Les économistes et les responsables politiques considèrent les investissements directs à l’étranger (IDE) comme des flux de capitaux favorables à la croissance à long terme des économies qui les reçoivent. En effet, ils permettent à ces derniers d’accroître leurs capacités de production en utilisant l’épargne étrangère. Ainsi, les IDE contribuent à ce que les pays en développement évitent de basculer ou de rester piégés dans une trappe à sous-développement en raison de leur faible épargne domestique. D’autre part, les flux IDE sont a priori relativement stables, dans la mesure où leurs initiateurs suivent une stratégie de long terme et observent l’évolution des fondamentaux à moyen terme pour prendre leurs décisions. Par contre, les autres flux de capitaux, notamment les flux de portefeuille, sont souvent considérés comme plus volatiles et ils peuvent être déstabilisateurs. Par exemple, ils semblent avoir joué un rôle déterminant dans les épisodes de crises de change que les pays émergents ont pu connaître par le passé. Ainsi, lorsqu’il est question de contrôles des capitaux, ce sont précisément des flux de capitaux comme les flux de portefeuille que ces mesures cherchent avant tout à restreindre, tandis que les économistes et les responsables politiques tendent à en exempter les IDE.
Olivier Blanchard et Julien Acalin (2016) se sont penchés sur les flux d’IDE tels qu’ils sont mesurés dans les balances de paiements en utilisant les données trimestrielles relatives aux entrées et sorties d’IDE dans 25 pays émergents entre le premier trimestre 1990 et le quatrième trimestre 2015. Ils ont tiré de leur analyse plusieurs constats qui remettent en question l’image que la littérature et les déclarations publiques donnent habituellement aux IDE.
Par exemple, on s’attendrait à ce qu’il n’y ait aucune corrélation entre, d’une part, les IDE entrants et, d’autre part, les IDE sortants ou alors qu’il y ait une corrélation négative entre eux. En effet, si un pays apparaît comme attractif aux yeux des investisseurs étrangers, il serait étonnant que les investisseurs domestiques trouvent plus rentable d’investir à l’étranger. Ainsi, on s’attendrait à ce que les IDE entrants soient d’autant plus élevés que les IDE sortants soient faibles (et réciproquement). Or, Blanchard et Acalin mettent en évidence une corrélation positive assez élevée entre les IDE sortants et les IDE entrants. Ils en concluent alors qu’une grande partie de ce que l’on mesure dans plusieurs pays comment étant des IDE entrants sont en fait que des flux de capitaux qui transitent en leur sein, très certainement pour profiter d’une fiscalité plus favorable, et qu’ils ont en fait un tout autre pays pour destination finale. Ce problème est reconnu depuis longtemps, aussi bien par les statisticiens travaillant sur les IDE que par les autorités publiques elles-mêmes, mais Blanchard et Acalin mettent en évidence une corrélation bien plus large qu’attendu.
A la différence des autres flux de capitaux, notamment des flux de portefeuille, on pourrait s’attendre à ce que les flux d’IDE soient peu sensibles au taux d’intérêt de la Fed, du moins à court terme. Certes, si la Fed assouplit sa politique monétaire, les flux de portefeuille et surtout les flux d’endettement devraient davantage s’orienter vers les pays émergents, afin d’y profiter de plus hauts rendements, mais aussi les flux d’IDE ne devraient a priori pas réagir à l’assouplissement de la politique monétaire américaine. Or, Blanchard et Acalin constatent que les entrées d’IDE dans les pays émergents tendent à augmenter suite à une baisse du taux directeur de la Fed et même à augmenter plus rapidement que les flux d’endettement. En outre, on pourrait s’attendre à ce que les sorties d’IDE en provenance des pays émergents ne réagissent pas à une baisse du taux directeur de la Fed ou, alors, qu’elles baissent suite à celle-ci. Or, Blanchard et Acalin constatent que les IDE sortants des pays émergents tendent au contraire à s’accroître lorsque la Fed assouplit sa politique monétaire. Ces deux constats amènent ainsi les auteurs à considérer qu’une grande partie des flux de capitaux enregistrés comme flux d’IDE s’apparentent en fait davantage à des flux d’endettement, dans la mesure où ils répondent davantage aux changements de court terme de la politique monétaire américaine plutôt qu’aux fondamentaux de moyen terme des pays qui les génèrent et des pays qui les reçoivent.
Référence