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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 21:39

Le taux de pauvreté dans le monde a fortement diminué, puisqu’il était de 42 % il y a deux décennies et devrait s’établir à 15 % en 2015, mais 1 milliard de personnes vivent toujours dans la pauvreté. Beaucoup d’individus dans le monde ont un revenu supérieur au seuil de pauvreté, mais ils restent vulnérables à d’éventuels chocs susceptibles de les faire basculer dans la pauvreté. Le changement climatique et les politiques climatiques sont susceptibles d’affecter la pauvreté que ce soit directement (en provoquant des désastres naturels) ou indirectement. En l’occurrence, le rôle déterminant de la croissance économique dans la réduction de la pauvreté [Dollar et alii, 2013] ; donc le changement climatique est susceptible de ralentir cette dernière en freinant la première, ne serait-ce qu'en accroissant l'intensité et la fréquences des événements extrêmes comme les cyclones.

Dans une contribution pour la Banque mondiale, Stephane Hallegatte, Mook Bangalore, Laura Bonzanigo, Marianne Fay, Ulf Narloch, Julie Rozenberg et Adrien Vogt-Schilb (2014) se sont alors demandé comment le changement climatique et les politiques climatiques sont susceptibles d’affecter le bien-être courant des pauvres. Les conditions de vie spécifiques des pauvres peuvent en effet davantage les exposer aux désastres naturels, à un moindre accès aux biens et services environnementaux et à une hausse des prix de l’énergie. Anirudh Krishna (2007) a par exemple observé qu’au cours d’une période de 25 ans, 14 % des ménages de l’Etat indien de l’Andhra Pradesh sont sortis de la pauvreté, alors que 12 % des ménages y tombaient, si bien qu’au final la pauvreté a été réduite de 2 % sur l’ensemble de la période. Le flux net de sortie de pauvreté est bien plus faible que les flux bruts d’entrées et de sorties. Par conséquent, un quelconque changement des flux bruts est susceptible de fortement influencer le flux net de sorties. Dans le cas des communautés de l’Andhra Pradesh, une hausse inférieure de 10 % du nombre de pauvres tombant dans la pauvreté chaque année (ce qui serait le cas si les flux d’entrées passaient de 12 à 13 % par an) et une réduction inférieure à 10 % du nombre de ménages échappant à la pauvreté (ce qui serait le cas si le flux de sorties passait de 14 % à 13 % par an) réduiraient de moitié le rythme de réduction de la pauvreté. 

Les auteurs se sont ensuite demandé si le changement climatique et les politiques climatiques rendent plus probable que des personnes vulnérables basculent à l’avenir dans la pauvreté. Ils constatent que, parmi les 12 % des ménages de l’Andhra Pradesh qui ont basculé dans la pauvreté, 44 % d’entre eux citent « la sécheresse, les pannes d’irrigation et les maladies des cultures » comme l’une des raisons pour leurs pertes de revenus. Ou encore, parmi les familles bangladaises tombées dans la pauvreté qu’observe Binayak Sen (2003), 15 % citent les désastres naturels et 18 % la part d’actifs naturels comme principales raisons de leur basculement dans la pauvreté. Plus généralement, les ménages les plus pauvres sont les plus exposés aux impacts climatiques et les moins équipés pour s’en prévenir ou pour s’en remettre. Les désastres naturels accroissent la pauvreté d’une communauté donnée lorsqu’ils touchent celle-ci, avec un impact significatif et durable.

Les auteurs se sont enfin demandé si le changement climatique et les politiques climatiques exacerbaient les trappes à pauvreté, c’est-à-dire s'ils compliquent la sortie des pauvres de la pauvreté. L’épuisement des ressources naturelles et les politiques climatiques d’atténuation peuvent accroître les prix de l’énergie et de l’alimentation, compliquant alors l’accès des pauvres à l’énergie et à l’alimentation. Puisque ces dépenses constituent déjà une part essentielle de leur revenu, leurs autres postes de dépenses s’en trouveraient davantage pressurisés. L’accroissement des risques environnementaux (par exemple des déluges) aggrave les pertes d’actifs, ce qui complique davantage l’accumulation du capital. Il accroît également l’incertitude, ce qui désincite les individus à investir, que ce soit dans le capital physique ou dans le capital humain. En effet, les désastres naturels réduisent l’investissement dans l’éducation, la nutrition et la santé des enfants, or un tel sous-investissement a des répercussions particulièrement pernicieuses et quasi irréversibles sur ces derniers. Par conséquent, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des désastres naturels dans le sillage du changement climatique est susceptible d’accroître la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.

Le changement climatique représente vraisemblablement un puissant obstacle à la réduction de la pauvreté. Non seulement le réchauffement climatique est susceptible de compliquer la sortie de la pauvreté, mais il pourrait également amener davantage de gens dans la pauvreté. Si le changement climatique est davantage susceptible de créer des trappes à pauvreté, il constitue un argument supplémentaire pour éradiquer la pauvreté extrême le plus rapidement possible.

 

Références

DOLLAR, David, Tatjana KLEINEBERG & Aart KRAAY (2013), « Growth still is good for the poor », Banque mondiale, policy research working paper, N° 6568.

HALLEGATTE, Stephane, Mook BANGALORE, Laura BONZANIGO, Marianne FAY, Ulf NARLOCH, Julie ROZENBERG & Adrien VOGT-SCHILB (2014), « Climate change and poverty. An analytical framework », Banque mondiale, policy research working paper, n° 7126.

KRISHNA, Anirudh (2006), « Pathways out of and into poverty in 36 villages of Andhra Pradesh, India », in World Development, vol. 34, n° 2.

SEN, Binayak (2003), « Drivers of escape and descent: Changing household fortunes in rural Bangladesh », in World Development, vol. 31, n° 3.

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commentaires

M
Ah....triste monde !
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