprendre des projets d’investissement susceptibles de largement s’autofinancer avec les recettes fiscales futures. Plaidant pour un surcroît d'investissement public dans les infrastructures, le FMI a notamment montré que celui-ci n’a typiquement pas d’impact sur les coûts de financement public et qu’il réduit les ratios dette publique sur PIB à court terme comme à long terme.

Au final, Eichengreen en conclut que les autorités ne sont pas démunies face à la déflation ; cette dernière ne persiste et ne s’aggrave que si les autorités monétaires et budgétaires renoncent faire suffisamment d’efforts pour la combattre.

 

Références

BERNANKE, Ben S. (2000), « Japanese monetary policy: A case of self-induced paralysis? », in Ryoichi Mikitani and Adam Posen (dir.), Japan’s Financial Crisis and Its Parallels to U.S. Experience, Institute for International Economics.

BORDO, Michael D., John LANDON LANE, Angela REDISH (2004), « Good versus bad deflation: Lessons from the Gold Standard era », NBER, working paper, n° 10329, février.

DELONG, Brad, & Lawrence SUMMERS (2012), « Fiscal policy in a depressed economy », Brookings Papers on Economic Activity, vol. 44, n° 1.

BORIO, Claudio, Magdalena ERDEM, Andrew FILARDO & Boris HOFMANN (2015), « The costs of deflations: a historical perspective », BRI, BIS Quarterly Review, mars.

EICHENGREEN, Barry (2015a), « Secular stagnation: The long view », NBER, working paper, n° 20836, janvier.

EICHENGREEN, Barry (2015b), « Deflation and monetary policy », Banque de Corée, working paper, n° 2015-25.

EICHENGREEN, Barry, Donghyun PARK, & Kwanho SHIN (2015), « The global productivity slump: common and country-specific factors », NBER, working paper, n° 21556, septembre.

FISHER, Irving (1933), « The debt deflation theory of great depressions », in Econometrica, vol. 1, n° 4. Traduction française, « La théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation », in Revue française d’économie, vol. 3, n°3, 1988.

FMI (2014), « Is it time for an infrastructure push? The macroeconomic effects of public investment », in World Economic Outlook, octobre. 

KRUGMAN, Paul (1998), « It’s Baaack: Japan’s slump and the return of the liquidity trap », in Brookings Papers on Economic Activity, vol. 19, n° 2. 

SUMMERS, Lawrence (2014), « U.S. economic prospects: Secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound », in Business Economics, vol. 49, n° 2.

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 16:20

Les trois dernières décennies ont été marquées par un essor des inégalités de revenu dans plusieurs pays à travers le monde, notamment au sein des pays avancés. Les études se sont multipliées pour expliquer cette évolution et plusieurs d’entre elles se sont focalisées sur le rôle du commerce international dans la mesure où la mondialisation des échanges commerciaux s’est poursuivie à un rythme soutenue durant cette période : l’ouverture au commerce extérieur et l’émergence de pays émergents comme la Chine ont peut-être eu tendance à déprimer les salaires des travailleurs les moins qualifiés des pays avancés et à accroître leur exposition au chômage.

La mondialisation n’a toutefois pas été seulement commerciale. Ces trois dernières décennies ont été également marquées par une ouverture financière croissante des économies : chaque pays a eu tendance à alléger les restrictions sur les flux de capitaux avec le reste du monde, or si les études ont cherché à préciser l’impact que cet aspect de la mondialisation financière peut avoir sur la croissance économique, elles ont par contre eu tendance à négliger son impact sur les inégalités.

Davide Furceri et Prakash Loungani (2015a) ont pourtant identifié plusieurs canaux à travers lesquels la libéralisation du compte de capital est susceptible d’influencer les inégalités de revenu. Premièrement, la libéralisation influence le partage des risques. En théorie, l’ouverture financière stimule le partage international des risques et contribue par là à lisser les dépenses de consommation. Cela dépend toutefois en pratique de la qualité des institutions financières en place. En effet, si les institutions financières d’un pays sont peu développées et si l’accès du crédit est très inégal en son sein, alors la libéralisation ne favorisera que les ménages ayant accès au crédit, en l’occurrence les ménages les plus riches, ce qui est susceptible d’accroître les inégalités de revenu au sein de ce pays.

Deuxièmement, la libéralisation financière peut alimenter l’instabilité financière. En effet, les mouvements internationaux de capitaux tendent à être volatiles, si bien que les réformes tendent à accentuer la fréquence des crises financières. L’impact des crises financières sur les iéngalités de revenu est toutefois ambigu. D’un côté les crises financières peuvent contribuer à réduire les inégalités de revenu en réduisant les revenus et la richesse des ménages les plus aisés, dans la mesure où elles se traduisent par une baisse des prix d’actifs et où ce sont avant tout les plus aisés qui possèdent un patrimoine financier et immobilier. D’un autre côté, les récessions provoquées par les crises financières tendent à affecter les ménages les plus pauvres, notamment parce que ce sont ces derniers qui sont les plus susceptibles de perdre leur emploi et de rester au chômage. 

Troisièmement, la libéralisation du compte de capital peut affecter la répartition des revenus en influençant la répartition du revenu entre travail et capital. Par exemple, la libéralisation du compte de capital accroît le pouvoir de négociation des propriétaires du capital face aux travailleurs, dans la mesure où les entreprises domestiques peuvent menacer de délocaliser leur production à l’étranger ; elle amène ainsi les travailleurs à plus facilement accepter les baisses de salaires ou tout du moins la modération salariale. Or, les revenus du capital sont plus concentrés entre les mains des ménages les plus aisés que les revenus du travail, si bien qu’une déformation du partage du revenu national en faveur du capital est susceptible d’entraîner une hausse des inégalités de revenu [Milanovic, 2015].

Davide Furceri et Prakash Loungani (2015a) ont analysé l’impact de la libéralisation du compte de capital sur la répartition des revenus en utilisant les données relatives à 149 pays sur la période s’écoulant entre 1970 et 2010. Les réformes contribuant à libéraliser le compte de capital sont associées à une hausse statistiquement significative et persistante des inégalités de revenu. En effet, ces réformes accroissent en moyenne le coefficient de Gini de 0,8 % à très court terme (au cours de l’année qui suit la réforme) et d’environ 1,4 % à moyen (au cours des cinq années suivant la réforme). La hausse des inégalités semble tout particulièrement s’expliquer par la déformation du partage des revenus : les réformes tendent en effet à réduire la part du revenu rémunérant le travail. En outre, l’analyse de Furceri et Loungani suggère que le niveau de développement financier et la probabilité de crises financières façonnent la réponse des inégalités aux réformes. En l’occurrence, les réformes de libéralisation du compte de capital accroissent d’autant plus les inégalités dans un pays donné que les institutions financières domestiques sont peu développées et que les réformes sont suivies par des crises financières. Ces résultats confirment aux yeux de Furceri et de Loungani qu’une ouverture du compte de capital n’est réellement bénéfique aux pays que si le développement de leurs institutions financières a atteint un certain seuil.

 

Références

FURCERI, Davide, & Prakash LOUNGANI (2015a), « Capital account liberalization and inequality », FMI, working paper, novembre, n° 15/243.

FURCERI, Davide, & Prakash LOUNGANI (2015b), « Openness and inequality: Distributional impacts of capital account liberalization », in iMFdirect, 24 novembre.

MILANOVIC, Branko (2015), « Increasing capital income share and its effect on personal income inequality », MPRA paper, n° 67661.

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