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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 20:03

La Grande Récession a été précédée par une puissante expansion des prix des matières premières. Entre 2003 et 2008, les prix réels de l’énergie et des métaux ont plus que doublé, atteignant des records historiques, tandis que les prix réels des produits alimentaires ont augmenté de 75 % [Erten et Ocampo, 2012]. Si les premiers semblent effectivement connaître une trajectoire haussière à long terme, les prix des produits agricoles avaient quant à eux plutôt tendance à diminuer depuis les années quatre-vingt. La crise mondiale, en se traduisant mécaniquement par un fort ralentissement de la croissance économique, a entraîné une forte baisse des prix, avant que ceux-ci se reprennent très rapidement, laissant suggérer une poursuite durable du boom. Ce « super-cycle » du prix des matières premières n’est pas unique dans l’histoire économique, même s’il se singularise de par ampleur et sa durée. Le développement de la Chine est très certainement moteur dans leur évolution actuelle, de la même manière que la reconstruction européenne et l’industrialisation du Japon, qui était alors une économie émergente, ont été à l’origine d’un forte accroissement des prix des matières premières au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

David S. Jacks (2013) a étudié l’évolution des prix réels de 30 matières premières depuis 1850. Déployant son analyse sur plusieurs horizons temporels, il distingue les tendances à long terme, les cycles à moyen terme et les épisodes de boom et d’effondrement que l'on peut observer à court terme. Selon la pondération privilégiée par l’auteur, les prix réels des matières premières ont en moyenne augmenté de 252,41% depuis 1900, de 191,77% depuis 1950, et de 46,23% depuis 1975. Ils ont clairement été à la hausse depuis 1950. Cette tendance s’expliquerait avant tout par l’évolution propre aux prix des énergies.

Les super-cycles des prix des matières premières surviennent de manière récurrente et ils se traduisent par de fortes déviations positives des prix par rapport à leur tendance à long terme. Les phases haussières peuvent s’étendre sur 10 à 35 ans, si bien que la durée d’un super-cycle complet est comprise entre 20 et 70 ans. Les mouvements haussiers, qui sont souvent associés à des épisodes historiques d’industrialisation ou d’urbanisation, sont avant tout tirés par la demande dans un contexte où de nombreuses matières premières, notamment l’énergie, les métaux et les minéraux, subissent de lourdes contraintes du côté de l’offre. Ainsi, l’industrialisation rapide de la Chine, de l’Inde et des autres pays émergents a pu directement contribuer à l’émergence du super-cycle en cours. Réciproquement, les prix réels retournent typiquement à leur tendance à long terme lorsque ces contraintes de capacité se desserrent et que la croissance économique ralentit. Ainsi, puisque les super-cycles sont tirés par la demande, ils tendent alors à se synchroniser au cours du temps.

La majorité des matières premières analysées par Jacks ont débuté un nouveau super-cycle au cours des années quatre-vingt-dix. Cet ensemble de super-cycles est actuellement à son pic, si bien les prix réels devraient prochainement amorcer leur retour à leur tendance à long terme. En outre, de nombreuses études, en particulier celles réalisées dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix, avaient précédemment conclu que les prix réels des matières premières ne révélaient aucune tendance particulière ou, si elles parvenaient à en extraire une, qu’ils étaient sujets à une tendance baissière. Or, ces analyses ont précisément été réalisées sur une période où la majorité des matières premières suivaient la phase descendante de leur super-cycle.

Enfin, Jacks fait apparaître que les super-cycles des matières premières ont depuis toujours été régulièrement ponctués par des booms et des effondrements à court terme, mais ces mouvements tendent à s’amplifier au cours du temps. En outre, l’analyse suggère que les périodes de taux de change flottant sont associées à des booms et effondrements des prix réels beaucoup plus amples et plus longs. Ce schéma est particulièrement visible lors des quatre décennies qui suivent l'éclatement du système de Bretton Woods. Les booms et effondrements sont à leur tour associés à une plus forte volatilité des prix des matières premières, or une partie de la littérature économique a mis en évidence une corrélation négative entre la volatilité des prix des matières premières et la croissance économique. Jacks en conclut que celle-ci risque alors de persister à l’avenir et ainsi de continuer à affecter les perspectives de croissance, en particulier celles des pays exportateurs de matières premières.

Pour préciser les répercussions de cette volatilité des prix sur l’activité économique, Jacks observe son impact sur l’économie australienne. Selon ses estimations, avec un boom du prix des matières premières, le PIB australien tend à s’élever de 6,47 % par rapport à sa tendance à long terme. Lorsque les prix connaissent au contraire un effondrement, le PIB australien tend à diminuer de 8,22 % par rapport à sa tendance à long terme. L’accroissement de la volatilité des prix des matières premières pourrait alors entraîner à l’avenir de plus larges déviations.

 

Références

ERTEN, Bilge, & José Antonio OCAMPO (2012), « Super-cycles of commodity prices since the mid-nineteenth century », DESA working paper, n° 110.

JACKS, David S. (2013), « From boom to bust: A typology of real commodity prices in the long run », NBER working paper, n° 18874, mars.

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